CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE FLOREA c. ROUMANIE, 14 septembre 2010, 37186/03

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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CEDH · 14 septembre 2010

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CEDH · 14 septembre 2010

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CEDH · 6 septembre 2010

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 14 sept. 2010, n° 37186/03
Numéro(s) : 37186/03
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Alver c. Estonie, no 64812/01, 8 novembre 2005
Andreï Frolov c. Russie, no 205/02, §§ 47-49, 29 mars 2007
Aparicio Benito c. Espagne (déc.), no 36150/03, le 3 novembre 2006
Babouchkine c. Russie, no 67253/01, § 44, 18 octobre 2007
Bragadireanu c. Roumanie, no 22088/04, 6 décembre 2007
Dougoz c. Grèce, nº 40907/98, CEDH 2001-II
Kadikis c. Lettonie, no 62393/00, § 55, 4 mai 2006
Kantyrev c. Russie, no 37213/02, §§ 50-51, 21 juin 2007
Karalevicius c. Lituanie, no 53254/99, 7 avril 2005
Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, CEDH 2000-XI
Maciuca c. Roumanie, no 25763/03, §§ 14 et 19, 26 mai 2009
Marian Stoicescu c. Roumanie, no 12934/02, §§ 17 et 18, 16 juillet 2009
Melnik c. Ukraine, no 72286/01, § 102, 28 mars 2006
Norbert Sikorski c. Pologne, no 17599/05, §§ 131, 132 et 137, 22 octobre 2009
Petrea c. Roumanie, no 4792/03, §§ 35-37 et 40, 29 avril 2008
Stoine Hristov c. Bulgarie (no 2), no 36244/02, §§ 43-45, 16 octobre 2008
Trepachkine c. Russie, no 36898/03, § 94, 19 juillet 2007
Vlassov c. Russie, no 78146/01, § 84, 12 juin 2008
Organisations mentionnées :
  • Comité européen pour la prévention de la torture
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 3 (volet matériel) ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation
Identifiant HUDOC : 001-100357
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2010:0914JUD003718603
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE FLOREA c. ROUMANIE

(Requête no 37186/03)

ARRÊT

STRASBOURG

14 septembre 2010

DÉFINITIF

14/12/2010

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Florea c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura,
Corneliu Bîrsan,
Boštjan M. Zupančič,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
Luis López Guerra, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 août 2010,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 37186/03) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Gheorghe Florea (« le requérant »), a saisi la Cour le 9 octobre 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire, est représenté par Me Bogdan Zamora Ciobanu, avocat à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.

3.  Le requérant allègue en particulier avoir dû supporter des conditions inappropriées de détention alors qu'il était malade, y compris le fait de s'être vu obligé de partager sa cellule avec de nombreux détenus qui fumaient.

4.  Le 2 avril 2009, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5.  Le requérant est né en 1949 et réside à Botoşani.

6.  Il fut arrêté et placé en détention provisoire le 20 février 2002 étant accusé de vol qualifié. Le 21 mars 2002, il fut transféré à la prison de Botoşani.

7.  Le 7 octobre 2002, le requérant fut condamné pour vol qualifié à quatre ans et six mois de prison par jugement du tribunal de première instance de Botoşani. Ce jugement devint définitif.

A.  Les conditions de détention

8.  Lors de son incarcération à la prison de Botoşani, le requérant souffrait d'hépatite chronique et d'hypertension artérielle au stade I/II. En prison, il partagea les cellules nos 2, 67 et 95, mal chauffées et mal aérées y compris avec des détenus fumeurs. Ainsi, il dut partager la cellule no 67 pendant environ huit ou neuf mois avec un nombre de détenus allant de 110 à 120, alors qu'elle contenait seulement 35 lits. 90% de ces détenus étaient des fumeurs, selon le requérant.

9.  A trois reprises, à savoir du 21 septembre au 9 octobre 2002, du 12 au 25 juin 2003 et du 25 octobre au 5 novembre 2003, il fut transféré dans l'hôpital pénitentiaire de Târgu Ocna, pour recevoir des soins médicaux, selon lui, en raison de l'aggravation de son état de santé. Il y séjourna dans les salles nos 1 et 2.

10.  Le requérant fut renvoyé en prison où il dût cohabiter avec des fumeurs. Selon lui, son alimentation, consistant principalement en des graisses animales (lard de porc), n'était pas adaptée à son hépatite. Sa cellule de prison n'était pas aérée, il y faisait froid et il y avait en permanence de la fumée de cigarettes.

11.  Après son deuxième séjour à l'hôpital, à son retour en prison, le requérant allègue avoir été maintenu dans une cellule sans lits et avec un sol en béton, pendant une période de quatorze jours.

