Conseil d'État, 6ème chambre, 30 décembre 2020, 434893, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, 6e chs, 30 déc. 2020, n° 434893
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 434893
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 24 juillet 2019, N° 1810305
Dispositif : Renvoi après cassation
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042844888
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2020:434893.20201230

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. A… E…, M. et Mme H…, M. et Mme C…, Mme F… B… et M. I… B…, ont demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’article 2 de l’arrêté du 17 juillet 2018 du maire de Marseille délivrant à la SCI Maire Mer un permis de construire pour la réalisation d’un immeuble de logement collectif ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement n° 1810305 du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à leur demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 septembre et 26 décembre 2019 et le 22 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SCI Maire Mer demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de renvoyer l’affaire au tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de M. E…, de M. et Mme H…, de M. et Mme C…, de M. et Mme B…, chacun, la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code de l’urbanisme,

 – le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme D… G…, auditrice,

— les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la SCI Maire Mer et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. E… et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par l’article 2 de son arrêté du 17 juillet 2018, le maire de Marseille a accordé à la SCI Maire Mer un permis de construire en vue de la réalisation d’un ensemble de trois immeubles de logement collectif, comportant 39 logements pour une surface de plancher totale de 2 483m², sur un terrain situé au 45 traverse Prat. Par un jugement du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille, après avoir relevé plusieurs vices de légalité et estimé qu’ils n’étaient pas régularisables, a annulé le permis de construire. La SCI Maire Mer se pourvoit en cassation contre ce jugement.

Sur les motifs d’annulation de l’arrêté litigieux retenus par le tribunal :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes de l’article R. 423-53 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d’un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l’autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l’autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d’urbanisme ou le document d’urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d’accès à ladite voie ».

3. En premier lieu, si la requérante soutient que le projet autorisé laisse inchangé l’accès des véhicules sur la voie publique dénommée traverse Prat et que seul l’accès piéton adjacent a vocation à disparaitre, le tribunal a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le projet prévoit la suppression d’un accès actuellement existant sur le boulevard Maire, le rétrécissement de l’accès existant sur la traverse Prat pour le transformer en accès pour véhicules, ainsi que la création d’un nouvel accès pour piétons. Il n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le changement dans la configuration matérielle des lieux et dans l’usage qui en est fait doit être regardé comme une création ou une modification d’un accès à une voie publique pour l’application des dispositions citées précédemment, pour en déduire que le permis ne pouvait être légalement délivré sans que l’autorité gestionnaire de voirie ait été saisie.

4. En deuxième lieu, le tribunal n’a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant, sans insuffisance de motivation, que la seule production, par la ville de Marseille, d’une copie d’écran d’un logiciel informatique faisant uniquement apparaître la mention de la saisine de la direction Voirie et Entretien des Espaces Publics, n’était pas de nature à établir que la métropole d’Aix-Marseille-Provence, autorité gestionnaire de la voie en cause, a été effectivement saisie.

5. En troisième lieu, le juge n’est tenu de rouvrir l’instruction à la suite d’une note en délibéré que si celle-ci fait état d’une circonstance nouvelle de droit ou de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction. En l’espèce, la production par une note en délibéré d’une attestation de la métropole d’Aix-Marseille-Provence relative à sa saisine en qualité d’autorité gestionnaire de la traverse Prat ne constitue pas une circonstance de fait dont il n’était pas possible de faire état avant la clôture de l’instruction. Dès lors, le tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans l’application de ce principe en décidant de ne pas tenir compte de cette production pour l’appréciation des moyens tendant à l’annulation du permis de construire.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. En premier lieu, aux termes de l’article 3 du règlement de la zone UR du plan local d’urbanisme de Marseille : " 3.1 Caractéristiques générales de la voirie / Pour être constructible, un terrain doit être desservi par une voirie présentant les caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences : des destinations et besoins des aménagements et constructions ; de sécurité ; du ramassage des ordures ménagères. ". Après avoir relevé que la traverse Prat est une voie de circulation à sens unique d’une largeur de quatre mètres cinquante environ, caractérisée par des trottoirs particulièrement étroits et dégradés, inexistants par endroits, qui obligent en de nombreux points les piétons à emprunter la voie réservée à la circulation des véhicules, le tribunal a estimé que le permis de construire litigieux méconnaissait ces dispositions. Ce faisant, il n’a pas commis d’erreur de droit en prenant en compte la largeur de la chaussée roulante, ni dénaturé les pièces du dossier en estimant, sans insuffisance de motivation, que, du fait de la circulation automobile supplémentaire induite par le projet de trente-neuf logements, cette voie ne peut être regardée comme présentant les caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de sécurité.

