Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 26 juillet 2023, 463846

  • Aides à caractère commercial (13 de l'art·
  • Relations entre sociétés d'un même groupe·
  • Bénéfices industriels et commerciaux·
  • Impôts sur les revenus et bénéfices·
  • Revenus et bénéfices imposables·
  • Détermination du bénéfice net·
  • Contributions et taxes·
  • Règles particulières·
  • Sociétés·
  • Justice administrative

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

) Pour l’application du 13 de l’article 39 du code général des impôts (CGI), la circonstance qu’une aide soit motivée par le développement d’une activité qui, à la date d’octroi de cette aide, n’a permis la réalisation d’aucun chiffre d’affaires est néanmoins susceptible de conférer à l’aide un caractère commercial lorsque les perspectives de développement de cette activité n’apparaissent pas, à cette même date, comme purement éventuelles….2) Société ayant consenti au cours de l’année n un abandon de créance à une filiale afin de préserver un chiffre d’affaires futur dépendant de la poursuite des perfectionnements technologiques apportés par cette filiale à une technologie informatique qu’elle lui avait concédée. … A la date à laquelle cet abandon a été consenti, l’activité informatique de la société mère ne présentait plus qu’un caractère résiduel, tandis que les perspectives de développement commercial de la technologie dont elle était propriétaire, grâce aux perfectionnements qu’y apportait sa filiale, dans le cadre du contrat de licence de savoir-faire et d’assistance technique conclu entre les deux sociétés, apparaissaient sérieuses. Ainsi la filiale, après avoir obtenu de la part d’une société d’aviation la qualification de cette technologie, avait notamment livré à cette société, au cours du premier semestre n, différentes pièces fabriquées grâce à cette technologie et destinées à équiper un avion d’affaires alors en cours de développement. … Alors même que l’abandon de créance consenti par la société mère à sa filiale pourrait avoir été motivé pour partie, compte tenu des difficultés financières rencontrées par la filiale à cette époque, par des considérations d’ordre financier, il doit être regardé, dans les circonstances de l’espèce, eu égard à ce qui précède, comme revêtant à titre prépondérant un caractère commercial.

Commentaires14

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Deloitte Société d'Avocats · 16 avril 2024

La CAA de Nantes se prononce une nouvelle fois sur la distinction entre un abandon de créance à caractère commercial et un abandon de créance à caractère financier. Rappel A compter des exercices clos depuis le 4 juillet 2012, par principe, les aides intra-groupe à caractère financier ne sont pas déductibles tandis que les aides intra-groupe à caractère commercial peuvent être déductibles (CGI art. 39, 13). Par exception et sous certaines conditions, l'aide à caractère financier est considérée comme une charge déductible de l'exercice, non constitutive d'un acte anormal de gestion, …

 

CMS · 8 avril 2024

La qualification d'une aide, à caractère commercial ou à caractère financier, présente un fort enjeu fiscal, la loi interdisant, sauf exception, la déduction fiscale des aides à caractère financier. Tour d'horizon des enjeux à anticiper en matière de fiscalité directe. 1. La qualification de l'abandon doit faire l'objet d'une analyse précise. 1.1 La qualification de l'abandon tient tout à la fois à la nature des relations en cours entre les deux sociétés en présence, à l'origine des créances accumulées, et à la motivation de l'abandon envisagé. Ainsi, un abandon revêt un caractère …

 

www.bignonlebray.com · 8 mars 2024

Appréciation du caractère commercial d'une aide au regard du seul intérêt de la société qui l'octroie Le Conseil d'État précise les principes concernant la déduction des aides intragroupe et souligne que le caractère commercial de ces aides est évalué exclusivement en fonction de l'intérêt propre de l'entreprise accordant l'aide. Conseil d'État, 10ème – 9ème chambres réunies, 29/12/2023, 455810, Inédit au recueil Lebon Le législateur a encadré la fiscalité des aides intragroupe en établissant une distinction entre celles à caractère commercial qui sont déductibles si elles revêtent un …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CE, 9-10 chr, 26 juill. 2023, n° 463846, Lebon T.
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 463846
Importance : Mentionné aux tables du recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7 mars 2022, N° 19BX04963
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 2 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000047896434
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:463846.20230726

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société RT2i a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1802846 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19BX04963 du 8 mars 2022, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé par la société Lamaï, venant aux droits de la société RT2i, contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 mai et 21 juillet 2022 et le 11 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Lamaï demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Lamaï ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société RT2i, anciennement dénommée Mipnet, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant, en matière d’impôt sur les sociétés, sur la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015. A l’issue de celle-ci, l’administration fiscale a remis en cause la déductibilité des résultats de l’exercice clos le 30 septembre 2014 d’un abandon de créance consenti le 19 juin 2014 par la société Mipnet au profit de sa filiale la société Mipnet Industries, au motif qu’il s’agissait d’un abandon de créance à caractère financier ne remplissant pas les conditions posées par le 13 de l’article 39 du code général des impôts pour être admis en déduction. La société Lamaï, venant aux droits de la société RT2i, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 8 mars 2022 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté son appel contre le jugement du 5 novembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté la demande de la société RT2i tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes, résultant de cette rectification.

