CEDH, Commission, DJEROUD c. FRANCE, 15 mars 1990, 13446/87
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission, 15 mars 1990, n° 13446/87 |
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Numéro(s) : | 13446/87 |
Type de document : | Rapport |
Date d’introduction : | 25 septembre 1987 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusions : | Violation de l'art. 8 ; Non-violation de l'art. 3 |
Identifiant HUDOC : | 001-46285 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1990:0315REP001344687 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
Texte intégral
Requête No 13446/87
Mohamed DJEROUD
contre
France
RAPPORT DE LA COMMISSION
(adopté le 15 mars 1990)
TABLE DES MATIERES
Page
I. INTRODUCTION
(par. 1 - 21) ............................... 1 - 3
A. La requête (par. 2 - 8) ..................... 1
B. La procédure (par. 9 - 16) .................. 1 - 2
C. Le présent rapport (par. 17 - 21) ........... 3
II. ETABLISSEMENT DES FAITS
(par. 22 - 49) .............................. 4 - 9
A. Les circonstances de l'affaire
(par. 22 - 38) .............................. 4 - 6
B. Le droit et la pratique interne pertinents
(par. 39 - 49) .............................. 7 - 9
1. L'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux
conditions d'entrée et de séjour des étrangers
en France (par. 39 - 43) .................... 7 - 8
2. La législation relative à l'acquisition de la
nationalité française (par. 44 - 49) ........ 8 - 9
III. AVIS DE LA COMMISSION
(par. 50 - 75) .............................. 10 - 14
A. Points en litige
(par. 50) ................................... 10
B. Sur la violation alléguée de l'article 8 de
la Convention (par. 51 - 69) ................ 10 - 14
C. Sur la violation alléguée de l'article 3 de
la Convention (par. 70 - 73) ................ 14
D. RECAPITULATION
(par. 74 - 75) .............................. 15
OPINION DISSIDENTE DE M. J.C. SOYER ................. 16 - 17
ANNEXE I : Historique de la procédure devant la
Commission .............................. 18
ANNEXE II : Décision sur la recevabilité de la
requête ................................. 19
I. INTRODUCTION
1. On trouvera ci-après un résumé des faits de la cause ainsi
qu'une description de la procédure.
A. La requête
2. Le requérant est un ressortissant algérien, né le 10 mai 1958
à Bonati Mamoud en Algérie.
3. Pour la procédure devant la Commission, il a été représenté
tout d'abord par sa soeur et ensuite par Me Hélène Clément, avocat au
barreau de Paris.
4. Au cours de la procédure devant la Commission, le Gouvernement
français a été représenté par son Agent, M. Régis de Gouttes,
directeur adjoint des affaires juridiques au ministère des affaires
étrangères.
5. La requête concerne l'expulsion du requérant de France et
l'incidence de cette expulsion sur sa situation personnelle. Le
requérant est arrivé en France alors qu'il était âgé de moins d'un an,
il a toute sa famille en France et ne parle ni écrit la langue arabe.
6. Le 1er février 1979, le requérant a fait l'objet d'un arrêté
d'expulsion au motif qu'en raison des infractions commises, il
constituait une menace pour l'ordre public.
7. Le requérant est revenu à plusieurs reprises en France et a
fait l'objet d'expulsions répétées. Il est actuellement assigné à
résidence à Villeneuve-St-George.
8. Devant la Commission, le requérant a allégué que son expulsion
de France constitue une violation de l'article 8 de la Convention. Il
s'est plaint également d'une violation de l'article 3 de la Convention
en raison du risque qu'il courrait en cas d'expulsion d'être soumis en
Algérie à des traitements prohibés par cette disposition.
B. La procédure
9. La requête a été introduite le 25 septembre 1987 et
enregistrée le 6 décembre 1987.
10. Le 18 décembre 1987, la Commission a décidé, conformément à
l'article 42 par. 2 b) de son Règlement intérieur, de porter la
requête à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à
présenter des observations écrites sur la recevabilité et le
bien-fondé des griefs soulevés au titre de l'article 8 de la
Convention.
11. Le Gouvernement français a présenté ses observations le
15 mars 1988 et le requérant a présenté les siennes le 30 mai 1988.
12. Le 15 octobre 1988, la Commission a décidé d'accorder au
requérant l'assistance judiciaire pour les besoins de la procédure
d'examen de la requête.
13. Le 9 décembre 1988, la Commission a décidé, conformément à
l'article 42 par. 3 b) de son Règlement intérieur, d'inviter les
parties à lui présenter oralement leurs observations sur la
recevabilité et le bien-fondé de la requête.
