Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 novembre 2017, 16-83.231, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 21 nov. 2017, n° 16-83.231
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-83.231
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Chambéry, 23 février 2016
Textes appliqués :
Article 121-2 du code pénal.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036089029
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:CR02726
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Sur les parties

Texte intégral

N° Z 16-83.231 F-D

N° 2726

FAR

21 NOVEMBRE 2017

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 

La société Suez RV centre Est venant aux droits de la société Sita centre Est,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 24 février 2016, qui, pour recel, l’a condamnée à 10 000 euros d’amende ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 10 octobre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme A…, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller A…, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général X… ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, de l’article 121-2 du code pénal, de l’article préliminaire du code de procédure pénale et de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 321-1 et 321-7 du code pénal, défaut de motifs, défaut de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Chambéry du 8 décembre 2014 en ses dispositions ayant relaxé la société Sita centre Est, aujourd’hui dénommée Suez RV Centre Est, de recel par personne morale du produit d’un délit, l’a déclarée coupable de ce chef et condamnée en conséquence en répression à une amende de 10 000 euros ;

« aux motifs que si les pièces du dossier ne permettent pas d’apprécier la fréquence ni l’importance des achats de métaux et de ferraille réalisés par la société Trigénium en sorte que la cour ne peut déterminer si lors de ces transactions, la prévenue pouvait avoir connaissance de l’origine frauduleuse de ces matériaux et marchandises, tel n’est pas le cas, en revanche, des opérations reprochées à la société Sita centre Est ; que l’examen des factures établies par cette société aux personnes déclarées coupables de vol dans diverses déchetteries révèle, outre la fréquence des achats, leur quantité importante, étant précisé que ces achats qui portent sur des métaux et de la ferraille sont réalisés auprès de particuliers dont certains n’avaient même pas de domicile fixe ; que la société par l’action de ses responsables a réalisé pendant de nombreux mois des achats récurrents, réguliers et fréquents de métaux divers, notamment de cuivre, en quantité importante, ces achats ont été faits auprès de particuliers qui n’ont jamais justifié d’activité professionnelle et qui n’ont pu, pour certains,, justifier de domicile fixe ; qu’en outre, ainsi qu’en ont convenu des responsables de cette société, M. Y…, responsable du site Sita Vignier à Poisy, et M. Jean-Marc Z…, responsable de la société Sita Vignier sur des deux Savoie, toutes les vérifications qui s’imposaient à eux n’ont pas été respectées ; qu’il ressort ainsi de leurs déclarations qu’il n’a pas été procédé à des vérifications lors des achats de ferraille et de métaux ; que ces deux responsables ont reconnu que lorsque l’opérateur constatait que la marchandises dépassait plus de 150 kg, il devait s’assurer de la provenance de la marchandise, et si celui-ci n’était pas en mesure de le faire, la transaction ne pouvait être acceptée ; qu’or, en l’espèce, plusieurs factures établissent que des volumes bien supérieurs ont été régulièrement achetés par la société sans qu’aucun justificatif d’origine ne soit sollicité ; que, par ailleurs, il convient de relever que les multiples renseignements que la société recueillait et collationnait lors des transactions lui permettaient de constater aisément qu’elle procédait à des achats répétés et importants auprès de personnes qui, non professionnelles, ne pouvaient justifier de l’origine de la marchandise qu’elles vendaient ; que l’ensemble de ces éléments révèle que la société Sita Centre Est, sciemment puisqu’elle s’abstenait de vérifier l’origine de la marchandise achetée, a acquis des ferrailles et des métaux dont plusieurs circonstances laissaient présumer qu’ils provenaient des vols, ainsi la fréquence et l’importance des achats, à des personnes dont ce n’est pas la profession de détenir de telles quantités de matériaux alors, au surplus, qu’il s’agissait, notamment pour le cuivre, d’un métal dont le cours est élevé et dont nul n’ignore qu’il est l’objet de vols fréquents ;

