CEDH, Commission, B. et autres c. la BELGIQUE, 9 décembre 1988, 11951/86
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission, 9 déc. 1988, n° 11951/86 |
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Numéro(s) : | 11951/86 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 25 novembre 1985 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-24131 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1988:1209DEC001195186 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 11951/86
présentée par B. et autres
contre la Belgique
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en
chambre du conseil le 9 décembre 1988 en présence de
MM. C.A. NØRGAARD, Président
S. TRECHSEL
E. BUSUTTIL
A.S. GÖZÜBÜYÜK
A. WEITZEL
J.C. SOYER
H.G. SCHERMERS
H. DANELIUS
J. CAMPINOS
H. VANDENBERGHE
Mme G.H. THUNE
Sir Basil HALL
MM. F. MARTINEZ
C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 25 novembre 1985 par B. et autres
contre la Belgique et enregistrée le 20 janvier 1986 sous le No de
dossier 11951/86 ;
Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de
la Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
La première requérante est une étudiante de nationalité
marocaine née en 1960 à Tetouan (Maroc) et actuellement domiciliée à
Liège (Belgique). Le second requérant est un étudiant de nationalité
zaïroise né en 1965 à Vanga (Zaïre) et domicilié à Bandalungwa
(Zaïre). La troisième requérante est une étudiante de nationalité
marocaine née en 1965 au Maroc, actuellement domiciliée à
Hermalle-sous-Huy (Belgique). La quatrième requérante est une
étudiante de nationalité italienne née en 1967 à Herstal (Belgique) et
actuellement domiciliée dans la même ville. Le cinquième requérant
est un étudiant de nationalité marocaine né en 1965 à Ouled Taima
(Maroc) et actuellement domicilié à Charleroi (Belgique). Devant la
Commission, les requérants sont représentés par Maîtres Luc Misson et
Jean-Pierre Moens, avocats au barreau de Liège.
Les faits de la cause, tels que présentés par les requérants,
peuvent être résumés comme suit.
A partir de l'année académique 1976-1977, un droit
d'inscription complémentaire (appelé aussi minerval) fut instauré à
charge des élèves et étudiants de nationalité étrangère dont les
parents ne sont pas domiciliés en Belgique, inscrits dans les
établissements d'enseignement public ou libres subventionnés belges.
La réglementation afférente à ce droit d'inscription supplémentaire
fut élaborée annuellement par circulaires ministérielles des
ministres de l'Education nationale prises sur base d'un article
inséré, chaque année, dans les lois budgétaires annuelles. Cet
article disposait que "par dérogation à l'article 12 de la loi du 29
mai 1959, le Ministre peut fixer un minerval pour les étudiants
étrangers dont les parents ne résident pas en Belgique...". Les
requérants relèvent qu'aucune des circulaires réglementant la matière
n'a fait l'objet d'une publication dans les formes déterminées par la
loi et qu'elles n'ont, en conséquence, jamais acquis valeur
obligatoire (ils relèvent, entre autres, l'absence d'avis préalable
du Conseil d'Etat et de publication au Moniteur belge). Cette
réglementation constitue une exception au principe de la gratuité de
l'enseignement gardien, primaire et secondaire, dans l'enseignement
public et l'enseignement libre subventionné par l'Etat, consacré par
l'article 12 de la loi du 29 mai 1959.
La réglementation du droit d'inscription supplémentaire fit
l'objet de nombreuses contestations tant devant les juridictions
nationales que devant les instances de la Communauté économique
européenne. De façon générale, les décisions sur ces contestations
constatèrent l'illégalité de cette réglementation.
Pour l'année scolaire 1984-1985, un arrêté ministériel du 1er
août 1984, publié au Moniteur belge, fixa la procédure de perception
du droit d'inscription complémentaire. Les requérants relèvent
toutefois que cet arrêté a été pris sans avoir fait l'objet d'un avis
préalable du Conseil d'Etat et en violation des engagements
internationaux de la Belgique. Cette nouvelle réglementation fit
également l'objet de nombreuses contestations de façon générale et les
juridictions internes constatèrent l'illégalité de cet arrêté.
