CEDH, Commission, X. c. la REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE, 15 décembre 1969, 3745/68

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission, 15 déc. 1969, n° 3745/68
Numéro(s) : 3745/68
Publication : Recueil 31, pp. 107-111
Type de document : Recevabilité
Niveau d’importance : Importance élevée
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-27925
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1969:1215DEC000374568
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Texte intégral

EN FAIT

Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:

Le requérant, apatride, est né en 1934 à Sarajevo - Yougoslavie). Lors

de l'introduction de la requête, il se trouvait en détention à la

prison de Cologne.

1. De 1938 à 1945, le requérant vécut au sein de la famille R.L. de

nationalité allemande. En 1939, M. et Mme B. quittèrent la Yougoslavie

pour aller s'installer à Brüx (Pays des Sudètes), où le requérant

devint membre de la jeunesse national-socialiste et fréquenta l'école

allemande. Il prétend avoir été adopté par les époux B. et avoir porté

le nom de J.B. Son père adoptif, soldat allemand, l'aurait fait

réenregistrer, à son retour de la guerre, sous le nom de J.N., afin -

disait-il - de le protéger contre les représailles de la police

tchèque. En effet, le Pays des Sudètes était redevenu tchèque à la fin

des hostilités.

Le couple divorça en 1950. Mme B. s'installa en République Fédérale

d'Allemagne, alors que R.B. demeura en Tchécoslovaquie.

Selon la déposition de témoignage de R.B. devant l'Office pour les

Réfugiés (Vertriebenenamt) de la circonscription de Friedberg à la date

du .. février 1968 le couple B n'avait jamais adopté le requérant, bien

que ce fût le désir de Mme B. laquelle lui avait procuré un acte de

naissance au nom de J.B.

En 1954 R.B. quitta la Tchécoslovaquie. Le requérant n'ayant pas reçu

de permis de sortie essaya néanmoins de passer la frontière et fut

arrêté. En 1956, il obtint l'autorisation de quitter la Tchécoslovaquie

pour la République Fédérale d'Allemagne.

Il prétend avoir été enregistré au camp des réfugiés de Hof sous le nom

de J.B., bien que l'Office pour les Réfugiés de Dortmund l'eût

enregistré en 1957 sous le nom de J.N.

2. Le .. novembre 1964, le maire de Francfort ordonna l'interdiction

de séjour du requérant tant en République Fédérale d'Allemagne qu'à

Berlin. La raison en était que depuis son arrivée en République

Fédérale d'Allemagne, le requérant avait subi neuf condamnations

pénales et avait été en détention pendant cinq ans. Le maire constata

que le requérant avait séjourné en République Fédérale d'Allemagne

illégalement parce qu'il avait omis de régulariser sa situation auprès

de la police des étrangers. Le maire fit état de ce que, d'après

l'article 1er de l'Ordonnance de la police des étranger

(Ausländerpolizeiverordnung) le permis de séjour n'est accordé à un

étranger ou apatride que dans la mesure où celui-ci est digne de

l'hospitalité qui lui est offerte. Or, le maire considéra que le

comportement du requérant ne répondait pas aux exigences de cet article

et qu'en l'occurrence sa présence sur le territoire allemand

constituait un danger pour l'ordre public. Le maire décréta l'expulsion

immédiate. Cette décision lui fut signifiée par la voie de la presse

(entre le .. novembre et le .. décembre 1964), étant donné

l'inexistence d'un domicile fixe.

Arrêté à Cologne en 1967, le tribunal administratif de Francfort rejeta

la demande comme étant irrecevable, considérant que le requérant avait

omis en 1964 de faire opposition contre la décision du maire.

Contre cette décision, le requérant introduisit un recours (Beschwerde)

auprès de la cour administrative (Verwaltungsgerichtshof) de Francfort.

Celle-ci rejeta le recours pour défaut manifeste de fondement à la date

du .. février 1968. Elle confirma la décision de l'instance inférieure

en constatant qu'il n'y avait rien à objecter à la décision du maire

suivant laquelle J.N. ne pouvait être considéré comme sujet allemand,

car il y avait eu le témoignage de R.B. devant l'Office pour les

Réfugiés de Friedberg (le .. février 1968) et, d'autre part, l'acte de

naissance fourni à la cour était au nom de N.

Le requérant estime avoir épuisé toutes les voies de recours mises à

sa disposition par le droit allemand.

Le requérant allègue la violation des articles 2 al. 1, 3, 4 al. 2, 7

al. 1 et 9 al. 1 de la Convention.

Il se plaint du refus des tribunaux et des autorités compétentes de lui

accorder le permis de séjour en République Fédérale d'Allemagne.

Il se considère comme sujet allemand et pense qu'il ne peut donc faire

l'objet d'une expulsion. Il ajoute qu'à supposer même qu'il soit

considéré comme n'étant pas de nationalité allemande, une expulsion

serait injustifiée parce qu'il aurait perdu en trente ans d'absence de

la Yougoslavie ses droits de citoyen yougoslave. Il deviendrait dès

lors apatride et, selon lui, l'expulsion d'un apatride contre son gré

ne serait pas dans le domaine des possibilités. Il en tire la

conclusion que le permis de séjour en République Fédérale d'Allemagne

doit lui être accordé.