12.  Par une lettre du 6 novembre 2003, le ministère de la justice expliqua, en réponse aux plaintes du requérant, qu' « en raison du phénomène de surpopulation dans les prisons, la capacité d'accueil étant réduite, les détenus pouvaient être amenés à dormir à deux dans un lit, jusqu'à ce qu'un accueil correct soit possible ». La même lettre indiquait que du 30 juillet au 8 août 2003, le requérant avait dormi à même le sol selon son propre souhait, en raison de la canicule. Le ministère informa le requérant qu'en raison de l'espace limité, la séparation des détenus fumeurs et non fumeurs était impossible.

13.  Par une pétition du 26 juillet 2004 adressée au directeur général de l'Administration des prisons, le requérant se plaignait de ne recevoir qu'un traitement médical pour son hypertension et non pour ses autres maladies. Il faisait également valoir qu'en dépit du fait que le directeur de la prison avait établit que la cellule no 2 que partageait le requérant avec d'autres malades chroniques, devrait être occupée uniquement par des détenus non-fumeurs, jamais cette consigne n'avait été respecté, car il y avait en permanence au moins un détenu fumeur. Selon le requérant, cette situation augmentait la tension entre les codétenus.

14.  Un rapport médicolégal datant du 4 janvier 2005 constatait que le requérant souffrait d'hypertension artérielle essentielle au stade II/III, d'hépatite chronique, d'hypersplénisme, d'angor, d'obésité commune de grade I et d'hypertrophie bénigne de la prostate. Le rapport concluait que ces maladies pouvaient être traitées dans le réseau sanitaire du ministère de la Justice. Selon les recommandations médicales contenues dans ce rapport, le requérant devrait suivre un régime alimentaire hypo sodique et hypocalorique, il devrait éviter le tabac, ainsi que la consommation des graisses animales et de condiments.

15.  Selon une lettre datée du 21 août 2009, de l'Administration nationale des prisons, les conditions dans lesquelles le requérant avait été détenu étaient les suivantes :

- la cellule no 67, où le requérant resta pendant trois mois, en raison de son affectation à des travaux légers, avait une surface de 55,29 m² et contenait trente-cinq lits, était chauffée par deux radiateurs fonctionnant en moyenne 15 heures par jour et disposant d'un groupe sanitaire avec toilette et lavabo ;

- la cellule no 2, à destination d'infirmerie, avait une surface de 21,27 m² et contenait neuf lits, était chauffée par un radiateur et disposait d'un groupe sanitaire avec toilette, lavabo et douche.

- la cellule no 95, destinée aux détenus âgés et inaptes au travail, avait une surface de 26,79 m² et contenait douze lits, était chauffée par un radiateur et disposait d'un groupe sanitaire avec toilette, lavabo et douche.

La même lettre indique qu'il n'y a pas de données concernant le nombre de personnes détenues dans chaque cellule pendant cette période. Elle indique, en outre, que les cours de promenade de l'établissement pénitentiaire avaient une surface allant de 30 m² à 149,64 m².

16.  Selon cette même lettre, le requérant était connu comme non-fumeur, mais « en l'absence d'espace suffisant d'accueil et en raison de la surpopulation carcérale existant au niveau du système pénitentiaire, la séparation par catégories de fumeurs et non-fumeurs n'était pas possible ». La lettre mentionne également qu'il était permis de fumer seulement dans les toilettes et dans les cours de promenade, où les détenus pouvaient sortir entre une heure et une heure et demie par jour.

17.  Concernant le séjour du requérant à l'hôpital pénitentiaire de Târgu Ocna, la lettre du 21 août 2009 mentionnait que les conditions dans lesquelles il avait été détenu étaient les suivantes :

- la section de l'hôpital destinée aux malades chroniques était composée de deux salles ; la salle no 1 avait une surface de 57,60 m² ; la salle no 2 avait une surface de 55,20 m² ;

- pendant la première période d'hospitalisation du requérant, à savoir du 21 septembre au 9 octobre 2002, les deux salles de la section de malades chroniques accueillaient de 23 à 32 malades ; pendant la deuxième période d'hospitalisation, à savoir du 12 au 25 juin 2003, il y avait de 9 à 17 malades alors que pendant la troisième période d'hospitalisation du requérant, à savoir du 25 octobre au 5 novembre 2003, les deux salles avaient accueilli ensemble de 31 à 59 malades.

La lettre mentionnait que seules les statistiques par section pouvaient être établies, car aucun enregistrement n'avait été gardé concernant le nombre de malades dans chaque salle.

18.  Concernant la situation des malades non-fumeurs, la lettre mentionnait qu'il n'y avait pas de séparation des malades en fonction de ce critère, mais que le médecin chef de section recommandait l'aération constante des salles et « d'éviter, autant que possible, de fumer dans la salle ».

19.  Selon la lettre du 21 août 2009, le requérant avait été admis au bénéfice de la norme de nourriture no 18, adaptée aux recommandations médicales pour les détenus qui souffraient de maladies chroniques. Plus précisément, il recevait de la nourriture à contenu réduit en graisses et en sel.

20.  Le requérant saisit le tribunal de première instance de Botoşani d'une demande d'interruption de l'exécution de la peine, pour des raisons médicales, qui fut rejetée, le 4 février 2005.