14. L'audience a eu lieu le 10 mai 1989. Les parties étaient
représentées comme suit :
Le Gouvernement français par M. Régis de Gouttes, directeur
adjoint des affaires juridiques, au ministère des affaires
étrangères, en qualité d'agent, de Mme Isabelle Chaussade, magistrat
détaché à la direction des affaires juridiques au ministère des
affaires étrangères, ainsi que de Mme Monique Pauti, chef de bureau du
droit comparé et du droit international au ministère de l'intérieur ;
le requérant, qui était présent, par Me Hélène Clément, avocat au
barreau de Paris.
15. A l'issue de l'audience, la Commission a déclaré la requête
recevable, tous moyens de fond réservés. Les parties ont été invitées
à soumettre les observations complémentaires qu'elles pourraient
souhaiter formuler sur le bien-fondé de la requête. Les parties n'ont
pas fait usage de cette faculté.
16. Après avoir déclaré la requête recevable, la Commission,
conformément à l'article 28 b) de la Convention, s'est mise à la
disposition des parties en vue de parvenir à un règlement amiable de
l'affaire. Des consultations suivies ont eu lieu entre le 4 août 1989
et le 23 novembre 1989. Vu l'attitude adoptée par les parties, la
Commission constate qu'il n'existe aucune base permettant d'obtenir un
tel règlement.
C. Le présent rapport
17. Le présent rapport a été établi par la Commission,
conformément à l'article 31 de la Convention, après délibérations et
votes, en présence des membres suivants :
MM. J.A. FROWEIN, Président en exercice
S. TRECHSEL
G. SPERDUTI
G. JÖRUNDSSON
A.S. GÖZÜBÜYÜK
A. WEITZEL
J.C. SOYER
H.G. SCHERMERS
H. DANELIUS
G. BATLINER
H. VANDENBERGHE
Sir Basil HALL
MM. F. MARTINEZ
M. L. LOUCAIDES
18. Le texte du présent rapport a été adopté par la Commission le
15 mars 1990 et sera transmis au Comité des Ministres du Conseil de
l'Europe, conformément à l'article 31 par. 2 de la Convention.
19. Ce rapport a pour objet, conformément à l'article 31 de la
Convention :
1. d'établir les faits, et
2. de formuler un avis sur le point de savoir si les faits
constatés révèlent de la part du Gouvernement défendeur
une violation des obligations qui lui incombent aux
termes de la Convention.
20. Sont joints au présent rapport un tableau retraçant
l'historique de la procédure devant la Commission (Annexe I) ainsi que
le texte de la décision de la Commission sur la recevabilité de la
requête (Annexe II).
21. Le texte intégral des plaidoiries et mémoires des parties
ainsi que les pièces soumises à la Commission sont conservés dans les
archives de la Commission.
II. ETABLISSEMENT DES FAITS
A. Les circonstances de l'affaire
22. Le requérant, né le 10 mai 1958, est arrivé avec sa famille en
France en 1959. Résidant depuis lors à Mulhouse avec sa famille, il y
vivait lors de l'introduction de la requête avec sa mère, handicapée
mentale, et deux de ses soeurs. Ses quatre autres frères et soeurs
dont certains, nés en France, sont ressortissants français, habitent
également en France.
23. Le 22 octobre 1976, le requérant, alors âgé de 18 ans, a été
condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour vol et défaut
de permis de conduire. Le 16 mars 1977, il s'est vu condamner à huit
mois de prison avec sursis pour vol. Le 20 avril 1977, il s'est vu
condamner à une peine de six mois de prison avec sursis et, le 16 juin
1977, à quatre mois de prison pour vol. Il a également été condamné
le 23 septembre 1977 à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour
vols et défaut de permis de conduire en vertu d'un jugement prononcé
par défaut par le tribunal correctionnel de Mulhouse. Enfin, le
13 juillet 1978, le requérant a été condamné à un an d'emprisonnement
pour vols.
Entretemps, le 21 août 1977, le requérant a été condamné pour
vol par le tribunal correctionnel de Bâle à une peine de dix mois
d'emprisonnement, peine qu'il a purgée du 4 mai au 23 novembre 1977.
24. Le 26 juin 1978, la Commission départementale du Haut-Rhin a
donné un avis favorable à l'expulsion du requérant en raison de ses
activités délictuelles ayant occasionné des troubles graves à
l'ordre public.
25. Le 1er février 1979, le requérant, alors détenu au centre de
détention d'Oermingen dans le Bas-Rhin, a fait l'objet d'un arrêté
d'expulsion pris par le ministre de l'intérieur en application de
l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux
conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers. Cet arrêté,
motivé par le fait que la présence du requérant sur le territoire
français était de nature à compromettre l'ordre public, lui a été
notifié le 7 avril 1979 au centre pénitentiaire précité.
