Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 juin 2022, 21-84.493, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Renaud Salomon · Bulletin Joly Sociétés · 1er novembre 2022
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 8 juin 2022, n° 21-84.493
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 21-84.493
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 29 juin 2021
Textes appliqués :
Articles 2 et 3 du code de procédure pénale.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 2 mars 2023
Identifiant Légifrance : JURITEXT000045905061
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:CR00694
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Sur les parties

Texte intégral

N° Z 21-84.493 F-D

N° 00694

ODVS

8 JUIN 2022

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 8 JUIN 2022

La société [3], partie civile, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, 9e chambre, en date du 30 juin 2021, qui dans la procédure suivie contre M. [D] [K] du chef notamment d’atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, et des observations complémentaires, ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de La société [3], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [D] [K], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l’audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le tribunal correctionnel a condamné M. [D] [K] pour avoir accédé et s’être maintenu dans le système de traitement de données de son ancien employeur, la société [3], pour en avoir frauduleusement extrait des données et pour avoir tenté de commettre une extorsion de fonds à son préjudice.

3. L’affaire a été renvoyée sur intérêts civils et le tribunal correctionnel a condamné M. [K] à payer à la société certaines sommes au titre des dommages et intérêts.

4. M. [K] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a débouté la société [3] de sa demande de réparation de son préjudice financier, alors :

« 1°/ que la preuve du paiement peut être rapportée par tous moyens ; qu’en retenant, pour débouter la société [3] de sa demande en paiement de la somme de 315 930,59 euros correspondant au montant total de factures établies au nom des sociétés [6] et [3]. mais dont elle avait finalement supporté la charge, que les éléments justificatifs qu’elle produisait n’étaient pas de nature à établir le paiement allégué par elle « en l’absence d’éléments extrinsèques probants tels que le journal des achats portant enregistrement des factures, le journal de banque portant paiement des factures etc. », la cour d’appel a méconnu les articles 1240 et 1342-8 du code civil, 2, 3, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu’en retenant que l’attestation rédigée le 31 mai 2021 par l’expert-comptable de la société [3] contredisait l’attestation rédigée par le directeur général de la société le 25 novembre 2019 selon laquelle les factures émises par [1] & [5] et [2] [4] avaient été « supportées et payées in fine par la société [3] », quand cette attestation indique expressément que « la société [3] a (…) bien intégralement supporté et payé in fine les factures susmentionnées », la cour d’appel a dénaturé ladite attestation et méconnu ainsi les articles 1240 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu’en retenant que « l’expert-comptable atteste que les sommes ont simplement été comptabilisées au sein de la société mais non acquittées » quand celui-ci fait expressément état d’un paiement en attestant que la société [3] avait « payé in fine les factures », la cour d’appel a de nouveau dénaturé l’attestation établie par l’expert-comptable de la société [3] et méconnu ainsi les articles 1240 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

6. Pour débouter la société de ses demandes de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier, la cour d’appel énonce qu’elle sollicite la condamnation de M. [K] à lui verser la somme de 315 930,59 euros en paiement de factures établies en 2019 non pas au nom de la société [3], mais au nom des sociétés américaines [6] et [3].

7. Les juges ajoutent que ces sociétés sont des entités juridiquement et comptablement indépendantes de la société [3] et qu’aucun élément du dossier n’établit qu’elles sont directement et personnellement concernées par les faits délictueux, objet de la cause, consistant à s’introduire dans le système de traitement automatisé de données de la société [3] et à tenter de la rançonner.

8. En l’état de ces seules énonciations, qui procèdent de son appréciation souveraine quant à l’absence de preuve du lien entre le préjudice allégué et les sommes demandées, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.

9. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a débouté la société [3] de sa demande de réparation de son préjudice moral, alors « que les personnes morales sont fondées à demander la réparation du préjudice moral qu’elles subissent à raison des faits objet de la poursuite, quelle que soit la forme de ce préjudice ; qu’en retenant, pour débouter la société [3] de sa demande en réparation de son préjudice moral tenant au fait qu’elle avait été particulièrement affectée par la violation de ses données et la menace brandie par M. [K] de révéler des informations particulièrement sensibles et confidentielles à ses clients alors que son objet social porte précisément sur la gestion et la protection des informations personnelles de ces derniers, qu’une personne morale n’est en droit d’invoquer qu’une atteinte à sa réputation ou à son image, à l’exclusion d’un préjudice d’affectation, la cour d’appel a méconnu les articles 6 de la convention européenne des droits de l’homme, 1er du premier protocole additionnel à cette convention, 1240 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale :

11. Il résulte de ces textes que l’action civile est ouverte à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite, sans en exclure les personnes morales.

12. Pour débouter la société de sa demande de condamnation de M. [K] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral, l’arrêt attaqué énonce que le préjudice moral est le dommage atteignant les intérêts extra-patrimoniaux et non économiques de la personne, en lésant les droits de la personnalité et qu’il en est ainsi, pour une personne morale, en cas d’atteinte à sa réputation ou son image.

13. Les juges ajoutent que le préjudice de stress, d’anxiété, de déception ou d’affection, ne sont réparables que du seul chef de la personne physique et non du chef de la personne morale.

14. Ils retiennent que la société fait valoir au soutien de sa demande qu’elle a été particulièrement affectée par la violation de ses données et par la menace de révéler des informations particulièrement sensibles et confidentielles à ses clients, alors que son objet social porte sur la gestion et la protection des informations personnelles de ces derniers.

15. Ils relèvent que la société invoque un préjudice d’affection qui n’est réparable que du chef d’une personne physique et non d’une personne morale, la partie civile n’alléguant ni ne caractérisant une quelconque diffusion dans les médias des faits dont elle a été victime et ayant porté atteinte à son activité et à son image par un détournement de clientèle.

16. Ils en déduisent que faute de démontrer la dégradation concrète de sa réputation ou de son image auprès de ses clients, la société ne rapporte pas la preuve du préjudice moral allégué.

17. En statuant ainsi, alors que le préjudice moral subi par une personne morale n’est pas limité à la seule atteinte à sa réputation ou à son image, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés.

18. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Versailles, en date du 30 juin 2021, mais en ses seules dispositions relatives à l’indemnisation du préjudice moral de la société [3], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit juin deux mille vingt-deux.

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