CEDH, Commission, X. c. la REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE, 23 mai 1966, 1794/63

  • Commission·
  • Sarre·
  • Succursale·
  • Plainte·
  • Témoin·
  • Gouvernement·
  • Annuaire·
  • Expert·
  • Enquête·
  • Audition

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission, 23 mai 1966, n° 1794/63
Numéro(s) : 1794/63
Publication : Recueil 20, pp. 8-27
Type de document : Recevabilité
Niveau d’importance : Importance élevée
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-27881
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1966:0523DEC000179463
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

EN FAIT

Considérant que les faits de la cause, tels que le requérant les

présentait à l'origine, peuvent se résumer ainsi:

Le requérant, ressortissant français né le ... 1913, réside

actuellement à Strasbourg (France).

Propriétaire d'un commerce de jouets en gros à Thionville (France), X

a créé, en .., 1953, une succursale de vente à Sarrebruck (Sarre).

Après avoir pris connaissance, en ... 1954, du bilan établi par son

comptable agrée, il a constaté que malgré le bénéfice brut réalisé il

manquait une somme importante dans la caisse de la succursale.

Estimant que M. A, un des commis-voyageurs de la succursale, était

responsable de cette situation, le requérant a porté plainte contre lui

le ... 1954, le Parquet de Sarrebruck a classé l'affaire sans suite le

... 1954.

Entre-temps, le requérant a fait établir par son comptable une

expertise détaillée qui a révélé, pour sa succursale, un déficit de

3.481.892 (anciens) francs. Il a introduit, en conséquence, le ...

1955, une seconde plainte dirigée à la fois contre Mme B, gérante de

la succursale, contre M. A, à titre subsidiaire, et contre M. C, chargé

de surveiller la gérance, pour détournement de recettes et de

marchandises, faux en écritures et abus de confiance. Après enquête,

l'affaire a été classée le ... 1955, faute de preuves.

Le requérant a "fait opposition" (Einspruch) auprès du Parquet.

Celui-ci, en ... 1955, a chargé M. J, conseiller fiscal, d'établir une

expertise. Dans son rapport (... 1957), M. J a conclu que la

comptabilité, très confuse, de la succursale ne démontrait nullement

l'existence de fraudes. Sur la base du dit rapport, le Parquet de

Sarrebruck a classé à nouveau l'affaire le ... 1957. X avait la faculté

d'attaquer cette décision devant la Cour (Oberlandesgericht) de

Sarrebruck (Klageerzwingungsverfahren); il déclare ne pas en avoir usé,

trouvant qu'on s'était assez "moqué" de lui.

Le ... décembre 1957, le requérant a intenté une action devant le

Tribunal du Travail (Arbeitsgericht) de Sarrebruck, en vue d'obtenir

de M. A et de Mme B le remboursement de 92.533 et 41.132 (anciens)

francs, représentant les sommes qu'ils auraient détournées au lieu de

les déposer dans la caisse de la succursale. L'Arbeitsgericht l'a

débouté le .. janvier 1962, après avoir repoussé certaines fins de

non-recevoir soulevées par les défendeurs.

L'intéressé a interjeté appel le ... 1962; il reprochait aux juges de

première instance la manière dont ils avaient apprécié les moyens de

preuve et utilisé le rapport de M. J.

Le .. octobre 1962, le Tribunal régional du Travail

(Landesarbeitsgericht) de Sarrebruck a rendu une décision partielle

(Teilurteil) concernant uniquement les griefs articulés à l'encontre

de Mme B, griefs qu'il a repoussés faute de preuves. Il a estimé, en

substance, que les quittances signées par Mme B ne suffisaient pas pour

établir le détournement de sommes correspondant au "trou" de caisse

litigieux; selon les dires de plusieurs clients, la gérante avait

délivré certaines de ces quittances sans avoir rien perçu elle-même,

mais après avoir appris du requérant que celui-ci avait touché en

personne les montants en question. Le Tribunal a constaté, en outre,

qu'à en croire MM. C et A, le requérant vidait souvent la caisse de la

succursale sans que ces prélèvements fussent comptabilisés. Il a

également noté que la comptabilité de la succursale était fort

incomplète, et ce sur les instructions de X.

X a attaqué le jugement du .. octobre 1962 devant la Cour

Constitutionnelle fédérale, qui a rejeté son recours le .. novembre

1963, pour défaut manifeste de fondement;

Considérant que les griefs de l'intéressé peuvent se résumer ainsi:

Le requérant invoque les articles 6, 10, 13 et 14 de la Convention. Il

allègue en substance que sa cause n'a été entendue équitablement ni par

le Parquet ni par les différentes juridictions chargées de s'occuper

de son affaire. Il prétend notamment que les délais de procédure ont

été excessifs, que le rapport de M. J constituait un "déni de justice"

et un "tissu de mensonge" et que l'Arbeitsgericht aurait dû faire appel

à un autre expert au lieu de s'appuyer sur le dit rapport. Il affirme,

en outre, que les juges n'ont pas relevé plusieurs délits flagrants de

faux témoignage commis en cours d'audience et qu'ils ont

systématiquement écarté ses propres moyens de preuve, en particulier

les témoins "à charge" proposés par lui et la contre-expertise de son

conseiller fiscal. De plus, sa liberté d'expression aurait été violée,

car il n'aurait jamais bénéficié des services d'un interprète, malgré

ses réclamations et bien qu'il ne connaisse pas à fond la langue

allemande; certes, il avait l'assistance d'un avocat (Me Y), mais

celui-ci n'aurait pas été en mesure de lui traduire le sens ni la

portée des débats. Plus généralement, la justice allemande aurait

traité X avec une extrême partialité: elle n'aurait pas hésité à le

calomnier publiquement, à user contre lui d'arguments "ad hominem", à

mettre en doute ses compétences professionnelles, etc.;

