Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 4 décembre 1996, 96-80.736, Publié au bulletin

  • Responsabilité d'un agent d'un syndicat intercommunal·
  • Compétence de la juridiction pénale·
  • Fonctionnaire condamné pour crime·
  • Faute détachable du service·
  • Compétence d'attribution·
  • Syndicat intercommunal·
  • Dommages et intérêts·
  • Cour d'assises·
  • Action civile·
  • Partie civile

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Les juridictions pénales sont compétentes pour apprécier, ensuite de sa condamnation pénale, la responsabilité de l’agent d’un service public à raison des fautes personnelles détachables de la fonction, lorsque l’administration exerce, aux fins de réparation, les droits de la partie civile prévus par les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale.

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 4 déc. 1996, n° 96-80.736, Bull. crim., 1996 N° 447 p. 1307
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 96-80736
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 1996 N° 447 p. 1307
Décision précédente : Cour d'assises de Loire-Atlantique, 17 décembre 1995
Textes appliqués :
Code de procédure pénale 2, 3
Dispositif : Rejet et Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007068015
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Sur les parties

Texte intégral

REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :

— X… Roger,

— Y… Freddy,

— le Syndicat intercommunal de la Côte-d’Amour et de la Presqu’île guérandaise (S. I. C. A. P. G.), partie civile, pour le premier des demandeurs,

contre l’arrêt de la Cour d’assises de la Loire-Atlantique, en date du 18 décembre 1995, qui, pour faux en écriture publique et usage, l’a condamné à 8 ans d’emprisonnement, à la privation des droits civiques et à l’interdiction d’exercer une fonction juridictionnelle pendant 10 ans et, pour l’ensemble des 3 demandeurs, contre l’arrêt du 18 janvier 1996 par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

I. Sur le pourvoi de Roger X… en tant que dirigé contre l’arrêt pénal :

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 214, 215, 327 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :

«  en ce que l’arrêt de renvoi lu à l’audience de la cour d’assises (P. V. p. 13) reproduisait à l’identique les réquisitions du procureur général et présentait dans ses motifs la culpabilité de l’accusé comme d’ores et déjà établie ;

« alors que viole la présomption d’innocence, ensemble le principe d’égalité des armes, la lecture à l’audience de la cour d’assises d’un arrêt de renvoi qui reproduit servilement les réquisitions du procureur général et présente, dans ses motifs, la culpabilité de l’accusé comme acquise » ;

Attendu que le moyen se borne à critiquer la lecture de l’arrêt de renvoi décision définitive ayant acquis l’autorité de la chose jugée alors que cette lecture intégrale à l’audience, prescrite par l’article 327 du Code de procédure pénale, est conforme à l’exigence, formulée par l’article 6, § 3. a, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’informer tout accusé, de manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;

Qu’ainsi, le moyen est inopérant ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 2, 3, 371, 593 et 609 du Code de procédure pénale :

«  en ce que la Cour a sursis à statuer sur la recevabilité contestée de la constitution de la partie civile de Me Goupil ès qualités (P. V. p. 9 et 10) et n’a constaté le défaut de qualité pour agir de celui-ci qu’après la fin de l’instruction à l’audience et des plaidoiries (P. V. p. 34) ;

« alors qu’en différant ainsi la constatation de l’irrecevabilité de Me Goupil ès qualités, la Cour a excédé ses pouvoirs et a permis en définitive à une partie dénuée de qualité pour agir la faculté de corroborer l’action publique au détriment des droits de la défense et de l’égalité des armes » ;

Attendu que, par arrêt incident du 12 décembre 1995, la Cour d’assises a, notamment, sursis à statuer sur la constitution de partie civile du mandataire liquidateur de la S. A. R. L. Promaint avant de la déclarer irrecevable par l’arrêt du 18 janvier 1996, à l’issue des débats sur les intérêts civils ;

Qu’en cet état il a été régulièrement procédé, dès lors qu’il ne résulte d’aucun texte que l’appréciation, par le juge, du bien-fondé de l’exception d’irrecevabilité d’une partie civile doive être préalable à la décision sur l’action publique, laquelle, au demeurant, n’intervient que sur les seules réquisitions du ministère public ;

Qu’ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;

II. Sur les pourvois contre l’arrêt civil :

Sur le pourvoi de Roger X… :

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 et 1350 du Code civil, 31 et 125 du nouveau Code de procédure civile, 2, 3, 5, 375, 375-2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

«  en ce que l’arrêt civil attaqué a condamné Roger X… à payer 6 000 000 francs de dommages et intérêts à la banque du Dome Crédifrance Factor outre 20 000 francs au titre des frais irrépétibles ;

« aux motifs que des factures relatives à des travaux fictifs pour le S. I. V. O. M. portant la mention » service fait " ont été affacturées par Freddy Y… auprès de la banque du Dome Crédifrance Factor ; que certaines de ces factures ont été ensuite rejetées par le trésorier payeur de La Baule (…) ; que la constitution de partie civile de la banque est recevable ; qu’en effet le fait que les factures correspondant à des travaux fictifs qu’elle a achetées à la S. A. R. L. Promaint, gérée par Freddy Y…, aient été revêtues de la mention « service fait » apposée par Roger X… en qualité de directeur général du S. I. V. O. M., lui donnait toute assurance d’être payée par cet établissement public solvable ; qu’elle s’est ensuite vue opposer un refus par le trésorier payeur de la Baule en raison de la fausseté de ces factures ;

«  alors que le préjudice ainsi allégué par la banque ne trouve pas directement sa source dans les faux mais dans un vice affectant les opérations d’affacturages conclues avec un tiers ; qu’ainsi le lien direct de causalité entre les infractions reprochées au requérant et le préjudice allégué par la banque fait défaut » ;

