Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 octobre 2021, 20-12.452, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. civ., 14 oct. 2021, n° 20-12.452
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-12.452
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Chambéry, 11 décembre 2019, N° 18/01253
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000044220588
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:C200958
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 14 octobre 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 958 F-D

Pourvoi n° Y 20-12.452

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2021

M. [S] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 20-12.452 contre l’arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d’appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l’opposant :

1°/ à la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société GMF assurances, dont le siège est [Adresse 2], prise en son centre de gestion, [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, et l’avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 12 décembre 2019), M. [T], victime le 21 novembre 2001 d’un accident de la circulation ayant impliqué un véhicule assuré auprès de la société GMF, a été indemnisé de son préjudice corporel par un arrêt devenu irrévocable du 26 mai 2009.

2. Estimant que son état s’était aggravé, M. [T], après avoir obtenu en référé la désignation d’un expert qui a déposé son rapport le 25 février 2015, a assigné la société GMF devant un tribunal de grande instance, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie (la caisse), aux fins, notamment, d’être indemnisé de ses préjudices en lien avec sa pathologie arthrosique.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [T] fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en indemnisation de son préjudice corporel, alors :

« 1°/ que le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable ; qu’en jugeant que la pathologie arthrosique présentée par M. [T] ne serait pas en relation de causalité avec l’accident, cependant qu’il résultait de ses propres constatations que cette pathologie était « asymptomatique » et ne s’était « manifestée » que « lors de l’accident du 21 novembre 2001 », ce dont il résultait qu’il s’agissait d’une prédisposition latente dont la révélation et ses conséquences étaient en relation de causalité avec l’accident, et non d’une pathologie dont les effets se seraient manifestés de manière certaine, et dans un délai prévisible, indépendamment de l’accident, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

2°/ que l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences ; qu’en jugeant que la pathologie arthrosique actuellement présentée par M. [T] ne serait pas en relation de causalité avec l’accident du 21 novembre 2001 dès lors qu’un accident du travail, intervenu le 7 septembre 2004, aurait aggravé cette pathologie arthrosique et constituerait « une nouvelle cause immédiate du dommage, plus proche et plus prépondérante », cependant que l’auteur d’un dommage aggravé par l’intervention d’un tiers est tenu de réparer les conséquences de l’aggravation, puisqu’il a, par son action initiale, contribué à la survenance du dommage final, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

4. L’arrêt relève que, lors de l’accident initial du 21 novembre 2001, M. [T], à l’arrêt au volant de son véhicule, a été heurté par un véhicule venant derrière lui et qu’il a présenté un traumatisme cervical, une entorse cervicale et une contusion musculaire discale. Il rappelle que l’arthrose asymptomatique avec discopathie C5-C6, que M. [T] présentait antérieurement à cet accident et révélée par ce dernier, avait été prise en compte dans l’évaluation du préjudice à l’occasion de la première procédure judiciaire.

5. L’arrêt constate que l’expert judiciaire ayant déposé son rapport en 2015 est formel et conclut qu’il n’y a pas de lien de causalité entre l’évolution de la pathologie de M. [T] et l’accident du 21 novembre 2001.

6. L’arrêt précise encore, par motifs adoptés, que l’expert a indiqué que, le 7 septembre 2004, M. [T] avait été victime d’un accident du travail à l’origine d’une fracture de la malléole gauche ayant nécessité le port de béquilles, que l’aggravation de son état s’était manifestée à la suite de l’utilisation des béquilles, et avait justifié une opération le 30 mai 2011 pour une décompensation radiculaire C5-C6. L’arrêt en déduit que l’évolution de cette arthrose s’est faite pour son propre compte, aggravée par l’accident du 7 septembre 2004.

7. De ces énonciations et constatations, relevant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve produits devant elle, la cour d’appel a pu déduire l’absence de lien de causalité entre cette aggravation et l’accident du 21 novembre 2001.

8. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [T]