Le 21 juin 1985, une loi fut adoptée pour tenter de régler
définitivement le problème du droit d'inscription complémentaire des
étudiants étrangers dont les parents ne sont pas domiciliés en
Belgique. Le chapitre VII de la loi instaure d'une manière permanente
(et non plus annuelle) le principe de l'exigibilité d'un minerval pour
tous les étudiants étrangers dont les parents non belges ne résident
pas en Belgique. Le chapitre VIII de la loi prévoit l'interdiction
pure et simple du remboursement des droits d'inscription perçus
irrégulièrement selon les requérants, depuis 1976. L'article 63 de la
loi belge est rédigé en ces termes :
"Les minervals ou droits d'inscription complémentaires perçus
entre le 1er septembre 1976 et le 31 décembre 1984 ne seront en aucune
façon remboursés. Toutefois, les minervals ou droits d'inscription
complémentaires perçus à charge des élèves et étudiants ressortissants
d'un Etat membre de la Communauté économique européenne, qui ont suivi
une formation professionnelle, seront remboursés sur base des
décisions de justice rendues à la suite d'une action en remboursement
introduite devant les cours et tribunaux avant le 13 février 1985."
Pour l'année scolaire 1985-1986, le montant du minerval
s'élevait à
- 14.000 FB pour l'enseignement primaire
- 35.000 FB pour l'enseignement secondaire
- de 60 à 80.000 FB pour l'enseignement supérieur
- de 60 à 265.000 FB pour l'enseignement universitaire.
Ces montants sont inchangés depuis 4 ans.
La première requérante, après avoir effectué ses études
primaires et secondaires au Maroc, vint en Belgique en 1983 pour
obtenir une formation d'assistante sociale.
Le 24 août 1983, elle paya une somme de 45.000 FB à titre de
droit d'inscription complémentaire pour l'année scolaire 1983-1984.
Cette même somme lui fut réclamée pour l'année scolaire
1984-1985. Cependant, une ordonnance du 13 décembre 1984 du président
du tribunal de première instance de Liège (compétent, en cas d'urgence,
pour prendre des mesures provisoires ne faisant aucun préjudice au
fond de l'affaire, en vertu des articles 806 et 809 du Code de
procédure civile), siégeant en référé, ordonna son inscription comme
étudiante régulière sans paiement de droit d'inscription
complémentaire. Il estimait en effet que la dette réclamée n'était
pas d'une légalité certaine.
La requérante note cependant que cette décision n'a pas été
exécutée, puisque le vérificateur du Ministère de l'éducation
nationale francophone refuse de la considérer comme étudiante
régulière, de sorte qu'elle est menacée de ne pas voir son diplôme
homologué.
Le 12 octobre 1984, la requérante introduisit devant le
Conseil d'Etat une requête en annulation de l'arrêté ministériel du
1er août 1984 fixant le minerval pour le 1er trimestre de l'année
scolaire 1984-1985. Cette procédure est toujours pendante.
Le second requérant est orphelin de père et de mère. Par
décision du tribunal de ville de Kinshasa, sa tutelle fut confiée à
son frère qui est de nationalité belge par naturalisation.
Après avoir effectué ses études primaires au Zaïre et
poursuivi des études d'enseignement technique en Belgique, son tuteur
paya, pour les années scolaires 1981-1982 et 1982-1983, une somme de
104.600 FB à titre de minerval. Les enfants étrangers dont les
tuteurs sont domiciliés en Belgique sont dispensés du minerval, mais
le vérificateur du Ministère de l'éducation nationale francophone
refusa de reconnaître la tutelle au motif qu'elle n'avait pas fait
l'objet d'un jugement d'un tribunal belge.
Une somme de 38.000 FB fut réclamée pour l'année scolaire
1983-1984. Cependant, par ordonnance du 15 décembre 1983 du président
du tribunal de première instance de Liège siégeant en référé, l'Etat
belge se vit interdire de s'opposer à l'inscription régulière du
requérant, sans paiement d'un droit d'inscription complémentaire.
Le 13 janvier 1984, son tuteur assigna l'Etat belge devant le
Tribunal de première instance de Liège pour obtenir sa condamnation au
remboursement de la somme de 104.600 F. Par jugement du 15 mars 1985,
il obtint satisfaction à concurrence d'un franc à titre
provisionnel. L'Etat belge interjeta appel de cette décision.
