CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE ERDAL TAŞ c. TURQUIE (N°2), 20 septembre 2007, 13021/02

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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CEDH · 20 septembre 2007

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CEDH · 13 septembre 2007

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 20 sept. 2007, n° 13021/02
Numéro(s) : 13021/02
Type de document : Arrêt
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Violation de l'art. 6-1
Identifiant HUDOC : 001-82303
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2007:0920JUD001302102
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Texte intégral

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE ERDAL TAŞ c. TURQUIE (no 2)

(Requête no 13021/02)

ARRÊT

STRASBOURG

20 septembre 2007

DÉFINITIF

20/12/2007

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Erdal Taş c. Turquie (no 2),

La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM.B.M. Zupančič, président,
C. Bîrsan,
R. Türmen,
MmesE. Fura-Sandström,
A. Gyulumyan,
M.E. Myjer,
MmeI. Ziemele, juges,
et de M. S. Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 août 2007,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 13021/02) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Erdal Taş (« le requérant »), a saisi la Cour le 6 mars 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Mes İ. Bilmez et O. Yıldız, avocats à İstanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n'a pas désigné d'agent pour la procédure devant la Cour.

3.  Le 30 mars 2006, la Cour a déclaré la requête partiellement irrecevable et a décidé de communiquer les griefs tirés du défaut de communication de l'avis du procureur général et de l'atteinte à la liberté d'expression au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

4.  Le requérant est né en 1974 et réside à Fribourg (Suisse). À l'époque des faits, il était le rédacteur en chef du quotidien 2000'de Yeni Gündem (« Une nouvelle actualité en 2000 »).

5.  Le 12 janvier 2001, le quotidien 2000'de Yeni Gündem publia un article intitulé « Öcalan : Türkiye Oyuna Gelmesin » (Öcalan : Que la Turquie ne se laisse pas duper par la manœuvre), lequel relatait les déclarations d'Abdullah Öcalan, ancien chef de l'organisation illégale PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan).

6.  L'article litigieux se traduit comme suit :

« Le leader du PKK Abdullah Öcalan, qui a considéré les tentatives de Celal Talabani[1] comme une manœuvre en vue d'intensifier l'affrontement, a indiqué que la Turquie ne devait pas se laisser duper par cette manœuvre.

Soulignant que Talabani souhaite intensifier les affrontements dans la région avec l'appui d'Ankara, le leader du PKK, Abdullah Öcalan, a demandé à la Turquie de ne pas se laisser duper par cette manœuvre.

Dans sa déclaration faite par l'intermédiaire de ses avocats, Öcalan a interprété les tentatives de Talabani comme « une manœuvre visant à intensifier l'affrontement ». Öcalan qui a indiqué que le « fait d'appuyer sur le bouton existe aussi dans le Sud », a indiqué dans sa déclaration :

« Talabani qui considère la Stratégie Démocratique Unitaire développée par le PKK comme une grande menace pour lui, veut entraîner le PKK vers le Nord et le pousser à combattre avec la Turquie. Si le PKK entre à nouveau en Turquie, le combat se développera. Il ouvrira le chemin à des conséquences douloureuses. Il faut mettre un terme à cette tentative de manœuvre. Il y a en Turquie aussi des puissances qui souhaitent le développement de la guerre. Toutefois, la Turquie ne doit pas se laisser duper par cette manœuvre. Il est crucial que l'armée voie cette manœuvre et qu'elle évite l'affrontement. »

Öcalan qui a noté que le PKK doit se défendre dans la ligne de son auto-défense légitime, a déclaré : « Nous allons garder notre sang-froid afin que ce processus ne se transforme pas en un conflit et qu'il ne se déroule pas dans le sang. »[2]

La grève de la faim contre la destruction

Dans sa déclaration, le leader du PKK a également évoqué les grèves de la faim dans les prisons. Öcalan qui a déclaré : « Notre philosophie de la vie est de vivre et de faire vivre en liberté », a dit qu'il fallait approcher le problème dans ce sens. Öcalan qui a souligné que la question placée au cœur des préoccupations politiques doit être la liberté des parties, a dit : « Je respecte les personnes qui s'immolent par le feu dans les prisons. Mais une personne qui s'immole est plus importante que dix prisons de type F. Il aurait fallu ne pas leur procurer cette occasion. On peut recourir à la grève de la faim seulement s'il existe un danger absolu de mort et de destruction et en cas d'impossibilité de s'exprimer. Il [le recours à la grève de la faim] est juste lorsque c'est la seule issue possible, comme c'était le cas de mes amis en 1982. Moi aussi j'aurais pu le faire. (...) j'ai moi-même vécu la plus dure des prisons de type F, je peux appeler à la mort, pour moi, dix mille personnes, une guérilla toute entière. Mais il n'aurait pas été juste d'exiger cela en ne pensant qu'à mes propres conditions. Il ne faut pas interpréter mes propos comme encourageant ou approuvant les prisons de type F. Toutefois, la vie humaine est la plus précieuse. Vivre est parfois plus dur que mourir. Mon but était de sauver la vie de milliers de personnes. »

