Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 décembre 1984, 83-94.388, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Saisie d’une plainte avec constitution de partie civile contre personne dénommée cumulant la double qualité de ministre et de maire, du chef de diffamation publique, la Chambre d’accusation désignée ne peut se déclarer incompétente pour ce seul motif, sous peine de méconnaître les principes qui résultent des dispositions de la loi sur la presse et de rendre une décision équivalant à un refus d’informer, sans avoir recherché soit d’office, soit sur réquisition des parties, les éléments intrinsèques ou extrinsèques aux propos incriminés qui seraient susceptibles de donner à ces derniers leur véritable caractère, de déterminer leur auteur et la qualité en laquelle ils avaient été tenus par celui-ci.

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 6 déc. 1984, n° 83-94.388, Bull. crim., 1984 N° 389
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 83-94388
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 1984 N° 389
Décision précédente : Cour d'appel de Lyon, 17 octobre 1983
Textes appliqués :
CONSTITUTION 1958-10-04 ART. 68

Code de Procédure Pénale 681

LOI 1881-07-29 ART. 29, ART. 32

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007064082
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Sur les parties

Note : Cet arrêt était rédigé entièrement en majuscules. Pour plus de lisibilité, nous l’avons converti en minuscules. Néanmoins, ce processus est imparfait et explique l’absence d’accents et de majuscules sur les noms propres.

Texte intégral

Statuant sur le pourvoi de :

— g…

Contre un arret du 18 octobre 1983 de la chambre d’accusation de la cour d’appel de lyon designee comme juridiction d’instruction par arret de la chambre criminelle de la cour de cassation du 23 mars 1983 rendu en application des dispositions de l’article 681 du code de procedure penale qui s’est declaree incompetente pour connaitre de la plainte avec constitution de partie civile de g… contre, d…, maire de m…, du chef de diffamation publique envers un particulier ;

Vu le memoire produit ;

Vu l’article 575 alinea 2-4° du code de procedure penale ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l’article 68 de la constitution du 4 octobre 1958, de l’article 593 du code de procedure penale, defaut de motifs, manque de base legale, defaut de reponse a memoire regulierement depose ;

« en ce que la chambre d’accusation de la cour de lyon, designee par la chambre criminelle de la cour de cassation en application de l’article 681 du code de procedure penale, s’est declaree incompetente pour instruire sur les faits denonces par le demandeur dans sa plainte du chef de diffamation publique contre monsieur d…, maire de m… ;

« aux motifs qu’il resulte des termes memes de la plainte et des circonstances invoquees par elle que les propos pretendument diffamatoires imputes a monsieur d… ont ete tenus par ce dernier en sa qualite de ministre de l’interieur agissant dans l’exercice de ses fonctions et que l’evenement commente par monsieur d… interessait directement les fonctions du ministre de l’interieur, responsable au plus haut degre de l’ordre et de la securite publique ;

« alors d’une part qu’il resulte de la combinaison des alineas 1 et 2 de l’article 68 de la constitution du 4 octobre 1958 que les membres du gouvernement ne sont justiciables de la haute cour qu’a raison des crimes et delits accomplis dans l’exercice meme de leurs fonctions, qu’en cas de cumul par une meme personne de fonctions de membre du gouvernement et de maire ou de conseiller general, en aucun cas les actes accomplis en qualite de maire, de conseiller general – et a fortiori de candidat a ces fonctions – ne peuvent etre soumis a la procedure de l’article 68 de la constitution qui, en raison de son caractere exceptionnel, doit etre appliquee de facon restrictive ;

Que la cour de cassation est en mesure de s’assurer – la bande des actualites regionales de fr3 alpes-provence-cote d’azur-corse etant au dossier – que les propos incrimines sont de simples commentaires proferes a l’occasion d’un evenement regional et adresses aux m… par le maire de la commune de m… sur un ton polemique qui est celui d’un candidat a une fonction elective, que la circonstance que ces propos aient ete tenus a partir de bureaux de la place beauvau a paris ou se tenait d… n’est pas suffisante a elle seule pour leur conferer le caractere d’actes accomplis en qualite de ministre dans la mesure ou ils ne renferment pas la moindre allusion a des mesures qu’on s’attendrait normalement en pareil cas a voir annoncer par le responsable national de la securite publique qui est le ministre de l’interieur ;

« alors d’autre part qu’en ne repondant pas aux arguments peremptoires du memoire de la partie civile soutenant que les propos du maire de m…, d…, ont ete tenus precisement la veille du premier jour de la campagne electorale des dernieres municipales ;

Qu’il s’agissait pour le maire qui avait depuis longtemps annonce sa candidature a ce poste, de reagir a une tentative d’attentat perpetree dans un local situe au-dessous de son propre bureau a la mairie de m… ;

