Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 27 novembre 1996, 96-80.223, Publié au bulletin

  • Déclaration interprétative de la république française·
  • Entrave à interruption volontaire de grossesse·
  • Convention européenne des droits de l'homme·
  • Convention de new york du 26 janvier 1990·
  • Interruption volontaire de grossesse·
  • Intérêt collectif de la profession·
  • Préjudice direct ou indirect·
  • Conventions internationales·
  • Article 2, paragraphe 1·
  • Article 6, paragraphe 1

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

°

L’ensemble des dispositions issues de la loi du 17 janvier 1975 et de celle du 31 décembre 1979 relatives à l’interruption volontaire de grossesse, de même que les dispositions pénales de l’article L. 162-15 du Code de la santé publique, ne sont incompatibles ni avec l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni avec l’article 6 du Pacte international sur les droits civils et politiques qui reconnaissent, l’un et l’autre, l’existence, pour toute personne, d’un droit à la vie protégé par la loi (arrêts n°s 1 et 2)(1).

Aux termes de la déclaration interprétative faite par la France en marge de la Convention relative aux droits de l’enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, celle-ci ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l’application des dispositions de la législation française relative à l’interruption de grossesse.

Les prévenus, cités pour entrave à interruption volontaire de grossesse, ne sont dès lors pas recevables à présenter une exception prise d’une prétendue incompatibilité des textes fondant la poursuite avec cette convention (arrêts n°s 1 et 2).

Les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ouvrent l’action civile à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite, sans exclure les personnes morales de droit public.

Un établissement public de santé est dès lors recevable, dans des poursuites exercées pour entrave à interruption volontaire de grossesse à l’intérieur de ses locaux, à demander la réparation du préjudice qu’il a personnellement subi du fait de l’infraction (arrêts n°s 1 et 2)(2).

En matière d’entrave à interruption volontaire de grossesse, les dispositions de l’article L. 162-15-1 du Code de la santé publique, relatives aux seules associations, ne font pas obstacle à l’application de celles de l’article L. 411-11 du Code du travail régissant l’action civile des syndicats professionnels (arrêts n°s 1 et 2).

En matière d’entrave à interruption volontaire de grossesse, il résulte des dispositions combinées des articles L. 162-15-1 du Code de la santé publique et 5 et 6 de la loi du 1er juillet 1901 que l’objet statutaire de l’association, défini par le premier de ces textes, doit avoir été déclaré depuis au moins 5 ans avant la date des faits à raison desquels elle entend exercer les droits reconnus à la partie civile (arrêt n° 1)(3).

Pour qu’une association puisse se constituer partie civile, dans des poursuites exercées pour entrave à interruption volontaire de grossesse, son objet statutaire doit, aux termes de l’article L. 162-15-1 du Code de la santé publique, comporter la défense des droits des femmes à accéder à la contraception et à l’avortement.

L’objet social d’une association tendant à la " défense des droits et à la dignité de la femme… " comprend nécessairement la défense du droit des femmes à accéder à la contraception et à l’avortement (arrêt n° 1). ° Le bloc opératoire d’un établissement de santé, public ou privé, ne saurait constituer pour celui-ci un domicile au sens de l’article 226-4 du Code pénal (arrêt n° 2).

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 27 nov. 1996, n° 96-80.223, Bull. crim., 1996 N° 431 p. 1245
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 96-80223
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 1996 N° 431 p. 1245
Décision précédente : Cour d'appel de Dijon, 29 novembre 1995
Précédents jurisprudentiels : Confère :
(1°). (1)
(3°). (2)
(5°). (3)
Chambre criminelle, 08/03/1995, Bulletin criminel 1995, n° 93 (1), p. 232 (cassation partielle), et les arrêts cités.
Chambre criminelle, 22/10/1986, Bulletin criminel 1986, n° 302, p. 771 (rejet), et les arrêts cités.
Conseil d'Etat, 21/12/1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques et autres, Rec. Lebon, p. 368.
Textes appliqués :
1° : 1° : 2° : 3° : 4° : 5° : 5° : 6° : 7° :