La troisième requérante fut confiée, suite au divorce de ses
parents, en 1967, à un neveu de son père et vit en Belgique depuis
1967. Depuis 1978, elle poursuit des études secondaires en Belgique.
Le 11 novembre 1980, un acte d'adoption (khefala) fut reçu à
Bouarfa au Maroc. Le ministre de l'Education nationale francophone
refusa de reconnaître l'acte d'adoption reçu au Maroc et réclama donc
le paiement des droits d'inscription complémentaires.
La requérante, ayant refusé de payer les droits d'inscription
complémentaires réclamés, se vit contester (et se voit encore
contester) le statut d'élève régulière. Il lui fut annoncé qu'elle ne
pourrait pas recevoir un diplôme homologué à la fin de ses études, à
moins de présenter (et de réussir) devant le Jury d'état, épreuves
prévues pour les personnes n'ayant pas suivi ou pas suivi
régulièrement un cycle d'étude.
Le 19 décembre 1983, le président du tribunal de première
instance de Liège siégeant en référé ordonna l'inscription régulière
de la requérante sans paiement du droit d'inscription complémentaire.
L'Etat belge n'interjeta pas appel de cette ordonnance signifiée le
22 mai 1984.
La quatrième requérante vit en Belgique depuis sa naissance.
Ses grands-parents paternels s'établirent en Belgique en 1950.
Cependant, ses parents quittèrent la Belgique en 1976 pour aller
travailler en Espagne. De la sorte, la requérante fut amenée à
payer un minerval de 11.006 FB pour l'année 1979-1980, de 21.723 FB pour
l'année 1980-1981, de 21.793 FB pour l'année 1981-1982 et de 40.000
FB pour l'année 1982-1983 afin de pouvoir poursuivre ses études
secondaires en Belgique.
Pour l'année scolaire 1983-1984, un droit d'inscription
complémentaire de 35.000 FB lui fut réclamé. Par ordonnance du 20
janvier 1984 du président du tribunal de première instance de Liège
siégeant en référé, la requérante fut cependant autorisée à s'inscrire
sans être tenue au paiement d'un droit d'inscription complémentaire.
Le 30 septembre 1983, les parents de la requérante
introduisirent, tant en leur nom personnel qu'en tant que
représentants légaux de leur fille, une requête en annulation de la
circulaire ministérielle du 1er août 1983. La procédure est toujours
en cours, mais l'Auditeur près du Conseil d'Etat a toutefois rendu un
avis concluant à l'annulation.
En mai 1984, les parents et les grands-parents paternels de la
requérante assignèrent l'Etat belge en remboursement de la somme de
107.729 F payés de 1979 à 1982 à titre de droits d'inscription
complémentaires. L'affaire est pendante devant le tribunal de
première instance de Liège. Les conseils de la requérante se disent
certains de la condamnation de l'Etat belge au remboursement des
droits payés pour les deux dernières années scolaires. Il s'agit en
effet de cours de formation professionnelle et l'article 63 par. 2 de
la loi du 21 juin 1985 dispose expressément que les droits perçus à
charge des élèves et étudiants ressortissant d'un Etat membre de la
Communauté économique européenne ayant suivi une formation
professionnelle seront remboursés sur base des décisions de justice
rendues suite à des demandes introduites avant le 13 février 1985.
Le cinquième requérant fut adopté par son beau-frère le
29 juillet 1982 par acte (khefala) reçu à Teïma (Maroc).
Il fut amené à payer à titre de droit d'inscription
complémentaire une somme de 6.900 F pour l'année scolaire 1980-1981 et
une somme de 35.000 F pour l'année scolaire 1983-1984. Il introduisit
devant le tribunal de première instance de Bruxelles une action en
remboursement de ces sommes. Cette affaire est toujours pendante.
Le requérant introduisit une action en référé devant le
président du tribunal de première instance de Charleroi pour être
inscrit sans paiement de droit d'inscription complémentaire pour
l'année scolaire 1984-1985. L'établissement scolaire renonça
cependant à toute subvention à l'égard du requérant de sorte qu'aucun
droit ne lui fut provisoirement plus réclamé. Le requérant s'est donc
désisté de son action en référé.
Le requérant introduisit également une action devant le
tribunal de première instance de Bruxelles en vue d'obtenir le
remboursement des sommes payées pour les années scolaires 1980-1981 et
1983-1984. Cette affaire est toujours pendante.
