CEDH, Commission, X. c. la REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE, 8 avril 1967, 2046/63

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission, 8 avr. 1967, n° 2046/63
Numéro(s) : 2046/63
Publication : Recueil 24, pp. 1-7
Type de document : Recevabilité
Niveau d’importance : Importance élevée
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-27888
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1967:0408DEC000204663
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Texte intégral

EN FAIT

Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:

La requérante, née en 1901 en Russie, apatride, domiciliée à

Berlin-Ouest, acquit avant la deuxième guerre mondiale une propriété

immobilière (terrains et deux maisons) à Hambourg et transforma les

maisons en une pension pour vieillards. Pendant la guerre, les maisons

furent détruites. En 1946, la requérante aurait déjà projeté de

reconstruire sa pension avec 200 lits; le financement en aurait déjà

été assuré.

Mais en 1946, les forces d'occupation décidèrent de réquisitionner un

grand terrain (dont ceux appartenant à la requérante) pour y construire

leur quartier général. Mais ce projet fut rapidement abandonné et

Hambourg reprit les terrains et les fondations déjà entamées pour y

construire des immeubles à appartements. La Ville de Hambourg créa à

cet effet une société d'utilité publique de construction immobilière

("Gemeinnützige Siedlungs-AG "SAGA"). La Ville de Hambourg voulut alors

acheter des terrains qui n'étaient pas encore sa propriété, mais la

requérante refusa de vendre. Ceci fut le point de départ d'un litige

qui fut mené sous trois angles différents et qui n'est pas encore clos

à l'heure actuelle.

A. La procédure d'expropriation

En 1950, Hambourg décida d'exproprier la requérante, mais ayant dépassé

les délais, la Ville ne put aboutir dans sa décision.

Hambourg voulut alors exproprier une nouvelle fois la requérante et le

... 1958 la "Bürgerschaft" (Assemblée législative du "Land" Hambourg)

adopta une demande en ce sens du "Senat" (Gouvernement du "Land"). La

requérante introduisit un recours contre cette décision devant le

Tribunal Administratif de Hambourg et celui-ci annula (jugement du ...

1958) la décision au motif qu'une nouvelle procédure d'expropriation

d'une même propriété était illégale.

Hambourg interjeta appel de ce jugement et, le ... 1959, le Tribunal

Administratif Supérieur (Oberverwaltungsgericht) de Hambourg admit cet

appel en disant qu'une nouvelle expropriation était possible.

Mais le .. 1965, le Tribunal Administratif Fédéral

(Bundesverwaltungsgericht) cassa ce jugement, déclara non valable

("nicht wirksam") l'expropriation et essaya de conclure l'affaire à

l'amiable, la Ville ayant offert à X la somme de 1.000.000 DM en

espèces ainsi que le remboursement de ses dettes et frais de justice

dont la somme finale se monte à environ 300.000 DM.

La requérante refusa cette offre.

La Cour Administrative Fédérale avait examiné les dispositions du Land

de Hambourg (Landesrechtliche Vorschriften) sous l'angle de leur

compatibilité avec le droit constitutionnel et était arrivée à la

conclusion suivant laquelle l'expropriation était illégale. En effet,

selon l'article 14 paragraphe 3 de la Loi fondamentale: "Ce n'est que

lorsqu'il n'existe aucun autre moyen d'atteindre le but poursuivi par

une expropriation - moyen dont l'incidence sur les droits de l'individu

passible d'expropriation est moindre - qu'une expropriation peut être

juridiquement admise." La Cour Fédérale avait estimé, au vu de

l'ensemble des circonstances de cette affaire, que l'expropriation

(moyen ultérieur) manquait en l'occurrence de toute base juridique.

B. La procédure judiciaire

Parallèlement à cette action d'expropriation, la requérante essaya par

la voie judiciaire de parvenir à ses fins, Hambourg et elle-même

n'ayant pu se mettre d'accord sur le montant de l'indemnité de

l'expropriation.

La requérante demanda alors, auprès du Tribunal régional (Landgericht)

de Hambourg, que la Ville de Hambourg (i.e. SAGA):

1. lui restitua sa propriété;

2. lui communique le compte du revenu retiré des immeubles à

appartements sis sur ses terrains (Auskunft über die gezogenen

Nutzungen);

3. lui restitue ce revenu (Herausgabe der Nutzungen);

4. lui verse le revenu futur (Herausgabe der zukünftigen Nutzungen).

Le ... 1955, le Tribunal régional (Landgericht) de Hambourg condamna

la SAGA à répondre au point 2). Ce jugement fut confirmé la Cour

d'Appel (Hanseatisches Oberlandesgericht) de Hambourg le ... 1956 et

par la Cour Fédérale de Justice (Bundesgerichtshof) le ... 1958. La

Cour Fédérale précisa à ce propos que X était toujours propriétaire de

ses terrains et que les portions des immeubles sises sur ces terrains

lui appartenaient aussi.