Code de la santé publique L162-15

Code de la santé publique L162-15-1

Code de procédure pénale 2, 3

Code du travail L411-11

Code pénal 226-4

Convention de New York relative aux droits de l’enfant 1990-01-26

Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales 1950-11-04 art. 2

Loi 1901-07-01 art. 5, art. 6

Loi 75-17 1975-01-17

Loi 79-1204 1979-12-31

Pacte international relatif aux droits civils et politiques de New York 1966-12-19 art. 6

Dispositif : REJET
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007067641
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° 1

REJET du pourvoi formé par X…, Y…, Z…, A…, B…, C…, D…, E…, contre l’arrêt de la cour d’appel de Dijon, chambre correctionnelle, du 30 novembre 1995, qui, pour entrave à interruption volontaire de grossesse, les a condamnés à 4 mois d’emprisonnement avec sursis et à 4 000 francs d’amende et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur les faits :

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, en début de matinée, au centre hospitalier de C…, 8 personnes se sont introduites dans la salle de la maternité où se pratiquent habituellement les interruptions volontaires de grossesse et se sont enchaînées par les chevilles et par le cou à l’aide d’antivols de motocyclette ; que plus de 3 heures ont été nécessaires pour ôter ces dispositifs et libérer les lieux ;

Que, par leur intrusion dans les locaux, et leur enchaînement justifiant le recours aux services de police, ces personnes ont paralysé le fonctionnement de la salle d’intervention du centre d’orthogénie et du « centre de planification » et ainsi empêché une interruption volontaire de grossesse, de même que des entretiens et consultations préalables à une telle intervention ;

Que les membres du groupe sont poursuivis pour entrave à interruption volontaire de grossesse, délit réprimé par l’article L. 162-15 du Code de la santé publique, résultant de la loi du 27 janvier 1993 ; qu’ils ont, par l’arrêt attaqué, été déclarés coupables de cette infraction, laquelle est exclue du bénéfice de l’amnistie par l’article 25, 23 de la loi du 3 août 1995 ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, 6 du Pacte international sur les droits civils et politiques, 6 de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, délit prévu et réprimé par l’article L. 162-15 du Code de la santé publique ;

«  aux motifs que le législateur dénie à l’embryon la qualité de personne humaine, que la loi permet l’interruption volontaire de grossesse en deçà d’une certaine durée de gestation, qu’il s’agit d’une loi régulièrement votée et que, ni les prévenus ni la Cour, dans la mesure où aucune norme légale supranationale n’a jusqu’ici reconnu à l’embryon un droit absolu à la vie, ne peuvent en faire litière au nom de considérations morales, psychologiques, politiques, philosophiques, religieuses voire médicales ;

« 1° alors que les articles 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 6 du Pacte international sur les droits civils et politiques consacrent le droit à la vie de toute personne humaine et la protection de ce droit par la loi et ne prévoient d’exception à ce principe qu’en cas d’exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal, que l’article 6 de la Convention de New York du 26 janvier 1990, relative aux droits de l’enfant, reconnaît à tout enfant un droit inhérent à la vie, que n’opérant aucune distinction, ces textes s’appliquent à l’enfant conçu et non encore né, personne humaine à part entière, qu’en effet, il est scientifiquement établi que la vie humaine commence dès la fécondation de l’ovule et se développe de manière continue sans que l’on puisse faire de distinction au cours des différentes phases de son développement, que la qualité d’être humain de l’enfant conçu a toujours été reconnue en droit français, ceci jusque par la loi Veil elle-même, qui, dans son article 1er, après avoir posé le principe général du »respect de tout être humain dès le commencement de la vie« , admet ensuite que l’interruption volontaire de grossesse pratiquée dans les conditions définies aux articles suivants »porte atteinte à ce principe", que, dès lors, le principe du droit au respect de la vie humaine consacré par les conventions internationales susvisées ne comportant aucune exception ou restriction (autre que celle déjà mentionnée d’une sentence capitale), la loi Veil est incompatible avec ces conventions en ce qu’elle prévoit qu’il puisse être porté atteinte à ce principe en permettant, à certaines conditions, aux femmes de mettre volontairement fin à une grossesse, que cette incompatibilité est d’autant plus manifeste que les conditions dont la loi Veil assortit cette permission n’ont aucune portée réelle (il suffit, en particulier, à la femme d’invoquer une situation de détresse pour obtenir, sans aucun contrôle de la réalité de cette situation, qu’il soit mis fin à sa grossesse pendant les dix premières semaines), de sorte que, loin de limiter l’avortement à des cas exceptionnels et bien circonscrits, cette loi a largement ouvert le recours à cette pratique, conférant ainsi aux femmes, sans le dire expressément, un véritable droit objectif à l’avortement qui ruine totalement le principe général du respect de la vie posé à l’article 1er et que, dans ces conditions, l’article L. 162-15 du Code de la santé publique est, par le fait même, également incompatible avec les conventions internationales susvisées et ne pouvait, par conséquent, recevoir application en l’espèce ;