21.  Le requérant fut libéré conditionnellement le 15 février 2005. Selon la lettre du 21 août 2009, de l'Administration nationale des prisons, son état de santé avait été stationnaire pendant la période de sa détention.

B.  L'action en dédommagement formée par le requérant au titre des conditions de détention inappropriées

22.  Le 28 avril 2004, alors qu'il se trouvait toujours en prison, le requérant saisit le tribunal de première instance de Botoşani d'une action en dédommagement fondée sur les articles 998-999 du code civil, au titre de la dégradation de son état de santé à cause de son incarcération dans des cellules avec des détenus fumeurs et des mauvaises conditions de détention.

23.  Par jugement du 3 septembre 2004, le tribunal de première instance déclina sa compétence en faveur du tribunal départemental de Botoşani.

24.  Par jugement du 6 décembre 2006, le tribunal départemental débouta le requérant de ses prétentions au motif que le rapport de causalité entre les conditions de détention, y compris la fumée de tabac provenant des codétenus et les maladies du requérant, dont certaines semblaient avoir préexisté à son incarcération, n'avait pas été établi.

25.  Le requérant ne forma pas de recours contre ce jugement.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONAUX PERTINENTS

A.  Le droit et la pratique interne pertinents

1.  Les dispositions législatives générales

26.  Les dispositions générales du droit interne pertinent concernant l'exécution des peines privatives de liberté et le droit des détenus à l'assistance médicale sont partiellement décrites dans les arrêts Gagiu c. Roumanie, no 63258/00, §§ 41-42, 24 février 2009 et Măciucă c. Roumanie, no 25763/03, § 14, 26 mai 2009.

27.  L'arrêté du ministère de la Justice no 433/C du 5 février 2010, sur les conditions minimales obligatoires dans les centres de détention de personnes privées de liberté, publié au Journal Officiel no 103 de 15 février 2010 prévoient que les cellules doivent assurer un espace minimum de 4 m² par détenu, pour ceux qui sont confinés dans leurs cellules (regimul închis sau de maximă siguranţă).

2.  Les dispositions législatives particulières concernant la nourriture et la protection contre les effets du tabac, dans le milieu pénitentiaire

28.  Les normes concernant la nourriture pour les détenus malades mis au régime sont décrites dans la lettre du 21 août 2009 de l'Administration nationale des prisons qui renvoie à l'arrêté du ministère de la Justice no 2713/C/2001 comprenant la « norme no 18 », dont le gouvernement a soumis une copie. En vertu de cette réglementation, l'apport nutritionnel journalier pour un détenu malade doit être, en moyenne, de 3 175 calories et doit comprendre notamment du pain (550 grammes), des pommes de terre (400 grammes), des légumes frais pendant l'été (300 grammes) ou en conserves pendant l'hiver (80 grammes), du lait (200 grammes), des fruits frais pendent l'été (70 grammes) ou secs pendant l'hiver (20 grammes) de la viande de porc (70 grammes), un œuf, du riz (30 grammes), des biscuits (30 grammes), des produits dérivés de la viande (30 grammes), de la purée de tomates (30 grammes) de la margarine (20 grammes), du sucre (20 grammes), du sel (20 grammes) et de l'huile alimentaire (15 grammes).

29.  La loi no 349/2002 sur la prévention et la lutte contre les effets de la consommation de tabac, publiée dans le Journal officiel no 435 du 21 juin 2002, telle que modifiée par le règlement du Gouvernement no 13/2003, du 30 janvier 2003 et par la loi no 275/2003, du 23 juin 2003, en vigueur à l'époque des faits, prévoyait dans son article 3 qu'il était interdit de fumer dans les unités sanitaires d'État ou privées et dans les espaces publics fermés. Les espaces publics fermés étaient définis comme tous les espaces des institutions publiques centrales et locales, des institutions d'enseignement, des institutions ou des unités économiques, d'alimentation publique, de tourisme, de commerce, d'enseignement, médicales ou sanitaires, culturelles, d'éducation, sportives, dans tous les transports en commun, dans les gares routières, dans les gares et les aéroports, d'État ou privés, ainsi que dans les espaces fermés sur les lieux de travail ou dans d'autres espaces prévus par la loi, à l'exception des espaces spécialement délimités et aménagés pour les fumeurs, dans leurs périmètres. Selon la loi, les espaces fermés sur les lieux de travail comprenaient également les pièces utilisées par deux ou plusieurs personnes.

