Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 26 avril 2000, 98-87.633, Publié au bulletin

  • Double qualification d'un même fait·
  • Qualification des faits incriminés·
  • Mentions obligatoires·
  • Procédure·
  • Citation·
  • Validité·
  • Crime·
  • Propos·
  • Partie civile·
  • Seconde guerre mondiale

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Selon les dispositions de l’article 50 de la loi du 29 juillet 1881, les mêmes faits ne sauraient recevoir une double qualification sans créer une incertitude dans l’esprit du prévenu et si des poursuites en cours relatives aux mêmes propos qualifiés différemment dans chacune d’elles ont été engagées successivement, la seconde se trouve frappée de nullité en application dudit article. (1).

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 26 avr. 2000, n° 98-87.633, Bull. crim., 2000 N° 167 p. 486
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 98-87633
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 2000 N° 167 p. 486
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 12 novembre 1998
Précédents jurisprudentiels : Confère :
(1°). (1)
Chambre criminelle, 16/01/1990, Bulletin criminel 1990, n° 26, p. 63 (rejet).
Textes appliqués :
Loi 1881-07-29 art. 29
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007070959
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Sur les parties

Texte intégral

REJET du pourvoi formé par :

— X…, partie civile,

contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris, du 13 novembre 1998, qui, sur sa plainte avec constitution de partie civile du chef d’apologie de crimes contre l’humanité contre Y…, a confirmé l’ordonnance de refus d’informer.

LA COUR,

Vu l’article 575, alinéa 2.1°, du Code de procédure pénale ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, 6, 171, 174, 206, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 3, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, violation de la règle non bis in idem :

«  en ce que l’arrêt attaqué a prononcé la nullité des actes d’information à partir du réquisitoire introductif du 19 mars 1998 et a dit n’y avoir lieu à informer sur la plainte avec constitution de partie civile de X… déposée du chef d’apologie de crimes contre l’humanité ;

« aux motifs, d’une part, que la plainte de X… visait la publication par divers organes de presse nationale, les 6 et 7 décembre 1997 (A…, B…, C…) des propos tenus à Munich (République Fédérale d’Allemagne) par le mis en cause devant les journalistes et les caméras de la télévision, à savoir : »J’ai dit et redit, au risque d’être sacrilège, que les chambres à gaz sont un détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale ; il n’y a rien de minoratif, ni de méprisant dans un tel propos ; si vous prenez un livre de mille pages sur la seconde guerre mondiale qui fit cinquante millions de morts, les camps de concentration occupent deux pages et les chambres à gaz occupent dix à quinze lignes, ce qui s’appelle un détail" ; il était souligné que ces propos avaient été, de surcroît, tenus dans un contexte particulier, Y…, au cours d’une rencontre festive avec Z…, ancien waffen-SS, organisation déclarée criminelle par le tribunal de Nuremberg, rendant à cette occasion hommage « au peuple allemand qui a été le peuple martyr de l’Europe » ; que, par réquisitoire introductif du 16 décembre 1997 (procédure 9734591297), le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris avait déjà requis d’informer à l’encontre de Y… du chef de contestation de l’existence d’un ou de plusieurs crimes contre l’humanité ; que, dans la présente procédure (980562306/2), il était requis le 19 mars 1998 d’informer du chef d’apologie de crimes contre l’humanité ; que les propos incriminés, tenus le 5 décembre 1997 à Munich (Allemagne) par Y… et reproduits les jours suivants, par divers organes de presse française, ont constitué en eux-mêmes, un fait unique qui donne lieu à l’ouverture par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris le 16 décembre 1997, d’une information du chef de contestation de l’existence d’un ou de plusieurs crimes contre l’humanité ; que par la plainte avec constitution de partie civile, objet de la présente procédure, plainte formulée le 25 février 1998, X… a entendu poursuivre sous la qualification d’apologie de crimes contre l’humanité le même fait, au sens de la jurisprudence précitée, mais sous une qualification différente ; qu’il apparaît que non seulement le fait générateur des poursuites est le même mais que les infractions visées ont entendu poursuivre, sous des qualifications distinctes, la défense des mêmes valeurs sociales et juridiques dans la défense de l’intérêt collectif des victimes du génocide perpétré par le régime nazi pendant la seconde guerre mondiale, la défense des victimes devant également se concevoir comme préservation du devoir de mémoire, relatif à ces crimes, notamment par la lutte contre l’intention manifestée par toute tentative d’en réduire l’importance, que ce soit en minorant le nombre des victimes ou que ce soit en réduisant la dimension de ces faits dans l’histoire du conflit concerné ; qu’il en résulte que procédant du même esprit, de la défense des mêmes valeurs et des mêmes intérêts sociaux et prenant en compte la même intention, ces qualifications, l’une, des chefs de contestation de crimes contre l’humanité, l’autre du chef d’apologie de ces mêmes crimes, ne peuvent, pour un même fait, recevoir ce qui constitue leur caractère inconciliable, une application simultanée ;

qu’il y a lieu en conséquence, de faire droit aux réquisitions du procureur général, notamment aux fins d’annulation de certaines pièces accomplies en vertu du réquisitoire introductif du 19 mars 1998, la violation de la prohibition de double poursuite entachant la régularité de la procédure et s’opposant à la mise en mouvement de l’action publique ;