«  2° alors qu’aux termes de l’article 8, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, « toute personne a droit au respect de sa vie… familiale », que de même, l’article 8 de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant consacre « le droit de l’enfant de préserver… ses relations familiales », que ce droit implique celui de mener une vie familiale normale qui permette le développement des rapports de filiation, que, par ailleurs, l’article 9 de la convention de New York précitée pose le principe selon lequel l’enfant ne doit pas être « séparé de ses parents contre leur gré », que la loi Veil donne à la mère le pouvoir de décider, seule, d’interrompre sa grossesse, sans même qu’il soit nécessaire d’en avertir le père qui, en toute hypothèse, ne saurait s’y opposer, que cette loi, qui efface ainsi purement et simplement le lien de paternité entre le père et son enfant et qui autorise la suppression du second même contre le gré du premier, est incompatible avec les conventions internationales précitées et que, dès lors, l’article L. 162-15 du Code de la santé publique est, par le fait même, également incompatible avec ces conventions et ne pouvait donc recevoir application en l’espèce » ;

Attendu que les prévenus excipent, pour la première fois devant la Cour de Cassation, d’une exception prise de l’incompatibilité de la législation relative à l’interruption volontaire de grossesse tant avec l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales qu’avec l’article 6 du Pacte international sur les droits civils et politiques qui reconnaissent, l’un et l’autre, l’existence, pour toute personne, d’un droit à la vie protégé par la loi ;

Attendu, cependant, que la loi du 17 janvier 1975 n’admet qu’il soit porté atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie, rappelé dans son article 1er, qu’en cas de nécessité et selon les conditions et limitations qu’elle définit ;

Qu’eu égard aux conditions ainsi posées par le législateur, l’ensemble des dispositions issues de cette loi et de celles du 31 décembre 1979 relatives à l’interruption volontaire de grossesse, de même que les dispositions pénales de l’article L. 162-15 du Code de la santé publique, ne sont pas incompatibles avec les stipulations conventionnelles précitées ;

Attendu, en outre, qu’en l’état de la déclaration interprétative faite par la France lors de la signature à New York, le 26 janvier 1990, de la Convention relative aux droits de l’enfant et selon laquelle celle-ci ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l’application des dispositions de la législation française relative à l’interruption volontaire de grossesse, les demandeurs ne sont pas recevables à présenter une exception prise d’une prétendue incompatibilité des textes fondant la poursuite avec cette convention ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en ce qu’il vise l’article 8, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-4, alinéa 1, 122-7 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, délit prévu et réprimé par l’article L. 162-15 du Code de la santé publique ;

«  aux motifs propres et repris des premiers juges que les prévenus ne sauraient se prévaloir des dispositions de l’article 122-7 du Code pénal exonérant de toute responsabilité pénale celui qui, face à un danger actuel ou éminent menaçant une personne ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de cette personne ou de ce bien dès lors que la qualité de personne humaine ne saurait être reconnue à l’embryon et que la loi autorise l’avortement et que les prévenus ne rapportent pas la preuve qu’ils ont apporté un secours quelconque aux patientes venues se soumettre à l’entretien préalable ou subir une interruption volontaire de grossesse ;

