CEDH, Commission (plénière), SENGELIN c. la FRANCE, 7 décembre 1994, 21973/93

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Plénière), 7 déc. 1994, n° 21973/93
Numéro(s) : 21973/93
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 25 mars 1993
Jurisprudence de Strasbourg : Cour Eur. D.H. Arrêt Niemietz du 16 décembre 1992, série A n° 251-B, p. 36, par. 37 in fine
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-26973
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1994:1207DEC002197393
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Sur les parties

Texte intégral

                          SUR LA RECEVABILITÉ

                      de la requête N° 21973/93

                      présentée par Germain SENGELIN

                      contre la France

      La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en

chambre du conseil le 7 décembre 1994 en présence de

           MM.   C.A. NØRGAARD, Président

                 S. TRECHSEL

                 A. WEITZEL

                 F. ERMACORA

                 E. BUSUTTIL

                 G. JÖRUNDSSON

                 A.S. GÖZÜBÜYÜK

                 J.-C. SOYER

                 H.G. SCHERMERS

                 H. DANELIUS

                 F. MARTINEZ

                 C.L. ROZAKIS

           Mme   J. LIDDY

           MM.   L. LOUCAIDES

                 J.-C. GEUS

                 M.P. PELLONPÄÄ

                 B. MARXER

                 G.B. REFFI

                 M.A. NOWICKI

                 I. CABRAL BARRETO

                 B. CONFORTI

                 N. BRATZA

                 I. BÉKÉS

                 J. MUCHA

                 E. KONSTANTINOV

                 D. SVÁBY

                 G. RESS

           M.    H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;

      Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

      Vu la requête introduite le 25 mars 1993 par Germain SENGELIN

contre la France et enregistrée le 4 juin 1993 sous le N° de

dossier 21973/93 ;

      Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

      Après avoir délibéré,

      Rend la décision suivante :

EN FAIT

      Le requérant, de nationalité française, est Premier Juge

d'instruction au tribunal de grande instance de Mulhouse. Devant la

Commission, il est représenté par Me Thierry Moser, avocat au barreau

de Mulhouse.

      Les faits tels qu'ils ont été présentés par le requérant peuvent

se résumer comme suit.

A.    Circonstances particulières de l'affaire

      Le 14 mai 1992, S.B. saisit la chambre criminelle de la Cour de

cassation, par application de l'article 662 du Code de procédure

pénale, d'une requête en dessaisissement du requérant pour cause de

suspicion légitime. Le requérant, en sa qualité de juge d'instruction

de Mulhouse, avait été saisi d'une information suivie contre lui. Dans

sa requête, S.B. se plaignait du fait que l'instruction ne se

déroulerait pas dans les conditions d'impartialité et de sérénité

nécessaires à la recherche de la vérité.

      Le 30 septembre 1992, la Cour de cassation ordonna le

dessaisissement de la juridiction du requérant, au profit de la

juridiction d'instruction de Dijon, et ce au motif que dans le cadre

de l'instruction préparatoire conduite par le requérant des chefs

d'abus de blanc seing et de tentative d'escroquerie sur plainte avec

constitution de partie civile de la société N., ladite partie civile

"a pris directement à sa charge les frais de déplacement du juge

d'instruction pour assister sur place, en Algérie, à l'exécution d'une

commission rogatoire internationale adressée aux autorités judiciaires

de ce pays". La Cour de cassation estima "que ces éléments objectifs

sont de nature à faire naître un doute sur l'impartialité du magistrat

instructeur".

      Par courrier du 17 décembre 1992, le conseil du requérant informa

le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation de

l'intention du requérant d'exercer un recours contre l'arrêt du

30 septembre 1992 dans la mesure où il estimait que cette décision

portait gravement atteinte à son honneur professionnel.

      Dans une lettre du 25 janvier 1993, le président fit notamment

savoir au conseil du requérant qu'à sa connaissance il n'existait

aucune voie de recours contre les arrêts de la nature de l'arrêt du

30 septembre 1992.

B.    Droit interne pertinent

      Article 662 du Code de procédure pénale

      "En matière criminelle, correctionnelle ou de police, la chambre

      criminelle de la Cour de cassation peut dessaisir toute

      juridiction d'instruction ou de jugement et renvoyer la

      connaissance de l'affaire à une autre juridiction du même ordre,

      soit si la juridiction normalement compétente ne peut être

      composée, ou si le cours de la justice se trouve autrement

      interrompu, soit pour cause de suspicion légitime.

      La requête aux fins de renvoi peut être présentée soit par le

      procureur général près la Cour de cassation, soit par le

      ministère public établi près la juridiction saisie, soit par

      l'inculpé, soit par la partie civile.

      La requête doit être signifiée à toutes les parties intéressées

      qui ont un délai de dix jours pour déposer un mémoire au greffe

      de la Cour de cassation.

      La présentation de la requête n'a point d'effet suspensif à moins

      qu'il n'en soit autrement ordonné par la Cour de cassation.

      Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi et dans

      les mêmes formes demander à la chambre criminelle le renvoi d'une

      affaire d'une juridiction à une autre dans l'intérêt d'une bonne

      administration de la justice."

GRIEFS

      Le requérant soulève la violation des articles 5, 6, 8, 13 et 14

de la Convention.

1.    Le requérant se plaint du fait que l'arrêt de la chambre

criminelle de la Cour de cassation du 30 septembre 1992 porterait

gravement atteinte à son honneur et à sa réputation professionnels. Il

invoque sur ce point l'article 8 de la Convention.

2.    Sous l'angle de l'article 6 de la Convention, le requérant se

plaint de la procédure diligentée devant la chambre criminelle de la

Cour de cassation qui a conduit à son dessaisissement et au renvoi de

l'affaire pour cause de suspicion légitime. En particulier, le

requérant se plaint de la violation du droit à un procès équitable, du

droit à la présomption d'innocence et des droits de défense.

