Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 octobre 2017, 16-85.221, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Renaud Salomon · Bulletin Joly Sociétés · 1er avril 2022
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 25 oct. 2017, n° 16-85.221
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-85.221
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Pau, 22 juin 2016
Textes appliqués :
Article 593 du code de procédure pénale.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000035924666
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:CR02391
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Sur les parties

Texte intégral

N° N 16-85.221 F-D

N° 2391

VD1

25 OCTOBRE 2017

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

— 

— 

M. Philippe E… F…

M. Jean-Luc X…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2016, qui, pour abus de biens sociaux, les a condamnés chacun à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, 25 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 13 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Y…, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Y…, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Z… ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour M. E… F… , pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 242-6, 3° et L. 242-30 du code de commerce, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. E… F… coupable d’abus de biens sociaux, l’a condamné à une peine d’emprisonnement de quatre mois avec sursis et à une amende de 25 000 euros, a prononcé sur les intérêts civils ;

« aux motifs que conformément aux dispositions de l’article L.242-6 du code de commerce : « Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros le fait pour (

) 3°, le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement » ; que les premiers juges ont considéré que dans la mesure où le protocole d’accord ainsi que ses annexes avaient été signés sous le contrôle du comité interministériel du redéploiement industriel, que le contrat de prestation de service conclu entre la société Financière GMS et la société JCC Créations était connu de tous et que la bonne foi des prévenus semblaient en conséquence établie, les délits d’abus de biens sociaux et de recel d’abus de biens sociaux ne pouvaient être retenus ;

qu’il ressort cependant de l’article 3-1 du contrat de prestation de services conclu entre la société Financière GMS, représentée par M. E… F… , son président et la société JCC Créations que la mission d’accompagnement qui était confiée à cette dernière société – mission qui devait être exercée à mi-temps jusqu’au 31 décembre 2008 et à laquelle il a été mis fin en juillet 2008 – devait être rémunérée, de façon forfaitaire et à hauteur de 400 000 euros HT, par la société Financière GMS au bénéfice de la société JCC Créations ; qu’en faisant supporter, au moyen d’une refacturation, à la société A… le coût de cette prestation de services, MM. X… et E… F… ,

tous deux administrateurs puis membres du conseil de surveillance de la société Capdevieille, ont fait du crédit de cette société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci puisque l’imputation du coût de cette prestation de service ne pouvait qu’aggraver la situation financière de la société A… ; que le fait que 9 000 000 d’euros avaient été précédemment injectés dans cette société est indifférent ; que M. B…, expert comptable, salarié de la société financière GMS qui a travaillé sur le dossier A… pendant environ trois mois, a déclaré aux enquêteurs qu’il jugeait « totalement hallucinant » le montant de cette prestation de services fournie par M. A… via la SA JCC Créations ; que M. X… a, quant à lui, déclaré que le contrat de prestation de services et la somme de 400 000 euros étaient : « (

) une façon de dédommager M. A…, qui était contraint avec sa famille de vendre sa société pour un euro (

) ; que ce contrat nous a été imposé par la famille A… pour faire la transition. Au départ, la demande de M. A… était supérieure, il y a eu des fluctuations de tarifs et la somme de 400 000 euros a été décidée dans notre offre (

) . Je pense effectivement que Jean-Claude A… n’aurait pas accepté la vente si ce contrat n’était pas signé (

