CEDH, Cour (deuxième section), LATOURNERIE c. la FRANCE, 10 décembre 2002, 50321/99

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 10 déc. 2002, n° 50321/99
Numéro(s) : 50321/99
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 2 août 1999
Jurisprudence de Strasbourg : Nideröst-Huber c. Suisse, arrêt du 18 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, p. 107, § 23
Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A n° 288, p. 20, § 61
Hiro Balani c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A n° 303-B, p. 29, § 27
Immeubles Groupe Kosser c. France, n° 38748/97, 21 mars 2002, non publiée
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-43998
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2002:1210DEC005032199
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 50321/99
présentée par Yvan LATOURNERIE
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 10 décembre 2002 en une chambre composée de

MM.L. Loucaides, président,
J.-P. Costa,
C. Bîrsan,
K. Jungwiert,
V. Butkevych,
MmesW. Thomassen,
A. Mularoni, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 2 août 1999,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, Yvan Latournerie, est un ressortissant français, né en 1933 et résidant à Le Paradou. Il est représenté devant la Cour par Me G. Caule, avocat à Marseille.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant était, depuis le 1er janvier 1971, agent contractuel de l’Assistance publique de Marseille en qualité de directeur technique du Centre régional d’informatique hospitalière (CRIH).

Il saisit le tribunal administratif de Marseille d’une demande d’annulation de la décision du directeur de l’Assistance publique de Marseille du 16 juillet 1991 lui refusant l’application des dispositions de la circulaire du ministre des Affaires sociales du 14 mars 1986 préconisant le versement d’une prime de responsabilité aux directeurs, y compris contractuels, des centres d’informatique.

Le 2 mai 1995, le tribunal administratif de Marseille décida, après avoir constaté que le requérant n’avait pas été mis en mesure de présenter des observations écrites sur le mémoire de l’Assistance publique, de rouvrir l’instruction de l’affaire afin d’assurer le respect du contradictoire.

Par jugement du 2 mai 1995, le tribunal administratif rejeta la demande du requérant. Le tribunal estima que la décision attaquée était suffisamment motivée et que le requérant n’était pas fondé à soutenir que le directeur de l’Assistance publique de Marseille aurait été tenu de lui faire application de la circulaire critiquée, celle-ci ne présentant pas de caractère réglementaire et impératif puisque rédigée au mode conditionnel. Le requérant interjeta appel.

Par arrêt du 3 juin 1997, la cour administrative d’appel de Lyon confirma le jugement.

Par arrêt du 17 février 1999, le Conseil d’Etat rejeta le pourvoi en cassation du requérant. Faisant application de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1987 instituant une procédure préalable d’admission des pourvois en cassation devant le Conseil d’Etat, ce dernier estima qu’aucun des moyens en cassation présentés par le requérant n’étaient « de nature à permettre l’admission de la requête ».

Par lettre du 7 juin 1999, l’avocat du requérant l’informa de ce que le centre de documentation du Conseil d’Etat lui avait indiqué que le commissaire du Gouvernement « ne dépose pas ses conclusions dans les affaires de sous section jugeant seules ».

GRIEFS

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de l’absence de communication des conclusions orales du commissaire du Gouvernement devant le Conseil d’Etat et de ce qu’il n’a pu y répliquer. Il estime également que son affaire n’a pas été sérieusement examinée par les juridictions saisies, ainsi que de l’absence de motivation de l’arrêt du Conseil d’Etat statuant sur son pourvoi en cassation.

EN DROIT

1.  Le requérant se plaint de l’absence de communication des conclusions du commissaire du Gouvernement devant le Conseil d’Etat et de ce qu’il n’a pu y répliquer. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Le Gouvernement ne conteste pas que l’article 6 § 1 de la Convention soit applicable à la procédure litigieuse. Sur le fond, il considère qu’un grief identique a déjà été rejeté par la Cour (voir Kress c. France [GC], no 39594/98, CEDH 2001-VI) et demande l’application de cette jurisprudence

Le requérant, qui estime également l’article 6 applicable en l’espèce, relève notamment qu’à la différence de l’affaire Kress, son grief s’inscrit dans la seule phase d’admission préalable des pourvois en cassation, laquelle se déroulerait dans un cadre pratiquement non contradictoire.