Au mois d'août 1979, le requérant a quitté ce centre sans y
être autorisé et s'est rendu ultérieurement en Algérie. La date à
laquelle le requérant a regagné l'Algérie est contestée entre les
parties. Selon le requérant, il aurait quitté la France en mai 1980.
D'après les documents produits par le Gouvernement, il serait parti en
septembre 1979.
26. Revenu clandestinement en France, il s'est vu délivrer le
17 juin 1982 par la préfecture de Mulhouse, conformément aux
directives ministérielles alors en vigueur, une autorisation provisoire
de séjour. Le requérant demanda à bénéficier de l'amnistie instaurée
par une loi de 1981, demande qui fut traitée comme une demande
d'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il faisait l'objet.
De 1982 à 1985, le requérant séjourna régulièrement sur le
territoire français au bénéfice de ladite autorisation provisoire de
séjour, prorogeable trimestriellement.
Le requérant indique avoir travaillé régulièrement pendant
cette période, sauf du 7 décembre 1983 au 4 juin 1984 et du 17 août
1984 au 10 février 1985 lorsqu'il s'est trouvé au chômage.
27. Le 13 août 1982, le tribunal correctionnel de Mulhouse a
condamné le requérant à un mois d'emprisonnement pour usurpation
d'identité. Le 18 septembre 1984, le requérant a été condamné à un
mois d'emprisonnement pour vol et recel.
28. A la suite de ces nouvelles condamnations, la mise à exécution
de l'arrêté d'expulsion de 1979 fut décidée, le 7 janvier 1985, par le
ministre de l'intérieur compte tenu, d'une part, des renseignements
défavorables dont le requérant faisait l'objet et, d'autre part, de
l'absence évidente de volonté de réinsertion sociale. Cette décision
fut notifiée au requérant le 11 février 1985, alors qu'il était sur le
point de recevoir sa carte de résident, et exécutée sur le champ.
29. Le requérant prétend qu'à son arrivée en Algérie, à la suite
d'un contrôle d'identité, il a été arrêté par les autorités de police
algériennes qui, apprenant qu'il avait été expulsé de France, et
soupçonnant son père d'être lié au milieu harki, l'ont gardé à vue
pendant deux jours pendant lesquels le requérant aurait été maltraité.
30. Le requérant revint en France en mai 1985. Il fut toutefois
interpellé le 4 mars 1987 par les services de police pour infraction à
la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet et condamné le 5 mars
1987 par le tribunal de grande instance de Mulhouse à deux mois
d'emprisonnement pour infraction à l'arrêté d'expulsion.
31. La famille du requérant présenta une nouvelle demande
d'abrogation de l'arrêté d'expulsion à une date non précisée. Le
requérant pour sa part, par lettre du 8 mars 1987, sollicita sans
succès auprès du préfet du Haut-Rhin un sursis à l'exécution de la
mesure d'expulsion.
32. A sa sortie de prison, le requérant fut de nouveau expulsé
vers l'Algérie le 22 avril 1987.
Le requérant prétend qu'à sa descente d'avion il a été arrêté
par la police et que, durant quatre jours, il a été maintes fois
frappé . Selon le requérant, la police essayait de lui faire avouer
que son père était un harki et que par conséquent il n'avait pas à
être expulsé d'un pays où ses parents avaient choisi de se réfugier.
Le requérant précise encore qu'il fut attaché et frappé dans le dos au
moyen d'un câble et qu'il reçut également des coups de poing et des
coups de pied. Le requérant indique avoir pu acheter sa mise en
liberté à un gardien au moyen d'argent français qu'il avait caché dans
ses chaussures. Le médecin auprès duquel le requérant se rendit pour
faire constater ses blessures et recevoir les premiers soins refusa
catégoriquement de lui délivrer un certificat médical.
33. Compte tenu des interventions de la famille du requérant qui
sollicitait un réexamen de la situation et du fait qu'un délai de cinq
ans s'était écoulé depuis la première mise à exécution de l'arrêté
d'expulsion, le préfet du département du Bas-Rhin saisit, en
application de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, la
Commission départementale des expulsions. Celle-ci émit, le 13 mai
1987, un avis défavorable à la levée de la mesure d'expulsion.
Par décision du 14 septembre 1987, le ministre de l'intérieur
confirma cet avis et maintint l'arrêté d'expulsion du 1er février 1979
considérant qu'en raison notamment des faits commis par l'intéressé
postérieurement à la décision d'éloignement prise à son encontre, il
apparaissait que sa présence en France constituait toujours une menace
pour l'ordre public.
34. Le requérant qui avait à nouveau regagné la France en juin
1987 fut arrêté le 21 septembre 1987. Le tribunal correctionnel de
Mulhouse le condamna par jugement du 7 octobre 1987 à quatre mois
d'emprisonnement pour infraction à l'arrêté d'expulsion.