Le ... 1960, le Tribunal régional (Landgericht) de Hambourg rendit son

verdict sur les points 1) et 3) susmentionnés, la requérante ayant

retiré le point 4). Le Tribunal débouta la requérante au motif que son

intransigeance dans la demande de restitution constituait un abus de

droit (Rechtsmissbrauch), étant donné qu'elle essayait ostensiblement

non pas d'obtenir une solution juste et équitable, mais de créer des

ennuis à la collectivité.

La requérante interjeta appel de ce jugement; la Cour d'Appel

(Hanseatisches Oberlandesgericht) de Hambourg, le ... 1961, décida que

la SAGA devait restituer la propriété moyennant le paiement par la

requérante à la SAGA du prix des immeubles (environ 772.000 DM).

La requérante s'est alors pourvue en cassation et la Cour Fédérale de

Justice (Bundesgerichtshof), le ... 1964, a cassé le jugement d'appel

pour autant qu'elle n'avait pas rejeté la demande reconventionnelle de

la SAGA.

Entre-temps, les terrains donnant lieu au litige en question ayant fait

l'objet d'une vente aux enchères (cf. point C.), la SAGA a déclaré que

la demande de la requérante tendant à la restitution des terrains était

devenue sans objet. Celle-ci ne s'y est pas opposée. La SAGA a, en même

temps, modifié sa demande reconventionnelle en demandant la

condamnation de la requérante au paiement de la somme de 135.000 DM.

La requérante a fait opposition à cette demande.

La Cour d'Appel de Hambourg a rendu son arrêt le ... 1967 en rejetant

la demande reconventionnelle de SAGA, à savoir le paiement de la somme

de 135.000 DM, comme dénuée de fondement.

C. La procédure de la vente aux enchères

Simultanément, quelques créanciers de la requérante, parmi lesquels

l'Administration hambourgeoise des Contributions directes (Finanzamt

für Verkehrsteuern), la "Bank Y", le "Senat" de Hambourg ont demandé

la vente aux enchères des terrains appartenant à la requérante pour des

créances d'environ 70.000 DM. Cette vente aux enchères a été fixée au

... 1966. Ce jour-là, la SAGA a acheté aux enchères les terrains en

litige. La requérante a introduit un recours contre cette vente,

décidée par le Tribunal cantonal (Amtsgericht) de Hambourg (Beschwerde

gegen den Zuschlagsbeschluss des Amtsgerichts vom ... und ... 1966).

Le ... 1966, le Tribunal régional (Landgericht) de Hambourg a admis ce

recours et a annulé la décision de vente aux enchères

(Zuschlagsbeschluss) comme ayant violé les articles 43, paragraphe 1

du ZVG-Zwangsversteigerungsgesetz - loi relative à la vente aux

enchères forcée - (la publicité légale de la vente aux enchères a été

rédigée d'une manière incomplète) et 44, paragraphe 1 (l'offre minimum

- geringstes Gebot - n'a pas été établie conformément à la loi). Un des

créanciers de X et la SAGA ont alors introduit un recours contre la

décision du ... 1966 auprès de la Cour d'Appel (Hanseatisches

Oberlandesgericht).

La Cour d'Appel, après avoir demandé des suppléments d'information

(expertises, avis, etc. - cf. décision du ... 1966), a décidé le ...

1966 de confirmer la décision de vente aux enchères

(Zuschlagsbeschluss) du Tribunal cantonal susmentionné; elle a en

conséquence réfuté les moyens énoncés par le Tribunal régional, quant

à la publicité, et ceux énoncés quant à l'offre minimum en disant que

la requérante ne les avait pas soutenus.

La requérante accuse la Ville de Hambourg d'avoir violé son droit à la

propriété.

Elle demande à la Commission qu'elle l'aide à récupérer sa propriété

et que les préjudices qu'elle a subis soient réparés.

Elle prie aussi la Commission de condamner la Ville de Hambourg à ce

que celle-ci

- lui fasse construire (tout compris) un hôtel de 500 lits sur un

terrain en centre-ville dans le cas où la vente aux enchères des

terrains en litige resterait annulée; dans le cas contraire, X exige

que la Ville lui rende ses terrains, qu'elle détruise les immeubles qui

y sont construits et qu'elle y élève l'hôtel en question;

- lui paie pour 250 lits le prix de 5 DM par nuit et par lit depuis le

... 1947 ainsi que tous les intérêts et les intérêts des intérêts et

compte tenu de la dévaluation monétaire;

- rembourse toutes les dettes qu'elle a dû faire depuis le 1er mars

1946;

- lui reconstruise et équipe sa fabrique d'eau minérale qui doit aussi

être vendue aux enchères (X exige que, dans le cas de la vente,

Hambourg lui restitue cette fabrique);

- lui paie à partir du ... 1965 une pension mensuelle de 1.500 DM.