2. Aux termes du 13 de l’article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige : « Sont exclues des charges déductibles pour l’établissement de l’impôt les aides de toute nature consenties à une autre entreprise, à l’exception des aides à caractère commercial. / Le premier alinéa ne s’applique pas aux aides consenties en application d’un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l’article L. 611-8 du code de commerce ni aux aides consenties aux entreprises pour lesquelles une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte. / Les aides mentionnées au deuxième alinéa qui ne revêtent pas un caractère commercial sont déductibles à hauteur de la situation nette négative de l’entreprise qui en bénéficie et, pour le montant excédant cette situation nette négative, à proportion des participations détenues par d’autres personnes que l’entreprise qui consent les aides ». Pour l’application de ces dispositions, la circonstance qu’une aide soit motivée par le développement d’une activité qui, à la date d’octroi de cette aide, n’a permis la réalisation d’aucun chiffre d’affaires est néanmoins susceptible de conférer à l’aide un caractère commercial lorsque les perspectives de développement de cette activité n’apparaissent pas, à cette même date, comme purement éventuelles.

3. La société requérante soutenait devant la cour administrative d’appel que l’abandon de créance consenti à sa filiale présentait un caractère commercial, en se prévalant notamment d’une convention signée le 11 avril 2011 entre la société Mipnet, aux droits de laquelle sont venues successivement la société RT2i puis la société Lamaï, et sa filiale la société Mipnet Industries, spécialisée dans la fabrication de matériaux composites, par laquelle la première concédait à la seconde une licence d’utilisation de son savoir-faire relatif à la technologie dite « Renforts Tricotés Tridimensionnels pour l’Injection » (RT2i) concernant la fabrication de produits à partir de matériaux composites. Pour écarter ce moyen, la cour administrative d’appel a relevé, d’une part, que si la convention prévoyait que les perfectionnements pouvant être apportés au savoir-faire demeureraient la propriété exclusive du concédant, il en ressortait également l’absence de rémunération en contrepartie du droit consenti à la filiale d’utiliser le procédé RT2i, ce dont elle a estimé que cela révélait l’absence de relation commerciale entre les deux sociétés. Elle a relevé, d’autre part, que si la société requérante avait vocation à se voir délivrer, par la société Mipnet Industries, tous les perfectionnements apportés par cette dernière à la technologie RT2i, et à les réutiliser dans le cadre de sa propre activité « composite », cette activité n’avait généré aucun chiffre d’affaires au cours de la période

2011-2014 et n’avait connu de développement qu’au cours des années ultérieures, ce qui attestait également l’absence d’une relation commerciale entre les deux sociétés. En statuant ainsi, sans rechercher si, à la date à laquelle l’abandon de créance avait été consenti, il existait pour la société Mipnet une perspective de réaliser un chiffre d’affaires grâce aux perfectionnements apportés à sa technologie par la société Mipnet Industries, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte de l’instruction qu’à la date à laquelle l’abandon de créance a été consenti, l’activité informatique de la société Mipnet ne présentait plus qu’un caractère résiduel, tandis que les perspectives de développement commercial de la technologie RT2i dont elle était propriétaire, grâce aux perfectionnements qu’y apportait la société Mipnet Industries, dans le cadre du contrat de licence de savoir-faire et d’assistance technique conclu entre les deux sociétés, apparaissaient sérieuses. Ainsi la société Mipnet Industries, après avoir obtenu de la part de la société Dassault Aviation la qualification de la technologie RT2i, avait notamment livré à cette société, au cours du premier semestre 2014, différentes pièces fabriquées grâce à cette technologie et destinées à équiper l’avion d’affaires Falcon 5X alors en cours de développement. Alors même que l’abandon de créance consenti par la société Mipnet à sa filiale la société Mipnet Industries pourrait avoir été motivé pour partie, compte tenu des difficultés financières rencontrées par la filiale à cette époque, par des considérations d’ordre financier, il doit être regardé, dans les circonstances de l’espèce, eu égard à ce qui précède, comme revêtant à titre prépondérant un caractère commercial.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, que la société Lamaï est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande présentée par la société RT2i tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle cette dernière société a été assujettie au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : L’arrêt du 8 mars 2022 de la cour administrative d’appel de Bordeaux et le jugement du 5 novembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.

Article 2 : La société Lamaï est déchargée de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle la société RT2i a été assujettie au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L’Etat versera à la société Lamaï la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Lamaï et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l’issue de la séance du 12 juillet 2023 où siégeaient :

Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge, M. Alexandre Lallet, Mme Rozen Noguellou, conseillers d’Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 26 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Matias de Sainte Lorette

La secrétaire :

Signé : Mme Laurence Chancerel

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 26 juillet 2023, 463846