Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 mai 2021, 20-80.608, Inédit
Chronologie de l’affaire
Sur la décision
Référence : | Cass. crim., 4 mai 2021, n° 20-80.608 |
---|---|
Juridiction : | Cour de cassation |
Numéro(s) de pourvoi : | 20-80.608 |
Importance : | Inédit |
Décision précédente : | Cour d'appel de Bourges, 17 décembre 2019 |
Dispositif : | Cassation |
Date de dernière mise à jour : | 6 mars 2024 |
Identifiant Légifrance : | JURITEXT000043489873 |
Identifiant européen : | ECLI:FR:CCASS:2021:CR00520 |
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Sur les parties
- Président : M. Soulard (président)
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties :
Texte intégral
N° F 20-80.608 F-D
N° 00520
MAS2
4 MAI 2021
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 MAI 2021
L’association Réseau sortir du nucléaire et l’association Sortir du nucléaire Berry-Puisaye, parties civiles, ont formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Bourges, chambre correctionnelle, en date du 18 décembre 2019, qui a déclaré irrecevable la citation de la société Electricité de france du chef d’exploitation d’une installation nucléaire de base sans respect des prescriptions de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des associations Réseau sortir du nucléaire et Sortir du nucléaire Berry-Puisaye, parties civiles, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Electricité de france, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Considérant que les faits, relevés les 4 et 5 avril 2017 par un rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) relatif à deux installations nucléaires du centre de production électrique de [Localité 1], constituaient des infractions, l’association Réseau sortir du nucléaire (RSN), a déposé plainte contre la société Electricité de france (EDF), exploitante de ces installations.
3. Sa plainte ayant été classée sans suite, elle a fait citer la société EDF et s’est constituée partie civile devant le tribunal de police.
4. Par jugement en date du 12 mars 2019, le tribunal de police a constaté la nullité de la citation.
5. Les associations RSN et Sortir du nucléaire Berry-Puisaye ont interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a constaté la nullité de la citation directe délivrée par l’association RSN à la société EDF et a, en conséquence, rejeté sa demande au titre des intérêts civils, alors :
« 1°/ que si, en application de l’article L. 596-10 du code de l’environnement, les inspecteurs de la sûreté nucléaire recherchent et constatent les infractions prévues par la section IV du chapitre VI du titre IX du livre V du code de l’environnement, réprimant la violation des règles applicables à la sécurité nucléaire et aux installations nucléaires de base, les infractions, correctionnelles ou de police, au code de l’environnement, auquel ne font pas exception sur ce point les règles particulières applicables aux installations nucléaires, peuvent être prouvées par tous moyens ; qu’en retenant, pour annuler la citation délivrée par l’association RSN à la société EDF du chef de contraventions au code de l’environnement et la débouter en conséquence de ses demandes, que ces infractions n’étaient pas constatées par des procès-verbaux des inspecteurs de l’agence de la sûreté nucléaire et que l’association RSN n’était pas habilitée à en rapporter la preuve autrement, notamment par le rapport du 12 mai 2017 établi par cette agence, la cour d’appel a violé les articles 427, 536, 537 et 593 du code de procédure pénale et L. 596-10 du code de l’environnement ;
2°/ que lorsque les faits poursuivis ne sont pas établis, le juge renvoie le prévenu des fins de la poursuite ; qu’en revanche, l’absence de preuve des infractions poursuivies est sans incidence sur la régularité de la citation ; qu’en annulant la citation à comparaître délivrée par l’association RSN à la société EDF et en déboutant cette association de ses demandes, au motif que les infractions dénoncées n’étaient pas régulièrement constatées par procès-verbal d’agents de la sûreté nucléaire, la cour d’appel a violé les articles 541, 565, 802 et 593 du code de procédure pénale.»
Réponse de la Cour
Vu les articles 427 et 536 du code de procédure pénale :
7. Selon le premier de ces textes, auquel ne font pas exception les règles particulières applicables aux installations nucléaires, les infractions, correctionnelles ou de police, au code de l’environnement peuvent être prouvées par tous moyens.
8. Pour infirmer le jugement du tribunal de police, l’arrêt attaqué énonce que les contraventions sont prouvées par des procès-verbaux que seules certaines personnes ont le pouvoir de dresser, au nombre desquelles les fonctionnaires ou agents auxquels la loi a attribué le pouvoir de les constater.
9. Les juges retiennent qu’en matière de sûreté nucléaire, l’article L. 596-10 du code de l’environnement confère ce pouvoir exclusivement à L’ASN dont les inspecteurs ont mission de constater les infractions en cette matière.
10. Ils relèvent que dans la lettre de suite de l’ASN, le terme d’infractions pénales n’est pas mentionné et qu’aucun procès-verbal n’a été dressé.
11. Ils ajoutent que la société EDF a fourni les compléments d’information puis l’ASN s’est rendue sur le site pour vérifier les améliorations mises en place et a limité son contrôle aux éléments pouvant faire l’objet d’observations dans la perspective d’une inspection purement administrative.
12. Ils en déduisent que l’ASN n’a pas souhaité donner des suites pénales aux visites opérées, alors que le parquet de Bourges a classé sans suites la plainte de l’association RSN.
13. Ils en concluent qu’en l’absence de preuve d’infractions pénales régulièrement constatées et alors que l’association RSN n’a pas reçu vocation à relever les contraventions, la saisine de la juridiction pénale apparaît en l’espèce manifestement irrecevable.
14. En se déterminant ainsi, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Bourges, en date du 18 décembre 2019, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel d’Orléans, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Bourges et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre mai deux mille vingt et un.
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Par un précédent arrêt publié au Bulletin, la Chambre criminelle avait rappelé le 24 septembre 2019 (M. C. et la société EDF) à la suite de la cour d'appel d'Orléans que les infractions commises par EDF peuvent être établies par tout moyen, notamment les rapports de l'Autorité de sûreté nucléaire. Autrement dit, conformément au principe de la liberté de la preuve devant le juge répressif (articles 537 al. 1er du code de procédure pénale : « Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui. »), il …