CEDH, Commission (deuxième chambre), S.A. SAMEP c. la FRANCE, 21 octobre 1998, 33530/96

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 21 oct. 1998, n° 33530/96
Numéro(s) : 33530/96
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 5 juin 1996
Jurisprudence de Strasbourg : Bendenoun c. France, rapport Comm. 10.12.92, p. 27, par. 58
Arrêt Bendenoun du 24 février 1994, série A n° 284, pp. 20, 27, par. 47, 58 Comm. Eur. D.H. No 9908/82, déc. 4.5.83, D.R. 32, p. 266
No 15831/89, déc. 25.2.91, D.R. 69, p. 317
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-29946
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:1021DEC003353096
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Texte intégral

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête N° 33530/96

présentée par S.A. SAMEP

contre la France

                            __________

La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 21 octobre 1998 en présence de

MM.J.-C. GEUS, Président

M.A. NOWICKI

G. JÖRUNDSSON

A. GÖZÜBÜYÜK

J.-C. SOYER

H. DANELIUS

MmeG.H. THUNE

MM.F. MARTINEZ

I. CABRAL BARRETO

D. ŠVÁBY

P. LORENZEN

E. BIELIŪNAS

E.A. ALKEMA

A. ARABADJIEV

MmeM.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;

Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 5 juin 1996 par S.A. SAMEP contre la France et enregistrée le 25 octobre 1996 sous le N° de dossier 33530/96 ;

Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ;

Vu les observations présentées par le gouvernement défendeur le 24 avril 1998 et les observations en réponse présentées par la requérante le 8 juin 1998 ; les observations complémentaires présentées par le Gouvernement le 20 juillet 1998 et les observations en réponse de la requérante du 3 août 1998.

Après avoir délibéré,

Rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, la société artistique de maîtrise pour l'édition et la presse Jean de Bonnot (ci-après la SAMEP), prise en la personne du président de son conseil d'administration, Giorgio Perini, a son siège à Paris. La requérante a pour activité l'édition de livres de collection destinés aux bibliophiles. Devant la Commission, elle est représentée par Maître Pierre Lemarchand, avocat au barreau de Paris.

Les faits, tels qu'ils ont été présentés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

A.Circonstances particulières de l'espèce

Procédures pénales

Le 30 septembre 1982, la requérante fit l'objet d'une perquisition dans le cadre d'une vérification à caractère économique de sa comptabilité. Cette vérification révéla que des opérations frauduleuses avaient été conduites par des employés de la société requérante. Diverses pièces comptables furent alors saisies.

Le 9 mai 1983, une information judiciaire fut ouverte pour faux en écritures de commerce, usage et abus de confiance. Les dirigeants de la société se constituèrent partie civile.

L'instruction entraîna l'inculpation d'employés qui firent état de l'existence d'autres détournements commis par les dirigeants.

Le 2 juin 1983, suite à des réquisitions supplétives, les dirigeants de la société requérante furent inculpés à la demande du parquet.

Par arrêt du 30 octobre 1987, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris annula tous les actes d'information et les pièces de la procédure postérieures au 2 juin 1983, parmi lesquelles figuraient celles qui avaient été annexées en copie aux procédures fiscales.

A la suite de cette annulation de pièces, le juge d'instruction constata que l'ensemble des faits ayant donné lieu à la procédure se trouvait atteint par la prescription et déclara l'action publique éteinte à l'égard des inculpés, le 25 novembre 1987.

Parallèlement, en novembre 1983, l'administration fiscale procéda à un contrôle fiscal de la société requérante. Elle obtint du juge d'instruction, en vertu de son droit de communication prévu à l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales, l'autorisation de consulter un certain nombre de pièces et procès-verbaux figurant au dossier pénal et d'en prendre copie.

Ces copies furent jointes à deux dossiers de plaintes déposés par l'administration fiscale contre un des dirigeants de la société requérante pour fraude fiscale. Le parquet ouvrit deux informations distinctes.

