Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 31 janvier 1996, 94-84.509, Publié au bulletin

  • Droits d'exploitation du créateur·
  • Contestation par le prévenu·
  • Propriété industrielle·
  • Dessins et modèles·
  • Œuvre de l'esprit·
  • Contrefaçon·
  • Protection·
  • Condition·
  • Validité·
  • Marque

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

°

Le prévenu poursuivi pour contrefaçon de modèle ne peut pour sa défense opposer à la partie civile, cessionnaire des droits d’exploitation, la nullité de la cession, faute de contrepartie financière à l’acte, dès lors que, tiers au contrat ne jouissant d’aucun droit sur le modèle, il est sans qualité pour se prévaloir de l’inobservation des dispositions de l’article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle instituées dans le seul intérêt du créateur.

Le dépôt d’un modèle n’est pas une condition nécessaire à sa protection comme oeuvre de l’esprit.

Le prévenu ne saurait dès lors invoquer le défaut de publication du modèle pour échapper aux poursuites exercées contre lui pour contrefaçon, non sur le fondement de l’article L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle mais sur celui des articles L. 335-2 et L. 335-3 de ce Code(1).

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 31 janv. 1996, n° 94-84.509, Bull. crim., 1996 N° 55 p. 136
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 94-84509
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 1996 N° 55 p. 136
Décision précédente : Cour d'appel de Chambéry, 16 août 1994
Précédents jurisprudentiels : Confère :
(2°). (1)
Chambre criminelle, 27/10/1987, pourvoi n° 85-96.036, diffusé Juridial base CASS (rejet).
Textes appliqués :
1° : 2° :

Code de la propriété intellectuelle L131-4

Code de la propriété intellectuelle L521-4, L335-2, L335-3

Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007066683
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Sur les parties

Texte intégral

REJET du pourvoi formé par :

— X… Jean-Jacques,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, chambre correctionnelle, du 17 août 1994, qui, pour contrefaçon de marques et de modèles, l’a condamné à 2 mois d’emprisonnement avec sursis, 8 000 francs d’amende et a statué sur les intérêts civils.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 422-1 de l’ancien Code pénal et de l’article 593 du Code de procédure pénale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de contrefaçon de la marque Pedalo, l’a condamné à une peine d’emprisonnement et une amende ainsi qu’à des réparations civiles ;

«  aux motifs que la marque Pedalo a fait l’objet d’un dépôt initial de marque le 3 juin 1936, dépôt renouvelé périodiquement, et pour la dernière fois, le 17 janvier 1986 au nom de M. Y…, désignant tout appareil et engin de navigation et en particulier des engins de navigation mus par les passagers ; que, par acte sous seing privé du 28 avril 1986, une cession de marque au profit de M. Z… est intervenue ; que M. Z… a concédé un contrat de licence exclusive de cette marque à la société PNCM le 3 décembre 1987, contrat publié au registre des marques le 18 janvier 1988 ; que le 6 mai 1992, une nouvelle saisie contrefaçon a été opérée, faisant suite à des précédentes, et Me A…, huissier de justice, a saisi des prospectus sur lesquels le terme « Pedalo » était utilisé ; que si Jean-Jacques X… n’a peut-être pas « utilisé » comme le soulignent les premiers juges qui n’ont pu avoir la preuve de cette utilisation, par contre il a, à tout le moins, « détenu » des produits d’une marque contrefaite, et a offert de fournir (par le prospectus saisi) des produits ou des services sous une telle marque ; que l’article 422-1 du Code pénal réprime donc bien non seulement l’usage, mais aussi la détention ou l’offre de produits sous une marque imitante ; qu’en l’espèce, il est établi que Jean-Jacques X… a proposé à la vente des modèles Sunny en faisant référence à la marque Pedalo ; que, dès lors, le délit de contrefaçon de la marque Pedalo est établi et que le jugement déféré devra être réformé sur ce point ;

«  alors que, d’une part, le délit de détention de produits revêtus d’une marque contrefaite ne peut être constitué que si le prévenu est en possession d’objets matériels fabriqués sous la marque litigieuse ; qu’ainsi en déclarant Jean-Jacques X… coupable de ce délit à raison de la seule détention de prospectus présentant des embarcations sous la marque Pedalo, la cour d’appel a violé par fausse application l’article 422-1. 1o de l’ancien Code pénal ;

