CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 93PA01080

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Sur renvoi de : Conseil d'État, 19 janvier 1988
Précédents jurisprudentiels : CAA Nantes 22 mai 1991 n° 611 PlŠn. RJF 8-9/91 n° 1154
CAA Nantes 27 mai 1992 n° 17 RJF 11/92 n° 1564
CAA Nantes n° 91-60 du 31 décembre 1992
CAA Paris 7 décembre 1993 n° 92-1061
CE 20 juillet 1988 n° 95155 Lebon p.965
CE 24 juin 1960 Ass. SARL Le Monde Lebon p. 412
CE 26 octobre 1988 n° 74948 RJF 12/88 n° 1387
CE29 mars 1989 n° 42913
CE 4octobre 1961 n° 46004 Lebon p. 532
CE Ass. 31 octobre 1980 Fédération nationale des unions de jeunes avocats Lebon p. 394
CE CAPC 10 juillet 1992 n° 122/93 RJF11/92 n° 1573
CE sect. 13 janvier 1961 Magnier p. 32
CE section 21 octobre 1966 Lebon p. 564
Conseil d'Etat 6 mars 1991 n° 67438 et 67439 RJF 5/91 n° 689

Texte intégral

N° 93PA01080
Audience du 20 Septembre 1994
Lecture du 4 octobre 1994 M. X
Conclusions de Mme B, Commissaire du Gouvernement
Par une décision en date du 20 janvier 1988 (n° 56094),le Conseil d’Etat a condamné M. et Mme X à une amende pour recours abusif de 5.000 F dans le cadre d’un contentieux de taxe d’habitation; le 31 juillet 1988 cette amende a été mise en recouvrement par le trésorier principal du 15e arrondissement de Paris ; le 25 avril 1991 un avis à tiers détenteur a été adressé à la Banque nationale de Paris pour avoir paiement de la somme de 5.948 F due au titre de l’amende et des frais de poursuites.
Cet avis à tiers détenteur est resté infructueux, la banque ayant informé l’administration de ce que M. X n’était pas titulaire de compte, ni créancier d’avoirs à son siège d’envoi. Plus de deux années et demie plus tard, un second avis à tiers détenteur daté du 9 novembre 1993 est envoyé à la Poste, qui cette fois-ci produit effet, puisque le compte-courant postal de M. X est débité le 19 janvier 1994 d’une somme totale de5.948 F.
Mais les faits simples de cette affaire ont donné lieu à un contentieux qui soulève en appel plusieurs questions délicates. En effet, l’intéressé a engagé un contentieux du recouvrement de cette amende. Une première fois, il a fait opposition au commandement à payer ladite amende, la contestation étant, in fine, rejetée par jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 juillet 1990, qui admettait ce faisant implicitement sa compétence. Les premiers juges ont considéré que le droit de grâce du Président de la République ne pouvait s’appliquer qu’à des peines prononcées par les juridictions de l’ordre judiciaire et que la circonstance qu’un recours en grâce avait été introduit par M. X était inopérante pour s’opposer à la mesure de recouvrement de l’amende pour recours abusif.
Par un arrêt du 22 octobre 1991, votre cour rejeta la requête de M. X tendant à l’annulation du jugement du 3 juillet 1990 au motif qu’elle ne concernait pas une matière dispensée d’avocat et que faute de constitution d’avocat elle était donc irrecevable.
Mais dans une phase ultérieure de la procédure de recouvrement de cette amende, M. X formait opposition -par lettre du 14 mai 1991- au premier avis à tiers détenteur. Cette réclamation ayant fait l’objet d’une décision implicite de rejet, l’intéressé l’a déféré au tribunal administratif de Paris qui, par jugement du 2 février 1993, a rejeté la demande comme irrecevable faute d’avoir été présentée avec ministère d’avocat ; les premiers juges ont octroyé une nouvelle amende pour recours abusif à M. X.
C’est ce jugement qui vous est déféré par l’intéressé. Il vous saisit dans le cadre d’une requête présentée après régularisation avec ministère d’avocat.
I)- La première question à examiner est celle de la recevabilité de la requête en appel.
