Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 29 novembre 1994, 92-82.815, Publié au bulletin

  • Preuve de la vérité des faits diffamatoires·
  • Offre de preuve·
  • Diffamation·
  • Diffamation raciale·
  • Religion·
  • Relaxe·
  • Délit·
  • Partie civile·
  • Injure·
  • Propos

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

En matière de diffamation raciale, le prévenu qui a spontanément offert, dans les conditions précisées par l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881, de faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires, ne saurait ensuite soutenir que les termes ou expressions incriminées ne seraient pas diffamatoires, faute de contenir l’imputation d’un fait précis susceptible de preuve. (1).

Encourt la cassation l’arrêt qui a admis en ce cas l’absence de caractère diffamatoire des propos incriminés.

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 29 nov. 1994, n° 92-82.815, Bull. crim., 1994 N° 381 p. 931
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 92-82815
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 1994 N° 381 p. 931
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 7 avril 1992
Précédents jurisprudentiels : Confère :
(1°). (1)
Chambre criminelle, 02/12/1980, Bulletin criminel 1980, n° 326 (2), p. 834 (cassation)
Chambre criminelle, 03/06/1982, Bulletin criminel 1982, n° 143 (2), p. 406 (cassation partielle)
Chambre criminelle, 14/04/1992, Bulletin criminel 1992, n° 162 (3), p. 417 (rejet)
Chambre criminelle, 22/02/1966, Bulletin criminel 1966, n° 63, p. 135 (rejet)
Chambre criminelle, 22/05/1990, Bulletin criminel 1990, n° 211 (2), p. 530 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi)
A comparer :
Chambre criminelle, 11/07/1972, Bulletin criminel 1972, n° 236 (2), p. 618 (cassation partielle).
Textes appliqués :
Loi 1881-07-29 art. 32 al. 2, art. 35, art. 55
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007067763
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Sur les parties

Texte intégral

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :

— la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 11e chambre, en date du 8 avril 1992, qui, dans la procédure suivie contre X… et Y…, des chefs de diffamation raciale et complicité, a relaxé les prévenus et débouté la partie civile de ses demandes.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur l’étendue du pourvoi :

Attendu qu’en l’absence de pourvoi du ministère public, la décision de relaxe sur l’action publique ne peut être remise en cause par le seul pourvoi de la partie civile ; que l’action publique a été éteinte par la chose jugée ;

Attendu qu’il résulte d’un extrait régulier des actes de l’Etat civil de la ville de Paris (7e) que X… est décédé le 22 octobre 1994 ;

Attendu que nonobstant le décès de ce prévenu, la Cour de Cassation reste compétente pour statuer sur l’action civile, tant à son égard qu’à celui du coprévenu ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 2, 42, 47, 48 et suivants de la loi du 29 juillet 1881, 59 et 60 du Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale, violation de la loi :

«  en ce que l’arrêt attaqué a prononcé la relaxe des prévenus du chef de diffamation raciale ;

«  aux motifs que les propos visent :

«  bien l’ensemble des membres de la communauté juive, à raison de leur origine, de leur race ou de leur religion…, nonobstant les exceptions figurant ensuite dans le texte, celles-ci apparaissant comme de simples précautions oratoires qui ne modifient en rien le sens de l’expression précédemment utilisée ;

« considérant que le terme »antinational« , et non »international« ou »antinationaliste« , utilisé par Y… dans la même phrase pour qualifier l’esprit créé par les membres de la communauté juive, désignés sous ladite formule d’internationale juive, est une expression outrageante ou injurieuse pour ceux-ci, puisqu’être antinational c’est être opposé aux intérêts de son pays » ;

«  considérant toutefois que la poursuite vise, non l’injure, mais la diffamation raciale (délit de l’article 32, aliéna 2, de la loi de 1881) ;

«  qu’en l’espèce aucun fait précis n’est imputé ; qu’il échet de constater que l’allégation selon laquelle « les grandes internationales, comme l’internationale juive, jouent un rôle non négligeable dans la création de cet esprit antinational » ne peut, en raison de sa généralité, caractériser le délit de diffamation, en l’absence de toute précision quant aux moyens mis en oeuvre pour la propagation de « cet esprit antinational » et en l’absence de toute indication d’un comportement de fait circonstancié ;

« alors que la phrase incriminée impute aux juifs d’avoir des agissements contraires aux intérêts de la nation qu’ils trahissent ainsi, que de telles imputations caractérisent des actes, de sorte que se trouve ainsi caractérisé le délit de diffamation, à l’égard d’un groupe à raison de sa religion » ;

Vu lesdits articles, ensemble les articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu qu’en matière de diffamation, le prévenu qui a spontanément offert, dans les conditions précisées à l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881, de faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires, ne saurait ensuite soutenir que les termes ou expressions incriminées ne seraient pas diffamatoires, faute de contenir l’imputation d’un fait précis susceptible de preuve ;

Attendu que le journal Z… a publié, dans son numéro 1883 daté du 11 août 1989, un article en forme d’interview intitulé « Y… répond à nos six questions politiques », énonçant, en guise de réponse à la cinquième question :

« Les grandes internationales, comme l’internationale juive, jouent un rôle non négligeable dans la création de cet esprit antinational » ;

Attendu qu’à raison de ce propos, le procureur de la République a requis l’ouverture d’une information, contre X…, directeur de la publication du journal, du chef de diffamation publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, en visant les articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 2, 42, 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881 ; que Y… a été poursuivi du chef de complicité de ce délit, et renvoyé, comme X…, devant la juridiction correctionnelle ; que les prévenus cités à comparaître par actes d’huissier des 19 décembre 1990 pour X… et 2 janvier 1991 pour Y…, ont fait signifier respectivement le 28 décembre 1990 et le 10 janvier 1991, une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, comportant la copie des pièces dénoncées en application de l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que, pour accueillir le moyen de défense des prévenus contestant la qualification, prononcer leur relaxe et débouter la partie civile intervenante, la cour d’appel, après avoir relevé que les propos incriminés visent l’ensemble des membres de la communauté juive, à raison de leur origine, de leur race ou de leur religion, observe que le terme « antinational » utilisé par Y… est une expression outrageante ou injurieuse pour ceux-ci, « puisqu’être antinational, c’est être opposé aux intérêts de son pays » ; que les juges précisent que la poursuite vise, non l’injure mais la diffamation raciale, qu’en l’espèce aucun fait n’est imputé, que l’allégation incriminée, par sa généralité, ne peut caractériser le délit de diffamation, et que la disqualification est prohibée en matière de presse ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, les juges ont méconnu le principe ci-dessus rappelé ;

Que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE l’arrêt de la cour d’appel de Paris, en date du 8 avril 1992, en ses seules dispositions statuant sur la constitution de partie civile de la Licra, et pour qu’il soit à nouveau jugé conformément à la loi :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Rouen.

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Textes cités dans la décision

  1. Loi du 29 juillet 1881
  2. CODE PENAL
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