GRIEFS
1. Les requérants se plaignent de l'obligation de payer un droit
d'inscription complémentaire et soulignent que les montants réclamés
représentent un obstacle sérieux à l'accès à l'instruction et qu'ils
constituent même un obstacle insurmontable pour certains d'entre eux.
Ils font valoir que le droit à l'instruction est, à cet égard, un
droit fictif compte tenu du rapport entre les montants réclamés et
leurs ressources et que ce droit, tel qu'il a été défini par les
organes de la Convention, implique que l'instruction produise des
effets utiles, c'est-à-dire que les titulaires de ce droit puissent
obtenir la reconnaissance officielle des études accomplies. Ils
invoquent l'article 2 du Protocole additionnel.
2. Les deuxième, troisième et cinquième requérants font
également valoir qu'en refusant de reconnaître les actes d'adoption ou
de tutelle confirmés par les autorités étrangères, la réglementation
sur les droits d'inscription complémentaires, tant avant qu'après la
loi du 21 juin 1985, porte atteinte au droit au respect de la vie
privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention.
3. Les requérants se plaignent en outre d'être victimes d'une
discrimination fondée sur la nationalité et la fortune. Ils arguent
que des personnes issues d'un milieu fortuné ne seront pas affectées
de la même manière par l'obligation de payer un droit d'inscription
complémentaire. Ils ajoutent que le critère de la résidence des
parents, prétendûment choisi par le législateur, n'est pas le critère
effectivement retenu, puisque les étudiants belges dont les parents
résident à l'étranger et ne sont pas contribuables en Belgique, ainsi
que des étudiants d'autre nationalité (luxembourgeois et, selon les
conseils des requérants, les ressortissants CEE dans un avenir proche)
ne sont pas tenus au paiement d'un droit d'inscription complémentaire.
Ils relèvent que le critère retenu est donc celui de la nationalité.
Ils invoquent à cet égard l'article 14 de la Convention, combiné avec
l'article 2 du Protocole additionnel.
4. Les requérants se plaignent aussi de la violation de
l'article 1er du Protocole additionnel. Ils rappellent que l'article
63 de la loi du 21 juin 1985 prévoit que, même en présence d'une
décision passée en force de chose jugée, aucun remboursement ne sera
effectué. Ils estiment qu'eu égard à la situation législative et
réglementaire relative à la période du 1er septembre 1976 au 30 juin
1985, ceux qui ont payé un minerval à cette époque ont effectué un
paiement qui n'est pas dû et rappellent que tous les tribunaux qui ont
eu à se prononcer sur cette question ont reconnu le droit des
étudiants étrangers ayant payé le droit d'inscription complémentaire
dans ces conditions à être remboursés. Ils allèguent en outre que le
second paragraphe de l'article 1er est inapplicable au cas d'espèce.
5. Les requérants se plaignent enfin de la violation des articles
6 et 13 de la Convention. Ils rappellent qu'ils ont tous droit à
l'instruction, à un traitement non discriminatoire dans l'exercice de
ce droit et qu'ils possèdent également un droit civil au remboursement
des droits d'inscription complémentaires indûment payés. Ils relèvent
que l'Etat belge, défendeur dans de multiples procès mal engagés pour
lui, fait appel au pouvoir législatif pour modifier la loi avec effet
rétroactif et changer ainsi les données du débat judiciaire, l'article
63 de la loi du 21 juin 1985 prévoyant que les créances ne seront pas
exécutées même si elles sont constatées par un titre judiciaire, selon
eux, comme un véritable déni du droit d'accès aux tribunaux en
matière civile. Ils s'appuient sur l'avis rendu par le Conseil d'Etat
à propos du projet de loi qui allait aboutir à la loi du 21 juin 1985,
où cette juridiction constatait qu'un tel mécanisme supprimait
délibérément toute possibilité de contester devant une juridiction
l'irrégularité commise et qu'il consacrait une véritable "paralysie du
contrôle juridictionnel".
EN DROIT
1. Les requérants font valoir que l'obligation de payer un droit
d'inscription complémentaire constitue une violation de l'article 2 du
Protocole additionnel (P1-2).
Il est vrai que l'article 2 du Protocole additionnel (P1-2)
dispose que nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction.
