Cour de Cassation, Chambre civile, du 11 janvier 1933, Publié au bulletin

  • Pacte sur succession future·
  • Succession non ouverte·
  • Clause d'attribution·
  • Conjoint prémourant·
  • Séparation de biens·
  • Contrat de mariage·
  • Époux survivant·
  • Droit privatif·
  • Droits sociaux·
  • Ordre public

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Toute stipulation ayant pour objet d’attribuer un droit privatif sur tout ou partie d’une succession non ouverte constitue un pacte sur succession future prohibé par la loi, encore que celui de la succession duquel il s’agit y ait consenti.

Cette prohibition est formelle et d’ordre public et ne comporte d’autres dérogations que celles qui sont limitativement déterminées par la loi.

Dès lors, doit être considérée comme tombant sous le coup de cette prohibition la clause d’un contrat de mariage établissant entre les époux le régime de la séparation de biens, qui permet à l’époux survivant de prendre, dans la succession du prémourant, les droits sociaux appartenant à celui-ci dans un établissement commercial, contre versement de leur valeur à ses héritiers.

Une telle clause, nulle de plein droit et, par suite, dépourvue de toute existence légale, est réputée n’avoir point été consentie, et il ne peut, en conséquence, en être fait état à quelque titre que ce soit.

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Sur la décision

Référence :
Cass. civ., 11 janv. 1933, Bull. civ., N. 14 P. 22
Juridiction : Cour de cassation
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile N. 14 P. 22
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 21 février 1930
Textes appliqués :
Code civil 1130
Dispositif : CASSATION
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006953065

Texte intégral

CASSATION, sur le pourvoi des époux X… dit Maurice, d’un arrêt rendu, le 21 février 1930, par la cour d’appel de Paris, au profit de la dame veuve Y… et du sieur Z….

ARRET.

Du 11 Janvier 1933.

LA COUR,

Ouï, en l’audience publique de ce jour, M. le conseiller Regnault, en son rapport ; Maîtres Labbé, Durnerin et Hersant, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que M. Bloch-Laroque, avocat général, en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré en la chambre du conseil conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1130 du Code civil ;

Attendu que toute stipulation ayant pour objet d’attribuer un droit privatif sur tout ou partie d’une succession non ouverte constitue un pacte sur succession future prohibé par la loi, encore que celui de la succession duquel il s’agit y ait consenti ; que cette prohibition est formelle et d’ordre public et ne comporte d’autres dérogations que celles qui sont limitativement déterminées par la loi ;

Attendu qu’il résulte des qualités et des motifs de l’arrêt attaqué que Raphaël Y…, qui s’était associé en 1907 avec Marcel Z… pour exploiter à Paris un fonds de commerce de marchand-tailleur, en constituant à cet effet une société en nom collectif, transformée au mois de janvier 1927 en société à responsabilité limitée, est décédé le 13 octobre 1927 ; que le défunt, qui avait épousé en 1921 la défenderesse en cassation sous le régime de la séparation de biens, avait, par testament du 24 août 1927, légué à sa fille naturelle reconnue, la dame X…, la totalité de sa fortune, y compris tous ses droits dans la société susrappelée ;

Attendu qu’il avait été convenu par l’article 5 du contrat du mariage des époux Y… que si, au décès du premier mourant, celui-ci avait des droits comme associé dans un établissement commercial, l’époux survivant pourrait, en tant que les actes constitutifs de la société le permettraient, les prendre pour lui, en tenant compte de leur valeur, d’après le dernier inventaire social, aux héritiers de son conjoint ; qu’il avait été stipulé, d’autre part, à l’article 44 des statuts de la Société à responsabilité limitée Y… et Cie, qui n’avait fait que reproduire sur ce point les dispositions de l’article 9 des statuts originaires, qu’au cas où l’un des associés viendrait à décéder, sa veuve pourrait, à la condition d’en faire la déclaration dans les trois mois du décès de son mari, opter pour la continuation de la Société, en s’y substituant à ce dernier, dont les héritiers n’auraient alors qu’un droit de créance contre elle, à concurrence du compte courant du défunt dans la Société et de la valeur de ses parts, telle qu’elle résulterait du dernier inventaire social ; que la dame veuve Y… ayant, à la date du 19 novembre 1927, notifié à la dame X… que, conformément à l’article 5 de son contrat de mariage, elle entendait prendre pour elle les droits de son mari dans la Société Y… et Cie, et à Marcel Z… qu’elle optait pour la continuation de cette Société par application de l’article 44 des statuts, il lui fut répondu par un refus de la considérer comme associée ;

Attendu que le tribunal civil de la Seine, saisi de ce litige, a décidé, par jugement du 24 décembre 1928, que la dame Y… n’avait aucun droit dans la Société Y… et Cie, motifs pris de ce que la stipulation pour autrui, qui résultait en sa faveur de l’article 44 des statuts, avait été tacitement révoquée par le testament du 24 août 1927, par lequel Raphaël Y… avait disposé de ses droits sociaux en faveur de la dame X…, et de ce que la clause de l’article 5 du contrat de mariage était entachée de nullité comme constituant un pacte sur succession future prohibé par l’article 1130 du Code civil ; que, sur l’appel interjeté par la défenderesse en cassation, la cour de Paris, infirmant le jugement entrepris, a décidé que la dame veuve Y… avait valablement opté pour la continuation de la Société, sur le fondement que la validité de la clause du pacte social, qui lui avait attribué la faculté de se substituer à son mari dans les droits d’associé de celui-ci, n’était pas contestée ; qu’il n’était pas douteux que, lorsqu’elle avait signé son contrat de mariage, elle avait à l’article 5 de ce contrat solennellement ratifié la clause que Raphaël Y… avait déjà insérée aux statuts de 1907 pour lui permettre, s’il venait à prédécéder, de demander la continuation de la Société ; que la disposition du contrat de mariage, qui était venue « se juxtaposer avec cette clause, avait eu pour seule vertu de rendre définitive une stipulation pour autrui valable en soi » ; qu’elle ne revêtait pas en l’état le caractère d’un pacte sur succession future ;

Mais attendu que par l’article 5 du contrat de mariage, ci-dessus analysé, Raphaël Y… avait disposé, pour le temps où il n’existerait plus, de ses droits dans la Société Y… et Cie ; qu’une telle stipulation avait pour objet d’attribuer un droit privatif sur une succession non ouverte ; que du moment que les droits sociaux du mari étaient attribués à la veuve contre versement de leur valeur aux héritiers de celui-ci, donc à titre onéreux, elle tombait nécessairement sous le coup de la prohibition des pactes sur succession future ; que nulle de plein droit et par suite dépourvue de toute existence légale, la clause de l’article 5 susvisé était réputée n’avoir point été consentie ; qu’ainsi il ne pouvait en être fait état à quelque titre que ce soit ;

D’où il suit, sans qu’il y ait lieu de rechercher si la stipulation pour autrui résultant du pacte social était elle-même valable au regard de l’article 1130 du Code cvil, que l’arrêt attaqué n’a pas justifié légalement sa décision ;

Par ces motifs ;

CASSE,

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