Notant que la légende selon laquelle « APO frappe, APO détruit » n'était pas vraie, Öcalan a déclaré : « Cela n'est pas vrai. Je suis un socialiste. Ma philosophie est de vivre et de faire vivre. La vraie question est d'accorder de l'importance à l'homme ».

7.  Le 19 janvier 2001, le procureur de la République près la cour de sûreté de l'État d'İstanbul (« la cour de sûreté de l'État ») inculpa le requérant, en sa qualité de rédacteur en chef, pour avoir publié les déclarations d'un dirigeant d'une organisation terroriste, sur le fondement de l'article 6 §§ 2 et 4 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme.

8.  Le 26 avril 2001, la cour de sûreté de l'État reconnut le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamna au paiement d'une d'amende de 816 187 500 livres turques (TRL) (environ 755 euros). Elle prononça en outre la fermeture du quotidien pour une durée de trois jours en vertu de l'article 2 § 1 additionnel à la loi no 5680.

9.  Le 18 septembre 2001, statuant à la lumière de l'avis du procureur général qui ne fut pas communiqué au requérant, la Cour de cassation confirma l'arrêt de première instance.

10.  À une date non précisée, le requérant s'installa en Suisse et le quotidien en question mis fin à ses activités. Le requérant ne s'acquitta pas du montant de l'amende.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

11.  Aux termes de l'article 6 § 2 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme :

« Est puni d'une peine d'amende (...) quiconque imprime ou publie des déclarations ou des tracts d'organisations terroristes »

12.  L'article 2 § 1 additionnel à la loi no 5680 sur la presse, tel qu'en vigueur à l'époque des faits, prévoyait la fermeture pour une durée de trois jours à un mois d'un journal ayant publié un article réprimé par cette loi.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

13.  Le requérant soutient que sa condamnation au pénal a enfreint son droit à la liberté d'expression. Il invoque à cet égard l'article 10 de la Convention, ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. (...)

2.  L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime (...) »

14.  Selon le Gouvernement, l'ingérence litigieuse est justifiée au regard de l'article 10 § 2 de la Convention, dans la mesure où l'article en question fait la propagande du PKK, une organisation terroriste.

15.  La Cour note qu'il ne prête pas à controverse entre les parties que la condamnation litigieuse constituait une ingérence dans le droit du requérant à la liberté d'expression, protégé par l'article 10 § 1. Il n'est pas davantage contesté que l'ingérence était prévue par la loi et poursuivait des buts légitimes, à savoir la sécurité nationale, la défense de l'ordre ainsi que l'intégrité territoriale, au sens de l'article 10 § 2 (voir Yağmurdereli c. Turquie, no 29590/96, § 40, 4 juin 2002). Reste à déterminer si la mesure en question était « nécessaire dans une société démocratique ».

16.  À cet égard, la Cour rappelle le rôle essentiel de la presse dans une société démocratique (voir Goodwin c. Royaume-Uni, arrêt du 27 mars 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996‑II, p. 500, § 39, et Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], no 21980/93, § 59, CEDH 1999‑III). S'il lui incombe de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et des idées sur toutes les questions d'intérêt général, elle ne doit pas franchir certaines limites, tenant notamment à la protection des intérêts vitaux de l'État, tels la sécurité nationale ou l'intégrité territoriale, contre la menace du terrorisme, ou en vue de la défense de l'ordre ou de la prévention du crime (Sürek et Özdemir c. Turquie [GC], nos 23927/94 et 24277/94, § 58, 8 juillet 1999).

17.  Or, c'est en premier lieu aux autorités nationales qu'il revient d'évaluer s'il existe un besoin social impérieux susceptible de justifier la restriction apportée à cette liberté, exercice pour lequel elles jouissent d'une grande marge d'appréciation. Là où les propos litigieux incitent à l'usage de la violence à l'égard d'un individu, d'un représentant de l'État ou d'une partie de la population, les autorités nationales jouissent d'une marge d'appréciation plus large dans leur examen de la nécessité d'une ingérence dans l'exercice de la liberté d'expression (Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95, § 62, CEDH 1999‑IV).