«  aux motifs, d’autre part, qu’aucune conséquence sur la présente procédure ne saurait être tirée de la circonstance que préalablement à la présente plainte avec constitution de partie civile, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a adopté la qualification qui lui a paru appropriée et il n’appartient pas à la chambre d’accusation, alors que l’avocat de la partie civile estime qu’il y avait lieu, pour une action unique, de choisir la qualification la plus haute, c’est-à-dire dans son esprit, celle d’apologie du crime contre l’humanité, d’exprimer un avis concernant une procédure autre que celle qui est soumise à son examen ; que l’avocat de la partie civile, s’il excipe de la méconnaissance, par la décision de refus d’informer, de l’article 6.1 et de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne démontre en rien qu’une décision de refus d’informer, susceptible d’appel et éventuellement d’un pourvoi en cassation a, par elle-même, porté atteinte aux droits de la partie civile, d’ester en justice et d’exercer un droit de recours effectif devant les tribunaux ;

«  1o alors que, lorsque deux délits simultanés comportent un élément matériel constitué par le même fait, mais sont caractérisés par des intentions coupables essentiellement différentes, ils sont susceptibles de poursuites séparées ; qu’un même propos, compte tenu du contexte dans lequel il est tenu, peut constituer à la fois l’apologie de crimes contre l’humanité et la contestation de l’existence de tels crimes, infractions qui comportent deux intentions coupables distinctes puisqu’elles visent à produire simultanément, l’une par rapport à l’autre, un effet exactement inverse à l’égard de l’auditoire, même si cet effet est également dangereux et pervers ; que la Cour de Cassation est en mesure de s’assurer, au vu des propos incriminés rapportés par l’arrêt, que, par leur contenu intrinsèque, les propos tenus par Y… visent à faire des chambres à gaz « un détail », ce qui revient à contester les crimes contre l’humanité commis par les nazis au préjudice de six millions de victimes, mais que, dans le contexte dans lequel ils ont été tenus, c’est-à-dire au cours d’une rencontre festive et en présence d’un ancien waffen-SS auteur d’un livre paru en 1981 défendant les idéaux des SS et, en raison tant de leur réitération que de la répercussion médiatique dont ils ont fait l’objet, ces propos, à première vue uniquement négationnistes, ont eu simultanément pour but de faire l’apologie des chambres à gaz, infraction plus grave encore en ce qu’elle constitue l’apologie de tortures et traitements dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et que, dès lors, en prononçant l’annulation du réquisitoire introductif du 19 mars 1998 et en refusant d’informer sur la plainte de la partie civile visant le délit d’apologie de crimes contre l’humanité, sous prétexte de l’existence de poursuites antérieures initiées par le ministère public du chef de contestation de crimes contre l’humanité, la chambre d’accusation a, tout à la fois méconnu le sens et la portée des propos incriminés, fondé sa décision sur une analyse inexacte de l’élément moral des infractions visées par les articles 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 et, par voie de conséquence, fait une application non pertinente de l’adage « non bis in idem » ;

«  2o alors que le droit de se constituer partie civile emporte le droit d’obtenir que soient exercées des poursuites à raison d’un fait sous sa plus haute qualification pénale ; que ce droit, s’il doit être effectivement assuré par les juridictions nationales, fait partie intégrante du droit au procès équitable et que la circonstance selon laquelle le fait dénoncé par la partie civile fait d’ores et déjà l’objet d’une poursuite séparée de la part du ministère public sous une première qualification atténuée par rapport à celle dont elle se prévaut, ne peut tenir ce droit en échec, tout conflit de compétence étant susceptible d’être réglé ;

«  3o alors que la chambre d’accusation ne pouvait, sans se contredire et méconnaître ses pouvoirs, prononcer l’annulation du réquisitoire introductif du 19 mars 1998 et rendre une décision de refus d’informer en se référant exclusivement à l’existence d’une procédure antérieure et affirmer simultanément qu’il ne lui appartenait pas de donner son avis concernant une procédure autre que celle qui était soumise à son examen ;

« 4o alors que le droit pour la partie civile de voir statuer sur le chef d’inculpation visé dans sa plainte était en l’espèce d’autant plus incontestable qu’il ne résulte d’aucune des énonciations de l’arrêt, que la première poursuite initiée par le ministère public ait donné lieu à une décision passée en force de chose jugée » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à la suite des propos tenus à Munich le 5 décembre 1997 par Y… et publiés dans plusieurs organes de presse en France, à savoir " j’ai dit et redit, au risque d’être sacrilège, que les chambres à gaz sont un détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale ; il n’y a rien de minoratif, ni de méprisant dans un tel propos ; si vous prenez un livre de mille pages sur la seconde guerre mondiale qui fit cinquante millions de morts, les camps de concentration occupent deux pages et les chambres à gaz dix à quinze lignes, ce qui s’appelle un détail ", X… a porté plainte et s’est constituée partie civile devant le juge d’instruction du chef d’apologie de crimes contre l’humanité ;

Attendu que, saisie de l’appel de la partie civile contre l’ordonnance du juge d’instruction refusant d’informer, la chambre d’accusation, après avoir annulé le réquisitoire introductif et la procédure subséquente, a évoqué et dit n’y avoir lieu à informer ; que les juges ont constaté, au vu des pièces versées au dossier, que les propos de Y… et visés dans la plainte de X… sous la qualification d’apologie de crimes contre l’humanité, font déjà l’objet d’une plainte initiée par le parquet le 16 décembre 1997 du chef de contestation de crimes contre l’humanité ; que les juges retiennent que les deux qualifications en concours à l’occasion d’un même fait, procédant du même esprit, de la défense des mêmes valeurs, ne peuvent recevoir une application simultanée ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre d’accusation, abstraction faite de motifs surabondants, a justifié sa décision ;

Qu’en effet, d’une part, selon les dispositions de l’article 50 de la loi du 29 juillet 1881, les mêmes faits ne sauraient recevoir une double qualification sans créer une incertitude dans l’esprit du prévenu et que, d’autre part, si des poursuites en cours relatives aux mêmes propos qualifiés différemment dans chacune d’elles ont été engagées successivement, la seconde se trouve frappée de nullité en application dudit article ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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