Même à supposer que l'article 2 du Protocole additionnel
(P1-2) protège le droit d'accès aux études supérieures, la Commission
n'est pas appelée à se prononcer sur le point de savoir si les faits
allégués par les requérants révèlent l'apparence d'une violation de
cette disposition. En effet, aux termes de l'article 26 (Art 26) de
la Convention, "la Commission ne peut être saisie qu'après
l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu
selon les principes de droit international généralement reconnus".
En l'espèce, les requérants ont, quant à ce grief, omis de
saisir les tribunaux civils d'une demande visant à obtenir une
décision sur le fond. Si les cinq requérants ont saisi le président
du tribunal de première instance statuant en référé, cette démarche ne
peut être considérée comme une voie de recours normale permettant
d'obtenir une décision sur le fond du litige, puisque, dans le cadre
de cette procédure, seules des mesures provisoires ne faisant aucun
préjudice au principal peuvent être obtenues (art. 806 et 809 du Code
de procédure civile). La Commission observe également que la première
requérante a saisi le Conseil d'Etat d'une requête en annulation de
l'arrêté ministériel du 1er août 1984 et la quatrième requérante
l'annulation de la circulaire ministérielle du 1er août 1983, mais que
ces deux procédures sont toujours en cours. Les requérants n'ont, par
conséquent, pas épuisé les voies de recours dont ils disposaient en
droit belge. De plus, l'examen de l'affaire, telle qu'elle a été
présentée, n'a permis de déceler aucune circonstance particulière qui
aurait pu dispenser les requérants, selon les principes de droit
international généralement reconnus en la matière, d'épuiser les voies
de recours internes.
Il s'ensuit que les requérants n'ont pas satisfait à la
condition relative à l'épuisement des voies de recours internes et que
la requête doit être rejetée, sur ce point, conformément à l'article
24 par. 3 (Art. 24-3) de la Convention.
2. Les deuxième, troisième et cinquième requérants font valoir
qu'en refusant de reconnaître les actes d'adoption ou de tutelle
confirmés par les autorités étrangères, les diverses réglementations
sur les droits d'inscription complémentaires portent atteinte au droit
au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 (Art.
8) de la Convention.
A cet égard, la Commission, se référant au considérant
précédent, relève que les trois requérants n'ont pas non plus, quant à
ce grief, épuisé les voies de recours dont ils disposaient en droit
belge.
Il s'ensuit que, quant à ce grief, les deuxième, troisième et
cinquième requérants n'ont pas non plus satisfait à la condition de
l'épuisement des voies de recours internes et que la requête doit être
rejetée sur ce point conformément à l'article 27 par. 3 (Art. 27-3) de la
Convention.
3. Les requérants se plaignent également de la violation de
l'article 14 (Art. 14) de la Convention combiné avec l'article 2 du
Protocole additionnel (P1-2) au motif qu'ils seraient victimes d'une
discrimination fondée sur la nationalité et la fortune.
A cet égard, la Commission, se référant au premier
considérant, observe que les requérants n'ont pas, quant à ce grief,
épuisé les voies de recours dont ils disposaient en droit belge.
Il s'ensuit que les requérants n'ont pas satisfait, quant à ce
grief, à la condition de l'épuisement des voies de recours internes et
que la requête doit être rejetée sur ce point conformément à l'article
27 par. 3 (Art. 27-3) de la Convention.
4. Les requérants se plaignent d'une violation de l'article 1er du
Protocole additionnel (P1-1), au motif que l'article 63 de la loi du
21 juin 1985 dispose que, même en présence d'une décision passée en
force de chose jugée, aucun remboursement ne sera effectué.
L'article 1er du Protocole additionnel (P1-1) dispose que
toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.
La Commission estime cependant, eu égard aux faits de
l'espèce, que l'article 63 de la loi du 21 juin 1985 n'a nullement eu
pour effet de priver les requérants d'un bien dont ils étaient
propriétaires.
Il n'y a donc, en l'espèce, aucune apparence de violation de
l'article 1 du Protocole additionnel (P1-1) et la requête est, sur ce
point et quant à ces requérants, manifestement mal fondée, au sens de
l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
5. Les requérants se plaignent enfin de la violation des articles
6 et 13 (Art. 6, 13) de la Convention, au motif que l'article 63 de la
loi du 21 juin 1985 porte atteinte à leur droit à l'octroi d'un
recours effectif devant une instance nationale pour qu'elle se
prononce sur les violations alléguées des articles 1er et 2 du
Protocole additionnel (P1-1, P1-2).
