CEDH, Note d’information sur les affaires 22296/20 et 37138/20, 14 septembre 2023, 22296/20;37138/20

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Commentaires3

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 14 sept. 2023, n° 22296/20;37138/20
Numéro(s) : 22296/20, 37138/20
Type de document : Note d'information
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Non-violation de l'article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale (Article 8-1 - Respect de la vie privée)
Identifiant HUDOC : 002-14183
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Texte intégral

Résumé juridique

Septembre 2023

Baret et Caballero c. France - 22296/20 et 37138/20

Arrêt 14.9.2023 [Section V]

Article 8

Article 8-1

Respect de la vie privée

Interdiction légale absolue de la procréation post mortem sur le territoire national et de l’exportation de gamètes et d’embryons à cet effet vers l’Espagne l’autorisant : non-violation

En fait – Les autorités nationales ont refusé de procéder au transfert des gamètes de l’époux décédé de la requérante de la première requête (22296/20), et des embryons du couple que formaient la requérante de la seconde requête (37138/20) et son défunt mari, vers l’Espagne, pays qui autorise l’assistance médicale à la procréation (AMP) post mortem en application de la loi de 1994 l’interdisant.

En droit – Article 8 :

1) Applicabilité – La décision d’un couple de concevoir un enfant et d’avoir recours à une AMP relève de la protection de l’article 8, pareil choix constituant une forme d’expression de la vie privée et familiale. En outre, la possibilité pour une personne d’exercer un choix conscient et réfléchi quant au sort à réserver à ses embryons touche un aspect intime de sa vie personnelle et relève à ce titre de son droit à l’autodétermination, et donc de sa vie privée. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu, pour la Cour, de se prononcer sur la question de savoir si l’interdiction litigieuse affecte également la vie familiale.

Conclusion : article 8 applicable en son volet « vie privée ».

2) Fond –

a) Observations préliminaires –

En l’espèce, et comme dans l’affaire Pejřilová c. République tchèque, il y a lieu d’accorder à l’État défendeur une ample marge d’appréciation, dès lors que le recours aux techniques d’AMP soulève des questions morales et éthiques sensibles et qu’il n’existe pas de communauté de vue claire entre les États membres du Conseil de l’Europe sur la question de la procréation post mortem.

En revanche, les présentes affaires se différencient de l’affaire Pejřilová sur deux points. En premier lieu, à la différence de la législation tchèque qui se borne à prohiber la conception post mortem sur le territoire national, l’interdiction, dans la législation française, d’exporter des gamètes ou embryons conservés en France vers un pays étranger à des fins qui sont prohibées sur le territoire national, exclut, en principe, la possibilité de recourir à une insémination post mortem dans un pays où elle est légalisée. En second lieu, dans la seconde présente requête la requérante demande la possibilité de recourir à l’AMP à l’aide des embryons conservés par le couple qu’elle formait avec son défunt époux et non, comme dans la première présente requête ou l’affaire Pejřilová, des gamètes du conjoint décédé. Or, la conservation d’un embryon témoigne d’un projet parental plus engagé auquel il convient d’accorder une attention particulière du point de vue de l’existence et de l’identité de la femme en question.

b) Sur l’observation de l’article 8 –

i) Sur l’existence d’une « ingérence »– Le refus opposé aux requérantes d’exporter les gamètes ou embryons conservés en France vers l’Espagne constitue une ingérence dans leur droit de tenter de procréer en recourant aux techniques d’AMP afin de poursuivre le projet parental engagé du vivant de leur mari relevant de l’exercice du droit au respect de la vie privée des requérantes.

ii) Sur la base légale de l’ingérence – Les requérantes ne mettent pas en cause l’accessibilité et la prévisibilité des articles pertinents du code de la santé publique (CSP) en tant qu’ils posent clairement une interdiction absolue tant de l’insémination post mortem que de l’exportation des gamètes ou embryons destinés à être utilisés à l’étranger à des fins qui sont prohibées sur le territoire national.

Or, dans la décision Gonzalez Gomez de mai 2016, qui a été invoquée en tant que source d’insécurité juridique, le Conseil d’État avait conclu à une violation de l’article 8 . Au terme d’un contrôle de conventionnalité in abstracto de la loi prohibant l’insémination post mortem, il a admis sa compatibilité de principe avec l’article 8 . Au terme d’un contrôle in concreto des effets produits, au cas d’espèce, par la mise en, œuvre de cette loi, il a admis que la ressortissante espagnole ne cherchait pas, en demandant le transfert des gamètes dans son pays de nationalité, à contourner la loi française, et a décidé que la mise en œuvre de cette dernière, dans ces circonstances particulières, entraînait des conséquences manifestement disproportionnées. Cependant, cette décision n’est pas de nature à remettre en cause la prévisibilité de la loi au sens de la Convention. En effet, le niveau de précision de la législation interne – qui ne peut prévoir toutes les hypothèses – dépend dans une large mesure du contenu de la loi en question, du domaine qu’elle est censée couvrir et du nombre et du statut de ceux à qui elle s’adresse. Un certain doute à propos de cas limites ne suffit donc pas à lui seul à rendre imprévisible l’application d’une disposition légale. De même, cette dernière ne se heurte pas à l’exigence de « prévisibilité » du simple fait qu’elle se prête à plus d’une interprétation ; il y va de la fonction de décision des tribunaux.