Il prie la Commission d'examiner à fond son cas, de constater qu'il est

ressortissant allemand, ou alors d'intervenir auprès du Gouvernement

de la République Fédérale d'Allemagne pour qu'il lui donne la chance

de prouver qu'il est bien citoyen allemand.

EN DROIT

Considérant tout d'abord, pour autant que le requérant se plaint du

refus des tribunaux et autorités compétentes de lui accorder le permis

de séjour en République Fédérale d'Allemagne, ainsi que de leur refus

de reconnaître sa nationalité allemande, qu'aux termes de son article

1er (art. 1), la Convention des Sauvegarde des Droits de l'Homme et des

Libertés fondamentales garantit uniquement "les droits et libertés

définis (en son) Titre I"; que tout grief formulé par une personne

physique, une organisation non gouvernemental ou un groupe de

particuliers doit avoir trait, selon l'article 25, par. 1 (art. 25-1),

à une atteinte alléguée à ces droits et libertés, faute de quoi son

examen échappe à la compétence ratione materiae de la Commission; que

le droit de résider sur le territoire d'un Etat de son choix ainsi que

le droit à l'octroi d'une nationalité ne figurent pas, en tant que

tels, parmi lesdits droits et libertés, ainsi d'ailleurs que la

Commission l'a constaté dans de nombreuses décisions antérieures (cf.

par exemple, la décision sur la recevabilité des requêtes no 288/57,

Ann. I, p. 210 et no 1688/62, Recueil Dec. 1964, Vol. I); que la

requête est donc, sous ce rapport, incompatible avec les dispositions

de la Convention, au sens de l'article 27, par. 2 (art. 27-2);

Considérant que le requérant se plaint, par ailleurs, de l'ordre

d'expulsion décerné à son encontre par les autorités allemandes;

Que la Commission tient à relever que si, en effet, la matière de

l'expulsion et du droit d'asile ne compte pas, par elle-même au nombre

de celles que régit la Convention, les Etats n'en ont pas moins accepté

de restreindre le libre exercice des pouvoirs que leur confère le droit

international général, y compris celui de contrôler l'entrée et la

sortie des étrangers, dans la mesure et la limite des obligations

qu'ils ont assumées en vertu de la Convention; que dès lors l'expulsion

d'un individu peut, dans certains cas exceptionnels, se révéler

contraire à la Convention et, en particulier, à son Article 3 (art. 3),

lorsqu'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il sera soumis, dans

l'Etat vers lequel il doit être dirigé à des traitements prohibés par

ce dernier article (cf. sur tous ces points les décisions sur la

recevabilité des requêtes no 2396/65, 3554/68 et 3826/68 rendues par

la Commission respectivement le 22 décembre 1967, le 30 mai 1968 et le

6 février 1969);

Qu'en examinant les circonstances de la présente affaire, la Commission

constate que rien ne permet de conclure que l'expulsion du requérant

l'exposerait à des traitements contraires à l'article 3 (art. 3) de la

Convention; qu'il échet donc de rejeter la requête, à cet égard, pour

défaut manifeste de fondement (art. 27, par. 2, (art. 27-2) de la

Convention);

Considérant enfin que la Commission a procédé à un examen d'office de

la requête sous l'angle du 4ème Protocole additionnel et notamment de

son article 3, alinéa 1 (P4-3), lequel dispose; "Nul ne peut être

expulsé par voie de mesure individuelle ou collective du territoire de

l'Etat dont il est le ressortissant";

Qu'elle constate, en premier lieu, que, bien que les faits de la cause

et les procédures engagées par le requérant se situent à une date

antérieure à l'entrée en vigueur du 4ème Protocole additionnel à

l'égard de la République Fédérale d'Allemagne, soit antérieurement au

4 juin 1968, que l'ordre d'expulsion à l'égard du requérant peut

toujours faire l'objet de mesures d'exécution et crée dès lors une

situation continue susceptible d'être examinée sous l'angle de

l'article 3, alinéa 1, du 4ème Protocole additionnel (P4-3);

Que la Commission relève, d'autre part, que le danger d'expulsion

invoqué par le requérant est une conséquence du refus des autorités

compétentes de lui octroyer la nationalité allemande; que bien que

l'examen du grief du requérant concernant le droit à la nationalité en

tant que tel échappe à la compétence ratione materiae de la Commission

(voir ci-dessus En Droit, 1er paragraphe), il se pose la question de

savoir s'il existe entre la décision des autorités allemandes refusant

au requérant la nationalité allemande et celle ordonnant son expulsion

un lien de cause à effet créant la présomption que ce refus avait pour

seul but l'expulsion hors du territoire de la République Fédérale

d'Allemagne;

Que la Commission considère néanmoins que rien ne permet de conclure,

eu égard aux circonstances particulières de cette affaire, qu'il était

dans les intentions des autorités allemandes d'opposer un tel refus

dans le seul but d'expulser le requérant;

Que la Commission en conclut qu'il n'y a aucune apparence de violation

des droits et libertés garantis par la Convention et notamment de

l'article 3, alinéa 1, du 4ème Protocole additionnel (P4-3);  qu'il

échet donc de rejeter la requête sur ce point, également, pour défaut

manifeste ode fondement en application de l'article 27, par. 2 (art.

27-2).

Par ces motifs, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

Le Secrétaire de la Commission (A.B. McNULTY)

Le Président de la Commission (M. SORENSEN)

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