30.  Par une décision du 12 avril 2005, le tribunal de première instance d'Arad, statuant après une première cassation avec renvoi, fit droit à un détenu incarcéré à la prison d'Arad qui se plaignait d'avoir été obligé de partager une cellule avec des détenus fumeurs. Le tribunal estima qu'en vertu de la loi no 349/2002 les prisons étaient des espaces publics et qu'il était interdit de fumer dans les espaces fermés des prisons. Le tribunal indiqua que, même si la loi ne prévoyait pas expressément qu'elle s'appliquait aux établissements pénitentiaires, il fallait l'interpréter dans ce sens car les exceptions énumérées limitativement par cette loi n'incluaient pas les prisons. En outre, après avoir noté que la prison d'Arad permettait que les détenus fumeurs soient incarcérés dans les mêmes cellules que les non-fumeurs, le tribunal ordonna à l'administration des prisons d'assurer la détention du plaignant dans une cellule sans fumeurs et de mettre fin à la violation de son droit tel que garantit par la loi no 349/2002. Le tribunal rejeta la demande de réparation du dommage moral formée par le plaignant.

Cette décision de justice fut confirmée par un arrêt du 13 septembre 2005 du tribunal départemental d'Arad.

Par une décision du 12 janvier 2006, le tribunal de première instance d'Arad fit à nouveau droit au même plaignant ayant obtenu la décision favorable du 12 avril 2005, au motif qu'il continuait à être incarcéré dans des cellules avec des détenus fumeurs, car l'Administration des prisons ne s'était pas conformée à la décision de justice définitive rendue à son encontre, au motif qu'en raison du manque d'espace il était impossible de séparer les détenus fumeurs des non-fumeurs.

3.  La pratique pertinente concernant les conditions de détention

31.  Par une décision du 12 août 2004, le tribunal départemental de Prahova constata que « le prétendu traitement inhumain ou dégradant à cause du non respect du droit à un lit individuel et à un espace de vie adéquat, ainsi qu'à cause des mauvaises conditions de détention doit être considéré à la lumière des conditions générales qui existent dans les prisons et ne peut être considéré comme relevant des actions ou inactions imputables à l'Administration de la prison, ni comme enfreignant les dispositions légales applicables ».

32.  Dans sa décision du 5 mars 2005, le tribunal de première instance de Baia Mare a rejeté la plainte d'un détenu relative à des mauvaises conditions de détention (surpopulation, alimentation, hygiène), retenant qu'il s'agissait des conditions caractéristiques de toutes les prisons de Roumanie, dues à un budget insuffisant et un taux très élevé d'occupation (Marian Stoicescu c. Roumanie, no 12934/02, § 17, 16 juillet 2009).

B.  Le droit et la pratique internationaux pertinents

33.  Les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) rendues à la suite des visites effectuées dans des prisons de Roumanie, tout comme les observations à caractère général du CPT, sont résumées dans les arrêts Bragadireanu c. Roumanie (no 22088/04, §§ 73-76, 6 décembre 2007) et Brânduşe c. Roumanie, no 6586/03, § 33, CEDH 2009‑... (extraits). Par ailleurs, les paragraphes pertinents de la Recommandation (98)7 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins de santé en milieu pénitentiaire, adoptée le 8 août 1998, sont reproduits dans l'arrêt Huylu c. Turquie (no 52955/99, § 53, 16 novembre 2006).

34.  Dans son dernier rapport publié le 11 décembre 2008 à la suite de sa visite en juin 2006 dans plusieurs établissements pénitentiaires de Roumanie, le CPT précisa :

« § 70 : (...)  le Comité est très gravement préoccupé par le fait que le manque de lits demeure un problème constant non seulement dans les établissements visités mais également à l'échelon national, et ce, depuis la première visite en Roumanie en 1995. Il est grand temps que des mesures d'envergure soient prises afin de mettre un terme définitif à cette situation inacceptable. Le CPT en appelle aux autorités roumaines afin qu'une action prioritaire et décisive soit engagée afin que chaque détenu hébergé dans un établissement pénitentiaire dispose d'un lit.

En revanche, le Comité se félicite que, peu après la visite de juin 2006, la norme officielle d'espace de vie par détenu dans les cellules ait été amenée de 6 m3 (ce qui revenait à une surface de plus ou moins 2 m² par détenu) à 4 m² ou 8 m3. Le CPT recommande aux autorités roumaines de prendre les mesures nécessaires en vue de faire respecter la norme de 4 m² d'espace de vie par détenu dans les cellules collectives de tous les établissements pénitentiaires de Roumanie. »

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

35.  Le requérant allègue que les conditions de détention dans la prison de Botoşani ont enfreint son droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, tel que prévu par l'article 3 de la Convention, ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

36.  Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.

A.  Sur la recevabilité

37.  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours en affirmant que le requérant aurait pu introduire une plainte contre le personnel des prisons, ainsi qu'une action en responsabilité civile délictuelle, fondée sur les articles 998-999 du Code civil, en raison du préjudice qu'il aurait subi. Il invoque à cet égard le fait qu'une action de ce type avait abouti au dédommagement d'un requérant au titre des conditions de sa détention, dans l'affaire Stan c. Roumanie (déc.), no 6936/03, du 20 mai 2008). En outre, le règlement d'urgence no 56/2003 entré en vigueur le 27 juin 2003 garantit, de façon plus spécifique, les droits des personnes qui exécutent une peine privative de liberté, dont le droit à l'assistance médicale adéquate. Le Gouvernement allègue, en outre, que le requérant n'a jamais porté à la connaissance de l'administration de la prison qu'il souhaitait ne pas partager une cellule avec des détenus fumeurs et ne s'est jamais plaint des conditions de sa détention.

