CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 12PA03209

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 24 mai 2012
Précédents jurisprudentiels : 5 mars 2012, Min. c/ Sté Outside Surf Travel, n° 339116
CE, 26 mars 2012, Société Editions Atlas, n° 323375
CJCE 12 novembre 1992, aff. 163/91
Cour, CAAP 21 décembre 2012, SA Croisifrance, n° 11PA02910

Texte intégral

12PA03209
Société VDMRD
Audience du 6 septembre 2013
Lecture du 20 septembre 2013
CONCLUSIONS de M. Laurent Boissy, Rapporteur public 1. La société VDMRD, dont l’activité consiste à s’entremettre dans des opérations de locations saisonnières de villas en France et à l’étranger (nous y reviendrons), a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 octobre 2006, puis d’un contrôle sur pièces portant spécifiquement sur l’exercice clos le 31 octobre 2007.
A l’issue de procédures de rectification contradictoire, elle a notamment été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes couvrant les exercices clos les 31 octobre 2005 et 31 octobre 2006, majorés des intérêts de retard, et à des cotisations supplémentaires d’imposition forfaitaire annuelle au titre des exercices clos les 31 octobre 2003, 2004, 2005 et 2006, majorés des intérêts de retard et d’une pénalité de 5 % sanctionnant le retard de paiement en application de l’article 1731 du code général des impôts.
Par un jugement du 25 mai 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les deux demandes de la société tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des pénalités correspondantes.
La société VDMRD relève appel de ce jugement.
2. S’agissant des rappels de TVA
La société VDMRD a considéré que les locations de villas situées dans d’autres pays de l’Union européenne auxquelles elle a concouru en qualité d’intermédiaire n’étaient pas assujetties à la TVA en France car ses prestations de service se rattachaient à des immeubles situés hors de France et qu’elle n’entrait ainsi pas dans le champ des prévisions du 2° de l’article 259 A du CGI.
L’administration a au contraire estimé que ces prestations de service étaient assujetties à la TVA en France, dès lors que, « conformément aux principes généraux de l’article 259 du CGI, les agences de voyage sont imposables en France lorsqu’elles ont sur le territoire national le siège de leur activité ».
Le débat contentieux que vous aurez à trancher porte donc sur les règles d’application territoriale de la TVA.
C’est bien le lieu de la prestation qui va déterminer l’Etat compétent pour assujettir l’opération à la TVA.
La difficulté, dans la présente affaire, consiste à déterminer le critère pertinent permettant de rattacher la prestation à un lieu.
S’agit-il du lieu d’origine de la prestation, comme le soutient l’administration, ou le lieu de la destination de la prestation, comme le soutient la société ?
Le critère de rattachement est, selon le premier principe, le lieu où l’entreprise a établi le siège de son activité économique et, selon le second, le lieu probable de la consommation ou le lieu de l’utilisation des prestations diverses.
Si l’assujettissement à la TVA est en principe déterminé par l’endroit où est située l’entreprise du prestataire, il existe toutefois de nombreuses dérogations à ce principe ainsi que des régimes particuliers càd des règles spécifiques prenant en compte les particularités de certaines activités.
Le principe, c’est que « Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ». C’est la règle énoncée à l’article 259 du CGI, qui a assuré la transposition de l’article 9.1. de la Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977.
Parmi les nombreuses dérogations à cette règle figure notamment, pour se limiter à notre litige, celle énoncée au 2° de l’article 259 A du CGI, transposant sur ce point l’article 9.2 de la sixième directive, selon laquelle le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France pour « les prestations de services se rattachant à un bien immeuble situé en France ». Ce qui signifie, a contrario, que lorsque les prestations de service se rattachent à un bien immeuble située hors de France, l’assujettissement à la TVA n’est pas opéré en France.
Il existe enfin un régime particulier d’assujettissement à la TVA spécialement conçu pour les agences de voyages.
Ce régime particulier, défini à l’article 26 de la « directive TVA », a été repris au e) de l’article 266 du CGI, ainsi que l’a affirmé le CE dans une décision rendue le 5 mars 2012, Min. c/ Sté Outside Surf Travel, n° 339116. (Voir également, dans le même sens, un arrêt de votre Cour, CAAP 21 décembre 2012, SA Croisifrance, n°11PA02910).
Dans ces conditions, les « opérations d’entremises » mentionnées par les dispositions figurant au e) de l’article 266 du CGI doivent être interprétées comme renvoyant à celles de l’article 26 de la sixième directive, c’est-à-dire qu’il s’agit d’opérations d’entremise dans lesquelles l’agence de voyage agit en son propre nom (intermédiaire opaque) à l’égard du voyageur.
Par ailleurs, la règle de territorialité énoncée par la 2e phrase du 2. de l’article 26 de la sixième directive, par laquelle la « prestation de service unique (…) est imposée dans l’État membre dans lequel l’agence de voyages a établi le siège de son activité ») doit être regardée comme transposée par la règle générale énoncée à l’article 259 du CGI.
Vous observerez sur ce point que, pour la période postérieure à notre litige, le législateur a pris l’initiative de clarifier, en droit interne, ce régime particulier d’origine communautaire.