La Cour constate tout d’abord que la procédure en cause relève du champ d’application de l’article 6 § 1 de la Convention, ce dont conviennent les parties.

Elle rappelle ensuite que le principe de l’égalité des armes – l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable – requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Nideröst‑Huber c. Suisse du 18 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, p. 107, § 23).

Or, indépendamment du fait que, dans la majorité des cas, les conclusions du commissaire du Gouvernement ne font pas l’objet d’un document écrit, le commissaire du Gouvernement présente ses conclusions pour la première fois oralement à l’audience publique de jugement de l’affaire et que tant les parties à l’instance que les juges et le public en découvrent le sens et le contenu à cette occasion (arrêt Kress c. France précité, § 73). Tel est également le cas au cours de la procédure préalable d’admission du pourvoi. D’ailleurs, s’agissant de cette dernière et des critiques formulées à son encontre par le requérant, la Cour a déjà jugé qu’une procédure par laquelle une juridiction de recours, se fondant sur une disposition légale spécifique, écarte un recours comme dépourvu de chance de succès n’est pas, en soi, contraire à l’article 6, à l’instar de la commission d’admission des pourvois en cassation lorsqu’elle fonde sa décision sur l’absence de moyens de nature à permettre l’admission d’une requête au sens de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1987 (voir société anonyme Immeuble Groupe Kosser c. France (déc.), no 38748/97, 9 mars 1999).

Le requérant ne saurait tirer du droit à l’égalité des armes reconnu par l’article 6 § 1 de la Convention le droit de se voir communiquer, préalablement à l’audience, des conclusions qui ne l’ont pas été à l’autre partie à l’instance, ni au rapporteur, ni aux juges de la formation de jugement (arrêt Nideröst-Huber précité). Aucun manquement à l’égalité des armes ne se trouve donc établi (arrêt Kress précité).

Pour ce qui est de l’impossibilité pour les parties de répondre aux conclusions du commissaire du Gouvernement à l’issue de l’audience de jugement, la Cour a également déjà relevé que les avocats qui le souhaitent peuvent demander au commissaire du Gouvernement, avant l’audience, le sens général de ses conclusions. Les parties peuvent répliquer, par une note en délibéré, aux conclusions du commissaire du Gouvernement, ce qui permet, et c’est essentiel aux yeux de la Cour, de contribuer au respect du principe du contradictoire. Enfin, au cas où le commissaire du Gouvernement invoquerait oralement lors de l’audience un moyen non soulevé par les parties, le président de la formation de jugement ajournerait l’affaire pour permettre aux parties d’en débattre (arrêt Kress précité, § 76).

En l’espèce, la Cour relève que le requérant, représenté par un avocat aux conseils, n’a pas fait usage de son droit de déposer une note en délibéré.

Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2.  Le requérant se plaint également de ce que son affaire n’ait pas été sérieusement examinée par les juridictions saisies, ainsi que de l’absence de motivation de l’arrêt du Conseil d’Etat statuant sur son pourvoi en cassation.

La Cour rappelle que si l’article 6 § 1 de la Convention oblige les tribunaux à motiver leurs décisions, il ne peut pas se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument (arrêt Van de Hurk c. Pays-Bas, série A n 288, p. 20, § 61 ; société anonyme Immeuble Groupe Kosser c. France (déc.), précitée). De même, la Cour n’est pas appelée à rechercher si les arguments ont été adéquatement traités. Il incombe aux juridictions de répondre aux moyens de défense essentiels, sachant que l’étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision et doit donc s’analyser à la lumière des circonstances de l’espèce (voir, notamment, arrêt Hiro Balani c. Espagne du 9 décembre 1994, série A n 303-B, p. 29, § 27).

Enfin, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’article 6 n’exige pas que soit motivée en détail une décision par laquelle une juridiction de recours, se fondant sur une disposition légale spécifique, écarte un recours comme dépourvu de chance de succès (société anonyme Immeuble Groupe Kosser c. France (déc.), précitée).

Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des dispositions de l’article 6 § 1 de la Convention.

Il s’ensuit que ces griefs doivent dès lors être rejetés comme manifestement mal fondés, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

S. DolléL. Loucaides
GreffièrePrésident

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