Considérant que le requérant invite la Commission à confier à un

expert-comptable le soin d'examiner les pièces versées au dossier;

qu'il demande la réouverture de poursuites criminelles contre les

auteurs des détournements et abus de confiance dont il se plaint, ainsi

que la réparation du préjudice matériel et moral subi; qu'il signale,

à cet égard, qu'il fallu déposer son bilan et qu'un jugement déclaratif

de faillite a été rendu contre lui par le Tribunal de Commerce de

Thionville; que cet état de choses s'expliquerait dans une large

mesure, par la carence des autorités judiciaires allemandes;

Procédure suivie devant la Commission

Considérant que le déroulement de l'instance introduite devant la

Commission peut se résumer ainsi:

1. Le 25 novembre 1964, un groupe de trois membres de la Commission a

procédé à un examen préliminaire de la recevabilité de la requête

(articles 34 et 45 paragraphe 1 du Règlement intérieur). Il a chargé

le Secrétaire de la Commission d'inviter le requérant:

- à préciser s'il avait pris des mesures tendant à ce qu'il fût statué

sur son action contre M.A.;

- à fournir tout élément de nature à corroborer son allégation d'après

laquelle les juridictions allemandes compétentes avaient témoigné d'une

grande partialité à son détriment.

Le Secrétaire de la Commission s'est acquitté de cette tâche le 30

novembre 1964.

2. De la réponse du requérant, datée du 3 décembre 1964, il ressort que

le Tribunal régional du Travail de Sarrebruck a statué, le .. janvier

1963, sur le litige né entre X et M. A: il a rejeté, par défaut,

l'opposition (Einspruch) que ce dernier avait formée contre un jugement

rendu par la même juridiction, également par défaut, le .. octobre

1962.

Le requérant n'a pas produit le jugement du .. octobre 1962. Il a

signalé simplement que A avait "finalement été condamné à restituer le

montant de sommes par lui encaissées et faisant défaut dans la caisse".

A son avis, le "défaut de A", en appel, "était prémédité et calculé de

connivence avec B et autres complices, dans le dessein de mettre un

terme aux poursuites, car cet acte est postérieur au Teilurteil du ...

octobre 1962 qui disculpait à tort B et autres de leurs agissements

malhonnêtes".

Au sujet de la "partialité" de la justice allemande, X s'exprimait en

ces termes (extraits):

"Si les magistrats se sont gardés de commettre des vices de formes ou

infractions directes à la législation, il n'en est pas moins flagrant

que l'esprit de justice a été foulé de façon délibérée (...).  On a

essentiellement recherché les moyens de me débouter ou de me faire

renoncer à faire valoir mes droits, négligeant ostensiblement de

prendre en considération les preuves directes et irréfutables

d'agissements délictueux que j'ai fournies (...).

Certains indices me donnent à penser que ma qualité d'Israélite n'a pas

été de nature à m'assurer l'objectivité de tous les juges ou

fonctionnaires de justice qui ont été appelés à intervenir dans cette

affaire. C'est là une impression que j'ai cru devoir taire jusqu'ici,

mais je crois finalement qu'elle est susceptible d'éclairer le

comportement quelque peu inexplicable de certaines autorités.

(...) Il est de notoriété parmi les autorités que rares sont les

entreprises françaises qui, (ayant) traité des affaires en Sarre et

ayant dû avoir recours à la justice locale, ont obtenu gain de cause

auprès de cette dernière (...)."

Le requérant a donné "quelques exemples" qui prouveraient le bien-fondé

de ses allégations:

- les tribunaux auraient systématiquement ignoré plusieurs dépositions

chargeant Mme B, y compris celle de A (devant l'Arbeitsgsricht de

Lübeck, le ... 1961).

- Le Landesarbeitsgericht de Sarrebruck a attendu jusqu'au ... mai 1959

pour déclarer irrecevable une demande d'assistance judiciaire que X

avait introduite dès le ... décembre 1957 et que l'Arbeitsgericht

avait repoussée en première instance le ... janvier 1959.

Le requérant suggérait à nouveau "l'établissement d'une expertise

impartiale de la comptabilité", afin d'épargner "à la Commission la

fastidieuse tâche de compulser (des) documents volumineux" dont

l'examen serait pourtant "indispensable" à la manifestation de la

vérité.

3. Un second groupe de trois membres de la Commission a examiné

l'affaire le 15 décembre 1964. Sur ses instructions, le Secrétaire a

adressé au requérant, le 29 décembre 1964, une lettre dont il échet de

citer les passages que voici:

"...

... Vous reprochez aux tribunaux allemands de ne pas avoir entendu

votre cause "dans un délai raisonnable", au sens de l'article 6

paragraphe 1 de la Convention. (...) Le Groupe m'a chargé d'attirer

votre attention sur le fait que l'exercice du droit dont il s'agit est,

selon la jurisprudence de la Commission, "subordonné à la diligence

nécessaire de la partie intéressée" (Annuaire de la Convention, I, page

230). Aussi m'a-t-il prié de vous inviter à fournir des précisions sur

toute mesure que vous auriez prise, afin d'accélérer le déroulement de

la procédure, tant dans l'affaire A que dans l'affaire B.

Pourriez-vous m'indiquer, par exemple, à quelle date exacte votre

avocat a signifié à M. A le jugement rendu contre celui-ci, par défaut,

le .. août 1959 (Arbeitsgericht de Sarrebruck)?

Par ailleurs, il serait utile que vous produisiez une copie du jugement

que le Landesarbeitsgericht de Sarrebruck a prononcé contre M. A,

également par défaut, le .. octobre 1962, et qu'il a confirmé le ..

janvier 1963 ...".

4. Le 4 janvier 1965, le requérant a répondu en ces termes (extraits):

"...

J'ai déposé au Parquet une première plainte le ... 1954.

J'ai déposé au Parquet une seconde plainte le ... 1955.

Le dernier jugement a été prononcé le .. janvier 1963.

J'ai déposé ma requête au Bundesverfassungsgericht le ... 1962,

laquelle requête a été rejetée sans autre, fin 1963.