Par arrêt du 6 mai 1988, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris annula la première procédure pour vice de forme. Par arrêt du 4 octobre 1988, la Cour de cassation rejeta le pourvoi de l'administration fiscale.

L'autre procédure fut également annulée pour nullité de pièces prononcée par l'arrêt du 30 octobre 1987 précité, par arrêt de la cour d'appel de Paris devenu définitif suite au rejet du pourvoi de l'administration fiscale par arrêt de la Cour de cassation du 2 mars 1992.

Procédure fiscale

Les 14 décembre 1983 et 8 février 1984, la requérante se vit notifier des redressements en matière de taxe à la valeur ajoutée (TVA) s'élevant à 134 652 F de droits, assortis de majorations pour manoeuvres frauduleuses d'un montant de 403 957 F.

Par décision du 30 avril 1985, l'administration fiscale rejeta la réclamation de la requérante tendant à la décharge de ses rappels d'impôts.

Le 7 novembre 1985, la requérante déposa un recours contre la décision de rejet de l'administration fiscale.

Par lettres des 26 décembre 1984 et 1er avril 1986, la requérante demanda au juge d'instruction la communication des pièces saisies.

Par jugement du 4 juillet 1988, le tribunal administratif de Paris rejeta le recours de la requérante.

Au soutien de son appel, la requérante invoquait la nullité de la procédure pour violation du droit à une procédure contradictoire : elle soutenait qu'elle n'avait pas accès aux pièces saisies par la police économique et qui avaient motivé les redressements fiscaux, alors que l'administration fiscale y avait eu accès par l'utilisation de son droit de communication auprès du juge d'instruction. La requérante précisait que le juge d'instruction lui avait toujours refusé l'accès aux pièces saisies. Elle ajoutait que le juge pénal avait annulé la procédure pénale et qu'en conséquence, les pièces saisies avaient été également annulées et retirées du dossier pénal, de sorte que, selon elle, le juge administratif ne pouvait plus s'en servir pour fonder des redressements fiscaux.

Par arrêt du 18 avril 1991, la cour administrative d'appel de Paris rejeta l'appel formé par la requérante.

Par lettre du 13 mai 1992, le parquet de la cour d'appel de Paris rejeta la demande de la requérante tendant à avoir copie de pièces du dossier de la procédure pénale, car cette procédure avait été annulée par décision judiciaire définitive.

Au soutien de son pourvoi en cassation, la requérante se plaignait d'une violation du principe de l'égalité des armes du fait qu'elle avait été privée de l'accès aux pièces utilisées par l'administration fiscale pour fonder les redressements contestés.

Par arrêt du 6 décembre 1995, le Conseil d'Etat annula l'arrêt attaqué en ce qu'il avait statué sur les pénalités et renvoya l'affaire, sur la seule question des pénalités, à la cour administrative d'appel de Paris. 

Par arrêt du 5 mai 1998, la cour administrative d'appel de Paris prononça l'annulation des pénalités et y substitua des indemnités de retard.

GRIEFS

La requérante estime qu'en se prononçant comme il l'a fait, le Conseil d'Etat a reconnu à l'administration fiscale le droit de fonder des redressements sur des pièces qui n'étaient pas en possession du défendeur. Elle fait valoir que l'administration fiscale avait pu consulter, en vertu de son droit de communication, les pièces à disposition du juge d'instruction pour établir les redressements fiscaux de la requérante, mais la requérante n'avait pu elle-même consulter ces pièces pour se défendre dans la procédure fiscale, car le juge pénal annula la procédure pénale et les pièces y afférentes.

En l'espèce, les pièces utilisées par l'administration fiscale avaient été annulées par le juge pénal ; dès lors, si l'administration fiscale avait pu les utiliser pour fonder ses redressements, la requérante n'avait pas eu accès aux pièces, bien qu'elle eût demandé à plusieurs reprises communication de ces pièces au juge d'instruction.