Elle demande d'autre part à la Commission que celle-ci déclare

monétairement stable ses biens (liquides) ("Mein Vermögen als

währungsfest zu erklären") et qu'elle annule le dernier arrêt de la

Cour Fédérale.

La requérante s'était présentée au Secrétaire de la Commission le ...

1966. Elle s'était plainte de ce que la procédure devant les Tribunaux

allemands traîne depuis des années et avait soutenu qu'elle ne pouvait

pas respecter l'article 26 de la Convention car, à cause de la lenteur

des juridictions allemandes, elle ne pourrait pas, dans sa vie, épuiser

les voies de recours; qu'elle demanderait à la Commission par écrit de

tenir compte de ce fait et d'examiner l'affaire dans l'état actuel du

dossier. Une telle lettre n'est pas parvenue au Secrétaire, celui-ci

a donc demandé à plusieurs reprises de le tenir au courant et de lui

faire parvenir les pièces des décisions encore prises au sujet de sa

requête par les autorités allemandes.

EN DROIT

En ce qui concerne les procédures d'expropriation des terrains

appartenant à la requérante,

Considérant, pour autant que la requérante se plaindrait des procédures

d'expropriation de ses terrains, entamées et poursuivies par la SAGA,

que l'examen du dossier ne permet de dégager, en l'état, aucune

apparence de violation des droits et libertés garantis par la

Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés

fondamentales; que la Commission tient à souligner que la requérante

n'a jamais été légalement privée de son droit de propriété (cf.

décision du Tribunal Administratif fédéral du ... 1965); qu'il échet

donc de rejeter cette partie de la requête pour défaut manifeste de

fondement en vertu de l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2);

En ce qui concerne les procédures engagées par la requérante en vue

d'obtenir la restitution de ses terrains,

Considérant, pour autant que celle-ci se plaindrait également de ces

procédures, que l'examen du dossier ne permet de dégager en l'état,

même d'office, aucune apparence de violation des droits et libertés

définis dans la Convention et en particulier de l'article 6 paragraphe

1 (art. 6-1);

Qu'il importe spécialement de rappeler en ce qui concerne les décisions

judiciaires litigieuses (cf. point B des faits) que la Commission a

pour seule tâche d'assurer le respect des engagements résultant de la

Convention pour les Etats Contractants (article 19 (art. 19)); qu'il

en découle notamment qu'elle ne peut retenir une requête individuelle

(article 25 (art. 25)) relative à des erreurs de fait ou de droit

prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la

mesure où ces erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une

juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui

semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et

libertés garantis par la Convention (cf. parmi beaucoup d'autres, les

décisions relatives aux requêtes No 458/59, Annuaire III, page 233 et

No 1140/61, Recueil VIII, page 57), ce qui n'est point le cas en

l'espèce;

Qu'il appert donc que sous ce rapport aussi - la requête est

manifestement mal fondée (article 27 paragraphe 2 (art. 27-2) de la

Convention);

En ce qui concerne les procédures de vente aux enchères desdits

terrains

Considérant, pour autant que la requérante se plaindrait aussi de ces

dernières procédures, que la Commission a examiné cette partie de la

requête tant sous l'angle de l'article 1 du Protocole Additionnel

(P1-1) à la Convention que de l'article 6 (art. 6) de la Convention;

que l'examen du dossier ne permet de dégager, en l'état et sur les

points considérés, aucune apparence de violation des droits et libertés

garantis par la Convention;

Qu'elle relève tout d'abord, que dans les procédures susvisées, le

droit de propriété de la requérante, tel qu'il est garanti par ledit

article 1 (art. 6-1), n'a pas été affecté, les terrains en question

ayant fait l'objet d'une saisie en vue de la vente aux enchères;

Qu'elle estime ensuite que les prescriptions de l'article 6 (art. 6)

ont été respectées au regard de la requérante pour ce qui est desdites

procédures;

Qu'il y a lieu, par conséquent, de repousser la requête, ici aussi,

pour défaut manifeste de fondement (article 27 paragraphe 2

(art. 27-2));

Considérant, quant au restant de la requête, que la requérante demande

à la Commission d'entreprendre certaines démarches en vue d'un

règlement de son affaire; que lesdites démarches ne rentrent pas parmi

les tâches que la Convention assigne à la Commission; qu'il y a lieu

de déclarer ces démarches incompatibles avec les dispositions de la

Convention (article 27 paragraphe 2 (art. 27-2));

Par ces motifs déclare la requête irrecevable.

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CEDH, Commission, X. c. la REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE, 8 avril 1967, 2046/63