Soit neuf années de lutte incessante et de procédures effectives et

ininterrompues pour faire tenter en vain de reconnaître et valoir mes

droits ...

(...) Ce délai ne saurait être tenu pour raisonnable ou normal.

Etant donné la situation peu enviable dans laquelle j'ai été précipité

par ces actes malveillants, il vous est aisé de comprendre que je n'ai

rien négligé (...) pour aboutir (...), tout comme vous admettez que je

ne pouvais dicter ou imposer mes désirs.

(...) Si mes prétentions avaient été sujettes à caution, je me serais

fait débouter d'emblée; alors, on a tenté de me lasser à l'usure et

(de) provoquer l'abandon de mes poursuites.

(...) Les rares débats publics eurent toujours lieu en fin d'audiences,

de sorte qu'ils se sont toujours déroulés dans une salle vide de public

(...) Concernant le jugement par défaut du .. août 1959 contre A, je

vous en adresse une copie, laquelle mentionne que ledit jugement lui

a été signifié le .. août 1959:

..."

Le reste de la lettre en question avait trait, pour l'essentiel, aux

plaintes pénales du requérant. Ce dernier exposait, entre autres, que

s'il n'avait pas introduit de "Beschwerde" auprès du Parquet Général

(Generalstaatsanwalt) c'était en raison de l'"immobilisme" et de la

"négligence" du Parquet. Son avocat l'aurait convaincu que mieux

valait choisir "le chemin le plus  court", c'est-à-dire "intenter

directement l'action civile" sans attendre "un problématique

aboutissement d'enquête policière".

Par lettre du ... 1965, d'autre part, X a prié le Landesarbeitsgericht

de Sarrebruch de lui adresser une copie du jugement que cette

juridiction avait prononcé par défaut contre A le ... octobre 1962.

Le Tribunal lui a répondu, le ... 1965, qu'il ne référerait à cette

demande qu'après le paiement de 90 DM 91 de frais judiciaires non

encore acquittés, plus 10 DM de frais de copie.

Le 25 janvier 1965, le requérant a informé verbalement le Secrétariat

de ce qui précède. Il a déclaré qu'il ne tenait pas à dépenser encore

une centaine de DM et a suggéré que la Commission réclame directement

à Sarrebruck le texte du jugement dont il s'agit.

5. Le 3 juin 1965, un troisième groupe de trois membres de la

Commission a repris l'examen de la requête; il a estimé à l'unanimité

que celle-ci semblait recevable dans la mesure où elle dénonçait la

lenteur anormale avec laquelle la justice allemande aurait entendu la

cause de l'intéressé (article 6, paragraphe 1 de la Convention).

En conséquence, et sur les instructions du Président de la Commission

(Ordonnance du 13 juin 1965), le Secrétaire a donné connaissance de la

requête au gouvernement défendeur par une lettre du 17 juin 1965. En

même temps, il a invité ledit gouvernement à présenter, dans un délai

de huit semaines, ses observations écrites sur la recevabilité du grief

susmentionné (article 45, paragraphe 2 du Règlement Intérieur). Par la

suite, ce délai a été prorogé de six semaines à la demande du

Gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne (Ordonnance du 16

août 1965).

6. Les observations écrites du gouvernement défendeur sont parvenues

au Secrétariat le 14 octobre 1965. Elles étaient ainsi conçues:

I.

"Par rapport aux plaintes du requérant dont l'accueil a été critiqué

par celui-ci, le Ministre fédéral de la Justice vient de recevoir une

prise de position du Ministre de la Justice du Pays de la Sarre, disant

entre autres:

a) en ce qui concerne la procédure d'enquête ... du Parquet à

Sarrebruck:

Le ... 1954, le requérant a porté plainte auprès de la

Landeskriminalpolizei à Saarebruck contre A pour détournement et

autres. Il a indiqué que l'inculpé avait travaillé en tant que

commis-voyageur dans la succursale de son commerce de jouets à

Sarrebruck et qu'il avait profité de l'absence de la gérante de la

succursale, Mme B, pour se faire remettre des marchandises par une

jeune apprentie en vue de les vendre à son propre compte. Il a allégué

avoir par la suite vérifié sa comptabilité et avoir constaté que 17

trottinettes, faisant partie d'une livraison de 80 trottinettes et

ayant été commandées par sa maison, n'étaient pas comptabilisées. Il

soupçonne l'inculpé de s'être procuré illégalement, de même, d'autres

jouets à d'autres occasions.

Du ... 1954 au ... 1954, la gérante de la succursale et l'apprentie au

service de requérant, D, ont été entendues en qualité de témoins. Etant

donné qu'elles n'ont pas confirmé les allégations du requérant,

celui-ci a été entendu à nouveau, le ... 1954, en qualité de témoin;

lors de cette audition, il a promis à la Landeskriminalpolizei de lui

soumettre le résultat d'un inventaire déjà commencé dans sa succursale

à Sarrebruck, en vue d'autres enquêtes à l'égard de l'inculpé.

Le ... 1954, la première plainte a été déposée au Parquet à Sarrebruck.

Le .. 1954, le procureur a ordonné la transmission du dossier à la

Landeskriminalpolizei de Sarrebruck, en vue de mieux éclairer les

faits. Sur cela, l'inculpé a été entendu le ... 1954 par la Gendarmerie

à Überherrn. Il a contesté s'être rendu coupable et il n'a pas été

possible de prouver le contraire, étant donné que le requérant avait

omis - contrairement à ses affirmations faites au ... 1954 - de fournir

à la Landeskriminalpolizei, ni le résultat de l'inventaire, accompagné

des pièces s'y référant ni aucun renseignement sur l'omission de la

présentation de ce dernier.

Le ... 1954, la procédure a été classée sans suite faute de preuves

d'infraction. Le requérant n'a pas reçu un avis formel de classement

de non-lieu, parce que le Procureur a dû conclure de la

non-présentation du résultat de l'inventaire que le requérant n'était

plus intéressé à connaître la suite de la procédure et, par conséquent,

ne tenait pas non plus à recevoir une ordonnance de non-lieu.

