Cour de discipline budgétaire et financière, Centre hospitalier de Ste Anne - Marchés d'ingénierie, 24 novembre 1986

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CDBF, 24 nov. 1986, n° 186
Numéro(s) : 186
Publication : Journal officiel, 11/07/1987, p. 7806 Cahiers de comptabilité publique, n° 3. - Centre de publications de l'Université de Caen, 1991, p. 35
Date d’introduction : 24 novembre 1986
Date(s) de séances : 24 novembre 1986
Textes appliqués :
Code des Marchés Publics 312 bis, 4° et 314. Loi 48-1484 1948-09-25. Loi 78-753 1978-07-17. Décret 68-827 1968-09-20. Décret 73-207 1973-02-28. Décret 78-491 1978-03-31. Décision 1982-10-21 Cour des comptes. Décision 1983-01-26 Président de la CDBF. Décision 1986-11-04 Président de la CDBF. Arrêté 1973-06-29. Réquisitoire 1983-01-21 Procureur général de la République. Avis 1983-10-27 Secrétaire d’Etat chargé du Budget. Avis 1984-07-17 Secrétaire d’Etat chargé de la Santé. Conclusions 1985-11-18 Procureur général de la République. Lettre 1983-10-27 Secrétaire d’Etat chargé du Budget. Lettre 1986-09-30 Ministre des Affaires sociales et de l’emploi.
Identifiant Cour des comptes : JF00077422

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l’égard de l’Etat et de diverses collectivités et portant création d’une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 21 octobre 1982, enregistrée au parquet le 2 décembre 1982, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d’irrégularités constatées dans la gestion du Centre hospitalier Sainte-Anne de Paris et se rapportant aux conditions de conclusion et d’exécution de divers marchés ;

Vu le réquisitoire du procureur général de la République en date du 21 janvier 1983 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 26 janvier 1983 désignant comme rapporteur M. CHEVAGNY, conseiller maître à la Cour des comptes ;

Vu l’accusé de réception de la lettre recommandée adressée par le procureur général de la République le 11 février 1983 à M. Oswald ROUQUET, l’informant de l’ouverture d’une instruction et l’avisant qu’il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ;

Vu l’avis émis le 27 octobre 1983 par le secrétaire d’Etat chargé du budget ;

Vu l’avis émis le 17 juillet 1984 par le secrétaire d’Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé de la santé ;

Vu les conclusions du procureur général de la République en date du 18 novembre 1985 renvoyant M. Oswald ROUQUET devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la lettre du ministre des affaires sociales et de l’emploi en date du 30 septembre 1986 adressant en retour le dossier qui lui avait été transmis le 29 novembre 1985 en vue de sa communication à la commission administrative paritaire, siégeant en formation disciplinaire ;

Vu l’accusé de réception de la lettre recommandée adressée par le président de la Cour de discipline budgétaire et financière le 2 octobre 1986 à M. ROUQUET l’avisant qu’il pouvait dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l’affaire, soit par lui-même, soit par mandataire, soit par le ministère d’un avocat, d’un avoué ou d’un avocat au conseil d’Etat et à la cour de cassation ;

Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 4 novembre 1986 désignant comme rapporteur M. CHABROL, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en remplacement de M. CHEVAGNY, conseiller maître, admis par limite d’âge à faire valoir ses droits à la retraite ;

Vu l’accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 5 novembre 1986 à M. ROUQUET et l’invitant à comparaître ;

Vu le mémoire en défense présenté le 17 novembre 1986 par Me Alain- François ROGER, avocat au conseil d’Etat et à la cour de cassation, assistant M. ROUQUET, ainsi que les pièces complémentaires produites à l’appui de ce mémoire ;

Vu le rapport d’instruction établi par M. CHEVAGNY, l’ensemble des pièces figurant au dossier et notamment les procès-verbaux d’interrogatoire ainsi que le mémoire ampliatif adressé le 28 juin 1983 au rapporteur par Me ROGER ;

Vu le code des marchés publics ;