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. [T] de l’intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le lien de causalité entre l’évolution de la pathologie de M. [S] [T] et l’accident du 21 novembre 2001, l’expert judiciaire est formel : il n’y a pas de lien de causalité entre l’évolution de la pathologie de M. [S] [T] et l’accident du 21 novembre 2001 ; que lors de l’accident initial du 21 novembre 2001, M. [S] [T], à l’arrêt au volant de son véhicule, a été heurté par un véhicule venant derrière lui ; qu’il a présenté un traumatisme cervical, une entorse cervicale, une contusion musculaire discale ; que dans les suites, l’expert judiciaire note que M. [S] [T] a présenté une symptomatologie extrêmement riche avec des examens neurologiques cliniques réalisés par plusieurs médecins, toujours normaux ; que l’état de M. [S] [T] s’est aggravé progressivement puisqu’il a présenté un déficit de la main gauche ayant entraîné une intervention chirurgicale par le docteur [X] le 30 mars 2011 de décompression radiculaire C5-C6 avec mise en place d’une cage intersomatique ; qu’à la suite de cette opération, son évolution a été favorable puisque le déficit de la main gauche a disparu, mais du point de vue sensitif, il n’y avait pas d’amélioration et M. [S] [T] se plaignait toujours d’une séméiologie extrêmement riche, qui était la même, que celle qui avait été notée lors de l’expertise du docteur [Z] le 3 juin 2004 (expertise initiale), qui avait demandé l’avis d’un sapiteur en la personne du docteur [Q], psychiatre qui concluait que les troubles présentés par le patient, mis sur le compte d’une névralgie cervico-brachiale, lui semblaient plus correspondre à des manifestations de conversion sur une structure antérieure, symptôme de conversion que n’a pas retenu l’expert psychiatre le docteur [E] ; que M. [S] [T] présentait antérieurement à l’accident du 21 novembre 2001 de l’arthrose avec discopathie C5-C6, qui était asymptomatique et qui s’est manifestée lors de l’accident du 21 novembre 2001, qui a été pris en compte dans l’évaluation du docteur [Z] datée du 3 juin 2004 ; que par la suite, cette arthrose a évolué pour son propre compte comme l’a précisé l’expert jusqu’à l’intervention du 30 mai 2011 ; que ces constations médicales sont claires, précises et dénuées de toute ambiguïté ; que la société GMF assurances n’est donc pas tenue d’indemniser M. [S] [T] en l’absence de lien de causalité entre l’accident du 21 novembre 2001 et l’aggravation de son état de santé ; que le jugement, qui a débouté M. [S] [T] de ses demandes, sera confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE le droit de la victime d’obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable. (Cour de cassation 2ème civile 29 mars 2012) ; qu’en vertu de la théorie de la causalité adéquate, la victime a ainsi droit à la réparation intégrale de ses préjudices corporels sans que soit tenu compte de son état de santé antérieur ou d’une prédisposition pathologique, même s’ils ont pu favoriser leur apparition ou contribuer à leur aggravation ; qu’une pathologie antérieure ait été l’une des causes du dommage demeure sans incidence sur la réparation si le fait imputable au défendeur apparaît lui-même comme une cause certaine de celui-ci ; que « C’est seulement dans les hypothèses où l’état antérieur se traduisait déjà, avant l’intervention du défendeur, par un dommage dissociable de celui dont elle souffre après, qu’il en sera tenu compte, ou encore en cas d’évolution inéluctable de la pathologique antérieure, afin de ne mettre à la charge du responsable que le dommage qu’il a réellement causé » ([M] [Y] et [C] [J], Les conditions de la responsabilité, 3e éd., n° 434) ; que par ailleurs, un nouvel accident peut représenter une rupture de causalité ; que cette nouvelle cause immédiate du dommage, à la fois plus proche et prépondérante, a alors pour effet de tenir à l’écart un fait causal plus lointain et moins adéquat, en fut-il une condition nécessaire ; qu’ainsi, le dommage favorise par une prédisposition n’est pas en relation de causalité avec le fait dommageable à l’origine de la prédisposition ([C] [J], RTD civ. 2002 p. 128) ; qu’en l’espèce, l’expert retient, que Monsieur [S] [T] a subi un accident de la circulation le 21 novembre 2001 ; au volant de son véhicule arrêté, il a subi un choc par l’arrière et un coup du lapin ; que le bilan initial a montré un traumatisme cervical, une entorse cervicale, une contusion musculaire discale ; qu’il indique que « le patient présentait de l’arthrose avec une discopathie C5-C6 qui était asymptomatique et s’est manifestée lors de l’accident du 21 novembre 2001. L’accident n’est pas responsable de l’arthrose, mais de la révélation de cette arthrose et de ces symptômes » ; que l’expert retient encore que le 7 septembre 2004, un nouvel accident s’est produit : "le patient a été renversé par un Fenwick à son travail entraînant une fracture de la malléole interne gauche et nécessitant le port de béquilles. C’est depuis le port de béquilles que son état s’est aggravé. Et finalement, il a été opéré par le Docteur [X], neurochirurgien, le 30 mai 2011, d’une décompression radiculaire C5-C6 avec mise en place d’une cage intersomatique" ; « L’évolution a été favorable du point de vue moteur puisque le déficit de la main gauche a disparu. En revanche, du point de vue sensitif, il n’y a pas eu d’amélioration » ; qu’il conclut que l’évolution de cette arthrose s’est faite pour son propre compte, aggravée par un autre accident du 7 septembre 2004 ; que dès lors, il convient de juger, que le nouvel accident subi par Monsieur [S] [T] le 07 septembre 2004 représente une rupture de causalité et que l’accident initial de 2001 ne peut plus être retenu comme cause juridique de son dommage, en raison de la présence d’une nouvelle cause immédiate du dommage, plus proche et plus prépondérante ; qu’au surplus, il convient de tenir compte de l’évolution inéluctable de la pathologie antérieure que constitue l’arthrose de Monsieur [S] [T], la SA GMF Assurances n’étant tenue d’indemniser que les conséquences directes de l’accident subi par Monsieur [S] [T] en 2001 ; qu’en conséquence, Monsieur [S] [T] sera débouté de l’ensemble de ses demandes au fond ;

1°) ALORS QUE le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable ; qu’en jugeant que la pathologie arthrosique présentée par M. [T] ne serait pas en relation de causalité avec l’accident, cependant qu’il résultait de ses propres constatations que cette pathologie était « asymptomatique » et ne s’était « manifestée » que « lors de l’accident du 21 novembre 2001 » (arrêt, p. 7, § 3), ce dont il résultait qu’il s’agissait d’une prédisposition latente dont la révélation et ses conséquences étaient en relation de causalité avec l’accident, et non d’une pathologie dont les effets se seraient manifestés de manière certaine, et dans un délai prévisible, indépendamment de l’accident, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

2°) ALORS QUE l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences ; qu’en jugeant que la pathologie arthrosique actuellement présentée par M. [T] ne serait pas en relation de causalité avec l’accident du 21 novembre 2001 dès lors qu’un accident du travail, intervenu le 7 septembre 2004, aurait aggravé cette pathologie arthrosique et constituerait « une nouvelle cause immédiate du dommage, plus proche et plus prépondérante » (jugement, p. 6, § 7), cependant que l’auteur d’un dommage aggravé par l’intervention d’un tiers est tenu de réparer les conséquences de l’aggravation, puisqu’il a, par son action initiale, contribué à la survenance du dommage final, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

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