En raison de ces faits, il ne peut plus, à mon avis, être question de

ce qu'on n'aurait pas entendu la cause du requérant dans un délai

raisonnable au sens de l'article 6, alinéa 1 de la Convention des

Droits de l'Homme. Les enquêtes ont été menées sans délai; il n'y avait

pas de raison empêchant le requérant d'apporter des faits importants

à la procédure d'enquête ou de faire des observations sur ceux-ci.

Lors de son audition du ... 1954, la Landeskriminalpolizei ne l'avait

pas seulement familiarisé avec la situation actuelle des enquêtes, mais

lui avait également indiqué que le résultat de l'inventaire de sa

succursale de Sarrebruck était indispensable pour convaincre la

personne qu'il avait inculpée. Ce n'était pas trop exiger de lui de

présenter ce document-ci en temps utile. Un délai d'un mois pendant

lequel on attendait la présentation du document devrait lui permettre

de produire le moyen de preuve ou d'expliquer au moins la

non-présentation. Toutefois, par le comportement du requérant, on

devait conclure qu'il ne tenait plus à faire d'autres déclarations

relatives à sa cause et, par conséquent, il n'y a pas lieu de supposer

de ce fait que la cause du requérant n'ait pas été entendue

équitablement.

b) en ce qui concerne la procédure d'enquête ... du Parquet à

Sarrebruck:

A la suite de la plainte du requérant, en date du ... 1955, il a été

constaté, le ... 1955, que la procédure traitait du même objet que la

procédure d'enquête ..., ouverte par le Parquet à Sarrebruck. Le ...

1955, le dossier de cette procédure a été consulté. Le ...1955,

l'inculpé a été entendu. Sur la base des pièces entre-temps versées au

dossier par le requérant, aucune infraction n'a pu être prouvée. La

photocopie du rapport de l'enquête de la Kriminalpolizei, en date du

... 1955, a été jointe à la présente en Annexe no 1.

Par commission rogatoire du ... 1955, les livres de comptes du

requérant qui, entre-temps, avait fait faillite à Thionville, lieu de

son établissement principal, ont été demandés à M. le Procureur de la

République à Thionville. Une ample documentation est parvenue le ...

1955au Parquet. D'après un tableau figurant dans la documentation, il

s'agissait des pièces suivantes:

Classeur de mouvements de stock, Livre d'achats de marchandises 1953

et 1954, Livre de sortie de marchandises 1953 et 1954, Un journal

centralisateur, Un registre recettes comptant, Un livre de débits, Un

grand livre, Un lot de pièces comptables - doubles de factures - et de

bons de commandes, pièces de caisse, etc.

Le ... 1955, l'établissement d'une expertise a été ordonnée sur la base

des livres envoyés.

Malgré de multiples rappels adressés à l'expert, l'expertise n'a été

remise que le ... 1957. Le retard y apporté était d'abord dû au volume

du matériel présenté qui, pour la plupart, était en désordre.

Toutefois, le matériel disponible ne suffisait pas à l'expert. Il

s'adressa donc directement au requérant en vue d'obtenir de lui

d'autres documents. Du fait que le requérant a transmis à l'expert ces

pièces extrêmement tard, il résulte surtout le retard intervenu dans

l'établissement du rapport. Ci-joint, en Annexe no 2, la photocopie

d'une lettre de l'expert, en date du ... 1956, adressée à M.

L'Oberstaatsanwalt de Sarrebruck et disant que le requérant n'a

transmis à l'expert les documents les plus importants que quelques

semaines avant le ... 1956.

Quant au désordre et au volume des livres de comptes, il y est fait

allusion dans le texte de l'expertise du ... 1957 qui est joint en

Annexe no 3. Du texte de l'expertise, il ressort également que l'examen

a été effectué d'une manière aussi soigneuse et consciencieuse que

possible, compte tenu du mauvais état du matériel. Le retard est, par

conséquent, uniquement dû au mauvais état et au volume des documents.

Ce sont des faits qui doivent être attribués au requérant lui-même.

Dans cet ordre d'idées, il y a lieu de mentionner également que le Land

a dû dépenser une somme de 112.224 FF pour la rédaction de cette

expertise.

Etant donné le résultat de l'expertise, le non-lieu de la procédure

semble justifié en raison de la loi d'amnistie du 22 décembre 1956

(Journal Officiel du pays de la Sarre, page 1653) (Annexe 4).

En 1959, la poursuite des faits qui font l'objet d'une reprise

envisagée des enquêtes est tombée sous le coup de la prescription."

II

"En ce qui concerne la poursuite engagée par le requérant devant le

Tribunal du Travail (Arbeitsgericht) et le Tribunal régional de Travail

(Landesarbeitsgericht) de Sarrebruck - No du dossier ... - le ministre

fédéral de la Justice a reçu par l'intermédiaire du ministre du Travail

et des Affaires sociales (Minister für Arbeit und Sozialwesen) du pays

de la Sarre et du ministre de la Justice du pays de la Sarre l'exposé

suivant du Président du Landesarbeitsgericht de Saarebruck:

A l'égard du reproche fait par le requérant dans ce sens que la

procédure engagée par lui-même devant l'Arbeitsgericht et le

Landesarbeitsgericht de Sarrebruck, No du dossier ..., contre 1) B à

Sarrebruck et 2) le représentant A à Lübeck, n'ait pas été exécutée

dans un délai raisonnable (infraction à l'article 6 alinéa 1 de la

Convention), je me permets d'exposer ce qui suit:

L'action intentée par le requérant, conjointement avec une demande en

assistance judiciaire, était parvenue à l'Arbeitsgericht de Sarrebruck

le ... avril 1958. Etant donné que le requérant a renvoyé au contenu

des documents soumis au Tribunal de Grande Instance (Landgericht) de

Sarrebruck au cours de la procédure ... pour motiver sa plainte, ce

dossier a été consulté d'abord. A la suite de quatre demandes, il est

enfin parvenu à l'Arbeitsgericht. En raison d'une procédure de recours

suivie devant l'Oberlandesgericht de Sarrebruck, il n'était pas

possible de l'expédier plus tôt. L'Arbeitsgericht a ensuite fixé au ...

octobre 1958 la date de la procédure d'examen de la demande en

assistance judiciaire. Au cours de l'audience, le requérant, qui était

représenté par des avocats depuis le .. octobre 1958, présenta un

certificat d'indigence. A l'audience du .. octobre 1958, les parties

se prononcèrent à l'unanimité en faveur d'un ajournement.

