Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 décembre 2012, 11-25.424, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 20 déc. 2012, n° 11-25.424
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 11-25.424
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Rouen, 28 juin 2011
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000026817623
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2012:C101534
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par acte authentique reçu le 22 décembre 2006 par M. X…, notaire associé de la SCP X…- Z…- A…- B…, les époux Y… ont acquis de la société Financière Barbatre, moyennant un prix de 21 131 euros, un lot de copropriété de l’ensemble immobilier dénommé « Seigneurs de Maintenon », destiné à accueillir une résidence hôtelière ; qu’ils ont réglé une somme totale de 247 744 euros au titre du financement de travaux de réhabilitation, le premier versement étant intervenu le 26 décembre 2006 pour un montant de 123 872 euros, le second, correspondant au solde, le 17 septembre 2007 ; que la société Financière Barbatre et l’entreprise en charge des travaux ont été placées en redressement judiciaire le 16 octobre 2007, converti en liquidation judiciaire le 1er avril 2008 ; que reprochant au notaire d’avoir failli à son obligation de conseil en ne les informant pas des risques de l’opération et de l’absence de garantie particulière, les époux Y… l’ont assigné en responsabilité, lui réclamant le remboursement du coût des travaux, non effectués ;

Attendu que pour exclure du préjudice indemnisable le montant des travaux acquittés lors du second règlement du 17 septembre 2007, l’arrêt énonce que si le premier versement a été effectué, sur autorisation des époux Y…, par le notaire à l’époque où celui-ci a reçu l’acte de vente, le second a eu lieu directement à l’initiative des époux Y… et neuf mois après la vente, qu’il apparaît que ceux-ci ont procédé à ce paiement pratiquement dès réception de la facture sans prendre soin, par un moyen quelconque, de s’assurer de l’avancement des travaux, que cette imprudence peut d’autant plus leur être reprochée que M. Y… exerce la profession de conseiller financier et que ce dernier avait lui-même, dans le cadre de son activité, commercialisé pour le compte de ses clients des produits de défiscalisation dans un autre programme de la société financière Barbatre, que, dès lors, en effectuant ce second règlement spontanément, les époux Y… ont montré une légèreté qu’ils ne peuvent imputer au notaire de sorte que cette part alléguée du préjudice doit, en tout état de cause, être exclue ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle retenait que le notaire avait manqué à son obligation de conseil, en n’informant pas les époux Y… sur les risques de l’opération et sur l’absence de garantie particulière, et que sauf faute dolosive des intéressés, non caractérisée en la circonstance, les fautes conjuguées qu’elle relevait ne pouvaient conduire qu’à une exonération partielle de la responsabilité de l’officier ministériel, ce dont il se déduisait que le préjudice réparable incluait celui lié au second versement, indissociable de l’opération globale au titre de laquelle elle engageait la responsabilité professionnelle du notaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il limite à la somme de 12 387 euros le montant du préjudice indemnisable, l’arrêt rendu le 29 juin 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Caen ;

Condamne la SCP X…- Z…- A…- B… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP X…- Z…- A…- B…- ; la condamne à payer M. et Mme Y… la somme globale de 3 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y….

