CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 10PA02448

  • Intérêts moratoires·
  • Marchés publics·
  • Facture·
  • Sociétés·
  • Ville nouvelle·
  • Délai·
  • Litige·
  • Retard·
  • Ville·
  • Point de départ

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE 13 décembre 1996 Société Bec Frères N° 133 373

Texte intégral

N° 10PA02448
----
Société SEGEX
Séance du 16 avril 2013
Lecture du 21 mai 2013
CONCLUSIONS de M. ROUSSET, Rapporteur public 1) La SEMMARIS est une Société d’économie mixte créée par un décret du 13 juillet 1962, dont le capital est majoritairement détenu par l’Etat, la ville de Paris et le département du Val de Marne et qui est en charge de l’aménagement et de la gestion du marché d’intérêt national de Rungis.
Par trois marchés conclus respectivement pour une durée de 3, 3 et 6 ans, elle a confié à la société SEGEX à compter du 1er janvier 1995 la maintenance des voiries (lot n° 1), la maintenance du second œuvre bâtiment (lot n° 2) et la gestion technique des centres de traitement (lot n° 6).
Ces marchés ont été passés après application de la procédure de publicité et de mise en concurrence définie pour certains contrats des SEM par l’article 48 I de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 (dite loi Sapin) et son décret d’application n° 93-122 du 26 mars 1993 alors en vigueur.
En vertu de l’article 3-2 de leur CCAP, le cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ( CCAG/FCS), était applicable à ces contrats.
Vous ne savez pas grand-chose sur les conditions d’exécution de ces marchés mis à part le fait que, selon la société SEGEX, un certain nombre de factures lui aurait été payée avec retard.
Le 1er juin 1999 le titulaire a ainsi adressé à la SEMMARIS une facture de 189 004,13 Francs ( 28 813,49 euros) correspondant au montant total des intérêts moratoires contractuels qui lui seraient dus pour retard dans le paiement de 66 factures émises en 1995, 1996, 1997 et 1998 au titre de prestations exécutées dans le cadre des trois marchés .
Un tableau récapitulatif était joint à ce courrier et la date limite de règlement était fixée au 16 juillet 1999.
La SEMMARIS n’a ni répondu ni payé.
Le titulaire a réitéré, tout aussi vainement, ses demandes en 2002.
Le 17 décembre 2003 la société SEGEX a proposé à la SEMMARIS, en application de l’article 35 des CCAP, de soumettre le litige à un conciliateur.
En l’absence de réponse, le titulaire des trois marchés a saisi, comme le prévoyaient les CCAP, le tribunal de commerce de Créteil qui s’est toutefois déclaré incompétent pour désigner un conciliateur au motif que la SEMMARIS agissait comme mandataire de l’Etat et que les litiges relatifs à l’exécution des marchés précités relevaient de la compétence de la juridiction administrative.
La société SEGEX s’est alors tournée vers le tribunal administratif de Melun qui par un jugement du 18 février 2010 a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la société SEMMARIS à lui verser une somme de 28 813,49 euros au titre des intérêts moratoires dus sur les factures réglées avec retard et à titre subsidiaire à la désignation d’un conciliateur.
C’est ce jugement que la société Segex conteste aujourd’hui devant vous.
2) Au préalable, et avant d’examiner le fond de l’affaire, rappelons que par votre arrêt du mars 2013 SEMMARIS N° 10pa05993, vous avez admis, contrairement à ce que nous vous proposions, que les marchés de prestation de service conclus par la Semmaris dans le cadre de sa mission de gestion du marché d’intérêt national de Rungis devaient être regardés comme étant passés pour le compte de l’Etat, qu’ils devaient par suite être qualifiés de contrats administratifs et que les litiges relatifs à leur exécution relevaient par conséquent de la compétence du juge administratif.
Dans le prolongement logique de cette décision, vous considérerez donc que le juridiction administrative est bien compétente pour statuer sur le différend qui oppose aujourd’hui la SEMMARIS à son ancien prestataire.
3) Vous écarterez ensuite aisément les conclusions par lesquelles la société SEGEX sollicite l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il n’a pas fait droit à sa demande tendant à la désignation d’un conciliateur.
En effet, dès lors que la société Segex a fait le choix de demander au juge de condamner la SEMMARIS à lui régler les intérêts moratoires contestés, elle devait nécessairement être réputée avoir renoncé aux modes de règlement amiable des litiges organisés par les marchés et notamment à la conciliation prévue par l’article 35 des CCAP.
Le tribunal était par suite fondé à rejeter par le jugement attaqué ses conclusions subsidiaires tendant à la désignation d’un conciliateur.
4) S’agissant maintenant des conclusions relatives au paiement des intérêts moratoires contractuels, vous censurerez le motif retenu par les premiers juges pour rejeter les conclusions de la société Segex.
a) Le tribunal a fait droit à la fin de non recevoir contractuelle opposée par la SEMMARIS tirée de ce que faute d’avoir respecté les stipulations de l’article 34-1 du CCAG FCS, la société Segex était forclose pour demander la condamnation du maitre d’ouvrage à lui verser les 28 813,49 euros correspondant aux interêts moratoires qui lui seraient dus pour le paiement tardif des 66 factures précitées .