M. ROUQUET ayant été autorisé par le président de la Cour à ne pas comparaître personnellement à l’audience, en application du troisième alinéa de l’article 23 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée ;

Entendu M. CHABROL, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en son rapport ;

Entendu le premier avocat général en ses conclusions ;

Entendu les témoins cités à la requête de M. ROUQUET :

M. DURNERIN, ancien membre du Conseil d’administration du Centre hospitalier Sainte-Anne ;

M. GUILLOT, ancien directeur des hôpitaux ;

Entendu le premier avocat général en ses réquisitions ;

Entendu en sa plaidoirie Me ROGER qui a eu la parole le dernier ;

Sur la saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière par la Cour des comptes

Considérant que le mémoire présenté par la défense fait valoir que la saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière par une seule chambre de la Cour des comptes ne répond pas aux conditions légales imposées par l’article 16 de la loi du 25 septembre 1948 ;

Considérant qu’il résulte des dispositions du décret n° 68-827 du 20 septembre 1968 alors en vigueur, et notamment de ses articles 7, 8 et 13, que la chambre constitue la formation ordinaire de délibération et de décision de la Cour des comptes ; que la Cour « toutes chambres réunies » n’est compétente, aux termes de l’article 14 dudit décret, que pour juger les comptes qui lui sont renvoyés par le premier président ;

Considérant que la défense allègue que le texte du déféré figurant au dossier ne met pas le requérant en mesure de vérifier si les procédures qui s’imposent aux juridictions administratives ont été respectées ;

Considérant que le déféré en Cour de discipline budgétaire et financière est une décision de saisine et non un arrêt de la Cour des comptes ; qu’il n’a donc pas à être rédigé en la forme requise pour ceux-ci ; que d’autre part aucune disposition législative ou réglementaire n’oblige à faire figurer sur ladite décision la liste nominative des magistrats ayant participé à la délibération ; qu’il n’est pas contesté que dans sa séance du 21 octobre 1982 la cinquième chambre ait délibéré dans des conditions régulières ;

Considérant que de tout ce qui précède il résulte que la Cour de discipline budgétaire et financière a été régulièrement saisie par la Cour des comptes des irrégularités constatées dans la gestion du Centre hospitalier Sainte-Anne ;

Sur les droits de la défense :

Considérant en premier lieu que la défense allègue qu’il aurait été porté atteinte à ses droits en raison de la non communication, préalablement à l’audition de M. ROUQUET par le rapporteur, des griefs articulés dans le déféré et dans le réquisitoire ;

Considérant que M. ROUQUET, dès sa mise en cause le 11 février 1983, a été informé des faits qui étaient susceptibles d’engager sa responsabilité ; qu’il a reçu du rapporteur un questionnaire daté du 22 février 1983 lui indiquant les principaux points sur lesquels porterait l’audition ; qu’il a ainsi été mis à même de connaître les questions qui lui seraient posées au moment de sa comparution ; qu’il a pu répondre de façon détaillée, assisté de son avocat, lors de l’interrogatoire du 22 mars 1983, et produire ultérieurement un mémoire ampliatif le 28 juin 1983 ;

Considérant que la défense allègue ensuite que la communication complète du dossier lui a été refusée au cours de l’instruction, en violation notamment des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ; que le dossier ne comportait pas certaines pièces qui auraient dû y figurer et que la décision de renvoi n’a pu être légalement prononcée au vu d’un dossier incomplet ;

Considérant que les pièces principalement visées par la défense consistaient en une lettre en date du 27 octobre 1983 du secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie, des finances et du budget, chargé du budget, répondant à une lettre adressée par M. ROUQUET au président de la République le 8 juin 1983, ainsi qu’aux deux lettres de M. ROUQUET adressées le 26 avril 1985 puis le 3 juin 1985 au secrétaire général de la Cour des comptes pour demander communication du dossier ; que cette correspondance avec des autorités indépendantes de la Cour de discipline budgétaire et financière ne pouvait figurer au dossier que dans la mesure où M. ROUQUET l’aurait lui-même communiquée à la juridiction ; que seule la lettre du secrétaire d’Etat chargé du budget en date du 27 octobre 1983 a été produite à l’appui du mémoire en défense déposé le 17 novembre 1986 par Me ROGER, assistant M. ROUQUET ;