Attendu que, pour condamner Roger X… à payer des dommages-intérêts à la S. A. Crédifrance Factor, l’arrêt attaqué retient, par les motifs repris au moyen, que cette société d’affacturage, en acquérant de bonne foi les factures fictives de la SARL Promaint, a été abusée par les mentions apposées par l’accusé, fonctionnaire public, attestant mensongèrement qu’elles correspondaient à des travaux réellement exécutés ;

Qu’ayant ainsi retenu que les faits de faux en écriture publique et d’usage de faux, dont Roger X… a été déclaré coupable, étaient directement à l’origine du préjudice invoqué par la société demanderesse, la cour a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

Que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le pourvoi du Syndicat intercommunal de la Côte-d’Amour et de la Presqu’île guérandaise (S. I. C. A. P. G.), partie civile :

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de la loi des 16 et 24 août 1790 par fausse application des articles 1200 et 1382 du Code civil, 2, 3, 371 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

«  en ce que la cour d’assises s’est déclarée incompétente pour statuer sur les demandes présentées par le S. I. C. A. P. G., partie civile, à l’encontre de Roger X…, reconnu coupable de faux en écritures publiques et usage de faux ;

«  aux motifs qu’au moment des faits Roger X… était le directeur général de cet établissement ; que c’est en cette qualité qu’il a été déclaré coupable de faux et usage de faux en écritures publiques à son encontre ; que l’action en responsabilité de cet établissement public contre son fonctionnaire en raison de ses fautes personnelles, commises dans l’exercice de ses fonctions, ressortit de la compétence administrative ;

«  alors, d’une part, que la faute personnelle commise par un fonctionnaire, fût-ce dans l’exercice de ses fonctions, constitue un acte à caractère privé et non administratif, qui par définition est détachable de sa fonction et que les tribunaux judiciaires ont, par conséquent, seuls qualité pour connaître ; que, dès lors, en se déclarant incompétente au profit de la juridiction administrative pour statuer sur le préjudice causé à l’administration par la faute personnelle de son agent, la cour d’assises a violé les textes susvisés ;

«  alors, d’autre part, que l’intérêt d’une bonne administration de la justice commande de soumettre à la même juridiction l’action civile intentée par l’Administration victime contre son agent et contre un particulier, lorsque ceux-ci ont été déclarés coupables des mêmes faits, le premier en qualité d’auteur principal et le second en qualité de complice ; qu’en effet, en se déclarant incompétente pour statuer sur les demandes formulées au titre de l’action civile par l’Administration contre son agent, et en condamnant le particulier à réparer l’entier dommage allégué par l’Administration, la cour d’assises a privé cette dernière du bénéfice de la solidarité de 2 débiteurs, puisqu’en application du principe commun au droit civil et au droit administratif de la réparation strictement intégrale du préjudice l’Administration ne pourra demander une nouvelle fois la réparation de son préjudice à l’agent public devant la juridiction administrative ; que dès lors, l’arrêt attaqué a violé les textes susvisés et doit être annulé » ;

Vu lesdits articles, ensemble les articles 2, 3, 375-2 du Code de procédure pénale, 55 ancien du Code pénal ;

Attendu que les juridictions pénales sont compétentes pour apprécier, ensuite de sa condamnation pénale, la responsabilité de l’agent d’un service public à raison des fautes personnelles détachables de la fonction, lorsque l’Administration exerce, aux fins de réparation, les droits de la partie civile prévus par les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;

Attendu que les personnes condamnées pour un même crime ou pour un même délit sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts ;

Attendu que le Syndicat intercommunal de la Côte-d’Amour et de la Presqu’île guérandaise (S. I. C. A. P. G.) s’est constitué partie civile contre Roget X…, son directeur général, et Freddy Y…, dirigeant de la Société Promaint, et a sollicité leur condamnation solidaire au règlement de diverses sommes correspondant notamment à des paiements indus faits par lui sur la présentation, par la Société Promaint, de factures afférentes à de faux marchés publics établies à la suite des agissements criminels perpétrés de concert par les 2 intéressés, déclarés coupables de faux en écriture publique et de complicité ainsi que d’usage de faux ;

Que, pour déclarer l’incompétence de la Cour d’assises pour apprécier la demande du S. I. C. A. P. G. contre Roger X…, l’arrêt attaqué retient que celui-ci était le directeur général de cet établissement public, qu’il a été en cette qualité déclaré coupable de faux en écriture publique et d’usage de faux et que l’action en responsabilité de cet établissement public contre son fonctionnaire, à raison des fautes personnelles commises dans l’exercice de ses fonctions, relève de la compétence de la juridiction administrative ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que le S. I. C. A. P. G., exerçant les droits de la partie civile, sollicitait devant la juridiction pénale la réparation du préjudice qu’il avait éprouvé du fait des agissements criminels concertés des 2 auteurs ou complices, pénalement condamnés et tenus solidairement envers lui à réparation intégrale, la cour d’assises, qui a constaté par ailleurs que les fautes intentionnelles de Roger X… étaient détachables du service qu’il assurait, a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

Que la cassation est encourue de ce chef et qu’en raison de l’indivisibilité elle doit être étendue à l’action civile, dans son ensemble, exercée par le S. I. C. A. P. G. ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen de cassation proposé par Freddy Y…,

Sur le pourvoi formé contre l’arrêt pénal :

Le REJETTE ;

Sur les pourvois formés contre l’arrêt civil :

CASSE ET ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’assises de la Loire-Atlantique, en date du 18 janvier 1996, mais en ses seules dispositions concernant l’action civile du S. I. C. A. P. G. contre Roger X… et Freddy Y…, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

Vu l’article 610 du Code procédure pénale ;

RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal civil de Rennes.

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