CEDH, Commission (deuxième chambre), KADA c. la FRANCE, 5 avril 1995, 21245/93
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 5 avr. 1995, n° 21245/93 |
---|---|
Numéro(s) : | 21245/93 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 16 octobre 1992 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusions : | partiellement recevable ; partiellement irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-26210 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1995:0405DEC002124593 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 21245/93
présentée par Alain KADA
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 5 avril 1995 en présence
de
M. H. DANELIUS, Président
Mme G.H. THUNE
MM. G. JÖRUNDSSON
S. TRECHSEL
J.-C. SOYER
H.G. SCHERMERS
F. MARTINEZ
L. LOUCAIDES
J.-C. GEUS
M.A. NOWICKI
I. CABRAL BARRETO
J. MUCHA
D. SVÁBY
M. K. ROGGE, Secrétaire de la Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 16 octobre 1992 par Alain KADA contre
la France et enregistrée le 26 janvier 1993 sous le N° de
dossier 21245/93 ;
Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de
la Commission ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le
28 septembre 1994 et les observations en réponse présentées par le
requérant le 20 février 1995 ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
a. Circonstances particulières de l'affaire
Le requérant est un ressortissant français né en 1951. Il réside
à Barbentane. Devant la Commission, il est représenté par Maître
Patrick Gontard, avocat à Avignon.
Les faits, tels qu'ils ont été présentés par les parties, peuvent
être résumés comme suit.
Le 22 février 1987, vers 5 heures du matin, lors de la fermeture
d'une discothèque à Avignon, une rixe opposa devant l'établissement B.
à plusieurs personnes. Au cours de cette rixe, B. fut tué par balle.
Les agresseurs s'enfuirent avant l'arrivée de la police.
Les témoignages recueillis permirent d'identifier les membres du
groupe avec lesquels B. était entré en relation la nuit des faits.
Ceux-ci étaient le requérant, P., A. et R.
Lors de l'information, Mlle K. P., seul témoin, reconnut le
requérant comme étant l'auteur des coups de feu.
Le 14 mai 1987, le requérant se présenta spontanément aux services
de police et fut entendu.
Inculpé d'homicide volontaire, le requérant fut placé en détention
provisoire le 16 mai 1987 par le juge d'instruction du tribunal de
grande instance d'Avignon.
Le 11 décembre 1987, le requérant fut remis en liberté sous
contrôle judiciaire. Il lui fut alors interdit de quitter le territoire
français, de se rendre dans "tous débits de boissons, discothèques,
dancings des départements du Gard, Vaucluse [et] Bouches-du-Rhône" et
de s'entretenir avec les témoins entendus dans l'affaire.
P. et R. qui avaient disparu le jour des faits, furent appréhendés
respectivement le 10 septembre 1987 et le 13 mai 1991.
Le 19 août 1992, le juge d'instruction rendit une ordonnance de
non-lieu.
A une date non précisée, le requérant présenta une requête pour
détention abusive à la commission d'indemnisation de la Cour de
cassation.
b. Déroulement de la procédure
La chronologie de la procédure telle que soumise par le
Gouvernement et non contestée par le requérant peut se résumer comme
suit :
Entre le 23 février 1987 et le 12 février 1988, de multiples actes
d'instruction furent menés par les magistrats instructeurs saisis de
l'affaire dont deux commissions rogatoires (les 23 février 1987 et
5 octobre 1987), trois expertises techniques (les 24 février 1987,
2 octobre 1987 et 12 février 1988), vingt-quatre auditions de témoins,
six interrogatoires des inculpés et quatre confrontations entre les
témoins et les personnes mises en cause (les 1er juin 1987,
21 septembre 1987, 30 septembre 1987 et 5 novembre 1987).
Le 7 mars 1988 fut déposé le rapport des experts désignés le
12 février 1988.
Le 8 mars 1988, le juge d'instruction notifia aux personnes mises
en cause, dont le requérant, les résultats de l'expertise balistique.
le 30 juin 1988 eut lieu un interrogatoire du requérant.