« alors que le nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994 (dont postérieurement à l’article L. 162-15 du Code de la santé publique, a institué, en son article 122-7, une nouvelle cause d’exonération de responsabilité pénale, qu’aux termes de ce texte, »n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace« , que ce principe, qui n’est assorti d’aucune exception ni réserve, a valeur de principe fondamental de droit pénal, qu’un enfant conçu, dont la mère se prépare à subir une interruption volontaire de grossesse, se trouve incontestablement exposé à un danger actuel et imminent qui menace sa vie, que le fait pour un groupe de personne de tenter de sauver cet enfant, en occupant pacifiquement le bloc opératoire de l’hôpital où doit s’opérer sa destruction, constitue un acte de sauvegarde proportionné à la gravité de la menace qui pèse sur lui, et que, par conséquent, la responsabilité pénale de ces personnes ne saurait être recherchée du fait d’une telle occupation, ceci alors même que d’autres dispositions législatives, antérieures à l’entrée en vigueur de l’article 122-7 du Code pénal, autorisent l’avortement dans certains cas et répriment le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher l’accomplissement d’un tel acte, dès lors que l’unique but recherché par cette occupation est de sauvegarder la vie d’un ou plusieurs enfants » ;

Attendu que les prévenus ont soutenu que l’entrave à l’interruption volontaire de grossesse était justifiée pour sauvegarder l’enfant à naître d’une atteinte à sa vie ;

Attendu qu’en écartant ce fait justificatif, la cour d’appel n’a pas encouru le grief allégué ;

Qu’en effet, l’état de nécessité, au sens de l’article 122-7 du Code pénal, ne saurait être invoqué pour justifier le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, dès lors que celle-ci est autorisée, sous certaines conditions, par la loi du 17 janvier 1975 ;

Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 162-15 du Code de la santé publique, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile du centre hospitalier W… et a condamné in solidum les prévenus à lui payer la somme de 1 franc à titre de dommages et intérêts ;

«  aux motifs repris des premiers juges que la constitution de partie civile du centre hospitalier W… est recevable et que les consciences des personnels hospitaliers… ont été profondément heurtées, probablement blessées, par ladite action (celle des prévenus) qui s’inscrit à rebours du long, douloureux et tumultueux débat qui a conduit à la promulgation de la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 ;

«  1° alors que, selon l’article 2 du Code de procédure pénale, ne peut demander réparation du dommage causé par une infraction que celui qui a subi un préjudice personnel et direct, qu’en l’espèce, le préjudice retenu par la Cour comme découlant de l’infraction n’affecte nullement le centre hospitalier W… lui-même, personne morale, mais seulement certains membres de son personnel, personnes physiques et que, dès lors, la Cour ne pouvait donc, sans violer le texte susvisé, lui accorder des dommages-intérêts ;

«  2° alors qu’au surplus, une personne morale de droit public ne peut, sauf exception expressément prévue par la loi, se voir accorder la réparation du préjudice moral résultant d’une infraction dont elle a été victime et qu’en l’espèce aucun texte ne confère aux centres hospitaliers le droit de se constituer partie civile pour défendre leurs intérêts moraux ;

« 3° alors qu’en toute hypothèse, en vertu du même principe énoncé à l’article 2 du Code de procédure pénale, l’article L. 162-15 du Code de la santé publique ne visant nullement à protéger le personnel des établissements hospitaliers pratiquant des avortements mais uniquement le droit des femmes à recourir à cette pratique dans le cadre de la loi, le préjudice prétendument subi par les personnels hospitaliers ne constitue pas un dommage directement causé par l’infraction, susceptible d’être réparé sur le fondement du texte susvisé, ceci d’autant plus que le préjudice retenu est celui on ne peut plus lointain et impalpable consistant en un trouble de conscience » ;

Attendu que le centre hospitalier de C… s’est constitué partie civile et a demandé un franc de dommages et intérêts en réparation, aux termes de ses conclusions, du trouble subi dans son fonctionnement et de l’atteinte à sa mission ;