« alors que, d’autre part, en se bornant à relever que par les prospectus saisis chez le prévenu le 6 mai 1992 celui-ci avait offert de fournir des embarcations de marque Pedalo sans réfuter le motif du jugement entrepris dont la confirmation était demandée, selon lequel Jean-Jacques X… prétend ne pas avoir utilisé ce document depuis 1989, époque à laquelle les brochures de M. B… ont systématiquement évité cette dénomination protégée, la cour d’appel a entaché son arrêt d’un défaut de réponse à conclusion » ;

Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que Bernard Z… et la société Pedalo Nauticat Méditerranée (PNM) qu’il dirige, respectivement titulaire et concessionnaire de la marque Pedalo, ont directement cité Jean-Jacques X… pour contrefaçon de cette marque ;

Attendu que pour le déclarer coupable du délit de l’article 422-1 du Code pénal, dans sa rédaction alors applicable, l’arrêt attaqué énonce que le prévenu, qui commercialise des engins nautiques, a offert à la vente par voie de prospectus des modèles « sunny special » sous la dénomination de « pedalo » ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 422 du Code pénal, L. 521-1 et L. 714-1 du Code de la propriété intellectuelle, 1166 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a jugé que Jean-Jacques X… n’avait pas qualité pour invoquer la nullité de l’acte de cession de marques et de modèles et l’a déclaré coupable de contrefaçon de la marque Sunny et des modèles ;

« aux motifs que Jean-Jacques X… entend exercer cette action oblique en sa qualité d’ayant cause à titre particulier de M. B… et de sa société et subsidiairement sur l’article 1166 du Code civil aux termes duquel » les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne » ; que M. B… et sa société sont débiteurs envers Jean-Jacques X… d’une obligation de garantie de ce qu’ils sont bien propriétaires de marques et modèles dont le prévenu est l’importateur ; que M. B… et la société B… Costruzioni Nautiche intervenus en première instance, ont été déclarés irrecevables ; qu’ils n’ont pas fait appel ; que leur intervention volontaire en cause d’appel est tout aussi irrecevable ; que, dès lors, Jean-Jacques X… ne peut invoquer l’article 1166 du Code civil à son profit ;

«  alors que l’action oblique est ouverte au créancier lorsque son débiteur est empêché d’agir ; qu’ainsi en refusant à Jean-Jacques X… le droit d’agir par la voie oblique en nullité de cession de marques et de modèles, tout en constatant que l’intervention de M. B… duquel il tenait ses droits était irrecevable, tant en première instance qu’en appel, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen » ;

Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 422 de l’ancien Code pénal, L. 521-1 et L. 714-1 du Code de la propriété intellectuelle, 1103 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Jacques X… coupable de contrefaçon de marques et de modèles et l’a condamné à une peine d’emprisonnement, une amende et des réparations civiles ;

« aux motifs que l’acte du 18 avril 1984 intitulé » pouvoir " est en fait un acte de cession dont les termes ne peuvent être interprétés autrement ; qu’il est indiqué que « Ireneo B… donne par ce présent pouvoir à Bernard Z… de déposer en son nom de France les modèles Sunrise, Boy, Back to Back, Sunshine de mon catalogue et les marques Back to Back et Sunny, et lui cède tous droits et actions inhérents à leur exploitation en France… » ; certes, il n’est pas mentionné de contrepartie financière, et que, par voie de conséquence, il ne s’agit pas d’un contrat synallagmatique mais bien d’un contrat unilatéral, au sens de l’article 1103 du Code civil puisqu’il y a engagement « d’une ou plusieurs personnes envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières, il y ait d’engagement » ; que, par ailleurs, l’article L. 131-1 du Code de la propriété intellectuelle n’impose pas l’obligation de prévoir une rémunération en contrepartie d’une cession ;

«  alors qu’un contrat de cession des droits attachés à une marque ou un modèle ne peut avoir un caractère unilatéral que s’il est à titre gratuit ; qu’ainsi en considérant que le contrat de cession litigieux (dans lequel aucun prix n’avait été convenu), avait un caractère unilatéral, sans constater que le cédant était animé d’une intention libérale, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’Ireneo B…, fabricant italien d’engins de locomotion nautique, a cédé le 18 avril 1984 à Bernard Z… « tous droits et actions inhérents à l’exploitation en France » de la marque Sunny et de 4 modèles d’embarcation à pédales ; que Bernard Z… a déposé la marque et les modèles cédés à l’Institut national de la propriété industrielle et en a concédé l’exploitation à la société PNM ;