Que d… ne s’est pas adresse a la nation lors d’un journal televise national, mais aux marseillais lors d’un journal televise local sur fr3 provence-cote d’azur, que le 18 fevrier , le journal ecrit de monsieur d… « le provencal » a en premiere page repris exactement les memes propos a un mot pres et ce, sous la signature de monsieur d… sans indication de qualite, que d… n’a donc utilise sa fonction de ministre que pour servir celle de candidat a la mairie, l’arret attaque ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence legale" ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que saisie d’une plainte avec constitution de partie civile contre personne denommee du chef de diffamation publique envers un particulier, la juridiction d’instruction ne peut se declarer incompetente, sous peine de meconnaitre les principes qui resultent des dispositions de la loi sur la presse et de rendre une decision equivalant a un refus d’informer, sans avoir recherche soit d’office, soit sur requisition des parties, les elements intrinseques ou extrinseques aux propos incrimines qui seraient susceptibles de restituer a ces derniers leur veritable caractere, de determiner leur auteur et de dire en quelle qualite ils avaient ete tenus par ce dernier ;

Attendu que tout arret ou jugement doit contenir les motifs propres a justifier la decision ;

Que l’insuffisance ou la contradiction des motifs equivaut a leur absence ;

Attendu qu’il appert de la plainte jointe a la procedure que le jeudi 17 fevrier 1983, au cours des informations regionales diffusees par la station fr3 alpes provence, cote d’azur, corse, apres avoir fait etat de la decouverte d’un engin explosif dans la salle des deliberations de la mairie de m…, le presentateur a ajoute « reaction d’ailleurs du ministre de l’interieur : si cet engin avait explose pendant une seance de commission ou a un moment ou la salle etait occupee, il y aurait eu des blesses et peut-etre des morts. Est-ce le retour aux methodes du sac ou est-ce plus banalement l’effet incitatif sur des irresponsables des propos tenus par c…, c…, s…, g…, la semaine derniere, salle v…, les m… apprecieront » ;

Attendu que s’estimant atteint dans son honneur ou dans sa consideration, g… a porte plainte avec constitution de partie civile contre d…, maire de m…, ministre de l’interieur, articulant les propos ci-dessus rapportes et les qualifiant de diffamation publique envers un particulier, en visant comme textes applicables les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que, statuant sur la requete du procureur de la republique pres le tribunal de grande instance de m…, la chambre criminelle de la cour de cassation, par arret du 23 mars 1983, a designe la chambre d’accusation de la cour d’appel de lyon pour etre chargee de l’information, « d…, maire de la commune de m…, etant au sens de l’article 681 du code de procedure penale et selon les termes de la plainte susceptible d’etre inculpe de diffamation publique, infraction qui aurait ete commise dans l’exercice de ses fonctions » ;

Attendu que la partie civile a consigne au greffe de la cour d’appel, dans le delai imparti, le montant de la somme presumee necessaire pour les frais de la procedure, rendant ainsi sa plainte recevable, conformement aux dispositions de l’article 88 du code de procedure penale ;

Attendu que par l’arret attaque, la chambre d’accusation, sur les requisitions conformes du procureur general, apres avoir enonce qu’il resultait « des termes de la plainte et des circonstances invoquees par elle que les propos pretendument diffamatoires imputes a monsieur d…, avaient ete tenus par ce dernier en sa qualite de ministre de l’interieur, agissant dans l’exercice de ses fonctions » alors que, de surcroit, « l’evenement commente interessait directement les fonctions du ministre de l’interieur, responsable au plus haut degre de l’ordre et de la securite publique sur le territoire national », s’est declaree incompetente, monsieur d… ne pouvant etre juge que par la haute cour de justice, conformement aux dispositions de l’article 68 de la constitution et selon la procedure prevue par ce texte qui exclut la mise en mouvement de l’action publique, tant par le ministere public que par la victime de l’infraction presumee ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, la chambre d’accusation a meconnu les principes ci-dessus enonces et n’a pas mis la cour de cassation en mesure d’exercer son controle sur la legalite de sa decision ;

Qu’en effet, alors qu’elle etait chargee de l’instruction, la chambre d’accusation, qui n’a ni entendu la partie civile ni visionne la bande video que g… avait produite a l’appui de sa plainte comme il l’eut fait d’un article de presse et ce, afin de prendre connaissance tant des propos reellement tenus que des circonstances exactes dans lesquelles ils avaient ete prononces, s’est exclusivement determinee en se fondant sur les termes utilises par le plaignant, vus sous un angle purement formel et sur la nature de « l’evenement commente » ;

Que, par ailleurs, les juges qui ont ainsi laisse sans reponse les conclusions developpees devant eux par la partie civile, ont omis d’analyser les propos incrimines afin de rechercher ainsi, au travers de leur formulation et du contexte local auquel ils semblent se rapporter, en quelle qualite d… etait susceptible de les avoir effectivement tenus ;

D’ou il suit que le moyen doit etre accueilli ;

Par ces motifs, casse et annule l’arret de la chambre d’accusation de la cour d’appel de lyon du 18 octobre 1983 et, pour etre statue a nouveau conformement a la loi, renvoie la cause et les parties devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de paris, a ce designee par deliberation speciale prise en chambre du conseil.

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