18.  Lorsqu'elle exerce son contrôle, la Cour n'a pas pour tâche de se substituer aux juridictions nationales mais de vérifier, sous l'angle de l'article 10, les décisions qu'elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d'appréciation. Pour ce faire, elle doit considérer l'ingérence en cause à la lumière de l'ensemble de l'affaire (voir, entre autres, Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 103, p. 28, § 46), notamment au regard des termes employés dans l'écrit incriminé, au contexte de sa publication et tenir compte des difficultés liées à la lutte contre le terrorisme (voir İbrahim Aksoy c. Turquie, nos 28635/95, 30171/96 et 34535/97, § 60, 10 octobre 2000).

19.  En l'espèce, le requérant a été condamné pour avoir diffusé les déclarations émanant d'un dirigeant d'une organisation terroriste. L'article en question contenait les déclarations d'Abdullah Öcalan, ancien chef du PKK. Il y critique la stratégie adoptée par le leader kurde Talabani, qui consiste à obtenir l'appui d'Ankara pour repousser le PKK vers la Turquie. Les propos litigieux s'apparentent ainsi en une prise de position politique.

20.  La Cour porte une attention particulière aux termes employés dans l'article en question. S'il est vrai que la prise de position d'Abdullah Öcalan va dans le sens d'un non-retour à la violence, la Cour note l'ambiguïté dans ses propos. En effet, l'auteur souligne que le PKK doit se défendre dans le cadre de « l'auto-défense légitime ».

21.  Pour la Cour, l'emploi d'une telle expression révèle une nette intention de légitimer le recours à la violence. À cet égard, elle rappelle que l'idéologie du PKK, telle que présentée par Abdullah Öcalan, implique le recours à la violence et, la lutte et la résistance armée sont présentés par celui-ci comme une « défense légitime » (voir en ce sens Gülcan Kaya c. Turquie (déc.), no 6250/02, 22 mars 2007, laquelle concernait la saisie d'un livre écrit par Abdullah Öcalan).

22.  Aux yeux de la Cour, les déclarations en question ne sauraient s'apprécier indépendamment de la personnalité de leur auteur. Force est de constater l'importance que ces propos revêtent, dès lors qu'ils émanent de l'ancien chef de ladite organisation. De la sorte, ils se voient conférer une portée particulière pour leurs lecteurs et tendent à légitimer et encourager la lutte et la résistance armées. Le lecteur retire ainsi l'impression que le recours à la violence est une mesure d'autodéfense nécessaire et justifiée. Il convient également de noter que depuis 1985 environ, de graves troubles font rage entre les forces de sécurité et les membres du PKK. Ces hostilités ont entraîné de nombreuses pertes humaines et la proclamation de l'état d'urgence dans la plus grande partie de la région du Sud-est de la Turquie, aujourd'hui levé. Or, la Cour a conscience des préoccupations des autorités au sujet de mots ou d'actes susceptibles d'aggraver la situation régnant en matière de sécurité dans cette région du pays. Dans un pareil contexte, force est de constater que l'article était susceptible de favoriser la violence (voir Gülcan Kaya, précité).

23.  Aussi, la Cour considère que les déclarations, lesquelles ont du reste été publiées telles quelles, sans aucun commentaire journalistique pour le présenter ou l'analyser, et émanant de l'ancien chef du PKK, peuvent passer pour inciter à l'usage de la violence, à la résistance armée, ou au soulèvement. Or, c'est là, aux yeux de la Cour, un élément essentiel à prendre en considération (Halis Doğan c. Turquie (no 3), no 4119/02, § 34, 10 octobre 2006).

24.  En outre, s'il est vrai que le requérant ne s'est pas personnellement associé aux déclarations exprimées dans l'article litigieux, il n'en a pas moins fourni une tribune à son auteur et permis leur diffusion. Par là, il partage indirectement les « devoirs et responsabilités » que les auteurs assument lors de la diffusion de leurs opinions auprès du public (voir, mutatis mutandis, Öztürk c. Turquie [GC], no 22479/93, § 49, CEDH 1999‑VI). En charge de la ligne éditoriale du quotidien, le requérant ne saurait s'exonérer de toute responsabilité quant à son contenu, le droit de communiquer des informations ne pouvant servir d'alibi ou de prétexte à la diffusion de propos qui recèlent un appel à la violence (Sürek c. Turquie (no 3) [GC], no 24735/94, §§ 40-41, 8 juillet 1999) ou à la diffusion de déclarations de groupements terroristes (Gülcan Kaya, précité).