L'audience fixée au .. décembre 1958 ne put pas avoir lieu, parce que

les mandataires ad litem du demandeur n'avaient pas rendu le dossier

(Beiakten) ... qui leur avait été remis pour en prendre connaissance.

Par décision de l'Arbeitsgericht en date du .. janvier 1959, la demande

en assistance judiciaire a été rejetée. Le .. février 1959, le

demandeur s'est pourvu auprès du Landesarbeitsgericht. Après avoir

entendu la partie opposée, le Landesarbeitsgericht a rejeté le pourvoi

par décision du .. mai 1959. Le reproche avancé par le requérant en ce

sens que le Landesarbeitsgericht avait attendu jusqu'au .. mai 1959,

pour déclarer non recevable sa demande du .. décembre 1957 en

assistance judiciaire est donc réfuté par le déroulement effectif de

la procédure.

Le rejet de la demande en assistance judiciaire passé en force de chose

jugée, le demandeur a repris la procédure le .. juillet 1959, mais en

a considérablement réduit la demande en justice. Lors des débats devant

l'Arbeitsgericht en date du .. août 1959, le défendeur ad 2) a été

condamné par défaut au versement, conformément à la demande formulée,

et la procédure en cause de la défenderesse ad 1) a été renvoyée au ..

octobre 1959 en vue de permettre la consultation d'autres dossiers.

Sur la demande des mandataires ad litem du demandeur, cette audience

a été renvoyée au .. novembre 1959. Lors de l'audience du .. novembre

1959, les mandataires ad litem des deux parties demandèrent

l'ajournement. A la nouvelle audience du .. novembre 1959, les deux

parties firent des offres de preuve. La défenderesse ad 1) citée à

l'audition personnelle et le témoin cité ne purent comparaître à la

date du .. janvier 1960, fixée pour l'administration de la preuve. Le

Tribunal fixa donc la nouvelle date d'audience au .. 1960. Au cours de

cette audience, il prononça une ordonnance de preuves. L'instruction

prévue pour le .. mars 1960 n'eut pas lieu pour la raison que les

témoins cités étaient une fois de plus, pour des motifs bien fondés,

empêchés de comparaître. Le Tribunal décida ensuite de donner

commission rogatoire pour entendre un témoin domicilié à

Francfort-sur-Main. L'audition demandée à l'Arbeitsgericht de Francfort

eut lieu le .. avril 1960. Le .. mai 1960, le Tribunal demanda aux

parties de donner leur consentement à l'audition demandée d'un autre

témoin. Ayant été invités deux fois à faire une réponse à cette

demande, les mandataires ad litem du demandeur se prononcèrent le ..

juillet 1960 en faveur de l'audition du témoin en question devant le

Tribunal chargé de l'instance. Le Tribunal fixa la date de l'audition

au .. août 1960. Lors de cette audience, le témoin a été entendu et le

Tribunal a ordonné l'audition par le Tribunal compétent d'un témoin

demeurant à Nancy. La commission rogatoire exécutée revint le .. mars

1961 du Tribunal de Grande Instance de Nancy. Lors de la nouvelle

audience en date du .. janvier 1961, le Tribunal décida de charger, par

commission rogatoire, l'Arbeitsgericht de Lübeck de procéder à

l'audition du défendeur ad 2) demeurant à Lübeck, audition qui avait

été ordonnée le .. février 1960 par l'ordonnance de preuves. Cette

audition eut lieu le .. août 1961. Lors de l'audience suivante, ouverte

devant l'Arbeitsgericht de Sarrebruck le .. 1961, la cause a été

renvoyée au .. janvier 1962, étant donné que personne ne représentait

le défendeur ad 2) et que les mandataires ad litem du demandeur ne

formulaient pas de demande en décision par défaut. Lors de l'audience

du .. janvier 1962, l'Arbeitsgericht prononça le jugement, rejetant les

plaintes formulées contre les deux défendeurs.

Le .. février 1962, le demandeur a fait appel auprès du

Landesarbeitsgericht de Sarrebruck de cette décision qui lui avait été

signifiée le .. janvier 1962. A la demande exprimée par ses mandataires

ad litem, le délai pour motiver l'appel a été prolongé au .. mars 1962.

La motivation parvint ce jour-là. La signification de la motivation au

défendeur ad 2) subit un retard par le fait que celui-ci avait changé

de domicile; elle n'eut lieu que le .. avril 1962. L'audience d'appel

devant le Landesarbeitsgericht avec instruction eut lieu le .. octobre

1962. Compte tenu du plan de travail très chargé du

Landesarbeitsgericht, il n'avait pas été possible de fixer une date

plus avancée.

Lors de cette audience, le Landesarbeitsgericht prononça un jugement

partiel (Teilurteil) et un jugement final (Schlussurteil, Annexe 5).

Au cours des derniers débats devant le Landesarbeitsgericht, le ..

janvier 1963, le deuxième jugement par défaut a été prononcé.

J'estime que le déroulement de la procédure décrit ci-dessus ne fait

pas preuve d'un retard en raison d'une direction déloyale et tardive

du procès par les présidents des chambres en question. La durée

relativement longue de la procédure suivie devant l'Arbeitsgericht est,

en premier lieu, due aux délais étendus de l'instruction en raison de

l'audition nécessaire de deux témoins, dont l'un a été interrogé à

l'étranger, et du défendeur ad 2), et en plus elle est due à la

non-comparution des témoins lors des audiences d'instruction et, en fin

de compte, à la direction du procès par le demandeur et par ses

mandataires ad litem, qui n'a point contribué à l'accélération de la

procédure."

