CEDH, Commission (première chambre), FRONTINI c. l'ITALIE, 6 avril 1995, 22703/93
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Première Chambre), 6 avr. 1995, n° 22703/93 |
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Numéro(s) : | 22703/93 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 1 septembre 1993 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusions : | partiellement recevable ; partiellement irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-26229 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1995:0406DEC002270393 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 22703/93
présentée par Nevio FRONTINI
contre l'Italie
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 6 avril 1995 en présence de
M. C.L. ROZAKIS, Président
Mme J. LIDDY
MM. E. BUSUTTIL
A.S. GÖZÜBÜYÜK
A. WEITZEL
M.P. PELLONPÄÄ
B. MARXER
B. CONFORTI
N. BRATZA
I. BÉKÉS
E. KONSTANTINOV
Mme M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 1er septembre 1993 par Nevio FRONTINI
contre l'Italie et enregistrée le 29 septembre 1996 sous le N° de
dossier 22703/93 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Vu la décision de la Commission, en date du 8 mars 1994, de
communiquer la requête ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le
12 mai 1994 et les observations en réponse présentées par le requérant
le 30 juin 1994 ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant italien né en 1945 et résidant
à Falconara.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par les
parties, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant était employé près l'institut de recherche sur la
pêche maritime, sis à Ancona.
Le 8 février 1985, le directeur de l'institut dénonça le
requérant pour calomnie, outrage, faux en écritures et escroquerie.
Le parquet d'Ancona entama une procédure à l'encontre du
requérant.
Par décret du 31 juillet 1985, le requérant fut renvoyé en
jugement devant le tribunal d'Ancona.
En février 1986, le requérant fut suspendu par son employeur de
l'exercice de ses fonctions ; par la suite, il contesta la démarche de
son employeur devant le tribunal administratif régional (TAR), qui, en
octobre 1986, ordonna à l'institut de recherche de réintégrer le
requérant dans l'exercice de ses fonctions et de lui payer les salaires
relatifs à la période de suspension.
Le 7 avril 1986, la première audience des débats eut lieu devant
le tribunal d'Ancona.
Par jugement du 18 juin 1986, le tribunal d'Ancona innocenta le
requérant des chefs de calomnie et d'outrage et l'acquitta pour
insuffisance de preuves des chefs de faux en écritures et escroquerie.
Le 19 juillet 1986, le requérant interjeta appel contre ce
jugement, dans le but d'être innocenté des chefs de faux en écritures
et escroquerie.
Par décision du 9 avril 1992, l'institut de recherche muta le
requérant au bureau de Bologna, à partir du 1er juillet 1992.
Par arrêt du 27 avril 1993, la cour d'appel d'Ancona innocenta
le requérant.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale dont
il a fait l'objet. Il allègue la violation de l'article 6 par. 1 de la
Convention.
2. Le requérant se plaint d'avoir été suspendu de son travail
pendant six mois environ, entre février et octobre 1986, et d'avoir été
muté par son employeur au bureau de Bologna à partir du 1er juillet
1992, alors que la procédure pénale entamée contre lui était encore
pendante. Il soutient que les mesures adoptées par son employeur
portent atteinte au principe de la présomption d'innocence. Il invoque
l'article 6 par. 2 de la Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
La requête a été introduite le 1er septembre 1993 et enregistrée
le 29 septembre 1993.
Le 8 mars 1994, la Commission a décidé, conformément à l'article
48 par. 2 b) de son Règlement intérieur, de donner connaissance de la
requête au Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter par écrit
des observations sur la recevabilité et le bien-fondé du grief tiré de
l'article 6 par. 1 de la Convention.
Les observations du Gouvernement défendeur ont été présentées le
12 mars 1994.
Les observations en réponse du requérant ont été présentées le
22 décembre 1993.
EN DROIT
1. Le premier grief du requérant porte sur la durée de la procédure
pénale dont il a fait l'objet.
Cette procédure a débuté le 8 février 1985, date à laquelle le
requérant fut dénoncé (cf. Cour Eur. D.H., arrêt Wemhoff du
27 juin 1968, série A No 7, p. 26, par. 19), et a pris fin le
27 avril 1993, par arrêt de la cour d'appel d'Ancona.
Selon le requérant, la durée de la procédure, qui est d'environ
huit ans et trois mois, ne répond pas à l'exigence du "délai
raisonnable" (article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention). Le
Gouvernement s'oppose à cette thèse.
La Commission estime qu'à la lumière des critères dégagés par la
jurisprudence des organes de la Convention en matière de "délai
raisonnable" (complexité de l'affaire, comportement du requérant et des
autorités compétentes), et compte tenu de l'ensemble des éléments en
sa possession, ce grief doit faire l'objet d'un examen au fond.
2. Le requérant allègue ensuite la violation de l'article 6 par. 2
(art. 6-2) de la Convention, en raison des mesures de suspension du
travail et de mutation adoptées à son encontre, alors que la procédure
diligentée contre lui était encore pendante.
L'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention dispose :
"Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie."
La Commission rappelle que la présomption d'innocence telle que
la garantit cette disposition de la Convention lie non seulement la
juridiction pénale devant laquelle l'intéressé est accusé d'une
infraction, mais aussi d'autres représentants de l'Etat
(cf. N° 7986/77, déc. 3.10.78, D.R. 13, p. 73), qui pourraient être
considérés comme ayant enfreint cette disposition s'ils le traitaient
comme coupable d'une infraction avant qu'un tribunal compétent ne l'ait
établi selon la loi.
La Commission relève toutefois qu'en l'espèce les mesures
litigieuses émanent de l'employeur du requérant, qui ne saurait être
considéré comme un représentant de l'Etat.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est incompatible
ratione personae avec les dispositions de la Convention et doit être
rejetée conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de celle-ci.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés, quant
au grief tiré de la durée de la procédure pénale ;
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.
Le Secrétaire de la Le Président de la
Première Chambre Première Chambre
(M.F. BUQUICCHIO) (C.L. ROZAKIS)