« 1°) alors que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s’il est établi qu’une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu’en se bornant à relever, pour condamner la société Suez RV centre Est pour recel de vol de matériaux, qu’elle avait acquis fréquemment et en grande quantité des métaux dans des circonstances laissant présumer qu’ils provenaient de vol et sans exiger de ses vendeurs des justificatifs d’origine, sans identifier ni même rechercher si cette infraction avait été commise, pour son compte, par ses organes ou représentants, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ;

« 2°) alors qu’en se bornant à relever, pour condamner la société de recyclage de métaux Suez RV centre Est du chef de recel pour avoir acquis en connaissance de cause des métaux qui avaient été volés dans une déchetterie, que ses responsables avaient déclaré à la gendarmerie que toutes les vérifications nécessaires n’avaient pas été faites pour s’assurer de leur provenance, sans mieux s’expliquer sur l’existence d’une délégation de pouvoirs ni sur le statut et les attributions de ces personnes, propres à en faire des représentants de la personne morale au sens de l’article 121-2 du code pénal ;

« 3°) alors en tout état de cause que seules les personnes physiques ayant eu, à la date des faits reprochés à la personne morale, la qualité d’organe ou de représentant de celle-ci sont susceptibles d’engager sa responsabilité pénale lorsqu’ils commettent une infraction pour son compte ; qu’en retenant, pour condamner la société de recyclage de métaux Suez RV centre Est du chef de recel pour avoir acquis en connaissance de cause des métaux qui avaient été volés dans une déchetterie, que ses responsables avaient déclaré à la gendarmerie que toutes les vérifications nécessaires n’avaient pas été faites pour s’assurer de leur provenance, quand il résultait de leurs auditions qu’ils n’avaient pris leurs fonctions que postérieurement aux acquisitions reprochées à cette société, la cour d’appel, qui n’a pas identifié les organes ou représentants qui auraient commis, à la date des faits reprochés, cette infraction pour son compte, n’a pas justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ;

« 4°) alors qu’en matière correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui ; qu’en se fondant essentiellement sur les déclarations de MM. Y… et Z… devant la gendarmerie pour établir que la société de recyclage Suez RV centre Est dont ils étaient les responsables n’avait pas suffisamment vérifié la provenance des métaux acquis à des particuliers qui les avaient volés, et condamner ensuite cette société pour recel, quand ces responsables avaient été entendus en audition libre sans s’être entretenus ni avoir été assistés d’un avocat, la cour d’appel a méconnu l’article préliminaire du code de procédure pénale et l’article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe du respect des droits de la défense ;

« 5°) alors qu’en affirmant que les responsables de la société Suez RV centre Est avaient reconnu auprès de la gendarmerie qu’en cas d’achat de métaux pour un poids supérieur à 150 kg, l’opérateur devait refuser la transaction à défaut de pouvoir s’assurer de la provenance de la marchandise, quand il résultait de leurs auditions qu’en cas de dépassement de ce seuil, l’opérateur devait seulement interroger le vendeur sur cette provenance, et qu’il ne devait s’en assurer au moyen d’un justificatif que lorsque les métaux proposés à la vente étaient neufs, la cour d’appel, a tiré des mentions des procès-verbal en cause des constatations contraires à leur contenu et a, en conséquence, entaché sa décision de contradiction ;

« 6°) alors que le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit ; que l’existence de doutes sur la provenance de ses acquisitions ne caractérise pas l’intention frauduleuse du prévenu ; qu’en se bornant à relever, pour dire que la société de recyclage de métaux Suez RV centre Est ne pouvait ignorer que les pièces métalliques que lui avaient vendues les prévenus provenaient de vols commis dans une déchèterie, que ces acquisitions avaient été faites dans des circonstances douteuses puisque les vendeurs étaient des particuliers n’ayant ni domicile fixe ni activité professionnelle et proposant d’importantes quantité de métaux, la cour d’appel, qui n’a pas constaté la connaissance chez la société Suez RV centre Est de l’origine frauduleuse des biens litigieux ni même celle de la situation personnelle des personnes auprès desquelles elle en faisait l’acquisition, n’a pas justifié sa décision ;