Considérant au demeurant que la commission d’accès aux documents administratifs, que M. ROUQUET n’avait d’ailleurs pas saisie, n’a pas compétence pour intervenir au cours d’une procédure juridictionnelle ;

Considérant enfin que M. ROUQUET, en application des dispositions expresses de l’article 22 de la loi du 25 septembre 1948, a eu connaissance du dossier complet de l’affaire en même temps qu’il était avisé des conclusions de renvoi du procureur général ; qu’il n’apparaît pas et qu’il n’est d’ailleurs pas allégué que, au cours de l’instruction, M. ROUQUET n’ait pas eu connaissance de pièces qui auraient figuré au dossier et dont l’ignorance aurait pu lui être préjudiciable ;

Considérant qu’il apparaît ainsi que les droits de la défense, résultant non seulement de la loi mais aussi des principes généraux du droit qui s’imposent à toute juridiction et par conséquent à la Cour de discipline budgétaire et financière, n’ont pas été méconnus en l’espèce, et que la convention européenne des droits de l’homme ne peut être utilement invoquée ;

Sur le fond :

Considérant que diverses irrégularités ont affecté la conclusion, les clauses, ou l’exécution de plusieurs marchés d’ingénierie passés par le centre hospitalier Sainte-Anne, soit pour des travaux neufs : bâtiments de neurologie, chirurgie et neurochirurgie, code D 1, 2e étape (pour 4 300 000 francs) ; bâtiment d’anatomie-pathologie (pour 1 300 000 francs) ; bâtiments du quartier psychiatrique, code D 2, 2e étape (pour 8 282 000 francs) ; bâtiments de guidance infantile (pour 242 000 francs), soit pour le gros entretien (pour 613 000 francs) ;

Sur les irrégularités relevées dans les clauses des marchés d’ingénierie relatifs à des travaux neufs :

Considérant que, dans les trois marchés en cause autres que celui de la guidance infantile, figure une clause d’après laquelle d’une part, les contraintes de fonctionnement et de programme (exécution des travaux en plusieurs tranches) pourront conduire à l’établissement d’avenants aux mêmes conditions que celles prévues au présent acte d’engagement ; d’autre part, les contraintes de fonctionnement des services actuels ainsi que celles concernant les existants, et notamment les natures des sols et sous-sols, pourront conduire à des aménagements de programme qui feront l’objet d’avenants établis dans les conditions précitées ;

Considérant qu’une telle disposition était de nature à permettre d’éluder l’obligation, imposée par le décret du 28 février 1973, de fixer la rémunération des concepteurs en fonction de leur engagement sur un coût d’objectif, dans la seule limite de « tolérance » ;

Considérant que cette irrégularité tombe sous le coup des dispositions de l’article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant que le quatrième marché (guidance infantile) avait pour objet la construction d’un bâtiment industrialisé ;

Que, dans un tel cas, les plans et spécifications techniques d’un ouvrage de ce type, reproduit à grand nombre d’exemplaires, sont étudiés et mis au point par l’entreprise adjudicataire, et non par l’architecte dont le rôle se borne à choisir le site et à suivre l’exécution des travaux ;

Que néanmoins, ledit marché a confié à M. JOUBERT une mission normalisée complète de première catégorie, recouvrant la confection d’un avant-projet sommaire, d’un avant-projet détaillé, de plans d’exécution et de spécifications techniques, toutes prestations incombant à l’entreprise et non à l’architecte ;

Que c’est donc à tort que le marché prévoyait en faveur de M. JOUBERT et de la société MARDUEL des honoraires tenant compte de ces prestations; que, dans ces conditions, le taux contractuel de 8,95 % du coût de l’ouvrage, retenu pour le calcul de la rémunération de l’homme de l’art, aurait dû être réduit à due concurrence pour être ramené à un pourcentage de l’ordre de 3,59 %, représentatif de la tâche effective dont les intéressés étaient chargés ;