Dans le délai d’appel, M. X présente des conclusions relatives au recouvrement de l’amende et à l’annulation du jugement. Certes le seul moyen développé dans ce délai est tiré de l’irrégularité du jugement et de ce que l’intéressé n’a pas été convoqué à l’audience. Il n’y a aucun moyen propre au recouvrement de l’amende. Mais, divergeant en cela de la jurisprudence de la cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes 22 mai 1991 n° 611 PlŠn. RJF 8-9/91 n° 1154 et CAA Nantes 27 mai 1992 n° 17 RJF 11/92 n° 1564) qui considère qu’une requête est irrecevable si dans le délai d’appel n’ont été déposés que des moyens dirigés contre la régularité du jugement, nous pensons pour notre part que la requête d’appel est suffisamment motivée et recevable, comme le rappelait le PrésidentOdent (p. 818 de son cours) «Dès lors qu’elle contient l’exposé des moyens invoqués à l’appui des conclusions tendant à l’annulation de la décision rendue par les premiers juges, même si elle n’énonce aucun moyen à l’encontre de la décision administrative déférée à ces premiers juges, au moins si ceux-ci ont rejeté la demande comme non recevable», ce qui est le cas en l’espèce (cf. CE 4octobre 1961 n°46004 Lebon p. 532).
Et même si le tribunal administratif avait rejeté la demande au fond, il nous semble qu’au regard de la motivation, une requête tendant à l’annulation d’un jugement pour irrégularité est suffisamment motivée : le juge d’appel doit alors à notre sens apprécier la régularité du jugement. Ce n’est qu’en cas de régularité de ce jugement que ce poserait la question de la recevabilité des moyens présents hors du délai dans le cadre d’un examen par l’effet dévolutif de l’appel.
Par ailleurs dès lors que M. X était partie à la procédure devant le tribunal administratif, l’appel lui est ouvert : comme le rappelle M. Y en vertu des règles générales de la procédure, «toutes les parties à une instance de premier ressort ont le droit d’interjeter appel contre les jugements intervenus dans cette instance, sans distinction entre parties originaires et parties intervenues ou mises en cause au cours de l’instance». Il n’y a pas à notre sens de discussion possible sur l’intérêt à agir en appel d’une partie de première instance. La présente requête est donc recevable en appel.
II)- Cela implique que vous examiniez en second lieu, et d’office, la question de la compétence de la juridiction administrative et de la cour administrative d’appel.
L’amende pour recours abusif n’a le caractère ni d’un impôt, ni d’une sanction pénale (CE Ass. 31 octobre 1980 Fédération nationale des unions de jeunes avocats Lebon p. 394).La nature juridique de cette amende de procédure n’est cependant pas évidente (cf article de M. Z à l’AJDA 20 septembre 1983 p. 451 et suivantes et conclusions de M. A sous Ass. 27 avril 1979 Lebon p.172). Dans un jugement inédit du 14 décembre 1981 (n° 529 Bierce) le tribunal administratif de Paris a considéré qu’il s’agissait «d’une mesure de nature autonome prononcée par une juridiction administrative» et «qu’en conséquence les contestations sur la validité de cette sanction relèvent de la compétence des juridictions administratives» mais «que la juridiction administrative du premier degré est manifestement incompétente» pour statuer sur la validité des décisions rendues au contentieux par le Conseil d’Etat. C’est à votre sens une analyse pertinente car une amende pour recours abusif infligée en dernier ressort par le Conseil d’Etat, comme en l’espèce, est définitive et ne se discute plus. Seul un recours en rectification d’erreur matérielle devant le Conseil d’Etat serait le cas échéant admissible (CE 20 juillet 1988 n° 95155 Lebon p.965). En revanche si l’amende a été prononcée en première instance, le requérant peut faire appel du jugement en tant seulement qu’une amende pour recours abusif lui a été infligé (CAA Nantes n° 91-60 du 31 décembre 1992) ; le juge d’appel apprécie d’une manière générale si une amende pour recours abusif infligée par un tribunal administratif est justifiée ou non (par exemple CE 26 octobre 1988 n°74948 RJF 12/88 n° 1387). Le juge de cassation vérifie pour sa part si le juge d’appel a suffisamment motivé sa décision de confirmer l’amende pour recours abusif infligée (CE CAPC 10 juillet 1992 n°122/93 RJF11/92 n° 1573).