38.  Au titre de la jurisprudence interne pertinente, le Gouvernement soumet une décision de justice rendue en 2005 et seize autres décisions de justice rendues de 2006 à 2008 par diverses juridictions (les tribunaux de première instance de Bucarest, Piteşti, Arad et Craiova et les tribunaux départementaux de Maramureş et Dolj) dans des affaires concernant l'application du règlement d'urgence no 56/2003 et de la loi no 275/2006, en matière d'assistance médicale des détenus et de sanctions disciplinaires infligées aux détenus, dont sept ont été tranchées en faveur des plaignants.

39.  Se référant à l'échec de son action entamée le 28 avril 2004, le requérant réplique que les voies de recours indiquées par le Gouvernement n'étaient pas efficaces.

40.  La Cour rappelle que, dans l'affaire Petrea c. Roumanie, no 4792/03, § 35, 29 avril 2008, elle a conclu pour la première fois, qu'un recours fondé sur les dispositions du règlement d'urgence no 56/2003 constituait un recours effectif, au sens de l'article 35 § 1 de la Convention, s'agissant d'allégations relatives au défaut d'assistance médicale appropriée, après son entrée en vigueur, en juin 2003, mais qu'il n'en était pas un s'agissant des conditions de détention proprement dites (Petrea précité, §§ 36 et 37 et Măciucă, précité § 19) ou de l'assistance médicale pour la période antérieure à 2003 (Petrea précité, § 40). Elle rappelle également que, dans une autre affaire concernant une détention ayant commencé en mars 2004, elle a déclaré recevable un grief relatif à l'assistance médicale en prison, (voir Bragadireanu, précité, §§ 81 et 86-91).

41.  En l'espèce, la Cour observe d'une part que le grief du requérant porte sur une période de détention ayant commencé en mars 2002, soit plus d'une année avant l'entrée en vigueur en juin 2003 du règlement d'urgence no 56/2003. D'autre part elle note que l'essentiel de son grief vise les conditions matérielles de détention, notamment le surpeuplement carcéral qu'il a dû supporter, y compris en partageant son lit avec plusieurs autres personnes ou en devant dormir à même le sol et le fait d'avoir été obligé de supporter la fumée du tabac des détenus fumeurs avec lesquels il partageait les cellules ou les salles de l'hôpital pénitentiaire. La partie du grief qui concerne la dégradation alléguée de son état de santé est articulée comme une conséquence des conditions matérielles de détention décrites ci-dessus.

42.  Toutefois, dans la mesure où le grief du requérant se rapporte à l'insuffisance alléguée de son traitement médical après juin 2003, la Cour constate, comme elle l'a fait dans les affaire Petrea et Măciucă, précitées, que le requérant a omis d'introduire un recours fondé sur les dispositions du règlement d'urgence no 56/2003.

Dès lors, cette partie du grief doit être rejetée pour non épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

43.  Pour ce qui est du restant du grief, qui porte sur les conditions matérielles de la détention du requérant, la Cour note que le requérant a attiré à plusieurs reprises l'attention des autorités compétentes sur les mauvaises conditions de détention, y compris sur la présence de détenus fumeurs dans sa cellule (voir les paragraphes 13 et 22).

44.  En outre, la Cour observe que le Gouvernement n'a pas indiqué de quelle manière les voies de recours citées auraient pu remédier aux conditions de détention alléguées. A cet égard, les décisions qu'il a fournies ne sont pas pertinentes, car aucune ne remonte à la période pendant laquelle le requérant était détenu, toutes étant postérieures à la date de sa libération.

La Cour relève également que les décisions du 12 août 2004 du tribunal départemental de Prahova et du 5 mars 2005 du tribunal de première instance de Baia Mare (voir les paragraphes 31-32 ci-dessus) se limitent à prendre note des conditions de détention dénoncées et à les expliquer par le manque de moyens suffisants en refusant de satisfaire aux griefs des plaignants concernant ces conditions de détention (Marian Stoicescu, précité § 18).

45.  Partant, la Cour estime qu'il convient de rejeter l'exception de non‑épuisement soulevée par le Gouvernement quant aux conditions matérielles de détention du requérant, à l'exception de l'insuffisance alléguée de son traitement médical, après juin 2003. Elle constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

46.  Le requérant allègue que la surpopulation carcérale qu'il a dû supporter, y compris en partageant son lit avec plusieurs autres personnes ou en devant dormir à même le sol et le fait d'avoir été obligé de supporter la fumée de tabac, en raison des détenus fumeurs dans sa cellule et dans sa salle à l'hôpital pénitentiaire, ainsi que la mauvaise qualité de la nourriture inadaptée à ses maladies, ont représenté un traitement humiliant et ont contribué à la dégradation de son état de santé, fait démontré par la nécessité de son hospitalisation à trois reprises durant ses trois années d'incarcération.

