Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 mai 2021, 19-17.275, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Merryl Hervieu · Dalloz Etudiants · 1er juillet 2021
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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 27 mai 2021, n° 19-17.275
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-17.275
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 24 mars 2019
Textes appliqués :
Article 2224 du code civil.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043618043
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CO00452
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 452 F-D

Pourvoi n° V 19-17.275

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 MAI 2021

1°/ Mme [J] [E], domiciliée [Adresse 1],

2°/ M. [U] [V],

3°/ Mme [N] [V],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° V 19-17.275 contre l’arrêt n° RG 17/21594 rendu le 25 mars 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant à la société Les Hôtels de Paris, société anonyme, ayant pour nom commercial [Personne physico-morale 1], dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [E] et de M. et Mme [V], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Les Hôtels de Paris, après débats en l’audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 25 mars 2019, n° RG 17/21594), la société Gestimmo finance, devenue la société Les Hôtels de Paris, spécialisée dans le conseil en financement et investissement dans le domaine de l’hôtellerie et dirigée par M. [S], a proposé à des particuliers intéressés par une opération leur permettant de réduire leurs impôts de participer à la création d’un hôtel dénommé [Établissement 1]. Cette opération a été réalisée au moyen de la création d’une société en participation dénommée SEP Paris Opéra Drouot, propriétaire de l’immeuble, d’une SARL, également dénommée Paris Opéra Drouot, gérante statutaire de la société en participation et exploitant le fonds de commerce hôtelier, ainsi que d’une société civile gérant les apports des investisseurs. A la suite d’opérations entre ces sociétés et d’autres, également dirigées par M. [S], plusieurs investisseurs, dont M. et Mme [V] et Mme [E], ont recherché la responsabilité de la société Les Hôtels de Paris pour avoir manqué à ses obligations d’information et d’exécution de bonne foi des conventions conclues.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

2. Mme [E] fait grief à l’arrêt du rejet de ses demandes, alors :

« 1°/ que dans ses conclusions d’appel, Mme [E] reprochait à la société Les Hôtels de Paris de lui avoir présenté l’opération de manière trompeuse, en ne faisant état que des avantages de l’investissement proposé, sans évoquer les risques de perte encourus ; que, pour juger que la faute reprochée à la société Le Hôtels de Paris ne serait pas caractérisée, la cour d’appel s’est cependant bornée à retenir que cette dernière n’aurait commis aucun manquement dans la conduite de la sortie de l’opération ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Les Hôtels de Paris avait commis une faute dolosive en présentant l’opération de manière trompeuse, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ que l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi interdit à une partie d’adopter, dans son seul intérêt, un comportement préjudiciable à son cocontractant ; que Mme [E] soutenait que la société Les Hôtels de Paris avait fait preuve de déloyauté dans la gestion de son investissement, en lui proposant de racheter ses parts avec une moins-value puis, une fois acquis le contrôle des sociétés porteuses du projet, en procédant à des fusions-absorptions avec un rapport d’échange particulièrement défavorable, ayant fait perdre à son investissement plus de 92 % de sa valeur initiale ; que pour écarter toute faute de la société Les Hôtels de Paris dans la conduite de la sortie de l’opération, la cour d’appel s’est bornée à affirmer que Mme [E] n’avait pas donné suite à une offre d’acquisition et que les fusions-absorptions réalisées en 2010 et en 2012 ne seraient pas blâmables ; qu’en s’abstenant de rechercher si l’ensemble des faits reprochés à la société Les Hôtels de Paris, pris dans leur globalité, ne caractérisaient pas un manquement de cette dernière à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