III

"En ce qui concerne le recours constitutionnel formé par le requérant

devant la Cour Constitutionnelle fédérale, il ne ressort pas clairement

des documents adressés par la Commission au Gouvernement Fédéral si la

Commission tient en main le texte de la lettre mentionnée dans la

décision de la Cour Constitutionnelle Fédérale en date du .. 1963,

lettre qui a été adressée par le rapporteur au requérant le .. 1963.

Le texte de cette lettre est donc également joint à la présente

(Annexe 6)."

IV

"Vu l'exposé énoncé ci-dessus, le Gouvernement Fédéral estime que la

requête est manifestement mal fondée. Le Gouvernement Fédéral demande,

par conséquent, que la requête soit déclarée non recevable.

Si la Commission juge essentielle la discussion de la question de

savoir si, à l'égard du résultat obtenu dans la procédure d'instruction

en matière de droit pénal, le requérant a épuisé les voies de recours

internes au sens de l'article 26 de la Convention, le Gouvernement

Fédéral a l'honneur de demander à la Commission de l'en informer."

7. Sur les instructions du Président (Ordonnance du 15 octobre 1965,

article 46, paragraphes 1 et 2 du Règlement Intérieur), le Secrétaire

de la Commission a communiqué au requérant les observations précitées

en l'invitant à y répondre dans un délai de quatre semaines (lettre du

15 octobre 1965). A la demande de X, ce délai a été prorogé par le

Président jusqu'au 30 novembre 1965 (Ordonnance du 8 novembre 1965).

8. Le 27 novembre 1965, Me Z a adressé au Secrétaire de la Commission,

au nom du requérant, le contre-mémoire ci-après.

"(...)

I. Procédure ... du Parquet de Sarrebruck

Le défendeur prétend faire poser sur le demandeur la responsabilité du

classement sans suite de cette première plainte, au motif que M. X

n'aurait pas fourni à la Landeskriminalpolizei l'inventaire de sa

succursale de Sarrebruck.

Il est parfaitement exact que cette pièce a été demandée au demandeur

- probablement le ... 1954 - mais M. X avait alors répondu au

Commissaire de Police, d'une part que l'état des manquants ressortait

des pièces fournies à l'appui de sa plainte et, d'autre part, qu'il lui

était impossible avant la fin du mois de janvier de fournir cet

inventaire; en effet, il est évident qu'un commerçant en jouets ne peut

entreprendre une tâche aussi importante qu'un inventaire au cours des

semaines qui précèdent les fêtes de Noël, au moment même où le stock

est gonflé au maximum et qu'il est astreint à des délais impératifs de

livraison envers ses clients.

De toute façon, comme l'avait expliqué M. X au Commissaire,

l'inventaire permettait de connaître la consistance exacte des

manquants, mais non pas les noms des auteurs de ces vols.

Le dossier a donc été classé le ... 1954 (cette date étant celle

indiquée dans le mémoire du Gouvernement fédéral) sans que M. X en ait

été averti et sans que la recherche des coupables ait été poursuivie

par le Parquet.

Au surplus, le requérant avait indiqué au Parquet plusieurs témoins

utiles à la recherche de la vérité, notamment de la Dame E.,

propriétaire du local; aucun de ces témoins n'a été entendu.

Quant aux deux témoins cités, ils ont été entendus à un mois

d'intervalle, alors qu'ils travaillaient tous deux dans la même maison.

II. Procédure ... du Parquet de Sarrebruck

A la suite de la seconde plainte déposée par le requérant, une nouvelle

instruction fut ouverte, mais il fallut attendre le ... 1955 pour que

l'inculpé soit enfin entendu, c'est-à-dire plus de quatre mois après

le dépôt de cette plainte.

Ensuite un nouveau délai de deux mois et demi s'écoula avant que fût

délivrée une commission rogatoire à Thionville pour réclamer des pièces

comptables au syndic de Thionville, pièces qui ne constituaient qu'une

très faible partie des livres comptables.

Ce sont cependant ces seuls livres énumérés dans le mémoire du

Gouvernement fédéral (tout à fait insuffisants pour connaître de

l'affaire) qui devraient être remis à l'expert. Jamais le requérant ne

fut invité à remettre d'autres documents comptables et ce n'est

qu'incidemment que M. X apprit du Kriminalsekretär F le nom et

l'adresse de l'expert désigné auquel M. X s'empressa d'apporter les

pièces comptables se trouvant encore chez lui.

Au cours de l'année 1955/56, M. X avait relancé l'expert plus de quinze

fois sans que ce dernier lui eût indiqué avant ... 1956 qu'il lui

manquait les pièces de preuve que le Parquet de Sarrebruck n'avait pas

remises à l'expert et qui, pourtant, s'y trouvaient depuis le dépôt de

la plainte en ... 1955. Le requérant alla alors lui-même rechercher ces

pièces au Parquet de Sarrebruck et les porter à l'expert.

Ainsi donc, le retard apporté à cette expertise ne peut incomber au

requérant. Alors que M. X était intervenu de nombreuses fois auprès de

l'expert pour faire avancer l'expertise, le Parquet de Sarrebruck,

contrairement à ce qui est exposé dans le mémoire adverse, n'a adressé

qu'un seul rappel à l'expert le ... 1956, ainsi qu'il résulte de sa

lettre du ... 1956 (Annexe 2).

L'expert promit alors de déposer son rapport d'expertise pour le ...

au plus tard.

L'expertise n'a été terminée, en fait, qu'à la fin du mois de ... 1957,

sans que le Parquet parût s'émouvoir de ce nouveau retard.

Le requérant conteste formellement que ces retards inadmissibles aient

pour cause un mauvais état de la comptabilité produite, alors que

partie de celle-ci provenait du syndic."