« 7°) alors qu’en se bornant à relever, pour dire que la société de recyclage de métaux Suez RV centre Est ne pouvait ignorer que les pièces métalliques que lui avaient vendues les prévenus provenaient de vols commis dans des déchetteries, que ces acquisitions fréquentes et en quantité importantes avaient été réalisées auprès de particuliers dont certains n’avaient ni domicile fixe ni activité professionnelle, sans rechercher, comme elle y était invitée, si elle ne pouvait légitimement considérer que ces métaux avaient été légalement récupérés par ces personnes sur les sites d’autres déchetteries de la région qui laissent leur stock en libre accès à la récupération des ferrailleurs, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ;

« 8°) alors que les personnes dont l’activité professionnelle consiste à revendre des biens mobiliers usagers ou acquis à des personnes autres que celles qui les fabriquent ou en fond commerce ne sont pas tenues de solliciter de leur part des justificatifs de provenance de ces biens ; qu’en déclarant la société de recyclage de métaux Suez RV centre Est du chef de recel au motif qu’elle aurait dû solliciter des personnes auprès desquelles elle avait acheté certains métaux, compte tenu de l’importance des quantités et de la fréquence des transactions, des justificatifs d’origine, la cour d’appel a méconnu les dispositions susvisées ;

« 9°) alors qu’en se bornant à relever, pour dire que la société de recyclage de métaux Suez RV centre Est ne pouvait ignorer que les pièces métalliques que lui avaient vendues les prévenus entre 2012 et 2013 avaient été volées dans une déchèterie, qu’il s’agissait de métaux à cours élevé dont nul n’ignorait qu’ils étaient l’objet de vols fréquents, la cour d’appel a statué par des motifs hypothétiques insusceptibles de justifier sa décision au regard des dispositions susvisées » ;

Vu l’article 121-2 du code pénal ;

Attendu que les personnes morales, à l’exception de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Attendu que, pour déclarer la société coupable, l’arrêt énonce notamment que celle-ci, par l’action de ses responsables, a réalisé pendant de nombreux mois des achats récurrents, réguliers et fréquents de métaux divers, notamment de cuivre, en quantité importante, ces achats ayant été faits auprès de particuliers qui n’ont jamais justifié d’activité professionnelle et qui n’ont pu, pour certains justifier de domicile fixe, qu’ainsi qu’en ont convenu des responsables de la société, M. Y…, responsable du site SITA Vignier à Poissy, et M. Jean-Marc Z…, responsable de la société SITA Vignier sur les deux Savoie, toutes les vérifications qui s’imposaient à eux n’ont pas été respectées, que plusieurs factures établissent que des volumes bien supérieurs ont été régulièrement achetés par la société sans qu’aucun justificatif d’origine ne soit sollicité ; que les juges ajoutent que les multiples renseignements que la société recueillait et collationnait lors des transactions lui permettaient de constater aisément qu’elle procédait à des achats répétés et importants auprès de personnes qui, non professionnelles, ne pouvaient justifier de l’origine de la marchandise qu’elles vendaient ; que la cour d’appel déduit de l’ensemble de ces éléments que la société, sciemment puisqu’elle s’abstenait de vérifier l’origine de la marchandise achetée, a acquis des ferrailles et des métaux dont plusieurs circonstances laissaient présumer qu’ils provenaient de vols, ainsi la fréquence et l’importance des achats, à des personnes dont ce n’est pas la profession de détenir de telles quantités de matériaux ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, par des motifs dont il ne ressort pas que les manquements relevés résultaient de l’action de l’un des organes ou représentants de la société prévenue, ni qu’ils avaient été commis pour le compte de celle-ci, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 24 février 2016, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un novembre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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