3°/ que pour établir un manquement de la société Les Hôtels de Paris à son obligation de loyauté, Mme [E] faisait notamment valoir que la fusion-absorption de la SA Paris Porte d’Italie par la société Compagnie Financière du Trocadéro, ensuite absorbée par la société Les Hôtels de Paris, avait été réalisée selon un rapport d’échange qui lui était particulièrement défavorable ; que, pour le démontrer, elle produisait le rapport des commissaires à la fusion sur la rémunération des apports, dont il ressortait que la valeur de la société Compagnie Financière du Trocadéro avait été surestimée, par l’effet d’une valorisation irréaliste de l’une de ses filiales, et qui concluait à l’impossibilité d’attester du caractère équitable du rapport d’échange ; que pour écarter tout manquement de la société Les Hôtels de Paris dans la réalisation des opérations de fusion-absorption, la cour d’appel s’est cependant bornée à relever que « la valorisation des actifs dans le cadre de ces opérations à leur valeur comptable était imposée par les règles comptables » et que « la régularité de ces opérations n’a par ailleurs pas été contestée » ; qu’en statuant de la sorte, cependant que la valorisation des apports, régie par les règles comptables, était sans incidence sur la détermination du rapport d’échange, pour sa part non réglementée, et que l’absence de contestation de la validité des opérations de fusion n’empêchait pas Mme [E] de reprocher à la société Les Hôtels de Paris d’avoir manqué à son obligation de loyauté en décidant de réaliser ces fusions, la cour d’appel s’est fondée sur des motifs inopérants et a ainsi privé sa décision base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

4°/ que les motifs inintelligibles équivalent à un défaut de motifs ; que pour écarter tout manquement de la société Les Hôtels de Paris à son obligation de bonne foi, la cour d’appel a ajouté "que lors de l’assemblée générale du 25 juin 2008, M. [P], actionnaire de la société Paris Opéra Drouot a offert aux investisseurs de racheter leur participation dans les trois sociétés pour un prix équivalent au montant de leurs investissements ; qu’ensuite, il présentait sa proposition au travers de la société Compagnie Financière du Trocadéro, le rachat devant se faire à hauteur de 73,76 % du montant de l’investissement ; (?) que Mme [E] n’y a pas donné suite, l’offre de M. [P] étant supérieure de 15 % au prix du marché" ; qu’en s’appuyant ainsi sur des motifs qui ne permettent pas de comprendre à quelle offre il est reproché à Mme [E] de ne pas avoir répondu, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que, dans ses conclusions d’appel, Mme [E] faisait valoir qu’il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir souscrit à l’offre de M. [P], dans la mesure où M. [S] n’avait cessé de la décrédibiliser ; qu’elle s’appuyait, pour le démontrer, sur trois courriers dans lesquels M. [S] indiquait que l’offre de M. [P] présentait « un risque juridique », dans la mesure où elle emportait transfert de propriété immédiat indépendamment du règlement des titres, ainsi qu’ « un risque fiscal », en ce qu’elle ne paraissait pas conforme à la jurisprudence fiscale, et soulignait que le repreneur était une personne physique qui ne précisait pas les modalités de financement de l’opération ; qu’en retenant cependant, pour écarter toute faute de la société Les Hôtels de Paris, que Mme [E] n’avait pas donné suite à l’offre de M. [P], sans répondre à ce moyen déterminant tiré du caractère risqué de l’offre en question, la cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que constitue un préjudice actuel et non hypothétique la dilution des participations d’associés consécutive à des opérations de fusion effectuées sur la base d’une décote des apports de la société dont ils étaient inégalement membres ; qu’en s’abstenant de rechercher si, comme il était soutenu et démontré par Mme [E], les fusions intervenues en 2010 et 2012 n’avaient pas eu pour effet de provoquer une dilution de ses droits constituant en elle-même un préjudice actuel, certain et définitif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, devenu 1240, et 1147, dans sa rédaction applicable en la cause, du code civil ;

7°/ que, subsidiairement, est réparable le préjudice qui, bien que futur, constitue le prolongement certain et direct d’un état de choses actuel ; que Mme [E] soutenait que les fautes commises par la société Les Hôtels de Paris avaient eu pour effet de lui faire perdre son investissement, puisqu’elle était désormais détentrice de parts de la société Les Hôtels de Paris dont la valeur sur le marché boursier était inférieure de plus de 90 % au montant de son investissement initial ; que le préjudice tenant à la perte de valeur de son investissement et à la perte de chance de réaliser une plus-value était donc certain, même s’il n’avait vocation à se réaliser que lors de la revente des titres ; qu’en jugeant au contraire que ce préjudice serait incertain, en ce que Mme [E] était toujours titulaire de ses titres dont la valeur liquidative était susceptible de variations, la cour d’appel a violé les articles 1382, devenu 1240, et 1147, dans sa rédaction applicable en la cause, du code civil. »

Réponse de la Cour

3. Ayant constaté que Mme [E] était toujours titulaire de ses titres dont la valeur liquidative est susceptible de variations à la hausse ou à la baisse, l’arrêt en déduit à bon droit que le préjudice invoqué présente un caractère incertain et n’est pas caractérisé.