). » ; qu’il ressort clairement de ces éléments que le montage mis en place a permis de rétribuer M. A…, non pas pour la prestation de service fournie via la société JCC Création, créée pour les besoins de la cause, mais pour la cession de sa société, qui se trouvait dans le patrimoine de sa famille depuis 1921 et qui s’était faite pour l’euro symbolique ; que M. A… a déclaré à l’audience qu’il n’aurait « pas fait payer 400 000 euros à la société A… mais à GMS, oui », qu’aucun élément en procédure ne permet d’établir qu’il a su lorsque les comptes de la société JCC Création ont été crédités que l’opération était finalement financée par la société A… ; que ses déclarations devant les gendarmes ont d’ailleurs été les suivantes : « question : saviez-vous que le coût de votre contrat a été facturé à A… ? réponse : non, je ne le savais pas , j’ai signé avec GMF, j’envoyais mes rapports et mes factures à GMS, je n’envoyais rien à A… et je considérais que mes donneurs d’ordre étaient GMS et non A…, ma mentalité n’était pas de prendre de l’argent à A…. Je ne prenais pas de salaire chez A… depuis 2006 environ. Je m’étais mis à la retraite pour ne pas pénaliser la société. Ma soeur a fait comme moi plus tard. Il est évident que je n’aurais jamais signé ce contrat avec A…, ne voulant pas pénaliser ma société. GMS, d’après M. X…, se disait très riche et je n’ai eu aucun scrupule à signer avec eux. J’ignorais tout de cette facturation surtout pour A… qui n’avait pas besoin de cela. Je ne connaissais pas cette pratique de re-facturation (

) . Il est évident que je n’aurais jamais accepté de faire payer 400 000 euros à A… pour ce contrat (

) » ; que l’ensemble de ces éléments conduit pour la cour à infirmer le jugement entrepris, s’agissant de MM. X… et E… F… et à retenir ceux-ci dans les liens de la prévention, à le confirmer par substitution de motifs, s’agissant de M. A…, l’élément moral que suppose le délit de recel – le fait d’avoir sciemment recelé une somme qu’il savait provenir d’un abus de bien sociaux commis au préjudice de la société A… – n’étant pas suffisamment caractérisé ; que sur la peine, prenant la juste mesure tant de la gravité des faits que de la situation personnelle de MM. X… et E… F… et des renseignements recueillis sur leur

personnalité, la cour condamne chacun des prévenus à une peine d’emprisonnement de quatre mois assorti en totalité de sursis et à une peine d’amende de 25 000 euros ;

« 1°) alors que l’abus de biens sociaux n’est caractérisé que si le président, les administrateurs ou encore les membres du conseil de surveillance de la société font des biens de celle-ci un usage contraire à son intérêt social ; qu’il résulte des pièces de la procédure que le protocole de conciliation et ses annexes prévoyaient que la reprise de la société A… était subordonnée à une mission d’accompagnement de ses nouveaux dirigeants par M. A… et qu’il avait été décidé, comme le conciliateur et le CIRI l’ont attesté, du paiement, in fine, de cette prestation d’un montant de 400 000 euros par la société A… ; que l’ensemble de ces conventions a été approuvé par le CIRI, par le conciliateur et par le tribunal de commerce ; qu’en se bornant à se référer à l’article 3-1 du seul contrat de prestation de services et en en déduisant que la refacturation à la société A… du coût de la prestation de services non prévue par cet article 3-1, était contraire à son intérêt social, la cour d’appel qui n’a pas recherché, comme elle y était pourtant invitée, ce que prévoyait l’ensemble des conventions approuvées par le CIRI, le conciliateur et homologuées par le tribunal de commerce et dont se déduisait la refacturation de la prestation de services in fine à la société A…, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

« 2°) alors que l’abus de biens sociaux n’est caractérisé que si l’usage des biens d’une société est contraire à son intérêt social ; qu’est conforme à l’intérêt social la facturation versée en contrepartie d’une prestation effective ; que le prévenu relevait que les prestations d’accompagnement des nouveaux dirigeants de la société A… l’ont été au bénéfice de la société A… ; qu’il résulte également des énonciations de l’arrêt que « la prestation de service a été fournie », ce dont il se déduit l’existence d’une contrepartie effective à ladite facturation ; qu’en estimant cependant que cette facturation était contraire à l’intérêt social, la cour d’appel qui n’a pas répondu à l’argument de la défense et s’est en outre contredite, a méconnu les dispositions susvisées ;