47.  Le Gouvernement fait valoir que les autorités ont fait tout leur possible pour offrir au requérant des conditions de détention adéquates. Ainsi, il avait été incarcéré dans des cellules dotées de lits et de groupes sanitaires, qui étaient éclairées naturellement et artificiellement, aérées et chauffées. Il pouvait effectuer une promenade à l'extérieur de sa cellule une heure à une heure trente par jour, dans les cours de promenade du centre pénitentiaire ayant une surface allant de 30 m² à 149,64 m².

En ce qui concerne la séparation des détenus fumeurs des non-fumeurs, le Gouvernement indique que, malgré le fait que ce critère de séparation n'était pas prévu dans le cadre de l'établissement pénitentiaire de Botoşani, fumer était permis seulement dans les toilettes et dans les cours de promenade de la prison.

48.  Concernant la nourriture offerte au requérant pendant son incarcération, le Gouvernement se réfère à la norme no 18 dont le bénéfice était octroyé à tous les malades chroniques. En outre, il fait valoir que le requérant a bénéficié d'un régime hypo-lipidique et hypo-sodique, selon les recommandations du médecin.

49.  Le Gouvernement fait valoir que le requérant n'a présenté aucune preuve à l'appui de son affirmation selon laquelle les conditions de détention dénoncées, dont notamment la fumée de tabac, auraient contribué à la dégradation de son état de santé. En outre, le Gouvernement indique que le requérant a été constamment suivi par un personnel médical qualifié, qui lui a apporté tout le soutien dont il avait besoin. Quant aux éventuels dysfonctionnements temporaires, ceux-ci ont été réglés.

50.  La Cour relève que les mesures privatives de liberté impliquent habituellement pour un détenu certains inconvénients. Toutefois, elle rappelle que l'incarcération ne fait pas perdre à un détenu le bénéfice des droits garantis par la Convention. Au contraire, dans certains cas, la personne incarcérée peut avoir besoin d'une protection accrue en raison de la vulnérabilité de sa situation et parce qu'elle se trouve entièrement sous la responsabilité de l'État. Dans ce contexte, l'article 3 fait peser sur les autorités une obligation positive qui consiste à s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d'exécution de la mesure ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l'emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, CEDH 2000-XI, Norbert Sikorski c. Pologne, no 17599/05, § 131, 22 octobre 2009).

1.  Surpopulation carcérale

51.  S'agissant des conditions de détention, la Cour prend en compte les effets cumulatifs de celles-ci ainsi que les allégations spécifiques du requérant (Dougoz c. Grèce, nº 40907/98, CEDH 2001-II). En particulier, le temps pendant lequel un individu a été détenu dans les conditions incriminées constitue un facteur important à considérer (Alver c. Estonie, no 64812/01, 8 novembre 2005). En outre, dans certains cas, lorsque la surpopulation carcérale atteint un certain niveau, le manque d'espace dans un établissement pénitentiaire peut constituer l'élément central à prendre en compte dans l'appréciation de la conformité d'une situation donnée à l'article 3 (en ce sens, Karalevičius c. Lituanie, no 53254/99, 7 avril 2005).

S'agissant en particulier de ce dernier facteur, la Cour relève que lorsqu'elle a été confrontée à des cas de surpopulation flagrante, elle a jugé que cet élément, à lui seul, pouvait suffire pour conclure à la violation de l'article 3 de la Convention. En règle générale, étaient concernés les cas de figure où l'espace personnel accordé à un requérant était inférieur à 3 m² (Kantyrev c. Russie, no 37213/02, §§ 50-51, 21 juin 2007, Andreï Frolov c. Russie, no 205/02, §§ 47-49, 29 mars 2007, Kadikis c. Lettonie, no 62393/00, § 55, 4 mai 2006, et Melnik c. Ukraine, no 72286/01, § 102, 28 mars 2006). En revanche, lorsque le manque de l'espace n'était pas aussi flagrant, la Cour a pris en considération d'autres aspects des conditions matérielles de détention pour apprécier la conformité d'une situation donnée à l'article 3 de la Convention. Il s'agissait en particulier de facteurs tels que la possibilité pour un requérant de bénéficier d'un accès aux toilettes dans des conditions respectueuses de son intimité, la ventilation, l'accès à la lumière naturelle, l'état des appareils de chauffage ainsi que la conformité avec les normes d'hygiène. Ainsi, même dans les cas où un espace personnel plus important, compris entre 3 m² et 4 m², était accordé au requérant dans une cellule, la Cour a néanmoins conclu à la violation de l'article 3 en prenant en compte l'exiguïté combinée avec l'absence établie de ventilation et d'éclairage appropriés (Vlassov c. Russie, no 78146/01, § 84, 12 juin 2008, Babouchkine c. Russie, no 67253/01, § 44, 18 octobre 2007, Trepachkine c. Russie, no 36898/03, § 94, 19 juillet 2007).