4. Le moyen, inopérant en ses six premières branches en ce qu’il critique des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [V] font grief à l’arrêt de déclarer leur action irrecevable comme prescrite, alors « que si le point de départ du délai de prescription de l’action en réparation du préjudice résultant de l’absence de rentabilité d’un investissement peut être considéré comme courant à compter du jour où les titres concernés ont été revendus, c’est à la condition que la date de cette cession soit certaine ; qu’en l’espèce, M. et Mme [V] contestaient avoir cédé leurs titres à la société Compagnie Financière du Trocadéro le 10 octobre 2008 ; qu’ils faisaient à cet effet valoir que les actes de cession produits par la société Les Hôtels de Paris n’étaient pas datés, qu’ils ne leur avaient jamais été retournés signés par la société Compagnie Financière du Trocadéro, qu’ils n’avaient fait l’objet d’aucune publication et que le prix de cession qu’ils prévoyaient n’avait jamais été réglé ; qu’en fixant toutefois le point de départ du délai de prescription au 10 octobre 2008, comme correspondant à la date à laquelle Mme [V], avec le consentement de son conjoint, aurait cédé ses deux actions à la société Compagnie Financière du Trocadéro, sans préciser sur quelle pièce elle se fondait pour retenir une telle date, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 2224 du code civil :

6. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

7. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action exercée par M. et Mme [V], l’arrêt constate qu’ils ont cédé leurs deux actions le 10 octobre 2008 à la société Compagnie Financière du Trocadéro et en déduit qu’ils connaissaient dès cette date l’absence de rentabilité qu’ils dénoncent et pour laquelle ils sollicitent une indemnisation, de sorte qu’en assignant la société Les Hôtel de Paris le 26 novembre 2015, ils ont agi au-delà du délai de cinq années prévu par l’article 2224 du code civil.

8. En se déterminant par de tels motifs, sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour retenir comme point de départ du délai de prescription une cession dont M. et Mme [V] contestaient la réalité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare irrecevable comme prescrite l’action exercée par M. et Mme [V], l’arrêt rendu le 25 mars 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Les Hôtels de Paris aux dépens afférents au pourvoi de M. et Mme [V] ;

Condamne Mme [E] aux dépens afférents à son propre pourvoi ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les Hôtels de Paris contre M. et Mme [V] et la condamne à leur payer la somme globale de 3 000 euros, rejette la demande formée par Mme [E] et la condamne à payer à la société Les Hôtels de Paris la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme [E] et M. et Mme [V].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait déclaré irrecevable car prescrite l’action intentée par M. et Mme [V] ;

AUX MOTIFS QU’ « qu’en application de l’article 2224 du code civil dans sa version issue de la loi du 18 juin 2008 les actions personnelles mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;

que la société Hôtel de Paris soutient que l’action intentée par les époux [V] est prescrite puisqu’ils ont cédé leurs 2 actions le 10 octobre 2008 à la société Compagnie Financière du Trocadéro et qu’ils connaissaient ainsi dès cette date l’absence de rentabilité qu’ils dénoncent et pour laquelle ils sollicitent une indemnisation ; qu’en assignant la société Hôtel de Paris uniquement le 26 novembre 2015 ils ont agi au-delà du délai de 5 années prévu par l’article 2224 du code civil ;

que les époux [V] exposent que la société Paris Opéra Drouot a été absorbée le 26 novembre 2010 par la Compagnie Financière du Trocadéro, cette dernière ayant été ensuite absorbée par la société Les Hôtels de Paris le 31 décembre 2012 ; qu’ils ont été informés par ces opérations de fusion absorption de la valorisation de l’action de la SA Paris Opéra Drouot à hauteur de 5 834,96 euros le 26 novembre 2010 et de 1 312,40 euros le 31 décembre 2012 ;