Qu’en ayant déclaré son action recevable et fondée, abstraction faite des motifs repris au moyen qui concernent d’autres parties civiles, la cour d’appel n’a pas encouru les griefs allégués ;

Qu’en effet, les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ouvrent l’action civile à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite, sans exclure les personnes morales de droit public ;

Que le moyen ne peut, dès lors, être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 162-15, L. 162-15.1 du Code de la santé publique, L. 411-11 du Code du travail, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré recevables les constitutions de partie civile du syndicat CGT du centre hospitalier de C… et du syndicat départemental CFDT des services de santé et des services sociaux de Saône-et-Loire et condamné in solidum les prévenus à payer à chacun de ces 2 syndicats respectivement les sommes de 10 000 francs et de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

« aux motifs que l’article L. 411-11 du Code du travail étend à leur profit (celui des syndicats), par exception au principe posé par l’article 2, 1er alinéa, du Code de procédure pénale, l’exercice des droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent, que »l’action des prévenus a causé un préjudice direct à l’intérêt collectif des personnels hospitaliers ainsi que les pièces de la procédure et les débats l’ont amplement démontré" et que les consciences des personnels hospitaliers… ont été profondément heurtées, probablement blessées, par ladite action qui s’inscrit à rebours du long, douloureux et tumultueux débat qui a conduit à la promulgation de la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 ;

«  1° alors qu’aux termes de l’article L. 162-15.1 du Code de la santé publique, seules les associations régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans à la date des faits, dont l’objet statutaire comporte la défense des droits des femmes à accéder à la contraception et à l’avortement, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l’infraction d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, que ces dispositions spécifiques restreignent nécessairement en cette matière le droit reconnu aux syndicats professionnels par l’article L. 411-11 du Code du travail de se porter partie civile relativement aux fait portant atteinte à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent et qu’en l’espèce, n’étant nullement établi que le syndicat CGT du centre hospitalier de C… et le syndicat départemental CFDT des services de santé et des services sociaux de Saône-et-Loire aient pour objet statutaire la défense des droits des femmes à accéder à la contraception et à l’avortement, la constitution de partie civile de ces syndicats était irrecevable ;

«  2° alors qu’en toute hypothèse, la Cour n’a caractérisé aucun préjudice causé par les prévenus à l’intérêt collectif des professions de santé défendu par les 2 syndicats, parties civiles, et que le seul préjudice qu’elle a relevé, à savoir l’atteinte portée aux consciences des personnels hospitaliers, serait seulement susceptible d’avoir affecté individuellement tel ou tel membre de ces personnels, seul à même d’en demander réparation ;

« 3° alors qu’au surplus, le trouble causé dans les consciences par une infraction ne constitue nullement un préjudice direct et personnel au sens de l’article 2 du Code de procédure pénale mais un préjudice qui se confond, en réalité, avec celui porté à l’intérêt général protégé par le ministère public » ;

Attendu que, pour dire le syndicat CGT du centre hospitalier de C… et le syndicat CFDT des services de santé et des services sociaux de Saône-et-Loire recevables et fondés en leur constitution de partie civile, l’arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en cet état, et dès lors que les dispositions de l’article L. 162-15.1 du Code de la santé publique, relatives aux seules associations, ne font pas obstacle à l’application de celles de l’article L. 411-11 du Code du travail régissant l’action civile des syndicats professionnels, la cour d’appel, qui a caractérisé le préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 162-15, L. 162-15.1 du Code de la santé publique, 3, 5, 6, de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré recevables les constitutions de partie civile de la Confédération nationale du mouvement pour le planning familial, de l’Association départementale de Saône-et-Loire du mouvement français pour le planning familial et de l’Union des femmes françaises et a condamné in solidum les prévenus à leur payer à chacune la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