« 3°) alors que l’usage des biens d’une société peut être contraire à son intérêt social s’il est excessif au regard de la situation de la société ; que le prévenu faisait valoir que l’investissement de 9 000 000 d’euros prenait en compte cette facturation de 400 000 euros et que l’ensemble avait été validé par le conciliateur, le CIRI et homologué par le tribunal de commerce, et n’exposait donc pas la société à un risque injustifié ; qu’en se bornant à énoncer que « le fait que 9 000 000 euros avaient été précédemment injectés dans cette société est indifférent » sans répondre à l’argument du prévenu et tandis que seul l’examen de l’ensemble des éléments relatifs à la situation de la société pouvait permettre d’établir ou non le caractère disproportionné de la facturation, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

« 4°) alors que le délit d’abus de biens sociaux implique également, pour être caractérisé, que l’usage incriminé soit effectué dans un but personnel intéressé ; qu’en l’espèce, la cour d’appel n’a pas relevé que M. E… F… aurait retiré un bénéfice personnel, direct ou indirect, de la facturation de 400 000 euros à la société A… ; que le prévenu faisait en outre valoir que c’est à tort que l’acte de saisine mentionnait que M. E… F… aurait agi « pour favoriser une société dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l’espèce, la société financière GMS », cette société n’ayant jamais été actionnaire de la société A… ni l’investisseur ; qu’en s’abstenant de relever les circonstances de nature à établir l’avantage personnel ni a fortiori de répondre à l’argument du prévenu, l’arrêt n’a pas légalement justifié sa décision ;

« 5°) alors que l’abus de biens sociaux suppose également au titre de ses éléments constitutifs, que l’usage des biens ou du crédit de la société a été fait de mauvaise foi ; que tant la validation par le CIRI et le conciliateur attestant tous deux de la refacturation in fine à la société A… de la prestation de services, que l’homologation par l’autorité judiciaire de la procédure de conciliation, excluaient toute mauvaise foi ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen péremptoire démontrant que la prestation de service et sa refacturation à la société A… ont été élaborées en toute transparence, l’ensemble des intervenants ayant eu connaissance que son coût serait in fine supporté par la société A…, la cour d’appel n’a pas davantage justifié sa décision" ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour M. X…, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’Homme, L. 242-6 du code de commerce, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt a déclaré M. X… coupable d’abus de bien sociaux, l’a condamné à une amende de 25 000 euros et l’a condamné à payer à M. C… en qualité de liquidateur judiciaire de la société A…, solidairement avec M. E… F…, la somme de 400 000 euros ;

« aux motifs que conformément aux dispositions de l’article L. 242-6 du code de commerce : « est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros le fait pour (

) le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement » ; que les premiers juges ont considéré que dans la mesure où le protocole d’accord ainsi que ses annexes avaient été signés sous le contrôle du comité interministériel du redéploiement industriel, que le contrat de prestation de service conclu entre la société Financière GMS et la société JCC Créations était connu de tous et que la bonne foi des prévenus semblait en conséquence établie, les délits d’abus de biens sociaux et de recel d’abus de biens sociaux ne pouvaient être retenus ; qu’il ressort cependant de l’article 3-1 du contrat de prestation de services conclu entre la société Financière GMS, représentée par M. E… F…, son président et la société JCC Créations que la mission d’accompagnement qui était confiée à cette dernière société – mission qui devait être exercée à mi-temps jusqu’au 31 décembre 2008 et à laquelle il a été mis fin en juillet 2008 – devait être rémunérée, de façon forfaitaire et à hauteur de 400 000 euros HT, par la société Financière GMS au bénéfice de la société JCC Créations ; qu’en faisant supporter, au moyen d’une refacturation, à la société A… le coût de cette prestation de services, MM. X… et E… F… , tous deux administrateurs puis membres du conseil de surveillance de la société A…, ont fait du crédit de cette société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci puisque l’imputation du coût de cette prestation de service ne pouvait qu’aggraver la situation financière de la société A… ; que le fait que 9 000 000 d’euros avaient été précédemment injectés dans cette société est indifférent ; que M. B…, expert comptable, salarié de la société financière GMS qui a travaillé sur le dossier A… pendant environ trois mois, a déclaré aux enquêteurs qu’il jugeait « totalement hallucinant » le montant de cette prestation de services fournie par M. A… via la société JCC Créations ; que M. X… a, quant à lui, déclaré que le contrat de prestation de services et la somme de 400 000 euros étaient : « (