IL EST FAIT GRIEF A L’ARRET ATTAQUE D’AVOIR condamné la SCP notariale Gérard X…, Alexis Z…, Jean-Philippe A…, Stéphane B…, à verser aux époux Y… une somme dont le montant est limité à 12. 387, 00 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « que la somme de 247. 744 € réclamée par les appelants à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant, selon eux, de la faute qui aurait été commise par Maître X…, représente le montant des sommes qu’ils ont versées pour financer les travaux sur le bien acquis ; que ces versements, en deux fractions égales de 123. 872, se sont faits en deux fois : la première, par le notaire, à leur demande, le 26 décembre 2006, la seconde, directement par eux-mêmes, le 17 septembre 2007 ; que les époux Y… démontrent que ces versements ont été effectués en pure perte puisque d’une part les sociétés RBE et SOGECIF avec lesquelles ils se sont trouvés en relations contractuelles pour l’exécution de ces travaux ont été placées en redressement judiciaire le 16 octobre 2007 puis en liquidation judiciaire le 1er avril 2008, d’autre part, il résulte du procès-verbal de constat dressé le 4 mai 2009 par Maître C…, huissier de justice, que le bâtiment, ancien, n’a visiblement fait l’objet d’aucuns travaux depuis de nombreuses années et se trouve à l’état d’abandon ; attendu que le rapprochement entre les dates ci-dessus mentionnées conduit la Cour à faire une distinction entre les deux versements de 123. 872 € chacun ; qu’en effet si le premier a été effectué, sur autorisation des époux Y…, par le notaire à l’époque où celui-ci a reçu l’acte de vente, le second, ainsi qu’il a été dit, a eu lieu directement à l’initiative des époux Y… et neuf mois après la vente ; qu’or, il apparaît que ceux-ci ont procédé à ce paiement pratiquement dès réception de la facture que leur avait adressée la société SOGECIF à cet effet sans prendre soin, par un moyen quelconque, de s’assurer de l’avancement des travaux ; que cette imprudence peut d’autant plus leur être reprochée que Monsieur Y… exerce la profession de conseiller financier et que, selon des indications fournies par l’intimée dans ses écritures et qui n’ont reçu aucun démenti, il avait lui-même, dans le cadre de son activité, commercialisé pour le compte de ses clients des produits de défiscalisation dans un autre programme de la société Financière BARBATRE ; que dès lors, en effectuant ce second règlement spontanément, les époux Y… ont montré une légèreté qu’ils ne peuvent imputer au notaire de sorte que cette part alléguée du préjudice doit, en tout étal de cause, être exclue ; attendu qu’il s’ensuit que la Cour doit examiner si un lien de causalité existe entre le versement, à fonds perdus, des premiers 123 872 € et une éventuelle faute de Maître X… pour manquement allégué à son devoir de conseil ; attendu que la SCP notariale ne peut utilement invoquer, pour tenter de faire échec à cette action, l’absence de mise en cause des organes de la procédure collective concernant les société RBE et SOGECIF ; que la mise en jeu de la responsabilité du notaire n’a pas en effet un caractère subsidiaire et n’est pas subordonnée à une poursuite préalable d’autres débiteurs ; qu’il est seulement nécessaire que, conformément à ce qu’exigent les règles fondées sur l’article 1382 du Code civil applicables dans les rapports entre la SCP notariale et les époux Y…, soient démontrés une faute du notaire, un préjudice et le lien de causalité entre les deux ; que le préjudice envisageable a déjà été circonscrit ; Attendu, sur la faute, qu’il est exact que l’opération en cause portant sur la vente d’un immeuble ancien à rénover était assimilable à une vente d’immeuble à construire ; que le montant des travaux (247 744 €) dépassait de plus de dix fois celui du prix de vente (21 131 €) ; que selon le devis établi par la société SOGECIF, ces travaux portaient non seulement sur l’aménagement intérieur mais aussi sur le gros oeuvre, le ravalement, la charpente et la couverture ; qu’il existait un lien particulièrement étroit entre la société venderesse (société Financière BARBATRE), les deux sociétés chargées – dans des conditions qui restent assez floues quant à leur rôle respectif – des travaux (société RBE et société SOGECIF) et la société à laquelle le lot acheté et à rénover était donné en location dans le cadre d’un bail commercial (Société Résidences Châteaux à l’enseigne Résidence les Ducs de Chevreuse) puisque toutes avaient le même siège social (7 route de Choisel à CHEVREUSE) et le même dirigeant (Monsieur Pascal D…) ; que d’une part, cependant, le régime protecteur de la vente en l’état futur d’achèvement figurant aux articles L 261-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation n’est pas applicable lorsque l’immeuble a, comme en l’espèce, une destination commerciale (de résidence hôtelière) ; que d’autre part, les époux Y… admettent eux-mêmes, que, comme le souligne la SCP intimée, la qualification de vente en l’état futur d’achèvement est incompatible avec le régime de défiscalisation attaché à la réhabilitation des monuments historiques ; qu’or, il est constant que, ainsi que le reconnaissent les appelants, le but de l’opération, en ce qu’elle portait sur la réhabilitation d’un monument historique – ce que ne manquent pas de rappeler les divers documents qui ont été établis à cette occasion – était de permettre aux intéressés de bénéficier du régime de défiscalisation correspondant ; que même si les époux Y… indiquent qu’ils entendaient aussi, par cette opération, se constituer un patrimoine et profiter de ses revenus, l’objectif fiscal était certain et il ne peut, dans ces conditions, être reproché au notaire une quelconque faute à ne pas avoir placé la vente dans le cadre des articles L. 261-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation ; mais attendu qu’il est vrai que, dès lors, bien que l’opération comporta certains risques, les acquéreurs ne bénéficiaient pas des dispositions protectrices de ce code et les appelants font valoir à juste titre que le notaire ne les a pas mis en garde sur ce point ni conseillé le bénéfice de telle ou telle garantie ; attendu à cet égard, que la SCP notariale ne peut utilement invoquer les compétences personnelles de son client ; qu’elles ne le dispensent pas en effet de son devoir de conseil ; attendu ensuite que Maître X… ne peut non plus efficacement prétendre que son devoir de conseil ne pouvait s’exercer dans la mesure où il n’est intervenu qu’au moment de la réitération de la vente par acte authentique à une époque où les parties étaient déjà définitivement liées ; Attendu, d’abord, en effet que Maître X… n’était pas totalement étranger à l’opération puisque c’est lui-même qui, le 28 décembre 2004, avait reçu le dépôt, à la requête de la société Financière BARBATRE, du règlement de copropriété contenant l’état descriptif de division ; attendu ensuite et surtout que, contrairement à ce qu’il laisse entendre et à ce qu’a jugé le tribunal, les parties, par l’acte sous seing privé qu’elles avaient conclu le 19 octobre 2006, n’étaient pas liées par une promesse synallagmatique de vente, mais par une promesse unilatérale de vente ; que la société Financière BARBATRE s’engageait à vendre le lot n° 12, mais les époux Y…, bénéficiaires, disposaient d’un délai jusqu’au 31 décembre 2006 pour lever l’option ; que, qui plus est, ainsi qu’ils le font remarquer, il était expressément stipulé qu’il ne serait dû aucune indemnité d’immobilisation ; que les époux Y… conservaient ainsi une marge de liberté et Maître X… aurait dû attirer leur attention, pour qu’ils prennent leur décision en toute connaissance de cause, sur les risques de l’opération et l’absence de garantie particulière ; que certes, la SCP notariale, sans être contredite, invoque « l’excellente réputation » des sociétés concernées par l’opération et il est permis de considérer que telle était aussi l’opinion des époux Y… et qu’elle a ensuite continué à l’être pendant plusieurs mois puisqu’il a été décrit comment ils ont accepté, sans la moindre difficulté ni vérification, de verser la seconde fraction du montant des travaux ; attendu encore, sur ce point, que si les appelants établissent l’ouverture des procédures collectives à l’égard des sociétés en octobre 2007, aucun élément n’est fourni par eux ni même allégué tendant à établir que la situation de ces sociétés était compromise depuis un certain temps ; que le manquement du notaire à son devoir de conseil s’il doit, assurément, être retenu, doit aussi être replacé dans ce contexte ; que le préjudice en résultant ne peut s’analyser, dès lors, qu’en une perte de chance, pour les époux Y… de renoncer à l’opération ; que compte tenu de l’ensemble des éléments ci-dessus analysés, cette perte de chance doit être considérée comme limitée et sera évaluée à 10 % du préjudice, lequel est constitué, comme énoncé précédemment, par le premier versement effectué pour financer les travaux (123 872 €), soit une condamnation devant être fixée à 12 387 € ; que la SCP notariale doit être condamnée à des dommages-intérêts de ce montant, le jugement étant en conséquence réformé ; que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, ces intérêts ne pouvant être capitalisés que lorsque les conditions de l’article 1154 seront réunies ; » (arrêt p. 5 à 7) ;