3.    Le requérant allègue la violation de l'article 13 de la

Convention en ce qu'il ne disposerait d'aucun recours lui permettant

de contester l'arrêt du 30 septembre 1992. Il soulève également la

violation de l'article 14 de la Convention.

4.    Le requérant invoque enfin l'article 5 de la Convention sans plus

de précision.

EN DROIT

1.    Le requérant estime que la décision portant dessaisissement et

renvoi du dossier à une autre juridiction d'instruction porta atteinte

à son honneur et à sa réputation professionnels. Il allègue la

violation de l'article 8 (art. 8) de la Convention qui stipule que :

      "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale,

      de son domicile et de sa correspondance."

      La Commission estime que l'article 8 (art. 8) de la Convention

garantit, sous certaines conditions, le droit de jouir d'une bonne

réputation (voir, mutatis mutandis, Cour eur. D.H, arrêt Niemietz du

16 décembre 1992, série A n° 251-B, p. 36, par. 37 in fine) et d'être

protégé contre les atteintes éventuelles portées à cette réputation

(voir N° 10871/84, déc. 10.7.86, D.R. 48 pp. 154, 188).

      En l'espèce toutefois, la Commission relève que la décision

critiquée fut prise dans le cadre d'une procédure visant une bonne

administration de la justice : garantir que la cause des justiciables

sera examinée par une juridiction impartiale.

      Ainsi, la Cour de cassation constata que certains éléments

objectifs étaient réunis qui laissaient à penser que le requérant ne

remplissait plus toutes les conditions d'impartialité requises. Elle

décida en conséquence de dessaisir la juridiction du requérant et de

renvoyer le dossier à une autre juridiction d'instruction.

      La Commission est d'avis que ce faisant, la Cour de cassation n'a

fait que porter une appréciation objective sur certains faits relevant

de l'exercice par le requérant de sa fonction judiciaire.

      La Commission estime en conséquence que la décision critiquée ne

saurait être considérée comme se rattachant au droit au respect de la

vie privée protégé par l'article 8 (art. 8) de la Convention, mais

relève de l'organisation du travail judiciaire. Ce grief se situe donc

en dehors du champ d'application de l'article 8 (art. 8).

      Il s'ensuit que ce grief est incompatible rationae materiae avec

l'article 8 (art. 8) de la Convention et doit être rejeté en

application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

2.    Le requérant se plaint de la procédure diligentée devant la

chambre criminelle de la Cour de cassation qui a conduit à son

dessaisissement et au renvoi de l'affaire pour cause de suspicion

légitime. Il invoque l'article 6 (art. 6) de la Convention qui dispose

notamment que :

      "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par

      un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses

      droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de

      toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)."

      La Commission rappelle qu'en vertu de l'article 25 (art. 25) de

la Convention, elle peut être saisie par toute personne physique, toute

organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se

prétend victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention.

      En l'espèce, dans la mesure où le requérant se plaint d'une

procédure à laquelle il n'était pas partie, la Commission estime qu'il

ne peut se prétendre victime d'une violation des garanties de procédure

prescrites par l'article 6 (art. 6) de la Convention.

      Il s'ensuit que cette partie de la requête est incompatible avec

l'article 25 (art. 25) de la Convention et doit être rejetée en

application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

3.    Le requérant allègue la violation de l'article 13 (art. 13) de

la Convention en ce qu'il ne disposerait d'aucun recours contre l'arrêt

du 30 septembre 1992. Il soulève également la violation de l'article 14

(art. 14) de la Convention.

      L'article 13 (art. 13) de la Convention se lit comme suit :

      "Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la

      présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un

      recours effectif devant une instance nationale, alors même que

      la violation aurait été commise par des personnes agissant dans

      l'exercice de leurs fonctions officielles."

      L'article 14 (art. 14) est ainsi libellé :

      "La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente

      Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée

      notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la

      religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions,

      l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité

      nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation."

      La Commission rappelle que les articles 13 et 14 (art. 13, 14)

de la Convention ne confèrent pas un droit autonome, mais que leur

violation dépend de l'existence d'un grief relevant de la compétence

de la Commission au regard d'un autre article (voir notamment

N° 11278/84, déc. 1.7.85, D.R. 43 p. 216 et N° 9984/82, déc. 17.10.85,

D.R. 44 p. 54).

      Or, la Commission vient de déclarer les griefs soulevés par le

requérant comme étant incompatibles avec les dispositions de la

Convention.

      Il s'ensuit que les présents griefs sont eux aussi incompatibles

avec les dispositions de la Convention et doivent être rejetés

conformément à son article 27 par. 2 (art. 27-2).

4.    Le requérant invoque enfin l'article 5 (art. 5) de la Convention

sans plus de précision.

      La Commission rappelle que l'article 5 (art. 5) de la Convention

a pour objet de garantir la liberté de la personne et notamment de

fournir des garanties contre toute arrestation ou détention

arbitraires.

      Toutefois, en l'espèce, il apparaît à l'évidence que les

autorités françaises n'ont nullement restreint la liberté du requérant.

La Commission estime donc qu'il ne se pose aucune question sous l'angle

de l'article 5 (art. 5) (voir notamment N° 7940/77, déc. 9.5.78,

D.R. 14 pp. 224, 226).

      Il s'ensuit que le grief tiré de la violation de l'article 5

(art. 5) doit être rejeté en application de l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

      Par ces motifs, la Commission, à la majorité,

      DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

      Le Secrétaire de                 Le Président de

       la Commission                    la Commission

       (H.C. KRÜGER)                    (C.A. NØRGAARD)

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