CEDH, Commission (deuxième chambre), ZOUGAB c. la FRANCE, 1er juillet 1998, 38725/97
Chronologie de l’affaire
Commentaire • 0
Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 1er juill. 1998, n° 38725/97 |
---|---|
Numéro(s) : | 38725/97 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 14 novembre 1997 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-29803 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1998:0701DEC003872597 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 38725/97
présentée par Madani ZOUGAB
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1998 en
présence de
MM. J.-C. GEUS, Président
M.A. NOWICKI
G. JÖRUNDSSON
A. GÖZÜBÜYÜK
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
MM. F. MARTINEZ
I. CABRAL BARRETO
D. SVÁBY
P. LORENZEN
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
A. ARABADJIEV
Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 14 novembre 1997 par Madani ZOUGAB
contre la France et enregistrée le 24 novembre 1997 sous le N° de
dossier 38725/97 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant algérien, né en 1955 et
résidant à Bron. Devant la Commission, il est représenté par Maître
Jacques Debray, avocat au barreau de Lyon.
Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant,
peuvent se résumer comme suit.
Le requérant est entré en France en 1958, à l'âge de trois ans.
Son père est venu en France en 1926. Ses frères et soeurs sont nés sur
le territoire français. Le requérant a effectué toute sa scolarité en
France. En 1990, il se maria avec une ressortissante française ; de
cette union sont nés deux enfants de nationalité française.
Par arrêt du 30 janvier 1996, la cour d'appel de Lyon condamna
le requérant à la peine de sept ans d'emprisonnement et à
l'interdiction définitive du territoire français pour infraction à
législation sur les stupéfiants. Dans son arrêt, la cour d'appel
justifia ainsi la mesure d'interdiction définitive du territoire
français :
« Attendu que seul Madani Zougab, marié avec une française et
père de deux enfants français, demande que ladite interdiction
ne soit pas prononcée ; attendu que si l'article 8 de la
Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des
libertés fondamentales, prescrit le respect de la vie privée et
familiale, l'article 2 par. 3 du Protocole N° 4 permet à la
juridiction d'interdire l'accès de son territoire à un étranger
lorsque cette mesure est nécessaire notamment à la prévention des
infractions pénales ou à la protection de la santé d'autrui ; que
Madani Zougab a, par ses agissements, gravement compromis la
santé publique ; qu'ayant fait l'objet d'un arrêté d'expulsion
abrogé en 1981, il s'est montré indigne de cette mesure de
bienveillance en commettant des infractions pénales gravissimes
dont il importe de prévenir le renouvellement ; que dans ces
conditions une mesure d'interdiction définitive du territoire
n'apporte pas une atteinte disproportionnée aux droits qu'il
tient de l'article 8 de la Convention susvisée ; »
Contre cet arrêt, le requérant forma un pourvoi en cassation en
invoquant les articles 8 de la Convention et 2 par. 3 du Protocole N° 4
à ladite Convention. Par arrêt du 6 mars 1997, notifié le 15 mai 1997,
la Cour de cassation rejeta le pourvoi au motif suivant :
« Attendu que, pour prononcer l'interdiction définitive du
territoire français à l'encontre de Madani Zougab, l'arrêt
attaqué relève, outre les motifs repris au moyen, que
l'intéressé, objet dans le passé d'un arrêté d'expulsion, a
commis des infractions « gravissimes », dont il importe d'éviter
le renouvellement ;
Qu'en l'état de ces motifs, et dès lors qu'en vertu de l'article
222-48, alinéa 2, du Code pénal, non contraire aux dispositions
de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, la juridiction
correctionnelle a la faculté de prononcer, sans motivation
particulière, l'interdiction du territoire français à l'égard de
tout étranger reconnu coupable d'importation de stupéfiants, la
cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs
allégués ; »
GRIEF
Se référant au fait qu'il est arrivé en France à l'âge de trois
ans, pays où vivent également son père ainsi que ses frères et soeurs,
ainsi qu'au fait qu'il est marié avec une ressortissante française,
union dont sont nés deux enfants de nationalité française, le requérant
se plaint de la mesure d'interdiction définitive du territoire français
prononcée à son encontre, qui, selon lui, constitue une violation de
son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par
l'article 8 de la Convention.