"III. Procédure de Prud'homme

Le requérant n'est évidemment pas en mesure de vérifier le déroulement

de la procédure, mais on peut se demander comment il se fait qu'une

demande déposée le .. décembre 1957 n'est parvenue à l'Arbeitsgericht

de Sarrebruck que le .. avril 1958, soit quatre mois plus tard.

Ensuite, il fallut attendre six nouveaux mois pour qu'une audience soit

fixée au .. octobre 1958!!  Il est certain que semblables lenteurs sont

préjudiciables à une saine justice.

Finalement, ce fut le .. janvier 1959 seulement que la demande

d'assistance judiciaire fut rejetée au motif que le requérant ne

remplissait pas les conditions de résidence en Sarre exigées.

S'il est vrai que M. X réduisit alors ses conclusions initiales, c'est

simplement parce qu'il ne pouvait pas payer la caution élevée qui lui

aurait été réclamée, et non pas parce que, comme voudrait le laisser

entendre la partie adverse, ses prétentions initiales n'étaient pas

fondées.

En ce qui concerne le refus du requérant de laisser entendre les

témoins offerts par ses adversaires dans la procédure prud'homale, il

y a lieu de souligner que ce refus était motivé par le fait qu'un des

témoins C était, selon le requérant, l'organisateur du pillage de son

commerce de Sarrebruck et l'autre témoin de Nancy, une apprentie de 14

ans qui ne savait rien de cette affaire.  Aucun retard ne peut être

reproché cependant au requérant qui avait hâte de voir avancer ces

affaires dont l'issue pouvait avoir une influence favorable dans sa

propre mise en faillite.

L'appel de l'adversaire devant le Landesarbeitsgericht provoqua

cependant une nouvelle fois un retard dans le règlement de cette

affaire; toutefois, le délai de six mois qui s'écoula entre la

signification du jugement le .. avril 1962 et la première audience

devant le Landesarbeitsgericht apparaît tout à fait anormal.

Il résulte du rappel de ces quelques faits que le Parquet de

Sarrebruck, de même que les juridictions prud'homales, n'ont entendu

la cause du requérant ni équitablement ni dans un délai raisonnable,

au sens de l'article 6 de la Convention des Droits de l'Homme.

Les retards inadmissibles de ces autorités n'ont pas permis au

requérant d'apporter au Tribunal de Commerce de Thionville, devant

lequel se déroulait l'assignation en faillite, les preuves des

détournements dont il avait été victime; cette carence a précipité

l'état de faillite du requérant.

Pour toutes ces raisons, le défendeur a l'honneur de persister dans ses

conclusions."

9. Le 4 février 1966, un quatrième groupe de trois membres de la

Commission a repris l'examen de la requête. Son rapport a été étudié

en séance plénière le 23 mai 1966, à la suite de quoi la Commission a

adopté la présente décision.

EN DROIT

Considérant tout d'abord, en ce qui concerne les deux plaintes pénales

du requérant, qu'aux termes de son article 1er (art.1), la Convention

de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales

garantit uniquement "les droits et libertés définis (en son) Titre I";

que tout grief formulé par une personne physique, une organisation non

gouvernementale ou un groupe de particuliers doit avoir trait, selon

l'article 25 paragraphe 1 (art. 25-1), à une atteinte prétendue à ces

droits et libertés, faute de quoi son examen échappe à la compétence

ratione materiae de la Commission; que le droit à l'ouverture, par les

autorités compétentes, de poursuites pénales contre les tiers dont on

estime devoir dénoncer les agissements, ne figure pas en tant que tel

parmi lesdits droits et libertés; que la Commission se réfère sur ce

point à sa jurisprudence constante (cf. par exemple, la décision du 16

janvier 1963 sur la recevabilité de la requête no 1599/62, Annuaire VI,

pages 355 et 357);

Que le classement de plaintes pénales et la procédure antérieure

peuvent néanmoins, dans certains cas, soulever des problèmes sur le

terrain de la Convention, notamment sur celui de l'article 13 (art. 13)

et, pour les plaintes assorties d'une constitution de partie civile,

sur celui de l'article 6 paragraphe 1 (art. 6-1) (cf. pour ce de

dernier texte, les décisions des 18 décembre 1962 et 17 décembre 1965

sur la recevabilité des requêtes no 1420/62, 1477/62, 1478/62 (Annuaire

VI, pages 355 et 357) et 2118/64); qu'il n'y a cependant pas lieu de

rechercher s'il en est ainsi en l'espèce; qu'en effet, "la Commission

ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours

internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit

international généralement reconnus ..." (article 26 (art. 26) de la

Convention); que le requérant n'a introduit aucun recours contre la

décision de classement du ... 1954, alors pourtant qu'il avait la

faculté de l'attaquer devant le Parquet Général (Generalstaatsanwalt),

puis au besoin devant la Cour d'Appel (Oberlandesgericht) de

Sarrebruck; qu'il n'a pas non plus contesté auprès de cette même

juridiction les décisions relatives à sa seconde plainte (... 1955 et

... 1957) (comp., entre autres, la décision du 3 novembre 1964 sur la

recevabilité de la requête no 1404/62, Wiechert contre République

Fédérale d'Allemagne, Recueil 15, page 22); que la Commission

n'aperçoit au surplus, que ce soit sur la base des explications du

requérant ou d'office, aucune circonstance particulière qui ait pu

justifier le non-exercice de ces recours;

Que la requête est donc, à cet égard, incompatible avec les

dispositions de la Convention (cf. le premier alinéa du présent

considérant) et irrecevable pour non-épuisement des voies de recours

internes (cf. le deuxième alinéa du présent considérant (article 27,

paragraphes 2 et 3 (art. 27-2, 27-3));