L’article 102 de la loi de finances n°2009-1673 du 30 décembre 2009, codifié au 8° de l’article 259, prévoit désormais que la prestation de services unique d’une agence de voyages lorsqu’elle a en France le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni cette prestation est réputée être située en France. Cette disposition précise également que « l’agence de voyages réalise une prestation de services unique lorsqu’elle agit, en son propre nom, à l’égard du client et utilise, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d’autres assujettis ».
Deux critères cumulatifs sont donc nécessaires pour entrer dans le champ d’application de ce régime particulier :
1er critère : le contribuable doit être une agence de voyage ou un organisateur de circuits touristiques ;
2nd critère : lorsqu’il utilise, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d’autres assujettis, le contribuable doit bien agir, à l’égard du voyageur, en son propre nom (« intermédiaire opaque »), et non pas au nom et pour le compte d’autrui (« intermédiaire transparent »).
3. Pour contester son assujettissement à la TVA sur le territoire français à raison des prestations litigieuses, la société VDMRD conteste successivement remplir ces deux critères.
S’agissant du premier critère, la jurisprudence communautaire est plutôt pragmatique et ne retient pas seulement une approche formelle de la notion d’agence de voyage.
Ainsi, un contribuable qui fournit uniquement des logements de vacances au voyageur a pu être considéré comme une agence de voyages relevant du régime particulier dès lors que la prestation offerte peut, même lorsqu’elle se borne à fournir le logement, ne pas se réduire, dans un tel cas, à une prestation unique puisqu’elle peut comprendre, outre la location du logement, des prestations comme les informations et conseils par lesquels l’agence de voyages propose un éventail de choix pour les vacances et la réservation du logement (CJCE 12 novembre 1992, aff. 163/91, 3e ch., X Y).
Au cas d’espèce, nous n’avons pas de réelle hésitation à considérer que la société VDMRD, qui fournit des logements de vacances à des clients après les avoir conseillés et avoir réservé pour eux ce logement, et qui leur propose également des services accessoires telles que la réservation de billets d’avion, locations de voitures est bien une « agence de voyage ».
S’agissant du second critère, tant le juge communautaire que le juge national recourent à la technique du « faisceau d’indices » pour déterminer si une agence de voyage a agi comme un intermédiaire opaque ou bien comme un intermédiaire transparent.
C’est « au vu de l’ensemble des données de l’espèce et notamment de la nature des obligations contractuelles de l’agence de voyages à l’égard du voyageur » que le juge forge sa conviction (CJCE 12 novembre 1992, aff. 163/91, 3e ch., X Y).
Le Conseil d’Etat a même affiné cette méthode en jugeant que le juge de l’impôt doit d’abord rechercher si la société contribuable est intervenue dans la transaction commerciale entre les deux autres sociétés en qualité de mandataire de la société. Et c’est seulement s’il constate que tel n’a pas été le cas qu’il recherche ensuite s’il existe d’autres indices qui seraient de nature à établir que la contribuable a bien agi au nom et pour le compte de cette dernière société (CE, 26 mars 2012, Société Editions Atlas, n°323375, B).
Au cas d’espèce, les éléments du dossier sont suffisamment convaincants pour considérer que la société VDMRD a bien agi en qualité d’intermédiaire transparent. Nous disposons en particulier de mandats pour agir au nom des propriétaires, des mentions de ces mandats dans certains documents remis aux clients. Il ressort aussi des pièces produites que le client de la société VDMRD ne peut pas rechercher la responsabilité de la société lorsque le bien loué n’est pas conforme à sa description mais seulement celle des propriétaires, de sorte que la société n’assume pas vraiment les risques propres aux agences de voyages traditionnelles. D’ailleurs, l’administration ne remet pas en cause la valeur probante des documents ainsi produits.
C’est donc à tort que l’administration fiscale a assujetti la société à la TVA, pour les prestations en litige, sur le régime particulier propre aux agences de voyages. La société requérante est dès lors fondée à demander la décharge des rappels de TVA qui lui ont été notifiés.
4. S’agissant des cotisations supplémentaires d’imposition forfaitaire annuelle (IFA) au titre des années 2004, 2005, 2006 et 2007 auxquelles a été assujettie la société
La société se borne à indiquer que, dès lors qu’elle « ne peut à aucun égard être considérée comme un agent de voyage », c’est à tort que les services lui ont réclamé des suppléments d’IFA.
Toutefois, les décharges des rappels de TVA n’entraînant pas la décharge des IFA par voie de conséquence, nous ne comprenons pas la portée juridique d’une telle argumentation. Nous sommes donc d’avis de juger que le moyen soulevé par la société, tel qu’il est articulé, est dépourvu de précisions suffisantes pour permettre au juge de l’impôt d’en apprécier le bien fondé et de l’écarter pour ce motif.
Nous vous proposons donc de rejeter les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’imposition forfaitaire annuelle.
PCM, nous concluons :
- à la décharge des rappels de TVA afférents aux exercices clos les 31 octobre 2005 et 31 octobre 2006, des intérêts de retard concernant ces rappels de TVA
- à la mise à la charge de l’Etat des sommes de 35 euros et 1 500 euros au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
- à la réformation du jugement en ce qu’il a de contraire à l’arrêt ;
- au rejet du surplus des conclusions de la requête de la société VDMRD.
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