EN DROIT
Le requérant estime que, compte tenu de ses attaches familiales
et personnelles en France, la mesure d'interdiction définitive du
territoire français prononcée à son encontre porte atteinte à son droit
au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8
(art. 8) de la Convention, ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans
l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une
société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à
la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense
de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la
protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des
droits et libertés d'autrui. »
La Commission rappelle en premier lieu que, selon la
jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, les Etats
contractants ont le droit de contrôler, en vertu d'un principe de droit
international bien établi et sans préjudice des engagements découlant
pour eux de traités, l'entrée, le séjour et l'éloignement des non-
nationaux (cf., par exemple, Cour eur. D.H., arrêts Moustaquim
c. Belgique du 18 février 1991, série A n° 193, p. 19, par. 43 ;
Beldjoudi c. France du 26 mars 1992, série A n° 234-A, p. 27, par. 74
et Boughanemi c. France du 24 avril 1996, p. 609, par. 41, Recueil
1996-II, N° 8 ; Mehemi c. France du 26 septembre 1997, par. 34, Recueil
1997 ; El Boujaïdi c. France du 26 septembre 1997, par. 39, Recueil
1997).
Toutefois, leurs décisions en la matière peuvent porter atteinte
dans certains cas au droit protégé par l'article 8 par. 1 (art. 8-1)
de la Convention.
La Commission note que le requérant vit en France depuis l'âge
de trois ans et que dans ce pays vivent son père ainsi que ses frères
et soeurs. En outre, le requérant est marié avec une femme de
nationalité française et de cette union sont nés deux enfants de
nationalité française. La Commission considère que, compte tenu des
liens familiaux et personnels du requérant en France, la mesure
d'interdiction définitive du territoire français constitue une
ingérence dans sa vie privée et familiale (Cour eur. D.H., arrêt
Berrehab c. Pays-Bas du 21 juin 1988, série A n° 138, p. 14, par. 23).
La Commission constate que la mesure d'interdiction du territoire
français est, en l'espèce, une mesure prévue par la loi et vise la
défense de l'ordre, la prévention des infractions pénales et la
protection de la santé, qui constituent des buts légitimes, au sens du
paragraphe 2 de l'article 8 (art. 8-2) de la Convention.
Un élément essentiel pour l'évaluation de la proportionnalité de
la mesure d'interdiction du territoire français est constitué par la
nature et la gravité de l'infraction commise par le requérant,
démontrées par la peine de sept ans d'emprisonnement pour trafic de
stupéfiants à laquelle il a été condamné par la cour d'appel de Lyon.
Il ressort en outre de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon que le
requérant a fait l'objet antérieurement d'un arrêté d'expulsion abrogé
en 1981.
Compte tenu des considérations qui précèdent, démontrées par la
peine de sept ans d'emprisonnement, et eu égard notamment à la nature
et à la gravité de l'infraction commise par le requérant ainsi qu'au
fait qu'il avait déjà, dans le passé, fait l'objet d'un arrêté
d'expulsion, la Commission estime que l'ingérence dans sa vie privée
et familiale que constitue la mesure d'interdiction définitive du
territoire français peut raisonnablement être considérée comme
nécessaire, dans une société démocratique, à la défense de l'ordre, à
la prévention des infractions pénales et à la protection de la santé
au sens de l'article 8 par. 2 (art. 8-2) de la Convention (Cour eur.
D.H., arrêt Boughanemi c. France précité, par. 44 et 45, C. c. Belgique
du 7 août 1996, par. 35 et 36, Recueil, 1996 ; arrêt El Boujaïdi c.
France précité, par. 41-42).
Il s'ensuit que la requête doit être rejetée comme étant
manifestement mal fondée, conformément à l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à la majorité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
M.-T. SCHOEPFER J.-C. GEUS
Secrétaire Président
de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre
Décisions similaires
Citées dans les mêmes commentaires • 0
Citant les mêmes articles de loi • 0
De référence sur les mêmes thèmes • 0
Sur les mêmes thèmes • 0
Textes cités dans la décision