) une façon de dédommager M. A…, qui était contraint avec sa famille de vendre sa société pour un euro (

) ; que ce contrat nous a été imposé par la famille A… pour faire la transition ; qu’au départ, la demande de M. A… était supérieure, il y a eu des fluctuations de tarifs et la somme de 400 000 euros a été décidée dans notre offre (

) . Je pense effectivement que M. A… n’aurait pas accepté la vente si ce contrat n’était pas signé (

). » ; qu’il ressort clairement de ces éléments que le montage mis en place a permis de rétribuer M. A…, non pas pour la prestation de service fournie via la société JCC Création, créée pour les besoins de la cause, mais pour la cession de sa société, qui se trouvait dans le patrimoine de sa famille depuis 1921 et qui s’était faite pour l’euro symbolique ; que M. A… a déclaré à l’audience qu’il n’aurait « pas fait payer 400 000 euros à la société A… mais à GMS, oui », qu’aucun élément en procédure ne permet d’établir qu’il a su lorsque les comptes de la société JCC Création ont été crédités que l’opération était finalement financée par la société A… ; que ses déclarations devant les gendarmes ont d’ailleurs été les suivantes : « question : saviez-vous que le coût de votre contrat a été facturé à A… ? réponse : non, je ne le savais pas, j’ai signé avec GMF, j’envoyais mes rapports et mes factures à GMS, je n’envoyais rien à A… et je considérais que mes donneurs d’ordre étaient GMS et non A…. Ma mentalité n’était pas de prendre de l’argent à A…. Je ne prenais pas de salaire chez A… depuis 2006 environ. Je m’étais mis à la retraite pour ne pas pénaliser la société. Ma soeur a fait comme mois plus tard. Il est évident que je n’aurais jamais signé ce contrat avec A…, ne voulant pas pénaliser ma société GMS, d’après M. X…, se disait très riche et je n’ai eu aucun scrupule à signer avec eux. J’ignorais tout de cette facturation surtout pour A… qui n’avait pas besoin de cela ; que je ne connaissais pas cette pratique de re-facturation (

). Il est évident que je n’aurais jamais accepté de faire payer 400 000 euros à A… pour ce contrat (

) » ; que l’ensemble de ces éléments conduit la cour à infirmer le jugement entrepris, s’agissant de MM. X… et E F…… F… et à retenir ceux-ci dans les liens de la prévention, à le confirmer par substitution de motifs, s’agissant de M. A…, l’élément moral que suppose le délit de recel – le fait d’avoir sciemment recelé une somme qu’il savait provenir d’un abus de bien sociaux commis au préjudice de la société A… – n’étant pas suffisamment caractérisé ; que sur la peine, prenant la juste mesure tant de la gravité des faits que de la situation personnelle de MM. X… et E… F… et des renseignements recueillis sur leur personnalité, la cour condamne chacun des prévenus à une peine d’emprisonnement de quatre mois assorti en totalité de sursis et à une peine d’amende de 25 000 euros ;

« 1°) alors que le paiement d’une prestation n’est contraire à l’intérêt social que si cette dernière ne présente aucun intérêt pour la société ou si son prix est hors de proportion avec la prestation fournie ; qu’en jugeant contraire à l’intérêt social la facturation de la prestation fournie par M. A… à la société A… aux motifs que « le montage mis en place avait permis de rétribuer M. A…, non pas pour la prestation de service fournie via la société JCC Création [

] mais pour la cession de sa société » sans expliquer en quoi cette prestation dont elle constatait elle-même qu’elle avait été fournie à la société A… n’aurait présenté aucun intérêt pour la société ou aurait été facturée de manière excessive, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