Le 13 mars 1991, le juge délivra une commission rogatoire au
commissaire de police d'Avignon. Le 14 mars 1991, le juge ordonna une
expertise balistique.
Le 2 avril 1991 fut déposé le rapport de l'expert désigné le
14 mars 1991.
Le 15 mai 1991, R. fut inculpé et fit l'objet d'un interrogatoire
de première comparution.
Le 16 mai 1991, le juge d'instruction adressa une demande de
renseignement au commandant du Service National à Marseille.
En novembre 1991 fut retournée la commission rogatoire délivrée le
13 mars 1991.
Le 18 novembre 1991, le requérant et son conseil furent convoqués.
Le 19 novembre 1991, le prévenu P. et son conseil furent convoqués.
Le 10 décembre 1991 fut interrogé P.
Le 13 décembre 1991 fut interrogé le requérant.
Le 14 janvier 1992 fut convoqué R. et son conseil. Le
30 janvier 1991, R. fut interrogé.
Le 7 avril 1992 fut rendue l'ordonnance de soit-communiqué du
dossier au procureur de la République. Le 4 août 1992, le procureur de
la République déposa son réquisitoire.
Le 19 août 1992, le juge d'instruction rendit une ordonnance de
non-lieu en faveur du requérant.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint de la durée de la procédure (plus de cinq
ans entre l'inculpation et l'ordonnance de non-lieu) au cours de
laquelle quatre ans et demi se sont écoulés sans qu'il ait été entendu
par le juge d'instruction. Il invoque l'article 6 de la Convention.
2. Le requérant se plaint d'être resté sous contrôle judiciaire
pendant cinq ans avec interdiction de sortir d'un périmètre déterminé,
situation qui a entraîné des difficultés quant à sa possibilité de
travailler et dans sa vie quotidienne. Il invoque l'article 8 de la
Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
La requête a été introduite le 16 octobre 1992 et enregistrée le
26 janvier 1993.
Le 11 mai 1994, la Commission (Deuxième Chambre) a décidé de
porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur et de
l'inviter à lui présenter par écrit des observations sur la recevabilité
et le bien-fondé du grief tiré de la durée de la procédure.
Le Gouvernement à présenté ses observations le 28 septembre 1994
après une prorogation de délai. Le requérant y a répondu le
20 février 1995 après que le délai qui lui était imparti fut échu.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale. Il
invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui dispose :
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ...
dans un délai raisonnable, par un tribunal ... qui décidera
... du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle."
Selon le requérant, la durée de la procédure, qui est de plus de
cinq ans, ne répond pas à l'exigence du "délai raisonnable" énoncé par
l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
La Commission estime qu'à la lumière des critères dégagés par la
jurisprudence des organes de la Convention en matière de "délai
raisonnable" (complexité de l'affaire, comportement du requérant et des
autorités compétentes), et compte tenu de l'ensemble des éléments en sa
possession, ce grief doit faire l'objet d'un examen au fond.
2. Le requérant se plaint d'être resté sous contrôle judiciaire
pendant cinq ans ce qui a entraîné des difficultés pour trouver du
travail et dans sa vie quotidienne. Il invoque l'article 8 (art. 8) de
la Convention qui garantit le droit au respect de sa vie privée et
familiale.
La Commission n'est pas appelée à se prononcer sur la question de
savoir si les faits présentés par le requérant révèlent l'apparence
d'une violation de cette disposition de la Convention. Le requérant a,
en effet, omis de demander la mainlevée de cette mesure auprès du juge
d'instruction conformément à l'article 140 du code de procédure pénale.
Il s'ensuit qu'il n'a pas épuisé les voies de recours internes
conformément à l'article 26 (art. 26) de la Convention. Par conséquent,
ce grief doit être rejeté en application de l'article 27 par. 3
(art. 27-3) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission,
à la majorité,
DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés, quant
au grief tiré de la durée de la procédure pénale ;
à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.
Le Secrétaire de la Le Président de la
Deuxième Chambre Deuxième Chambre
(K. ROGGE) (H. DANELIUS)
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