CEDH, Commission (deuxième chambre), ZOUGAB c. la FRANCE, 1er juillet 1998, 38725/97

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 1er juill. 1998, n° 38725/97
Numéro(s) : 38725/97
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 14 novembre 1997
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Beldjoudi du 26 mars 1992, série A n° 234-A, p. 27, par. 74
Cour Eur. D.H. Arrêt Berrehab du 21 juin 1988, série A n° 138, p. 14, par. 23
Arrêt Boughanemi du 24 avril 1996, Recueil 1996-II, n° 8, p. 609, par. 41, 44, 45
Arrêt El Boujaïdi du 26 septembre 1997, Recueil 1997, par. 39, 41-42
Arrêt Mehemi du 26 septembre 1997, Recueil 1997-VI, n° 51, par. 34
Arrêt Moustaquim du 18 février 1991, série A n° 193, p. 19, par. 43
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-29803
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:0701DEC003872597
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Texte intégral

                          SUR LA RECEVABILITÉ

                      de la requête N° 38725/97

                      présentée par Madani ZOUGAB

                      contre la France

                            __________

     La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1998 en

présence de

           MM.   J.-C. GEUS, Président

                 M.A. NOWICKI

                 G. JÖRUNDSSON

                 A. GÖZÜBÜYÜK

                 J.-C. SOYER

                 H. DANELIUS

           Mme   G.H. THUNE

           MM.   F. MARTINEZ

                 I. CABRAL BARRETO

                 D. SVÁBY

                 P. LORENZEN

                 E. BIELIUNAS

                 E.A. ALKEMA

                 A. ARABADJIEV

           Mme   M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;

     Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

     Vu la requête introduite le 14 novembre 1997 par Madani ZOUGAB

contre la France et enregistrée le 24 novembre 1997 sous le N° de

dossier 38725/97 ;

     Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

     Après avoir délibéré,

     Rend la décision suivante :

EN FAIT

     Le requérant est un ressortissant algérien, né en 1955 et

résidant à Bron. Devant la Commission, il est représenté par Maître

Jacques Debray, avocat au barreau de Lyon.

     Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant,

peuvent se résumer comme suit.

     Le requérant est entré en France en 1958, à l'âge de trois ans.

Son père est venu en France en 1926. Ses frères et soeurs sont nés sur

le territoire français. Le requérant a effectué toute sa scolarité en

France. En 1990, il se maria avec une ressortissante française ; de

cette union sont nés deux enfants de nationalité française.

     Par arrêt du 30 janvier 1996, la cour d'appel de Lyon condamna

le requérant à la peine de sept ans d'emprisonnement et à

l'interdiction définitive du territoire français pour infraction à

législation sur les stupéfiants. Dans son arrêt, la cour d'appel

justifia ainsi la mesure d'interdiction définitive du territoire

français :

     « Attendu que seul Madani Zougab, marié avec une française et

     père de deux enfants français, demande que ladite interdiction

     ne soit pas prononcée ; attendu que si l'article 8 de la

     Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des

     libertés fondamentales, prescrit le respect de la vie privée et

     familiale, l'article 2 par. 3 du Protocole N° 4 permet à la

     juridiction d'interdire l'accès de son territoire à un étranger

     lorsque cette mesure est nécessaire notamment à la prévention des

     infractions pénales ou à la protection de la santé d'autrui ; que

     Madani Zougab a, par ses agissements, gravement compromis la

     santé publique ; qu'ayant fait l'objet d'un arrêté d'expulsion

     abrogé en 1981, il s'est montré indigne de cette mesure de

     bienveillance en commettant des infractions pénales gravissimes

     dont il importe de prévenir le renouvellement ; que dans ces

     conditions une mesure d'interdiction définitive du territoire

     n'apporte pas une atteinte disproportionnée aux droits qu'il

     tient de l'article 8 de la Convention susvisée ; »

     Contre cet arrêt, le requérant forma un pourvoi en cassation en

invoquant les articles 8 de la Convention et 2 par. 3 du Protocole N° 4

à ladite Convention. Par arrêt du 6 mars 1997, notifié le 15 mai 1997,

la Cour de cassation rejeta le pourvoi au motif suivant :

     « Attendu que, pour prononcer l'interdiction définitive du

     territoire français à l'encontre de Madani Zougab, l'arrêt

     attaqué relève, outre les motifs repris au moyen, que

     l'intéressé, objet dans le passé d'un arrêté d'expulsion, a

     commis des infractions « gravissimes », dont il importe d'éviter

     le renouvellement ;

     Qu'en l'état de ces motifs, et dès lors qu'en vertu de l'article

     222-48, alinéa 2, du Code pénal, non contraire aux dispositions

     de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des

     droits de l'homme et des libertés fondamentales, la juridiction

     correctionnelle a la faculté de prononcer, sans motivation

     particulière, l'interdiction du territoire français à l'égard de

     tout étranger reconnu coupable d'importation de stupéfiants, la

     cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs

     allégués ; »

GRIEF

     Se référant au fait qu'il est arrivé en France à l'âge de trois

ans, pays où vivent également son père ainsi que ses frères et soeurs,

ainsi qu'au fait qu'il est marié avec une ressortissante française,

union dont sont nés deux enfants de nationalité française, le requérant

se plaint de la mesure d'interdiction définitive du territoire français

prononcée à son encontre, qui, selon lui, constitue une violation de

son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par

l'article 8 de la Convention.