25.  Enfin, la nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu'il s'agit de mesurer la proportionnalité d'une atteinte au droit à la liberté d'expression. En l'espèce, le requérant a été condamné au paiement d'une amende et les juridictions nationales ont prononcé une mesure de fermeture temporaire du quotidien, portant sur une durée de trois jours. À cet égard, la Cour rappelle que le fait de prévoir des sanctions dissuasives en droit interne peut se révéler nécessaire lorsque les déclarations constituent une incitation à la violence, à la résistance armée, ou au soulèvement.

26.  Partant, la Cour estime que la condamnation du requérant, eu égard à la marge d'appréciation dont jouissent les autorités nationales en pareil cas, ne peut être considérée comme disproportionnée aux buts légitimes poursuivis. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

27.  Le requérant se plaint de n'avoir pu répondre à l'avis du procureur général près la Cour de cassation qui ne lui fut pas communiqué. Il invoque à cet égard l'article 6 de la Convention, ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »

A.  Sur la recevabilité

28.  La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

29.  La Cour rappelle avoir examiné dans d'autres affaires un grief identique à celui présenté par le requérant et avoir conclu à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention du fait de la non-communication de l'avis du procureur général, compte tenu de la nature des observations de celui-ci et de l'impossibilité pour un justiciable d'y répondre par écrit (voir Göç c. Turquie [GC], no 36590/97, § 55, CEDH 2002‑V).

30.  Après examen de la présente affaire, la Cour considère que le Gouvernement n'a fourni aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent.

31.  Partant, elle conclut à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

32.  Le requérant estime que la mesure portant fermeture temporaire du quotidien porte atteinte à l'article 1 du Protocole no 1 ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international (...) »

33.  Eu égard au constat relatif à l'article 10 de la Convention (paragraphe 26 ci-dessus), la Cour estime que ce grief est manifestement mal fondé et qu'il y a lieu de le rejeter en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

IV.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

34.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

35.  Le requérant allègue avoir subi un préjudice matériel qu'il évalue à 10 000 euros (EUR). Il explique que le quotidien a dû définitivement cesser son activité à la suite des nombreuses condamnations et que lui-même a été contraint de quitter la Turquie pour s'installer à l'étranger, n'étant pas en mesure de payer les amendes qui lui étaient infligées. Il réclame en outre la réparation d'un dommage moral qu'il évalue à 10 000 EUR.

36.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

37.  La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué. Elle rejette donc cette demande.

Par ailleurs, elle estime que son constat de violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral allégué.

B.  Frais et dépens

38.  Le requérant demande également 2 500 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour. Il ne fournit aucun justificatif.

39.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

40.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

En l'espèce, le requérant n'a pas ventilé ses prétentions dans la mesure où il ne fournit pas de décompte du travail effectué par ses avocats et ne justifie pas les dépenses prétendument engagées. La Cour estime toutefois que l'intéressé a indéniablement encouru des frais et dépens pour la présentation de sa requête et estime raisonnable de les rembourser à la hauteur forfaitaire de 500 EUR. Elle lui alloue donc cette somme pour la procédure devant la Cour.

C.  Intérêts moratoires

41.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

1.  Déclare, à l'unanimité, le restant de la requête recevable quant au grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention et, à la majorité, irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit, à l'unanimité, que le constat d'une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;

4.  Dit, à l'unanimité,

a)  que l'État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 500 EUR (cinq cents euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, à convertir en nouvelles livres turques au taux applicable à la date du règlement ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5.  Rejette, à l'unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 septembre 2007 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Santiago QuesadaBoštjan M. Zupančič
GreffierPrésident


[1]  À l’époque des faits, il était le président d'un parti politique dans le nord de l'Irak, le Kürdistan Yurtseverler Birliği (« Union des Patriotes Kurdes »).

[2]  Version turque du paragraphe : PKK’nın meşru öz savunma çizgisinde kendisini savunması gerektiğini kaydeden Öcalan, « Biz bu sürecin çatışmalara dönüşmemesi, kanlı geçmemesi için soğuk kanlılığımızı koruyacağız » dedi.

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