mais que le délai pour agir en responsabilité part du jour de connaissance du dommage ; que le préjudice éventuellement subi par les époux [[V]] est arrêté au jour de cession de leurs actions, la chute postérieure de la valorisation des titres ne les affectant pas puisqu’ils s’en sont dessaisis ; que le point de départ concernant les époux [V] se situe au 10 octobre 2008, date à laquelle Mme [V], avec le consentement de son conjoint, a cédé ses deux actions à la société Compagnie Financière du Trocadéro pour un montant unitaire de 8 975,77 euros, soit au total 17 951,54 euros ; que leur action engagée le 26 novembre 2015 est ainsi prescrite » ;

ALORS QUE si le point de départ du délai de prescription de l’action en réparation du préjudice résultant de l’absence de rentabilité d’un investissement peut être considéré comme courant à compter du jour où les titres concernés ont été revendus, c’est à la condition que la date de cette cession soit certaine ; qu’en l’espèce, M. et Mme [V] contestaient avoir cédé leurs titres à la société Compagnie Financière du Trocadéro le 10 octobre 2008 ; qu’ils faisaient à cet effet valoir que les actes de cession produits par la société Les Hôtels de Paris n’étaient pas datés, qu’ils ne leur avaient jamais été retournés signés par la société Compagnie Financière du Trocadéro, qu’ils n’avaient fait l’objet d’aucune publication et que le prix de cession qu’ils prévoyaient n’avait jamais été réglé (p. 12-13 de leurs conclusions d’appel) ; qu’en fixant toutefois le point de départ du délai de prescription au 10 octobre 2008, comme correspondant à la date à laquelle Mme [V], avec le consentement de son conjoint, aurait cédé ses deux actions à la société Compagnie Financière du Trocadéro, sans préciser sur quelle pièce elle se fondait pour retenir une telle date, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mme [E] de ses demandes tendant à voir juger que la société Les Hôtels de Paris avait commis une faute et à condamner cette dernière à indemniser son préjudice, outre intérêts aux taux légal et capitalisation ;

AUX MOTIFS QUE « Mme [E] a souscrit à l’opération de défiscalisation présentée par la société Gestimmo Finance devenue ensuite la société Les Hôtels de Paris par l’intermédiaire de la société Audit Patrimoine Conseil, conseiller en gestion de patrimoine ; que cette dernière était seule débitrice de l’obligation de conseil préalablement aux souscriptions conclues entre Mme [E] et la société Gestimmo Conseil, rédactrice du dossier de présentation ; que lors de la signature du bulletin de souscription du 27 octobre 1998 avec la société Gestimmo Finance, Mme [E] a reconnu d’une part, avoir pris connaissance du dossier de présentation de la société SEP Paris Opéra Drouot et d’autre part, avoir été informée que les coûts et les résultats prévisionnels avaient été établis sur des bases raisonnables mais sans garantie ; qu’elle a reconnu être informée que des dépenses supérieures ou des recettes inférieures aux prévisions étaient susceptibles d’augmenter les engagements financiers des associés ;

que si la documentation remise aux investisseurs mentionne les avantages fiscaux de l’opération dont a bénéficié Mme [E], elle ne comporte aucun engagement quant aux modalités de sortie de l’opération dès lors que leur présentation était introduite par une phrase au conditionnel (la sortie de l’opération pourrait se réaliser de deux manières) ; que la société Les Hôtels de Paris n’a pris aucun engagement au titre des modalités de sortie et n’est dès lors débitrice d’aucune obligation de résultat ;

