Conseil d'État, 25 janvier 1963, n° 56505

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Résumé de la juridiction

Responsabilité du fait d’une ordonnance interdisant en Algérie l’expulsion de leur logement de familles de militaire : préjudice subi par un propriétaire. Précisions par rapport à la jurisprudence La Fleurette.

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Sur la décision

Référence :
CE, 25 janv. 1963, n° 56505
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 56505

Texte intégral

RESPONSABILITÉ SANS FAUTE. Responsabilité du fait de la loi. Interdiction d’expulser des locaux d’habitation les familles des militaires stationnés en Afrique du Nord.
(25 janvier. 1966 – - Section.
- 56.505. Ministre de l’Intérieur cf sieur Bovero.
MM. Solal-Céligny, rapp. ; Kahn, c. du g. ; 41e de Chaisemartin, av,),
RECOURS du ministre de l’Intérieur, tendant à l’annulation d’un jugement du 11 octobre 1961 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a condamné l’Etat à verser une indemnité de 4.000 F au sieur Bovero, en réparation du préjudice que lui a causé le refus du concours, « de force publique pour l’exécution d’une décision de justice ordonnant l’expulsion des occupants d’un appartement dont il est propriétaire, 28, rue Prosper Mérimée, à Grenoble ;

Vu la loi du 9 juillet 1956 modifiée et complétée par la loi du 17 avril 1957 et l’ordonnance du 3 janvier 1959 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

CONSIDÉRANT qu’il résulte de l’instruction que le sieur Bovero a, par ministère d’huissier, requis le 22 avril 1960 le concours de la force publique pour l’exécution d’une décision de justice devenue définitive, ordonnant l’expulsion d’un sieur Chabance et de sa famille, occupants d’un appartement dont le sieur Bovero est propriétaire à Grenoble ; qu’il est constant, que le préfet de l’Isère a refusé de satisfaire à cette, demande ;

Cons, que, eu égard aux circonstances particulières de l’affaire, le préfet pouvait disposer d’un délai de deux mois pour prendre sa décision : que, la demande de concours de la force publique ayant été formulée le 22 avril 1960, le préfet a pu attendre jusqu’au 22 juin suivant avant de se prononcer sur cette demande;

Cons. qu’aux termes de l’article 4 de l’ordonnance du 3 janvier 1959 instituant certaines mesures de protection en faveur notamment des militaires appartenant à une unité stationnée en Afrique du Nord, « aucune expulsion de locaux d’habitation ne peut être exécutée à l’encontre de ces mêmes personnes ni à l’encontre de leur conjoint ou des membres de leur famille habituellement domiciliés avec eux » ; qu’il résulte de ce texte dont l’application, en l’absence de dispositions expresses contraires, n’est pas limitée aux communes et aux immeubles auxquels s’applique la loi du 1er septembre 1948 sur les loyers, que les autorités administratives ne peuvent procéder à aucune expulsion des membres de la famille d’un militaire affecté en Afrique du Nord dès lors que ce militaire était domicilié avec eux avant d’être appelé sous les drapeaux et sans qu’il y ait lieu de rechercher si ledit militaire était ou non personnellement locataire des lieux en cause ;

Cons. qu’il est constant que le fils du sieur Chabance, appelé sous les drapeaux, a été affecté en Algérie le 6 juin 1960; qu’il n’est pas contesté qu’il était domicilié avec son père avant son service militaire ; que, dans ces conditions, celui-ci bénéficiait depuis le 6 juin 1960 des dispositions susrappelées de l’ordonnance du 3 janvier 1959; que, par suite, le préfet a pu légalement refuser, à partir du 22 juin suivant, de prêter le concours de la force publique pour assurer l’exécution de la décision de justice susmentionnée ordonnant l’expulsion du sieur Chabance et de sa famille;

Cons., cependant, qu’en faisant ainsi échec à l’exécution d’une décision de justice devenue définitive, l’application de ladite ordonnance du 3 janvier 1959 cause, à ceux en faveur desquels avait été rendue la décision de justice inexécutée, un préjudice grave ; que sa durée le rend particulièrement lourd ; qu’un tel préjudice ne frappe ni tous les propriétaires de locaux d’habitation occupés par des tiers, ni même une catégorie déterminée d’entre eux, mais seulement ceux dont les locaux se trouvent occupés par un militaire servant en Afrique du Nord au moment où ils auraient pu espérer obtenir l’exécution d’une ordonnance d’expulsion rendue en leur faveur ou par des personnes dont un parent, précédemment domicilié avec elles, sert comme militaire en Afrique du Nord à ce même moment ; que ce préjudice constitue ainsi, pour ceux qui le subissent, une charge spéciale, par rapport aux charges-normales incombant à l’ensemble des propriétaires de locaux d’habitation occupés par des tiers ; que, par sa gravité et sa spécialité, ce préjudice présente un caractère exceptionnel de nature à engager, dans le silence des textes, la responsabilité sans faute de l’Etat ;

Cons, qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’Intérieur n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a déclaré l’Etat responsable du préjudice causé au sieur Bovero, à partir du 22 juin 1960, par la non exécution de la décision de justice rendue en sa faveur et l’a condamné à verser une indemnité de 4.000 E en réparation de ce préjudice pour la période précédant ledit jugement;.., (Rejet, avec dépens).

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