Considérant que cette irrégularité tombe sous le coup des dispositions de l’article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; que dans la mesure où elle a abouti à conférer à M. JOUBERT et à la société MARDUEL des avantages injustifiés, sous la forme d’une surévaluation des honoraires, elle constitue également une infraction à l’article 6 de ladite loi ;

Sur les irrégularités commises dans l’exécution d’un marché d’ingénierie de gros entretien :

Considérant que l’hôpital Sainte-Anne avait conclu avec M. JOUBERT le 16 juillet 1976 un marché d’ingénierie pour les travaux d’entretien dont la durée était fixée à cinq années à dater du 1er juillet 1976 et renouvelable par tacite reconduction ;

Que l’article 2 dudit marché précise que « chaque année, le nouveau programme sera établi par le maître de l’ouvrage, lequel négociera le nouveau coût d’objectif et le montant de la rémunération et agira par voie d’avenant au présent marché » ;

Que les avenants prévus par ledit marché pour chacune des années subséquentes à 1976 ne sont pas intervenus avant l’exécution des travaux ; que, dans ces conditions, les honoraires perçus par l’architecte en 1978 et en 1979 étaient dépourvus de base contractuelle ; que cette irrégularité au regard des règles de la dépense des hôpitaux publics tombe sous le coup des dispositions de l’article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Sur les responsabilités encourues :

Considérant que la responsabilité des irrégularités susvisées incombe principalement à M. ROUQUET, directeur du Centre hospitalier Sainte-Anne, au cours de la période du 2 décembre 1977 au 25 mai 1979, date de cessation de ses fonctions ;

Considérant que les divers arguments allégués par l’intéressé pour sa défense tendent à rejeter, au moins partiellement, cette responsabilité sur le conseil d’administration du centre hospitalier et sur les autorités de tutelle qui, tantôt implicitement, tantôt explicitement, auraient facilité, toléré ou accepté les irrégularités commises ; que d’autre part la complexité des textes sur l’ingénierie et les incertitudes qui ont persisté sur les conditions transitoires de la mise en application de la réglementation nouvelle étaient de nature à justifier des interprétations divergentes ;

Considérant que si les autorités de tutelle n’ont effectivement pas voulu, pour des raisons touchant essentiellement à l’opportunité, refuser leur approbation aux contrats en cause, ce n’est pas sans avoir, notamment par une lettre du directeur des finances de la préfecture de Paris du 16 mai 1978, formulé des réserves et des critiques suffisamment explicites et sévères, notamment sur le choix de l’architecte, pour que M. ROUQUET, instigateur des irrégularités commises, soit exonéré de sa responsabilité ;

Considérant d’autre part que la réglementation sur l’ingénierie avait et a pour objectif essentiel de permettre aux collectivités publiques de choisir en connaissance de cause, avant tout commencement de réalisation, un contractant qui, au terme d’une procédure de mise en concurrence, s’engage sur un coût d’objectif et perçoit une rémunération variant selon l’importance de la difficulté des travaux et le respect effectif du coût d’objectif ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. ROUQUET, tout en faisant usage du cadre de cette réglementation et de ses éléments favorables aux hommes de l’art, notamment l’importance des taux de rémunération, a entendu l’utiliser au bénéfice d’un architecte unique, qualifié d’architecte du centre hospitalier par l’effet d’une succession de décisions ambiguës et traité comme titulaire en fait d’un privilège exclusif ; qu’ainsi M. ROUQUET n’a pas seulement commis les irrégularités relevées par l’effet de négligences répétées ; qu’il a par son comportement méconnu, au bénéfice de M. JOUBERT et au détriment du centre hospitalier, la lettre et l’esprit de la réglementation sur l’ingénierie ;

Considérant dès lors qu’il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des circonstances de l’affaire en infligeant à M. ROUQUET une amande de 15 000 francs ;

ARRETE :

Article 1er : M. Oswald ROUQUET est condamné à une amende de quinze mille francs (15 000 F).

Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.

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