que la sortie de l’opération a été présentée aux actionnaires notamment le 26 mars et le 11 mai 2006, par le biais d’un comité d’actionnaires qui avait consulté un avocat fiscaliste, Maître [F] ; que lors de l’assemblée générale du 25 juin 2008, M. [P], actionnaire de la société Paris Opéra Drouot a offert aux investisseurs de racheter leur participation dans les trois sociétés pour un prix équivalent au montant de leurs investissements ; qu’ensuite, il présentait sa proposition au travers de la société Compagnie financière du Trocadéro, le rachat devant se faire à hauteur de 73,76 % du montant de l’investissement ; qu’a suivi l’envoi de courriers par les deux groupes d’actionnaires et d’une ultime correspondance commune de M. [P] et de la Compagnie Financière du Trocadéro du 20 [lire 30] septembre 2008 précisant que l’offre de la compagnie était limitée dans le temps, au 31 octobre 2008 ; que Mme [E] n’y a pas donné suite, l’offre de M. [P] étant supérieure de 15 % au prix du marché ;

enfin, sur l’opération de fusion absorption intervenue le 26 novembre 2010 entre la Compagnie Financière du Trocadéro et la société Paris Opéra Druot suivie de la fusion le 31 décembre 2012 de la société Les Hôtels de Paris avec la compagnie Financière du Trocadéro, que la valorisation des actifs dans le cadre de ces opérations à leur valeur comptable était imposée par les règles comptables ; que la régularité de ces opérations n’a par ailleurs pas été contestée ;

qu’il se déduit de ce qui précède que la faute reprochée à la société Les Hôtels de Paris n’est pas caractérisée ;

que le préjudice allégué ne l’est pas plus puisque Mme [E] est toujours titulaire de ses titres dont la valeur liquidative est susceptible de variation à la hausse ou à la baisse donnant au préjudice allégué un caractère incertain » ;

1°/ ALORS QUE dans ses conclusions d’appel, Mme [E] reprochait à la société Les Hôtels de Paris de lui avoir présenté l’opération de manière trompeuse, en ne faisant état que des avantages de l’investissement proposé, sans évoquer les risques de perte encourus (p. 18 à 20 de ses conclusions d’appel) ; que, pour juger que la faute reprochée à la société Le Hôtels de Paris ne serait pas caractérisée, la cour d’appel s’est cependant bornée à retenir que cette dernière n’aurait commis aucun manquement dans la conduite de la sortie de l’opération ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Les Hôtels de Paris avait commis une faute dolosive en présentant le produit de manière trompeuse, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ ALORS QUE l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi interdit à une partie d’adopter, dans son seul intérêt, un comportement préjudiciable à son cocontractant ; que Mme [E] soutenait que la société Les Hôtels de Paris avait fait preuve de déloyauté dans la gestion de son investissement en lui proposant de racheter ses parts avec une moins-value puis, une fois acquis le contrôle des sociétés porteuses du projet, en procédant à des fusions-absorptions avec un rapport d’échange particulièrement défavorable, ayant fait perdre à son investissement plus de 92 % de sa valeur initiale ; que pour écarter toute faute de la société Les Hôtels de Paris dans la conduite de la sortie de l’opération, la cour d’appel s’est bornée à affirmer que Mme [E] n’avait pas donné suite à une offre d’acquisition et que les fusions-absorptions réalisées en 2010 et en 2012 ne seraient pas blâmables ; qu’en s’abstenant de rechercher si l’ensemble des faits reprochés à la société Les Hôtels de Paris, pris dans leur globalité, ne caractérisaient pas un manquement de cette dernière à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

3°/ ALORS QUE pour établir un manquement de la société Les Hôtels de Paris à son obligation de loyauté, Mme [E] faisait notamment valoir que la fusion-absorption de la SA Paris Opéra Drouot par la société Compagnie Financière du Trocadéro, ensuite absorbée par la société Les Hôtels de Paris, avait été réalisée selon un rapport d’échange qui lui était particulièrement défavorable ; que, pour le démontrer, elle produisait le rapport des commissaires à la fusion sur la rémunération des apports, dont il ressortait que la valeur de la société Compagnie Financière du Trocadéro avait été surestimée, par l’effet d’une valorisation irréaliste de l’une de ses filiales, et qui concluait à l’impossibilité d’attester du caractère équitable du rapport d’échange ; que pour écarter tout manquement de la société Les Hôtels de Paris dans la réalisation des opérations de fusion-absorption, la cour d’appel s’est cependant bornée à relever que « la valorisation des actifs dans le cadre de ces opérations à leur valeur comptable était imposée par les règles comptables » et que « la régularité de ces opérations n’a par ailleurs pas été contestée » (arrêt attaqué, p. 7 § 3) ; qu’en statuant de la sorte, cependant que la valorisation des apports, régie par les règles comptables, était sans incidence sur la détermination du rapport d’échange, pour sa part non réglementée, et que l’absence de contestation de la validité des opérations de fusion n’empêchait pas Mme [E] de reprocher à la société Les Hôtels de Paris d’avoir manqué à son obligation de loyauté en décidant de réaliser ces fusions, la cour d’appel s’est fondée sur des motifs inopérants et a ainsi privé sa décision base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