« aux motifs que la recevabilité de la constitution de partie civile d’une association est subordonnée, selon l’article L. 162-15.1 du Code de la santé publique créé en 1993, à la double condition que cette association soit régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans et que son objet statutaire comporte la défense des droits des femmes à accéder à la contraception et à l’avortement, que seule la première condition doit être remplie depuis plus de 5 ans, qu' »il est, au demeurant, démontré que les associations ont été créées avant 1988 et que leur objet statutaire répond bien aux exigences de l’article L. 162-15.1 du Code de la santé publique« et que »les consciences… des associations ont été profondément heurtées, probablement blessées, par ladite action (celle des prévenus) qui s’inscrit à rebours du long, douloureux et tumultueux débat qui a conduit à la promulgation de la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975" ;

« 1° alors que le délai de 5 ans prévu à l’article L. 162-15.1 du Code de la santé publique s’applique non seulement à la condition d’une déclaration régulière de l’association, mais aussi à l’inscription dans ses statuts de »la défense des droits des femmes à accéder à la contraception et à l’avortement", qu’en l’espèce, l’objet statutaire de la Confédération nationale du mouvement pour le planning familial, de l’Association départementale de Saône-et-Loire du mouvement français pour le planning familial et de l’Union des femmes françaises ne comporte la défense du droit à la contraception et à l’avortement que depuis la modification récente de leurs statuts intervenue depuis moins de 5 ans à la date des faits et que, dès lors, ces associations n’étaient pas recevables en leur constitution de partie civile à l’encontre des prévenus ;

« 2° alors qu’en toute hypothèse, l’objet statutaire de la Confédération nationale du mouvement pour le planning familial, de l’Association départementale de Saône-et-Loire du mouvement français pour le planning familial et de l’Union des femmes françaises, tel qu’il résulte de leurs statuts modifiés, ne comporte pas la défense des droits des femmes à accéder à l’avortement dans le cadre des dispositions des articles L. 162-1 et suivants du Code de la santé publique, mais la défense »du droit à l’avortement« , que cet objet statutaire est totalement illicite, dès lors que la loi ne reconnaît aucun droit à l’avortement pour la femme enceinte mais, bien au contraire, un droit à la vie pour l’enfant qu’elle porte, et ceci même si ce droit est assorti d’exceptions et si ces exceptions sont définies de telle sorte que le recours à l’avortement soit, en réalité, nullement exceptionnel mais largement ouvert et que, dans ces conditions, ces associations étaient irrecevables à se constituer partie civile dans l’instance pénale diligentée contre les prévenus » ;

Attendu que, pour recevoir les constitutions de partie civile de la Confédération nationale du mouvement français pour le planning familial, de l’Association départementale de Saône-et-Loire du mouvement français pour le planning familial et de l’Union des femmes françaises, la cour d’appel énonce que la condition d’ancienneté prévue par l’article L. 162-15.1 du Code de la santé publique ne s’applique qu’à l’association elle-même et ne concerne pas son objet statutaire, tel qu’exigé par ce texte pour exercer l’action civile ;

Qu’elle en déduit qu’il n’importe que les 3 associations constituées parties civiles, régulièrement créées depuis plus de 5 ans à la date des faits de 1995, aient ajouté dans leurs statuts, seulement après la loi du 27 janvier 1993 instituant le délit poursuivi, la défense du droit des femmes à accéder à la contraception et à l’avortement ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 162-15.1 du Code de la santé publique et 5 et 6 de la loi du 1er juillet 1901 que l’objet statutaire de l’association, défini par le premier de ces textes, doit avoir été déclaré depuis au moins 5 ans avant la date des faits à raison desquels elle entend exercer les droits reconnus à la partie civile, la cour d’appel encourt le grief allégué ;

Attendu, cependant, que les pièces de la procédure mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que l’objet statutaire de la Confédération nationale du mouvement français pour le planning familial et de l’Association départementale de Saône-et-Loire du mouvement français pour le planning familial comprenait nécessairement, depuis au moins 5 ans avant les faits, le but assigné par l’article L. 162-15.1 du Code de la santé publique ;

Que, de même, l’objet social de l’Union des femmes françaises tendant, antérieurement à la modification de ses statuts, à la « défense des droits et de la dignité de la femme… » incluait nécessairement la défense du droit des femmes à accéder à la contraception et à l’avortement ;

D’où il suit que, par ces motifs substitués à ceux des premiers juges, le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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