« 2°) alors que le paiement d’une prestation n’est contraire à l’intérêt social que si cette dernière ne présente aucun intérêt pour la société ou si son prix est hors de proportion avec la prestation fournie ; qu’en jugeant contraire à l’intérêt social la facturation de la prestation fournie par M. A… à la société A… aux motifs inopérants que « l’imputation du coût de cette prestation de service ne pouvait qu’aggraver la situation financière de cette société », sans expliquer en quoi cette dépense – qui par nature aggrave le passif de la société qui l’engage – n’aurait présenté aucun intérêt pour la société A…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

« 3°) alors qu’en toute hypothèse, la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en jugeant, d’une part, que la prestation fournie par M. A… était fictive , ce dont il résultait que ce dernier ne pouvait l’ignorer, tout en jugeant, par ailleurs, que l’élément moral du recel de l’abus de bien social n’était pas suffisamment caractérisé à son égard, la cour d’appel s’est contredite et n’a pas légalement justifié sa décision ;

« 4°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en se bornant à relever, pour exclure la bonne foi de M. X… et réformer le jugement entrepris sur ce point, que selon l’article 3-1 du contrat de prestation de services conclu entre la société Financière GMS et la société JCC Créations, la mission d’accompagnement confiée à cette dernière devait être rémunérée par la société Financière GMS de sorte qu’en faisant supporter à la société A… le coût de cette prestation de services, MM. X… et F… avaient fait du crédit de cette société « un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt celle-ci » sans rechercher, comme elle y était expressément invitée et comme en avait attesté M. D…, conciliateur nommé par le tribunal de commerce ayant assisté la société A… dans les négociations avec ses créanciers si, nonobstant les termes de la convention conclue entre la société Financière GMS et la société JCC Créations, il n’avait pas été convenu que le coût de la prestation serait in fine supporté par la société A… de sorte que les repreneurs n’avaient fait que mettre en oeuvre, de bonne foi, le montage négocié en toute transparence par le conciliateur désigné par le tribunal et homologué par ce dernier, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

« 5°) alors que l’abus de bien social n’est caractérisé que lorsque le dirigeant a agi à des fins personnelles ; qu’en condamnant M. X… du chef d’abus de bien social sans rechercher, comme il elle y était pourtant expressément invitée , si ce dernier avait un quelconque intérêt personnel à l’acte incriminé, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que pour déclarer les prévenus coupables d’abus de biens sociaux, l’arrêt énonce notamment que la mission d’accompagnement des repreneurs de la société A…, confiée à la société JCC Création, dirigée par M. A…, qui leur a vendu sa société de fabrication de meubles du même nom dont il était l’ancien dirigeant, pour un euro symbolique, devait être réalisée par une société financière GMS et qu’en faisant supporter, au moyen d’une refacturation opérée par cette dernière, le coût de cette prestation de services de 400 000 euros par la société A…, ils ont fait du crédit de cette société, dont ils ont aggravé la situation, un usage contraire à l’intérêt de celle-ci ; que les juges ajoutent qu’est sans incidence sur la caractérisation du délit le fait que les acquéreurs aient injecté neuf millions d’euros pour la renflouer ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi alors que, d’une part, elle n’a pas recherché, comme elle y était invitée, s’il ne résultait pas des négociations et des accords judiciairement homologués convenus entre les parties, sous l’égide du comité interministériel de restructuration industrielle, au terme d’une procédure de conciliation ordonnée par le président du tribunal de commerce, que la dépense, intégrée dans l’apport par les repreneurs de neuf millions d’euros à la société A…, devait finalement être prise en charge par cette dernière, et, d’autre part, elle n’a pas pris position quant à l’effectivité des travaux réglés, dont elle n’a pas examiné la nature ni l’ampleur, au titre d’une prestation d’accompagnement de repreneurs néophytes en matière d’ameublement, ni précisé en quoi, à les supposer réels, leur prix était excessif ou disproportionné et s’ils ont bénéficié à d’autres personnes que la société A…, la cour d’appel, qui n’a caractérisé ni la contrariété du règlement de la mission à l’intérêt social, ni la mauvaise foi des prévenus, ni leur intérêt personnel, n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Pau, en date du 23 juin 2016, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel d’Agen à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq octobre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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