Dans ce contexte si l’objet de la demande contentieuse de M. X est de contester le principe même ou le montant de l’amende pour recours abusif que lui a infligé le Conseil d’Etat, ce qui semble ressortir de sa réclamation où il est fait état de ce que la créance ne serait ni certaine, ni liquide, ni exigible, la juridiction administrative est bien compétente mais ni le tribunal administratif, ni notre cour n’est compétente au sein de cette juridiction. Mais dans la mesure où en réalité, à la suite de l’avis à tiers détenteur mis en œuvre à tort ou à raison par le comptable public -mais cette question est sans incidence sur les règles de compétence juridictionnelle, l’avis à tiers détenteur étant prévu par l’article L.262 du livre des procédures fiscales pour les «seuls redevables d’impôts, de pénalités et de frais accessoires»-, et dès lors que l’amende est établie au profit du Trésor public. Nous sommes dans un cas de contentieux, de plein contentieux se rapportant au recouvrement des créances publiques et non fiscal (nonobstant le principe selon lequel la juridiction civile constitue la juridiction de droit commun en matière de voies d’exécution des jugements y compris administratifs JCA TA Fax 637 & 129 et suivants). La juridiction administrative et notre cour nous paraissent donc compétentes puisque l’appréciation de la validité en la forme de l’avis à tiers détenteur n’est pas en litige (rapprocher de la jurisprudence générale et non fiscale selon laquelle l’appréciation de la validité en la forme des commandements relève toujours de la compétence judiciaire : CE sect. 13 janvier 1961 Magnier p. 32)
III)- Nous en venons donc maintenant à la question de la régularité du jugement. M. X soutient ne pas avoir été convoqué à l’audience du 5 janvier 1993 à laquelle sa demande a été appelé devant le tribunal administratif. Dès lors qu’aucun élément du dossier ne prouve l’existence d’une convocation le jugement doit être regardé comme irrégulier et annulé.
IV)- Par suite se pose la question de l’évocation : dès lors qu’il a, dans la requête de M. X et dans le délai d’appel des conclusions au fond, celui-ci vous indiquant qu’il «maintient sa demande en décharge intégrale des amendes objets de la présente contestation», vous pouvez évoquer l’affaire. La seule hypothèse où l’évocation semble impossible est celle de l’absence de conclusions au fond (CE 24 juin 1960 Ass. SARL Le Monde Lebon p. 412 ; CE section 21 octobre 1966 Lebon p. 564 ; CE29 mars 1989 n° 42913).
Peu importe à notre sens que dans le délai d’appel, n’aient pas été développés de moyens au fond dès lors que les moyens qui auraient été présentés devant le tribunal administratif n’ont pas été expressément abandonnés : dans sa décision précitée du 4 octobre 1961 n° 46004 le Conseil d’Etat a jugé «qu’il y a lieu d’évoquer» l’affaire «pour y être statué immédiatement après examen des moyens soulevés en première instance par le syndicat requérant, même de ceux qui n’ont été présentés au Conseil d’Etat que dans un mémoire produit après l’expiration du délai d’appel ou qui, sans avoir été repris,n’ont pas été expressément abandonnés».
Seule l’hypothèse de l’effet dévolutif de l’appel implique que le juge n’examine que les moyens soulevés en appel dans le délai de recours et dans le cadre d’une requête comportant des conclusions au fond dans ce même délai (Pour une irrecevabilité des conclusions tardives cf CAA Paris 7 décembre 1993 n°92-1061).
Et en l’occurrence, il nous semble opportun d’évoquer l’affaire en raison de l’irrecevabilité de la demande de première instance : il ressort des circonstances factuelles précitées que l’avis à tiers détenteur litigieux est resté infructueux M. X n’ayant pas de compte bancaire à la Banque Nationale de Paris à la date où cet établissement bancaire a reçu l’avis (rapprochée de la solution adoptée dans le contentieux de recouvrement de l’impôt -et justifiée généralement par la parenté de l’avis à tiers détenteur avec la saisie arrêt Conseil d’Etat 6 mars 1991 n° 67438 et 67439 RJF 5/91 n°689). M. X était dans son intérêt à contester l’avis à tiers détenteur infructueux, cette absence d’intérêt étant d’ordre public comme toutes les irrecevabilités.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.

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