7. En deuxième lieu, aux termes du même article 3 du règlement de zone : « 3.3.1. Les constructions à réaliser sont desservies par au moins une voie présentant des caractéristiques suffisantes pour permettre l’accès des véhicules de lutte contre l’incendie et de secours ». Le tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que ces prescriptions portent sur la desserte des constructions projetées et non uniquement sur l’accès au terrain d’assiette du projet. Il n’a, par ailleurs, pas dénaturé les pièces du dossier en relevant que le bâtiment C projeté n’est desservi que par une voie réservée aux piétons, ne permettant pas l’accès des véhicules de lutte contre l’incendie et de secours.

8. En troisième lieu, l’article 9 du règlement de zone dispose : « L’emprise au sol des constructions est limitée à : (…) 30 % de la surface du terrain d’assiette de l’opération, en secteur UR2 ». L’emprise au sol se définit, selon le lexique du règlement du plan local d’urbanisme de Marseille, comme « la projection verticale de toute construction de plus de 0,60 mètre de hauteur au-dessus du niveau du sol ». En se fondant, pour estimer que l’emprise au sol du projet était supérieure à la limite fixée par cet article, sur le plan de masse qui identifie le nombre d’étages pour chacun des bâtiments projetés, et permet ainsi d’évaluer la hauteur des constructions, le tribunal n’a pas commis d’erreur de droit. Il n’a pas dénaturé les pièces du dossier ni entaché son jugement d’une insuffisance de motivation en relevant que les mesures portées sur le plan de masse joint à ce dossier faisaient apparaître une emprise au sol largement supérieure à la limite de 770 mètres carrés autorisés en application de la règle précédemment mentionnée.

9. En dernier lieu, aux termes de l’article 26 du règlement général du plan local d’urbanisme : " 26.1. Le long des cours d’eau non domaniaux, ruisseaux et fonds de vallons (y compris les canaux et collecteurs pluviaux) tels que figurés aux documents graphiques du PLU, / 26.1.1 une marge de recul est créée qui s’applique à une bande de : / – 6 mètres de largeur à partir de chacun des rives du cours d’eau ou du ruisseau (y compris canaux et collecteurs pluviaux) ; / – 6 mètres centrés sur l’axe du fond du vallon. / 26.1.2 A l’intérieur desdites marges de recul : / – sont obligatoires le libre passage et l’emploi d’engins mécaniques à des fins de travaux d’entretien le long des cours d’eau et ruisseaux ; / – est interdite toute construction, y compris les clôtures bâties. / 26.1.3. Toutefois, il peut être admis qu’à l’occasion d’une opération d’aménagement ou de construction, le système d’écoulement des eaux soit modifié. / 26.1.4. En cas de modification du tracé de l’un des cours d’eau, les servitudes ci-dessus énoncées s’appliqueront dans les mêmes conditions suivant le nouveau tracé. " Si la requérante faisait valoir qu’elle a fourni une étude hydraulique aux services instructeurs de la municipalité établissant que le tracé du fond de vallon traversant le terrain d’assiette du projet figurant dans les documents graphiques du plan local d’urbanisme ne correspond plus à la réalité, c’est par une appréciation souveraine que le tribunal a estimé, sans dénaturation ni insuffisance de motivation, qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis, parmi lesquelles ne figurait pas cette étude hydraulique, que la représentation du fond de vallon ne correspondrait plus à l’écoulement actuel des eaux de pluie.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a constaté que le permis de construire attaqué était entaché des quatre vices de légalité critiqués ci-dessus.

Sur l’application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :

11.Aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : « Sans préjudice de la mise en oeuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. »

12. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. Par suite, en jugeant, pour estimer que les vices constatés n’étaient pas susceptibles d’être régularisés, que la régularisation conduirait à remettre en cause la conception générale du projet, le tribunal a commis une erreur de droit. Son jugement doit, par suite, être annulé.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. E…, M. et Mme H…, M. et Mme C… et M. et Mme B…, la somme de 500 euros chacun, à verser à la SCI Maire Mer, au titre de dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la SCI Maire Mer qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 25 juillet 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.


Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.


Article 3 : Les conclusions de M. E… et autres sont rejetées.


Article 4 : M. E…, M. et Mme H…, M. et Mme C… et M. et Mme B… verseront chacun la somme de 500 euros à la SCI Maire Mer, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SCI Maire Mer, à la ville de Marseille, à M. A… E…, à M. et Mme H…, à M. et Mme C…, à Mme F… B… et à M. I… B….

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