La requérante conclut à la violation du droit à l'égalité des armes, des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Elle invoque l'article 6 de la Convention.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

La requête a été introduite le 5 juin 1996 et enregistrée le 25 octobre 1996.

Le 3 décembre 1997, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du gouvernement mis en cause en l'invitant à présenter par écrit ses observations sur sa recevabilité et son bien-fondé.

Le Gouvernement a présenté ses observations le 24 avril 1998, après prorogation du délai imparti, et la requérante y a répondu le 8 juin 1998. Le Gouvernement a présenté des observations complémentaires le 20 juillet 1998 et la requérante y a répondu le 3 août 1998.

EN DROIT

La requérante invoque la violation du droit à l'égalité des armes, des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Elle invoque l'article 6 de la Convention, qui prévoit notamment que :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...). »

Le gouvernement mis en cause soulève plusieurs exceptions d'irrecevabilité de la requête. En particulier, il excipe de la perte de qualité de « victime » de la requérante, suite à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 5 mai 1998 prononçant l'annulation des pénalités.

La requérante conteste les exceptions ainsi soulevées.

La Commission rappelle la jurisprudence constante selon laquelle l'article 6 par. 1 n'est pas applicable, en principe, au titre de la notion « droits et obligations de caractère civil », à la procédure de caractère fiscal, même si les mesures fiscales en cause ont entraîné des répercussions sur les droits patrimoniaux (N° 9908/82, déc. 4.5.83, D.R. 32, p. 266 ; rapp. Comm. du 10 décembre 1992, p. 27, par. 58, Cour eur. D.H., arrêt Bendenoun c. France du 24 février 1994, série A n° 284, p. 27, par. 58).

La Commission en conclut que, dans la mesure où la procédure litigieuse était relative aux impositions fiscales proprement dites, l'article 6 de la Convention est en principe inapplicable.

Il s'ensuit que le grief pris de la violation de l'article 6 par. 1 et visant la procédure achevée par l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 décembre 1995, précisément la procédure relative aux impositions fiscales, est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être rejeté, en application de son article 27 par. 2.

Elle constate toutefois que des pénalités avaient été imposées à la société requérante en plus des impositions fiscales, de sorte que l'article 6 de la Convention trouve application à la procédure pour autant qu'elle concerne ces pénalités (arrêt Bendenoun c. France, précité, p. 20, par. 47). Il convient donc d'examiner la conformité de cette procédure aux prescriptions de l'article 6 précité.

Sur ce point, la Commission rappelle que, selon sa jurisprudence constante, le respect des exigences du procès équitable doit être examiné sur la base de l'ensemble de la procédure.

En l'espèce, elle relève qu'à l'issue de la procédure critiquée, la requérante a bénéficié d'une annulation des pénalités infligées par l'administration fiscale ; cette annulation, prononcée par l'arrêt du 5 mai 1998 de la cour administrative d'appel de Paris, est devenue définitive faute d'exercice des voies de recours.

La Commission estime que la requérante ne pouvait obtenir une issue plus favorable du procès et qu'ainsi, par l'utilisation des voies de recours internes, les défauts dont aurait pu être entachée la procédure relative aux pénalités doivent être considérés comme ayant été redressés (voir, par exemple, N° 15831/89, déc. 25.2.91, D.R. 69,

p. 317).

En conséquence, la requérante ne peut plus se prétendre « victime » au sens de l'article 25 de la Convention, d'une violation des droits de la défense garantis par l'article 6 de la Convention dans la cadre de la procédure relative aux pénalités.

Il s'ensuit que le restant du grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté, en application de l'article 27 par. 2 de la Convention.             

Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

       M.-T. SCHOEPFER                             J.-C. GEUS

          Secrétaire                                                Président

    de la Deuxième Chambre                    de la Deuxième Chambre

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