EN DROIT

     Le requérant estime que, compte tenu de ses attaches familiales

et personnelles en France, la mesure d'interdiction définitive du

territoire français prononcée à son encontre porte atteinte à son droit

au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8

(art. 8) de la Convention, ainsi libellé :

     « 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et

     familiale, de son domicile et de sa correspondance.

     2.    Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans

     l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est

     prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une

     société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à

     la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense

     de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la

     protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des

     droits et libertés d'autrui. »

     La Commission rappelle en premier lieu que, selon la

jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, les Etats

contractants ont le droit de contrôler, en vertu d'un principe de droit

international bien établi et sans préjudice des engagements découlant

pour eux de traités, l'entrée, le séjour et l'éloignement des non-

nationaux (cf., par exemple, Cour eur. D.H., arrêts Moustaquim

c. Belgique du 18 février 1991, série A n° 193, p. 19, par. 43 ;

Beldjoudi c. France du 26 mars 1992, série A n° 234-A, p. 27, par. 74

et Boughanemi c. France du 24 avril 1996, p. 609, par. 41, Recueil

1996-II, N° 8 ; Mehemi c. France du 26 septembre 1997, par. 34, Recueil

1997 ; El Boujaïdi c. France du 26 septembre 1997, par. 39, Recueil

1997).

     Toutefois, leurs décisions en la matière peuvent porter atteinte

dans certains cas au droit protégé par l'article 8 par. 1 (art. 8-1)

de la Convention.

     La Commission note que le requérant vit en France depuis l'âge

de trois ans et que dans ce pays vivent son père ainsi que ses frères

et soeurs. En outre, le requérant est marié avec une femme de

nationalité française et de cette union sont nés deux enfants de

nationalité française. La Commission considère que, compte tenu des

liens familiaux et personnels du requérant en France, la mesure

d'interdiction définitive du territoire français constitue une

ingérence dans sa vie privée et familiale (Cour eur. D.H., arrêt

Berrehab c. Pays-Bas du 21 juin 1988, série A n° 138, p. 14, par. 23).

     La Commission constate que la mesure d'interdiction du territoire

français est, en l'espèce, une mesure prévue par la loi et vise la

défense de l'ordre, la prévention des infractions pénales et la

protection de la santé, qui constituent des buts légitimes, au sens du

paragraphe 2 de l'article 8 (art. 8-2) de la Convention.

     Un élément essentiel pour l'évaluation de la proportionnalité de

la mesure d'interdiction du territoire français est constitué par la

nature et la gravité de l'infraction commise par le requérant,

démontrées par la peine de sept ans d'emprisonnement pour trafic de

stupéfiants à laquelle il a été condamné par la cour d'appel de Lyon.

     Il ressort en outre de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon que le

requérant a fait l'objet antérieurement d'un arrêté d'expulsion abrogé

en 1981.

     Compte tenu des considérations qui précèdent, démontrées par la

peine de sept ans d'emprisonnement, et eu égard notamment à la nature

et à la gravité de l'infraction commise par le requérant ainsi qu'au

fait qu'il avait déjà, dans le passé, fait l'objet d'un arrêté

d'expulsion, la Commission estime que l'ingérence dans sa vie privée

et familiale que constitue la mesure d'interdiction définitive du

territoire français peut raisonnablement être considérée comme

nécessaire, dans une société démocratique, à la défense de l'ordre, à

la prévention des infractions pénales et à la protection de la santé

au sens de l'article 8 par. 2 (art. 8-2) de la Convention (Cour eur.

D.H., arrêt Boughanemi c. France précité, par. 44 et 45, C. c. Belgique

du 7 août 1996, par. 35 et 36, Recueil, 1996 ; arrêt El Boujaïdi c.

France précité, par. 41-42).

     Il s'ensuit que la requête doit être rejetée comme étant

manifestement mal fondée, conformément à l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

     Par ces motifs, la Commission, à la majorité,

     DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

      M.-T. SCHOEPFER                           J.-C. GEUS

         Secrétaire                             Président

   de la Deuxième Chambre                 de la Deuxième Chambre

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