Cour de cassation, 10 octobre 1983, n° 83-93.735

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Sur la décision

Référence :
Cass., 10 oct. 1983, n° 83-93.735
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 83-93.735

Sur les parties

Texte intégral

Cour de cassation, Chambre criminelle, Arrêt du 10 octobre 1983, Pourvoi n° 83-93.735

Y Z. Commet un délit de soustraction frauduleuse à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu, ainsi que d’omission de passation d’écritures et de passation inexactes ou fictives, le prévenu qui a endossé des chèques sous le nom d’une entreprise de façade sans activité, octroie diverses gratifications à des personnes dont l’identité n’est pas révélée et soustrait à l’impôt sur le revenu la société qu’il gère aux taux le plus élevé par des frais déductibles. ABUS DE BIENS SOCIAUX. Commet le délit d'abus de biens sociaux le prévenu qui utilise comme domicile un bien immobilier de la société et y fait effectuer et payer par cette dernière des travaux d’entretien et des salaires de gardiennage et de jardinage. Sa mauvaise foi et l’usage contraire à l’intérêt de la société caractérisent suffisamment le délit reproché.

TEXTE

Contre un arrêt de la Cour d’appel de DOUAI, 4ème Chambre, en date du 20 octobre 1982 qui, pour Y Z, commission d’écritures, abus de biens sociaux, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, 50.000 francs d’amende et a statué sur les demandes de l’administration des impôts.

Vu les mémoires produits en demande et en défense;

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, 1649 septiès du Code général des impôts, devenu L.47 du Livre des procédures fiscales, 15 de la 2ème ordonnance du 30 juin 1945 , 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, « en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité de la procédure soulevée par le prévenu, »aux motifs propres que « les poursuites judiciaires sont fondées sur la vérification effectuée par le service des impôts et non sur l’enquête de police qui avait un but économique » et aux motifs, adoptés des premiers juges, que « les investigations fiscales ont recoupé sur certains points les constatations précédentes faites lors de l’enquête économique. Mais, les poursuites actuelles étant la conséquence directe des seules investigations fiscales faites, à la diligence de la direction des impôts, à la suite de la note d’information du procureur de la République, et ne s’appuyant pas sur les constatations antérieures, il en ressort qu’il n’y a pas eu en l’espèce de détournement de procédure »;

1°) alors que les contribuables peuvent se faire assister, au cours des vérifications de comptabilité, d’un conseil de leur choix et doivent être avertis de cette faculté à peine de nullité de la procédure; que constitue une vérification de comptabilité au sens de ce texte les investigations comptables et recoupements qui excèdent la simple communication ou saisie de documents comptables par l’administration des impôts en vertu de son droit de communication ou par la police judiciaire au titre de la constatation des infractions économiques; qu’en l’espèce, le prévenu faisait valoir que les officiers de police ne s’étaient pas bornés à procéder à des perquisitions et saisies mais s’étaient livrés à un « véritable contrôle fiscal » antérieurement à l’avis de vérification d’où il déduisait qu’une garantie essentielle des droits de la défense avait été méconnue; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen et de rechercher la nature des investigations accomplies antérieurement à l’avis de vérification, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale;

2°) alors que le respect des droits de la défense dans la procédure de vérification de comptabilité s’impose sans qu’il y ait lieu de distinguer suivant que la vérification est générale ou porte seulement sur certaines opérations déterminées, ni suivant que les poursuites judiciaires sont la conséquence directe ou indirecte des investigations accomplies au mépris de ces droits dès lors que les faits relevés et les éléments de preuve ainsi réunis en violation de ces droits ne sont pas sans incidence sur l’initiative, le déroulement et l’issue de ces poursuites; qu’en statuant ainsi qu’elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les textes susvisés";



Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires que Lxxxx, dirigeant de la société anonyme X-E exploite, à ROUBAIX, une entreprise de fret maritime et de commissionnaire en douane qui a des agences en d’autres villes de France, ainsi qu’à NOUMEA et à PAPEETE; qu’en avril 1973, des fonctionnaires du service régional de police judiciaire, agissant, en application de l’article 15 de l’ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, pour la recherche d’infractions économiques, ont relevé des indices d’opérations frauduleuses consistant en des transferts de fonds à TAHTTI; qu’ils en ont fait rapport au procureur de la République de LILLE, qui, par note du 23 octobre 1973, en a informé le directeur départemental des services fiscaux; qu’un avis de vérification Z régulier a été donné à ladite société le 28 novembre 1973 et qu’un contrôle a eu lieu à partir du 3 décembre 1973; Attendu que, pour rejeter l’exception prise de l’irrégularité de la procédure de poursuite, l’arrêt énonce que « l’autorité judiciaire a donné à l’administration des finances conformément à l’article 1989 du Code général des impôts devenu l’article L.101 du Livre des procédures fiscales, une indication recueillie au cours d’une enquête judiciaire et de nature à faire présumer une Y commise en matière Z »; que les poursuites en cause se fondent sur les éléments de la vérification Z; Attendu qu’en cet état et alors d’ailleurs que la régularité de la vérification Z n’est pas contestée, la Cour d’appel a, sans encourir les griefs allégués au moyen, donné une base légale à sa décision; D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION pris de la violation des articles 1376 du Code civil, 38, 39, 169, 238, 240, 1741 et suivants du Code général des impôts, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, « en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de Y Z à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu et d’omission d’écritures comptables ou passation d’écritures inexactes, »aux motifs, d’une part, que l’enquête et l’information ont établi que, fin 1970, la société X- E a reçu de la Compagnie des messageries maritimes des ristournes confidentielles sur les factures des transports effectués pour des clients de la société; que les sommes ainsi détournées concernent pour la période non prescrite essentiellement trois chèques qui ont été adressés par C D à un comote ouvert à la banque d’Indochine à PARIS par la S.N.C. X-E et fils de PAPEETE (Tahiti); que la société X-E n’a pas comptabilisé ces versements, qui n’ont ainsi figuré ni dans les livres ni dans les comptes bancaires; que ce mécanisme a permis de profiter du régime fiscal de Tahiti où les sociétés sont exonérées d’impôts; or, il a été établi que la S.N.C. X-E n’avait aucune activité à PAPEETE où elle était d’ailleurs totalement inconnue;

1°) alors que seules les recettes définitivement acquises constituent des sommes sujettes à l’impôt; qu’en raison du détournement commis par le signataire des chèques, A B, dont les premiers juges ont constaté qu’il avait perçu une partie des ristournes ce qui lui avait valu d’être licencié par la compagnie des messageries maritimes, la société X-E était tenue de restituer les montants indument perçus, ce qu’elle a fait lorsque ces agissements ont été connus; qu’ainsi les versements litigieux ne constituaient ni des recettes de la société X- E, ni des sommes sujettes à l’impôt; qu’en statuant ainsi qu’elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les textes susvisés et notamment les articles 1376 et 1741 du Code général des impôts;

2°) alors qu’à supposer que les sommes ainsi détournées soient attribuables à la société X- E, elles ne pourraient constituer que l’encaissement de créances acquises au titre de l’exercice en cours duquel elles sont nées; que l’instruction a établi que les versements représentaient des ristournes sur les chargements du troisième trimestre de l’année 1970, c’est-à- dire une période couverte par la prescription lors du dépôt de la plainte le 19 décembre 1974; qu’en statuant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges du fond ont violé les textes susvisés et notamment les articles 38 et 1741 du Code général des impôts; Et aux motifs, d’autre part, qu’il est résulté de l’examen de la comptabilité de la société X- E que celle-ci avait versé pour l’exercice 1970-1971 des gratifications s’élevant à la somme de 122.632,00 francs à des personnes que D a refusé de désigner; que ces sommes étaient assujetties à l’impôt, que cependant D les a comptabilisées comme des dépenses déductibles; qu’ainsi sa déclaration d’impôt est entachée de Y par dissimulation, 1°) alors que si, par application des articles 238 et 240 du Code général des impôts, les chefs d’entreprise qui n’ont pas déclaré les gratifications versées à des tiers perdent le droit de les porter dans leurs frais professionnels pour l’établissement de leurs propres impositions, cette