L'article 6 par. 1 (Art. 6-1) de la Convention prévoit
notamment que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera ...
des contestations sur ses droits et obligations de caractère
civil...". Dans son arrêt Golder, la Cour européenne des Droits de
l'Homme a ajouté que le droit d'accès aux tribunaux "constitue un
élément inhérent au droit qu'énonce l'article 6 par. 1" (Art. 6-1)
(Cour eur. D.H., arrêt Golder du 21 février 1975, Série A n° 18, par.
35 et 36, pp. 17 et 18).
D'autre part, l'article 13 (Art. 13) de la Convention prévoit
que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la
présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours
effectif devant une instance nationale.
a. Dans la présente affaire, les requérants se plaignent d'abord
de n'avoir pas pu intenter une action en remboursement des droits
d'inscription complémentaires ou poursuivre les actions déjà intentées
devant les tribunaux civils belges. Toutefois, en ce qui concerne les
premier, deuxième , troisième et cinquième requérants, rien ne les a
empêchés de saisir les tribunaux belges. Ils se sont abstenus de le
saisir ou n'ont plus intérêt à poursuivre les procédures déjà engagées
au motif que, sur base de l'article 63 de la loi du 21 juin 1985, les
droits d'inscription complémentaires déjà acquittés ne seraient pas
remboursés, même en cas de décision favorable des juridictions belges.
La Commission n'estime cependant pas que la seule existence de cette
disposition légale signifiait que les quatre requérants se voyaient
refuser accès aux tribunaux (cf. N° 7443/76, Déc. 10.12.76, D.R. 8,
pp. 218, 219). En ce qui concerne la quatrième requérante, la
Commission a déjà relevé (au point a) de son quatrième considérant)
que cette requérante remplissait les conditions requises par la
seconde phrase de l'article 63 précité et qu'elle pouvait, en cas de
décision favorable des juridictions belges, obtenir le remboursement
des droits déjà acquittés. Il s'ensuit que celle-ci dispose d'une
voie de recours pour faire examiner sa demande de remboursement.
Vu l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'examen de ce
grief, tel qu'il a été présenté, ne révèle donc aucune apparence de
violation des droits garantis par les articles 6 et 13 (Art. 6, 13) de
la Convention.
Il s'ensuit que cette partie du grief est manifestement mal
fondée, au sens de l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
b. Les requérants se plaignent d'autre part de n'avoir pas pu
saisir les tribunaux internes des atteintes alléguées à l'article 2 du
Protocole additionnel (P1-2).
A cet égard, la Commission rappelle qu'elle a déjà estimé, au
premier considérant, que les requérants ont omis, tant avant qu'après
l'entrée en vigueur de la loi du 21 juin 1985, de saisir les tribunaux
civils belges d'une demande visant à obtenir une décision statuant au
fond sur la violation alléguée de l'article 2 du Protocole additionnel
(P1-2).
Quant à cette partie du grief, les requérants avaient à leur
disposition (et ont parfois fait usage, sans cependant épuiser les
voies de recours internes) tant des actions devant les tribunaux civils
pour contester l'application à leur égard des circulaires
ministériels, arrêtés ministériels et de la loi du 21 juin 1985 que
d'actions en annulation devant le Conseil d'Etat des diverses
circulaires ministérielle et des arrêtés ministériels. En ce qui
concerne la possibilité d'intenter une action devant les tribunaux
civils pour contester l'application à leur égard de la loi du 21 juin
1985, la Commission rappelle (et les requérants reconnaissent) qu'en
raison de la prééminence des dispositions directement applicables d'un
traité international sur la loi nationale, les juridictions civiles
peuvent refuser d'appliquer une loi lorsqu'elle est contraire à des
dispositions directement applicables d'un traité international (cf.
arrêt de la Cour de cassation de Belgique dans l'affaire "Fromagerie
franco-suisse Le Ski", Cass. 27.5.1971, JT 1971, p. 460).
Il s'ensuit que cette partie du grief est manifestement mal
fondée au sens de l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire Le Président
de la Commission de la Commission
(H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)