1°) ALORS QUE lorsque des fautes sont en concours, il appartient aux juges du fond de comparer la gravité et la nature de ces fautes ; qu’ayant admis au cas présent, d’une part, que le notaire avait manqué à son devoir de conseil à l’égard des époux Y… en ne les prévenant pas des risques encourus par le choix du régime de défiscalisation applicable en matière de réhabilitation d’un monument historique, et en ne les conseillant pas sur le bénéfice de telle ou telle garantie et, d’autre part, qu’à cet égard, celui-ci ne pouvait utilement invoquer les compétences personnelles de son client (arrêt p. 6 alinéas 4 et 5), la cour d’appel, qui s’est bornée, pour écarter d’emblée l’indemnisation du préjudice des époux Y… résultant du second règlement, à leur imputer une imprudence résultant du paiement de la facture dès réception, et à relever leur compétence professionnelle (arrêt p. 5, motifs alinéa 5), sans préciser en quoi la faute du notaire n’aurait exercé aucune influence sur cette part du préjudice, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

2°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé et que l’emploi de motifs généraux équivaut à un défaut de motifs ; qu’en reprochant au cas présent aux époux Y… de n’avoir pas pris soin, par un moyen quelconque, de s’assurer de l’avancement des travaux avant de procéder au second versement, sans préciser concrètement, au regard des circonstances de l’espèce, en quoi aurait pu consister ce moyen, la cour d’appel a entaché sa violation d’une violation de l’article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE, en toute hypothèse, en reprochant au cas présent aux époux Y… de n’avoir pas pris soin, par un moyen quelconque, de s’assurer de l’avancement des travaux avant de procéder au second versement, sans préciser concrètement, au regard des circonstances de l’espèce, en quoi aurait pu consister ce moyen, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

4°) ALORS QUE la responsabilité du notaire ne peut être exclue totalement qu’en présence d’un dol de la victime ; que le dol est un comportement malhonnête sous forme de manoeuvres, mensonges, feintes, ou collusions ; qu’ayant constaté au cas présent que le notaire avait commis une faute consistant en un manquement à son devoir de conseil, la cour d’appel qui, pour écarter l’indemnisation du préjudice des époux Y… résultant du second règlement, s’est bornée à relever qu’en effectuant ce règlement ils avaient fait preuve de légèreté (arrêt p. 5 motifs alinéa 6), a statué par des motifs insusceptibles de caractériser de la part des exposants un comportement dolosif, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

5°) ALORS QUE le respect du principe du contradictoire s’impose en toutes circonstances ; qu’en se fondant, pour restreindre le montant de la réparation allouée aux époux Y… au titre du préjudice résultant du premier règlement, sur le moyen, non invoqué par les parties, fût-ce à titre subsidiaire, tiré de la perte d’une chance de renoncer à l’opération, la cour d’appel qui a relevé un moyen d’office, sans avoir invité les parties à en discuter auparavant, a violé, de ce fait, les articles 15 et 16 du Code de procédure civile.

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