52.  Faisant application des principes susmentionnés au cas d'espèce, il convient de tenir compte du facteur qui est en l'occurrence central, à savoir l'espace personnel accordé au requérant dans les différents établissements pénitentiaires où il a été incarcéré.

53.  La Cour observe que, du 20 février 2002 jusqu'au 15 février 2005, c'est-à-dire pendant une période d'environ trois ans, le requérant a été détenu principalement dans l'établissement pénitentiaire de Botoşani et dans l'hôpital pénitentiaire de Târgu Ocna. Le requérant soutient avoir passé la totalité de son incarcération dans des cellules surpeuplées au sein desquelles il ne pouvait disposer ni de son propre lit, ni même des 6 m3, soit environ 2 m², d'espace personnel, garantis par la législation interne en vigueur avant 2006 (voir les paragraphes 26-27 et 34, ci-dessus).

Selon les donnés communiquées par le Gouvernement, à supposer que chaque lit se trouvant dans la cellule était occupé seulement par une personne, le requérant a disposé respectivement d'environ 1,57 m² d'espace personnel (dans la cellule no 67) à 2,36 m² (dans la cellule no 2) à la prison de Botoşani (voir le paragraphe 15, ci-dessus). De même, pendant sa troisième hospitalisation du 25 octobre au 5 novembre 2003, selon les données fournies par le Gouvernement, les deux salles de malades chroniques où se trouvait également le requérant, ayant une surface additionnée de 112,80 m² étaient occupées par un nombre de 31 à 59 malades, ce qui correspond à un espace allant de 3,63 à 1,89 m² par personne.

54.  La Cour observe également que les lettres envoyées au requérant par le ministère de la Justice en réponse à ses plaintes portant sur ses conditions de détention (voir le paragraphe 12, ci-dessus) et au Gouvernement, par l'administration nationale des prisons (voir le paragraphe 16, ci-dessus) font état du dépassement de la capacité d'accueil non seulement dans la prison de Botoşani, mais aussi sur l'ensemble des établissements carcéraux du pays. En outre, la première lettre indiquait qu'en raison de la surpopulation, les détenus devraient dormir même à deux dans un lit ou qu'en raison de la canicule, ils dormaient à même le sol.

55.  En outre, la Cour se doit de tenir compte des déclarations des juridictions nationales (voir, le paragraphe 32, ci-dessus) dans lesquelles celles-ci ont reconnu la nature systémique du problème de la surpopulation carcérale en Roumanie (voir mutatis mutandis, Norbert Sikorski, précité § 132).

56.  La Cour conclut qu'en l'espèce, pendant une période d'environ trois ans, le requérant a subi notamment à la prison de Botoşani une grande promiscuité étant donné que l'espace dont il pouvait disposer était inférieur au standard européen (voir le paragraphe 34, ci-dessus). A cet égard, la Cour observe qu'après la fin de l'incarcération du requérant, la norme garantie au niveau national en matière de surface habitable dans des établissements pénitentiaires, est de 4 m².

2.  Autres facteurs

57.  La Cour observe ensuite que le manque d'espace dont le requérant se plaint semble avoir été encore aggravée par le fait que les possibilités de circuler en dehors de sa cellule étaient limitées de manière significative (Norbert Sikorski, précité § 137). En effet, il ressort des déclarations concordantes des parties que le requérant ne pouvait en principe passer hors de sa cellule qu'au maximum une heure et demie par jour. La Cour note également que les conditions dans lesquelles le requérant pouvait faire sa promenade journalière à la prison de Botoşani étaient peu confortables en raison de l'exiguïté de la cour de promenade (voir le paragraphe 15, ci-dessus).

58.  La Cour note également qu'il ressort des déclarations des parties qu'à la prison de Botoşani, à l'exception d'une période initiale d'environ trois mois, pendant laquelle il a été affecté à des travaux légers (voir le paragraphe 15, ci-dessus), le requérant n'a bénéficié d'aucune activité en plus de l'heure de promenade réglementaire et a donc été confiné dans sa cellule pendant 23 heures par jour. Le temps considérable que le requérant a passé enfermé dans sa cellule ne pouvait qu'aggraver les conséquences résultant de la promiscuité régnant à l'intérieur.

59.  Qui plus est, la Cour relève que le requérant a été enfermé dans une qui servait à la fois de chambre et de salle à manger, où les détenus devaient prendre leurs repas. Ainsi les conditions d'hygiène à l'intérieur d'une telle cellule, ne pourraient être que déplorables.