Considérant, d'autre part, dans la mesure où l'intéressé se plaint de

ne pas avoir bénéficié des services d'un interprète, que l'on pourrait

se demander si ce grief ne se heurte pas, lui aussi, aux exigences des

articles 26 et 27, paragraphe 3 (art. 26, 27-3) de la Convention, car

il n'a été invoqué devant la Cour Constitutionnelle Fédérale qu'après

l'expiration du délai légal d'un mois et semble même ne pas l'avoir été

du tout devant les juridictions inférieures (Arbeitsgericht et

Landesarbeitsgericht) (cf. l'Annexe 6 aux observations écrites du

gouvernement défendeur);

Qu'au demeurant, l'article 6, paragraphe 3 (art. 6-3-e) de la

Convention, dont l'alinéa e) garantit à "tout accusé" le droit à

l'assistance gratuite d'un interprète, "s'il ne comprend pas ou ne

parle pas la langue employée à l'audience", n'entre point en ligne de

compte dans la présente affaire, puisqu'il vaut uniquement pour les

personnes inculpées, prévenues ou accusées d'une infraction pénale

(cf., parmi beaucoup d'autres, la décision du 13 avril 1961 sur la

recevabilité de la requête no 858/60, Annuaire IV, pages 239 et 241);

Qu'en outre, l'examen du dossier ne permet de dégager, à cet égard,

aucune trace de violation des droits et libertés définis dans la

Convention, notamment à l'article 6, paragraphe 1 (art. 6-1), et aux

articles 10, 13 et 14 (art. 10, 13, 14); que la Commission constate,

à ce sujet, que X était assisté d'un avocat allemand et que la nature

du litige ne rendait pas indispensable sa participation personnelle aux

débats [comp. les décisions sur la recevabilité des requêtes no 434/58

(Annuaire II, pages 371 à 375), no 438/58 (Recueil 6, page 61), no

696/60 (non publiée) et no 1169/61 (Annuaire VI, pages 571 et 573)];

Qu'il s'ensuit que le grief en question est incompatible avec les

dispositions de la Convention lorsqu'on l'envisage sous l'angle de

l'article 6, paragraphe 3 (art. 6-3), et pour le surplus, manifestement

mal fondé (article 27, paragraphe 2 (art. 27-2));

Considérant en troisième lieu, quant au manque d'impartialité que le

requérant reproche à ses juges, que la Commission n'aperçoit, ici

encore, aucune apparence de violation des droits et libertés garantis

par la Convention, y compris l'article 6, paragraphe 1 (art. 6-1);

qu'en effet, le requérant n'a pas apporté, sur ce point, un

commencement de preuve suffisant à l'appui de ses affirmations (cf. sa

réponse du 3 décembre 1964 à la lettre que le Secrétaire de la

Commission lui avait adressée le 25 novembre 1964); que certains des

faits de la cause vont même, de prime abord, à l'encontre de sa thèse;

que la Commission relève, dans cet ordre d'idées, qu'avant de débouter

X au fond, l'Arbeitsgericht de Sarrebruck avait rejeté des exceptions

préliminaires invoquées par Mme B et M. A et qu'en définitive, le

Landesarbeitsgericht a donné gain de cause au requérant contre M. A;

que le grief dont il s'agit se révèle donc manifestement mal fondé

(article 27, paragraphe 2 (art. 27-2) de la Convention);

Considérant enfin, pour autant que le requérant se plaint de la lenteur

avec laquelle le Tribunal du Travail et le Tribunal régional du Travail

de Sarrebruck auraient administré la justice, qu'aux termes de

l'article 6, paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention, applicable en

l'espèce, "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...)

dans un délai raisonnable par un tribunal qui décidera (...) des

contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)";

Que plus de cinq ans ont passé entre la date à laquelle le requérant

a saisi le Tribunal du Travail (.. décembre 1957) et celle du prononcé

du dernier jugement du Tribunal régional du Travail (.. janvier 1963);

qu'en outre, de délais assez longs se sont parfois écoulés entre les

différentes étapes de la procédure litigieuse, en particulier entre

l'introduction (.. décembre 1957) et le rejet (.. janvier et .. mai

1959) de la demande d'assistance judiciaire de X;

Qu'aux yeux de la Commission, cependant, la responsabilité de cet état

de choses n'incombe pas, au moins dans l'ensemble, aux juridictions

allemandes compétentes; que les observations écrites, précitées, du

gouvernement défendeur donnent, en effet, à penser que les délais

incriminés s'expliquaient pour la plupart tantôt par l'empêchement de

certains témoins, tantôt par la nécessité de délivrer des commissions

rogatoires, dont une à l'étranger; tantôt par le changement de domicile

de A, tantôt par l'attitude du requérant et de ses mandataires ad litem

(demandes d'ajournement des .. octobre 1958 et .. novembre 1959;

retard apporté à répondre à une question posée par l'Arbeitsgericht le

.. mai 1960; non-formulation, le .. décembre 1961, d'une demande de

décision immédiate par défaut; demande de prorogation du délai fixé

pour le dépôt du mémoire ampliatif en appel);

Qu'il échet de souligner, quant à ce dernier point, que l'exercice du

droit à ce que sa cause soit entendue "dans un délai raisonnable" est

subordonné, singulièrement en matière civile, à la diligence de la

partie intéressée [cf. les décisions sur la recevabilité des requêtes

no 107/55 (Annuaire I, page 230) et no 2118/64];

Que le Secrétaire de la Commission, se référant à ce principe, a invité

X, le 29 décembre 1964, à fournir des précisions sur toute mesure qu'il

aurait prise, afin d'accélérer le déroulement de la procédure, tant

dans l'affaire A que dans l'affaire B; que le requérant n'a pas donné,

à cet égard, de précisions suffisantes, que ce soit dans sa lettre du

4 janvier 1965 ou dans sa réponse du 27 novembre 1965, aux observations

écrites du Gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne;

Qu'il appert, dès lors, que le restant de la requête est manifestement

mal fondé (article 27, paragraphe 2 (art. 27-2) de la Convention);

Par ces motifs, déclare la requête irrecevable.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Commission, X. c. la REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE, 23 mai 1966, 1794/63