Eu égard à son office, le juge interne ne s’est pas limité à un contrôle in abstracto de la base légale de la décision litigieuse mais a également exercé un contrôle concret de la conventionnalité des conséquences engendrées par l’application de cette loi pour décider que le refus litigieux était incompatible avec le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention à raison de son caractère disproportionné dans les circonstances de l’espèce. Or, un tel contrôle concret des effets attachés, dans une situation donnée, à la mise en œuvre de la loi, effectué préalablement à la saisine de la Cour dans le cadre du principe de subsidiarité, ne saurait avoir pour effet de rendre l’interprétation ou l’application de celle-ci par les juridictions internes imprévisible ou arbitraire.

Ainsi l’ingérence litigieuse était « prévue par la loi ».

iii) Sur la légitimité du but poursuivi – En premier lieu, la Cour, qui note qu’à la date des demandes et des refus litigieux, la possibilité de recourir à l’AMP était subordonnée à la vérification du projet parental et du consentement de chacun des membres du couple, considère, comme dans les affaires Evans c. Royaume Uni [GC] et Pejřilová, que, dans les circonstances des espèces, les ingérences litigieuses ont visé à garantir le respect de la dignité humaine et du libre arbitre et à atteindre un juste équilibre entre les intérêts des différentes parties prenantes à une AMP.

En second lieu, la Cour relève que les interdictions litigieuses découlent de la conception de la famille, telle qu’elle prévalait à la date des faits litigieux, qui s’est notamment traduite par le refus du législateur d’autoriser le recours à l’AMP, alors conçu comme devant se borner à remédier à l’infertilité d’un couple, pour faire naître un enfant sans père. Ainsi que l’indiquent plusieurs rapports et études ou le système d’accès à l’AMP examiné dans l’affaire Pejřilová, la conception posthume soulève des « questions éthiques mêlées à des considérations d’intérêt public pouvant se rattacher, entre autres, à la situation des enfants à naître ».

Dans ces conditions les ingérences litigieuses répondaient aux buts légitimes de la « protection des droits et liberté d’autrui » et de « la protection de la morale ».

iv) Sur la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique – D’une part, la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à la faire douter de la volonté libre et éclairée des requérantes de poursuivre les projets parentaux qu’elles avaient formés avec leurs conjoints décédés. Seule la poursuite des techniques d’AMP engagées du vivant de ces derniers leur aurait permis de voir respecter leur décision d’avoir un enfant partageant leur patrimoine génétique. Au vu de l’importance du droit à l’autodétermination personnelle, les interdictions litigieuses soulèvent une question cruciale pour les requérantes et sérieuse au regard du droit au respect de leur vie privée.

D’autre part, la loi française interdit depuis 1994, de manière absolue, la procréation post mortem : l’insémination posthume et l’exportation des gamètes ou embryons à l’étranger s’ils sont destinés à être utilisés à des fins qui sont prohibées sur le territoire national. Au demeurant, tout en précisant que cela ne faisait pas obstacle à l’exercice d’un contrôle in concreto de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée des requérantes, le Conseil d’État a admis la compatibilité, dans son principe, de l’interdiction absolue avec l’article 8 au motif « qu’elle relève de la marge d’appréciation » de chaque État. À cet égard, la Cour rappelle qu’il n’existe pas de consensus européen sur le point de savoir si la conception posthume doit être ou non autorisée et, partant, une ample marge d’appréciation doit être accordée à l’État défendeur.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il revient à la Cour de rechercher si les autorités internes ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, à savoir l’intérêt personnel des requérantes à poursuivre leur projet parental, et les motifs d’intérêt général d’ordre éthique avancés par le législateur et le Gouvernement.

En premier lieu, l’interdiction absolue de l’insémination post mortem vise la sauvegarde d’intérêts généraux relevant de considérations d’ordre moral ou éthique. Elle relève d’un choix politique remontant à la première loi bioéthique de 1994 et qui a été constamment réitéré à l’occasion des révisions périodiques de celle-ci et, récemment, en 2021, dans le cadre de débats législatifs approfondis qui sont parvenus à la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique ayant ouvert la possibilité aux couples de femmes et aux femmes seules d’accéder à l’AMP. Le processus législatif a abouti au maintien du statu quo, compte tenu des enjeux éthiques spécifiques liés à la procréation post mortem. Lorsque des questions de politique générale sont en jeu, sur lesquelles de profondes divergences peuvent raisonnablement exister dans un État démocratique, il y a lieu d’accorder une importance particulière au rôle du décideur national. Il en va d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, il s’agit d’une question de société.