4°/ ALORS QUE les motifs inintelligibles équivalent à un défaut de motifs ; que pour écarter toute manquement de la société Les Hôtels de Paris à son obligation de bonne foi, la cour d’appel a ajouté « que lors de l’assemblée générale du 25 juin 2008, M. [P], actionnaire de la société Paris Opéra Drouot a offert aux investisseurs de racheter leur participation dans les trois sociétés pour un prix équivalent au montant de leurs investissements ; qu’ensuite, il présentait sa proposition au travers de la société Compagnie Financière du Trocadéro, le rachat devant se faire à hauteur de 73,76 % du montant de l’investissement ; (?) que Mme [E] n’y a pas donné suite, l’offre de M. [P] étant supérieure de 15 % au prix du marché » (arrêt attaqué, p. 7 § 2) ; qu’en s’appuyant ainsi sur des motifs qui ne permettent pas de comprendre à quelle offre il est reproché à Mme [E] de ne pas avoir répondu, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

5°/ ALORS QUE, dans ses conclusions d’appel, Mme [E] faisait valoir qu’il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir souscrit à l’offre de M. [P], dans la mesure où M. [S] n’avait cessé de la décrédibiliser (p. 24 § 7 et 8 de ses conclusions) ; qu’elle s’appuyait, pour le démontrer, sur trois courriers dans lesquels M. [S] indiquait que l’offre de M. [P] présentait « un risque juridique », dans la mesure où elle emportait transfert de propriété immédiat indépendamment du règlement des titres, ainsi qu'« un risque fiscal », en ce qu’elle ne paraissait pas conforme à la jurisprudence fiscale, et soulignait que le repreneur était une personne physique qui ne précisait pas les modalités de financement de l’opération (production n°8) ; qu’en retenant cependant, pour écarter toute faute de la société Les Hôtels de Paris, que Mme [E] n’avait pas donné suite à l’offre de M. [P], sans répondre à ce moyen déterminant tiré du caractère risqué de l’offre en question, la cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

6°/ ALORS QUE constitue un préjudice actuel et non hypothétique la dilution des participations d’associés consécutive à des opérations de fusion effectuées sur la base d’une décote des apports de la société dont ils étaient inégalement membres ; qu’en s’abstenant de rechercher si, comme il était soutenu et démontré par Mme [E], les fusions intervenues en 2010 et 2012 n’avaient pas eu pour effet de provoquer une dilution de ses droits constituant en elle-même un préjudice actuel, certain et définitif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, devenu 1240, et 1147, dans sa rédaction applicable en la cause, du code civil ;

7°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU’ est réparable le préjudice qui, bien que futur, constitue le prolongement certain et direct d’un état de choses actuel ; que Mme [E] soutenait que les fautes commises par la société Les Hôtels de Paris avaient eu pour effet de lui faire perdre son investissement, puisqu’elle était désormais détentrice de parts de la société Les Hôtels de Paris dont la valeur sur le marché boursier était inférieure de plus de 90% au montant de son investissement initial ; que le préjudice tenant à la perte de valeur de son investissement et à la perte de chance de réaliser une plus-value était donc certain, même s’il n’avait vocation à se réaliser que lors de la revente des titres ; qu’en jugeant au contraire que ce préjudice serait incertain, en ce que l’exposante était toujours titulaire de ses titres dont la valeur liquidative était susceptible de variations, la cour d’appel a violé les articles 1382, devenu 1240, et 1147, dans sa rédaction applicable en la cause, du code civil.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 mai 2021, 19-17.275, Inédit