b) Il ressort de l’ article 34-1 du CCAG FCS qu’un mémoire de réclamation doit en effet être présenté par le titulaire dans les 30 jours suivant la naissance d’un différend avec le maitre d’ouvrage, à peine d’irrecevabilité de la saisine du juge du contrat ( en ce sens CE 31 mai 2010 Office public de l’habitat de la communauté urbaine de Strasbourg N°313 184 B) c) Toutefois par son arrêt du 29 mai 1991 92551 B Etablissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, le CE a jugé que « Dès lors que le cahier des clauses administratives générales prévoit que les intérêts moratoires courent de plein droit à la fin d’un délai au terme duquel la collectivité publique aurait dû respecter les clauses dudit cahier, le requérant n’a pas à demander le paiement des intérêts moratoires au taux contractuel préalablement à la saisine du juge. »
Or il nous semble que nous sommes précisément dans cette situation.
L’article 8-5 des CCAP applicables aux trois marchés en cause indique que « le mandatement des sommes arrêtées doit intervenir 45 jours au plus tard après la remise de la facture ».
L’article 8-6 du CCAG FCS stipule pour sa part que « le titulaire a droit à des intérêts moratoires dans les conditions réglementaires en cas de retard dans les mandatements (…).
Ainsi que l’a rappelé le CE dans une espèce topique cette référence dans le CCAG « aux conditions réglementaires » ne peut renvoyer qu’ à celles qui s’appliquent aux marchés publics et non comme le soutient la SEMMARIS à l’article 1153 du code civil ( CE 13 décembre 1996 Société Bec Frères N°133 373).
Or l’article 178 du code des marchés publics alors en vigueur, auquel les parties ont nécessairement entendu se référer lorsqu’elles ont choisi de se soumettre au CCAG FCS, disposait que le défaut de mandatement dans le délai prévu « fait courir de plein droit et sans autres formalités » les intérêts moratoires.
Comme le rappelait le commissaire du gouvernement dans ses conclusions sous l’arrêt précité Etablissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, il est dans ces conditions « difficile de soutenir que des intérêts qui courent de plein droit et sans autre formalité doivent avoir été demandés au maitre de l’ouvrage avant de l’être au juge ».
L’automaticité des intérêts moratoires étant précisément destinée à éviter au titulaire toute démarche préalable, les désaccords portant sur leur principe ou sur leur montant doivent ainsi logiquement pouvoir, sauf si les parties ont expressément stipulé le contraire , être portés pour la première fois devant le juge.
c) Vous censurerez donc le motif retenu par le tribunal pour rejeter les conclusions précitées et vous vous prononcerez sur le bien fondé de la demande, non par la voie de l’évocation mais au titre de l’effet dévolutif de l’appel dès lors qu’ en dépit des termes utilisés, la forclusion accueillie par le jugement ne sanctionnait pas la méconnaissance d’une règle de procédure mais l’absence de droit du titulaire à percevoir, en règlement des marchés, la somme réclamée ( sur cette question voyez D Chabanol, JP Jouguelet Le régime juridique des marchés publics Ed Le Moniteur p 335 N° 134).
5) Sur le fond, vous pourrez sans difficulté retenir un autre motif pour confirmer la solution de rejet de la requête retenue par le tribunal.
Rappelons que la société Ségex soutient que la Semmaris lui aurait payé avec retard 66 factures qu’elle lui avait adressées en règlement de prestations effectuées dans le cadre des trois marchés en litige.
Des stipulations et dispositions combinées des articles 8 du CCAP , 8 du CCAG FCS et 178 du Code des marchés publics alors en vigueur, auxquels les parties ont entendu se soumettre, il ressort que la Semmaris disposait d’un délai de 45 jours pour mandater les sommes dues à son cocontractant et que la réception des factures par la SEM constituait le point de départ de ce délai de 45 jours.
Mais la société Segex qui soutient que 66 factures, que du reste elle ne produit pas, auraient été payées tardivement, n’est pas en mesure d’établir la date à laquelle ces factures ont été reçues par la Semmaris qui, pour sa part, fait valoir qu’elle a procédé au mandatement des sommes dues dans le délai de 45 jours qui lui était imparti.
En cas de désaccord, comme en l’espèce, sur le point de départ du délai, c’est bien à la société Segex, qui prétend que le délai de mandatement n’a pas été respecté, d’en apporter la preuve.
Vous observerez d’ailleurs, même si ce texte n’est pas applicable dans notre affaire, que cette règle est désormais explicitement posée par le I de l’article 1er du décret n°2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics qui dispose qu’en cas de litige sur le point de départ du délai de paiement « il appartient au titulaire de la commande d’administrer la preuve de cette date ».
Dans ces conditions, la société Segex qui se borne à mentionner dans un tableau récapitulatif et pour seulement certaines des factures en litige des dates de réception qui sont contestées par la SEMMARIS, n’est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant au versement de 28 813, 49 euros d’intérêts moratoires contractuels.
PCMNC
-Au rejet de la requête,
- A ce que la Société SEGEX verse à la société SEMMARIS, une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 10PA02448