Que ces deux derniers ont directement cité devant le tribunal correctionnel Jean-Jacques X…, importateur en France d’engins vendus par Ireneo B…, pour contrefaçon de la marque Sunny et des modèles ;

Que le prévenu-prétendant agir en tant qu’ayant cause de son vendeur et exercer subsidiairement une action oblique comme créancier de celui-ci-, a opposé aux parties civiles la nullité de l’acte du 18 avril 1984, faute de contrepartie financière à la cession ;

Attendu que le demandeur critique vainement les motifs par lesquels les juges d’appel ont écarté son moyen de défense dès lors que, tiers au contrat et ne jouissant d’aucun droit sur les modèles déposés, il est sans qualité pour se prévaloir de l’inobservation des dispositions de l’article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle, instituées dans le seul intérêt du créateur ; qu’en outre, le défaut d’indication de la rémunération du cédant, dans l’acte de cession de marque, n’a pas d’incidence sur sa validité ;

D’où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 521-1 du Code de propriété intellectuelle, 9 du décret 92-792 du 13 août 1992, 388 et 593 du Code de procédure pénale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de contrefaçon de modèles et l’a condamné à une peine d’emprisonnement, une amende et des réparations civiles ;

«  aux motifs que les 7 modèles dont se prévaut Bernard Z… ont été déposés le 20 juin 1986 à l’INPI, selon Bernard Z…, et n’auraient été publiés, à la suite d’une erreur de l’INPI que le 28 février 1992 ; que l’acte du 18 avril 1984 portait sur 4 modèles :

Sunrise, Back to Back, Boy, Sunshine ; qu’il a été ensuite fait état dans l’assignation, d’un autre modèle Starlac S, contrefaisant pour partie du modèle Sunny Sdraio et d’un sixième modèle Mariner ;

«  que le modèle Starlac S aurait fait l’objet d’un dépôt de la société B… le 9 septembre 1991 ; mais qu’en fait M. Z… a déposé le 20 juin 1986 huit modèles d’engins nautiques et un modèle de toboggan, modèles ayant fait l’objet d’une cession à la SARL PNCM ; que les modèles ont bien été déposés pour le compte de M. Z…, propriétaire à la suite de la cession du 18 avril 1984 ; que Jean-Jacques X… ne conteste pas l’utilisation par lui à des fins commerciales en sa qualité d’importateur des produits d’Ireneo B… des catalogues Sunny et Starlac d’Ireneo B… et de la commercialisation par lui des modèles y figurant depuis 1989 ; que le procès-verbal de saisie contrefaçon du 6 mai 1992, tout comme le rapport d’enquête de M. C…, est postérieur à la date du 28 février 1992, date à laquelle les modèles auraient été publiés ; que, quoiqu’il en soit, le contrat de licence exclusive régularisé par M. Z… et la société PNCM le 3 décembre 1987 fait expressément référence aux huit modèles d’engins nautiques déposés le 20 juin 1986, et a été publié à l’INPI le 28 janvier 1988 (n° 027535) ;

«  alors qu’à défaut d’accord de sa part, le prévenu ne peut être jugé que sur les faits visés dans la prévention ; qu’ainsi en l’espèce où les faits de contrefaçon de modèles visés dans la prévention étaient tous antérieurs à la publicité du dépôt desdits modèles intervenue le 28 février 1992, la cour d’appel, en s’attachant pour condamner le prévenu à des faits postérieurs à cette publication, a violé les textes visés au moyen » ;

Attendu que le moyen procède d’une affirmation inexacte quant à la date des faits de contrefaçon visés dans la prévention ;

Qu’au demeurant, le prévenu ne saurait se prévaloir d’un prétendu défaut de publicité du dépôt des modèles dès lors que les poursuites sont fondées, non sur l’article 10 de la loi du 14 juillet 1909 relative aux dessins et modèles, devenu l’article L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle, mais sur les articles L. 335-2 et L. 335-3 de ce Code, repris des articles 425 et 426 anciens du Code pénal ;

Qu’en effet, le dépôt d’un modèle n’est pas une formalité nécessaire à sa protection comme oeuvre de l’esprit ;

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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