60.  S'agissant des allégations du requérant selon lesquelles il a été obligé de partager sa cellule ainsi que la salle qu'il a occupés à l'hôpital pénitentiaire pendant ses trois périodes d'hospitalisation, avec des détenus fumeurs, la Cour rappelle tout d'abord qu'elle a déjà eu l'occasion de relever l'absence d'une action uniforme dans les États membres en ce qui concerne la réglementation relative au tabagisme et la protection contre le tabagisme passif dans les établissements pénitentiaires. Dans l'affaire Aparicio Benito c. Espagne ((déc.), no 36150/03, le 3 novembre 2006), elle a constaté que dans les différents États membres des situations où des prisonniers fumeurs et non fumeurs étaient contraints de partager la même cellule coexistaient avec des situations où ces deux groupes étaient placés dans des cellules séparées. De plus, elle a observé que certaines Parties contractantes limitaient la surface des parties communes où il était autorisé de fumer et que d'autres États n'avaient fixé aucune limitation pour les fumeurs dans les centres pénitentiaires.

61.  La Cour constate toutefois que dans l'affaire Aparicio Benito, précitée le requérant était incarcéré dans une prison où il disposait d'une cellule individuelle et où, depuis la date de l'ordonnance du directeur du centre pénitentiaire, la seule salle commune dans laquelle il était autorisé de fumer était la salle de télévision, alors que l'infirmerie, les ateliers, la cuisine, la salle de cours et la salle à manger étaient des espaces non fumeurs.

Il en va différemment dans la présente affaire. En effet, le requérant n'a jamais disposé de cellule individuelle. Bien au contraire, il a dû partager pendant près de trois ans des cellules, dans lesquelles il était confiné 23 heures par jour, avec des détenus fumeurs. Qui plus est, il a dû supporter le tabagisme de ses codétenus même dans la cellule no 2 destinée à l'infirmerie de la maison d'arrêt de Botoşani (voir les paragraphes 13 et 15) et dans les salles des malades chroniques de l'hôpital pénitentiaire de Târgu Ocna, (le paragraphe 18, ci-dessus) et ce, en dépit de la recommandation du médecin à son égard (voir le paragraphe 14, ci-dessus).

62.  De plus, la présente affaire est différente de l'affaire Stoine Hristov c. Bulgarie (no 2), (no 36244/02, §§ 43-45, 16 octobre 2008) dans laquelle la Cour a constaté que les autorités bulgares avaient entrepris des mesures pour satisfaire aux demandes du requérant, tout en retenant que les affirmations du requérant selon lesquelles il a été détenu pendant la totalité de la période litigieuse dans une cellule avec des fumeurs n'étaient pas étayées.

En l'espèce, non seulement la loi no 349/2002 en vigueur depuis juin 2002 prévoyait une interdiction de fumer dans les établissements hospitaliers (voir le paragraphe 29, ci-dessus), mais une pratique judiciaire a paru se développer pour considérer que les détenus non-fumeurs devraient être séparés des fumeurs, au sens des droits garantis par la loi précité (voir le paragraphe 30, ci-dessus).

3.  Conclusion

63.  De l'avis de la Cour, les conditions de détentions subies par le requérant ont dépassé le seuil de gravité requis par l'article 3 de la Convention.

64.  Partant, il y a eu violation de l'article 3 de la Convention.

65. Compte tenu du constat auquel la Cour est arrivée quant à la violation de l'article 3 de la Convention, elle estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner davantage l'impact des conditions de détention sur l'état de santé général du requérant. En particulier, pour autant que le requérant se plaignait, d'une part, que l'exposition à la fumée du tabac et un mauvais régime alimentaire seraient la source ou un facteur favorisant de sa pathologie cardiaque et hépatique et, d'autre part, d'un traitement médical inadéquat pendant la période allant jusqu'à juin 2003, la Cour constate qu'aucune expertise médicale de nature à établir les causes de ces maladies ou leur évolution défavorable pendant la période d'incarcération du requérant n'a été produite devant elle. Dans ces circonstances, la Cour n'est pas en mesure de prendre position sur ce point.

II.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

66.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

67.  Le requérant réclame 20 400 euros (EUR) au titre du préjudice matériel, à savoir le coût des soins médicaux qu'il a dû débourser afin de soigner ses maladies, ainsi que 500 000 EUR au titre du préjudice moral qu'il aurait subi.

68.  Le Gouvernement considère qu'un éventuel constat de violation d'une disposition de la Convention, fait par la Cour, serait une réparation satisfaisante du préjudice moral encouru par le requérant.

69.  La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu'il y a lieu d'octroyer au requérant 10 000 EUR au titre du préjudice moral.

B.  Frais et dépens

70.  Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire, en vertu de laquelle un montant de 850 EUR a été versé par le Conseil de l'Europe à son avocat, n'a présenté aucune demande supplémentaire de remboursement des frais et dépens réellement engagée avec la procédure devant la Cour.

C.  Intérêts moratoires

71.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable dans sa partie relative aux conditions matérielles de détention du requérant et à son traitement médical avant juin 2003 et irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention ;

3.  Dit

a)  que l'État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 10 000 EUR (dix mille euros), à convertir en la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement, pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 septembre 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Santiago QuesadaJosep Casadevall
GreffierPrésident

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CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE FLOREA c. ROUMANIE, 14 septembre 2010, 37186/03