Ensuite, il résulte clairement des dispositions législatives applicables et de la jurisprudence du Conseil d’État que l’interdiction d’exportation des gamètes ou des embryons déposés et conservés en France est le corollaire de l’interdiction de l’insémination posthume sur le territoire national. L’interdiction d’exportation, qui revient à exporter l’interdiction de la procréation post mortem, vise ainsi à faire obstacle au risque de contournement du respect des dispositions du CSP posant cette interdiction. De l’avis de la Cour, il n’y a rien d’incohérent avec l’objectif ainsi défini du législateur à admettre que l’interdiction d’exportation litigieuse est compatible par principe avec le droit au respect de la vie privée, sauf à vider de sa substance l’interdiction absolue de l’insémination post mortem.

En outre, d’une part, et jusqu’à l’intervention de la loi de 2021, le législateur s’est efforcé de concilier la volonté d’élargir l’accès à l’AMP, compte tenu des avancées médicales, scientifiques et technologiques, et le respect des préoccupations de la société quant aux questionnements éthiques délicats soulevés par la perspective de la conception posthume. D’autre part, et ainsi que l’a jugé le Conseil d’État, l’interdiction d’exportation des gamètes ou des embryons procède du souci de ménager un équilibre entre les intérêts concurrents à la lumière de l’objectif visé par le législateur de ne pas rendre possible une forme de « dumping » éthique.

En deuxième lieu, les développements qui précèdent sont également pertinents en ce qui concerne l’interdiction du transfert d’embryon post mortem. Les révisions successives de la loi bioéthique n’ont jamais conduit à établir une différence selon que les demandes d’AMP concernent l’insémination ou le transfert d’embryons après la mort. Le refus d’établir une distinction entre les deux situations, en dépit des propositions formulées en ce sens, révèlent la sensibilité et la complexité des enjeux soulevés par la question de l’ouverture de l’AMP post mortem. Le Conseil d’État a également précisé que le contrôle de la compatibilité des dispositions litigieuses et de leur mise en œuvre avec l’article 8 ne différait pas dans le cas d’un litige concernant les embryons. La Cour ne reconnaît pas à l’embryon la qualité de sujet de droit autonome. Dans ces conditions, elle considère que le législateur, en optant pour une interdiction du transfert d’embryons après la mort n’a pas outrepassé sa marge d’appréciation.

Enfin, et en troisième lieu, la circonstance qu’une loi soit reconnue dans son principe comme compatible avec les exigences attachées au respect de l’article 8 ne dispense pas, y compris lorsque comme en l’espèce elle pose une interdiction générale et absolue, d’examiner les effets produits, dans une situation donnée, par l’application de cette loi. C’est ainsi que le Conseil d’État a exercé son contrôle des circonstances des deux présentes affaires conformément à la méthodologie qu’il a arrêtée dans sa décision Gonzalez Gomez. Il a relevé qu’en présentant les demandes litigieuses, les requérantes avaient pour seule intention de contourner la loi française et ne faisaient état d’aucune circonstance particulière susceptible de permettre d’écarter l’application de celle-ci. Il a constaté qu’elles n’avaient pas de lien avec l’Espagne et que les seules circonstances du consentement de l’époux décédé ou de la présence d’un embryon ne suffisaient pas à établir une atteinte excessive à leur droit au respect de leur volonté. Pour sa part, et en l’absence de toute autre circonstance particulière invoquée par les requérantes devant elle, la Cour considère que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de se départir des solutions retenues par le juge interne.

v) Conclusion – Les autorités internes ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, et l’État défendeur n’a pas outrepassé la marge d’appréciation dont il disposait.

Néanmoins, la Cour reconnaît que l’ouverture, depuis 2021, par le législateur de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules pose de manière renouvelée la pertinence de la justification du maintien de l’interdiction dénoncée par les requérantes. La Cour rappelle que malgré l’ample marge d’appréciation dont bénéficient les États en matière de bioéthique, le cadre juridique mis en place par ces États doit être cohérent.

Conclusion : non-violation (unanimité).

(Voir aussi Evans c. Royaume-Uni [GC], 6339/05, 10 avril 2007, Résumé juridique ; Parrillo c. Italie [GC], 46470/11, 27 août 2015, Résumé juridique ; Pejřilová c. République tchèque, 14889/19, 8 décembre 2022, Résumé juridique)

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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