seule omission ne suffit pas à établir le caractère intentionnel de la soustraction à l’établissement de l’impôt; qu’en statuant ainsi qu’elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les textes susvisés et notamment l’article 1743 A du Code général des impôts; 2°) alors que l’omission de fournir à l’invitation de l’administration Z des indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution relevé par celle-ci, sanctionnée par l’assujettissement de la société réputée distributrice à l’impôt sur le revenu, n’est pas constitutive de soustraction à l’établissement ou au paiement de cet impôt; qu’en statuant ainsi qu’elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les textes susvisés et notamment les articles 169 et 1741 du Code général des impôts"; Attendu que, pour déclarer D coupable de soustraction frauduleuse à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu, ainsi que d’omission de passation d’écritures et de passation d’écritures inexactes ou fictives, l’arrêt énonce qu’il a été établi que la société X-E, a, d’une part, reçu de la compagnie des Messageries Maritimes (C.M. M.) des ristournes sur factures de transport, par des chèques libellés à l’ordre de M. X-E"; que D les a fait encaisser, après endos, par une société en nom collectif dite « X-E et FILS » de PAPEETE, qui n’a pas été imposée pour ces encaissements et qui n’était qu’une entreprise de façade, sans activité; que l’ambiguîté du nom était intentionnelle pour permettre la Y; que, d’autre part, la société X-E SA de ROUBAIX a payé « diverses gratifications », à des personnes dont l’identité n’a pas été révélée; que ces sommes ont été comptabilisées en frais déductibles; que le prévenu a déclaré avoir avec ces fonds rémunéré des personnes ayant procuré à la société « l’obtention de grosses affaires »; qu’il a ainsi soustrait la société à l’impôt sur le revenu aux taux le plus élevé, selon les dispositions de l’article 169 du Code général des impôts; Attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations qui relèvent la réunion de tous les éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnels, des infractions aux dispositions des articles 1741 et 1743-1° du Code général des impôts dont D a été déclaré coupable et alors d’ailleurs que, d’une part, les ristournes constituent, en tant que recettes commerciales, des sommes sujettes à l’impôt, que, d’autre part, la Y résultant de la dissimulation des sommes en cause ayant été commise par omission de déclaration au 1er avril 1971, la prescription de l’action publique n’aurait été acquise que le 31 décembre 1974, la Cour d’appel a, sans encourir les griefs allégués au moyen, donné une base légale à sa décision; D’où il suit que le moyen doit être rejeté;

SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION pris de la violation des articles 437-3° de la loi du 24 juillet 1966 , 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, "en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abus de biens sociaux, "aux motifs propres que l’enquête et l’information ont établi qu’en 1962, la société X- E a fait l’acquisition du Château de SERAINCOURT et de ses dépendances constituées de 27 hectares; que pour les exercices 1970-1971 et 1971-1972, les sommes de 243.648,68 francs et de 123.467,89 francs ont été comptabilisées en charges sociales alors que ces sommes avaient été affectées à l’entretien et à l’aménagement du château; qu’ainsi les faits sont également établis de ce chef, et aux motifs, adoptés des premiers juges, qu'« en portant inexactement ces dépenses, faites pour ses besoins privés en charges de la société, D a minoré d’autant les bénéfices imposables de celle-ci, même si la revente de cette propriété en 1972 (pour le prix de 1.160.000,00 francs) a procuré à la société une plus-value importante »; "alors que l'abus de biens sociaux suppose que le dirigeant ait, de mauvaise foi, fait des biens de la société un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles; qu’en n’indiquant point en quoi les dépenses d’entretien et d’aménagement du château figurant à l’actif social et revendu peu après avec une plus-value importante, avaient été contraires à l’intérêt social et engagées par le prévenu à des fins personnelles, ce qu’il contestait dans ses conclusions délaissées, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale"; Attendu que pour déclarer D coupable d'abus de biens sociaux, l’arrêt énonce que le prévenu, qui utilisait comme domicile pour lui-même, son épouse et dame X, le château de SERAINCOURT, propriété de la société X-E SA, y a fait effectuer et payer par la société des travaux d’entretien ainsi que les salaires d’un gardien et de deux jardiniers; qu’il a fait comptabiliser ces dépenses comme « charges sociales »; que le prévenu a fait ainsi, de mauvaise foi, des biens de la société un usage contraire à l’intérêt de celle-ci, dans son intérêt personnel; Attendu qu'


en l’état de ces constatations et énonciations qui caractérisent en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont D a été déclaré coupable, la Cour d’appel, loin de violer les textes visés au moyen en a fait, au contraire, l’exacte application; D’où il suit que le moyen doit être écarté; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme.

REJETTE LE POURVOI. Sur le rapport de M. le conseiller COSSON, les observations de Me CELICE, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Maurice de SABLET. M. ESCANDE, conseiller le plus ancien F. Fons de Président.

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