35. Le 2 décembre 1987, le requérant présenta à nouveau au ministre
de l'intérieur une demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion de
1979. Compte tenu de la menace pour l'ordre public que constituait sa
présence sur le territoire, il fut décidé de procéder à l'exécution
de l'arrêté.
36. Ainsi, après avoir purgé la peine de quatre mois
d'emprisonnement qui lui avait été infligée, le requérant se vit
emmener à l'aéroport de Paris le 23 décembre 1987 en vue de
l'exécution de la mesure d'expulsion. Il refusa toutefois d'embarquer
pour un vol à destination de l'Algérie et fut de ce fait déféré au
parquet de Créteil et par la suite écroué et condamné par le tribunal
correctionnel de cette ville le 21 janvier 1988 à trois mois
d'emprisonnement. Sur appel du requérant et du ministère public, la
cour d'appel de Paris, par arrêt du 22 mars 1988, porta la peine de
prison à quatre mois ferme. Le 24 mars 1988, à l'expiration de cette
dernière peine, le requérant fut libéré.
37. Par arrêté du préfet du Val de Marne du 19 avril 1988, pris en
application d'un arrêté ministériel daté du 1er avril de la même
année, le requérant fut astreint à résider dans la commune de
Villeneuve-St-George jusqu'au moment où il aura la possibilité de
déférer à l'arrêté d'expulsion. Le requérant n'exerça pas de recours
contre cet arrêté.
Il ressort d'une lettre du 17 janvier 1989 adressée par le
préfet du Haut-Rhin au ministre de l'intérieur que plusieurs procès
verbaux furent dressés contre le requérant pour infractions à
l'arrêté d'assignation à résidence le 27 juillet et les 3, 16, 17 et
24 août 1988. A ces occasions, il se rendit notamment à Mulhouse et,
à deux reprises au moins, au domicile de son ex-concubine où les
services de police durent intervenir en raison de troubles occasionnés
par le requérant.
Il ressort également du dossier que le requérant demanda sans
succès à plusieurs reprises d'être assigné à résidence à Mulhouse.
Dernièrement, par lettre du 5 mars 1990, il sollicita du ministre de
l'Intérieur l'autorisation de résider à Sochaux dans le département du
Doubs. A ce jour, la réponse n'est pas connue.
38. Par ailleurs, le 26 octobre 1987, le requérant déposa une
demande d'asile politique auprès de l'office français de protection
des réfugiés et apatrides (OFPRA) en faisant état des sévices subis
en Algérie en raison du fait que son père avait quitté l'Algérie en
1959 et était par conséquent soupçonné par les autorités algériennes
d'avoir combattu du côté de la France au moment de la guerre
d'indépendance.
Sa demande fut toutefois rejetée par décision du 9 décembre
1987. Contre cette décision le requérant interjeta un recours
auprès de la commission de recours des réfugiés qui le rejeta par
décision en date du 11 juillet 1988. Le requérant ne forma pas de
pourvoi en cassation contre cette décision.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1. L'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers en France
39. Les dispositions relatives à l'expulsion sont contenues dans
les articles 23 à 28 du chapitre IV.
40. Aux termes de l'article 23, tel que rédigé au moment où
l'arrêté d'expulsion a été pris contre le requérant, "l'expulsion
(pouvait) être prononcée par arrêté du ministre de l'intérieur si la
présence de l'étranger sur le territoire français (constituait) une
menace pour l'ordre public ou le crédit public".
Les articles suivants concernent d'une part la défense de
l'intéressé faisant l'objet d'une mesure d'expulsion (art. 24 - 25 -
26) et d'autre part les sanctions de l'inexécution de l'arrêté
d'expulsion (art. 27 - 28).
41. Ces dispositions ont été remaniées par la loi du 29 octobre
1981, qui est plus restrictive. L'article 23 remanié n'envisage ainsi
l'expulsion qu'en cas de menace grave pour l'ordre public.
Par ailleurs, le nouvel article 25 énonce une série de cas
dans lesquels l'expulsion n'est plus possible. Ainsi, aux termes de
l'article 25, "ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en
application de l'article 23 :
1. L'étranger mineur de dix-huit ans ;
2. L'étranger qui justifie, par tous moyens, résider en
France habituellement depuis qu'il a atteint au plus
l'âge de dix ans ;
3. L'étranger qui justifie, par tous moyens, résider en
France depuis plus de quinze ans ;
4. à 6. .......
7. L'étranger qui n'a pas été condamné définitivement ou
bien à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement
sans sursis ou bien à plusieurs peines d'emprisonnement
sans sursis au moins égales, au total, à un an, prononcées
au cours des vingt années écoulées.
Toutefois, par dérogation au 7. ci-dessus, peut être expulsé
tout étranger qui a été condamné définitivement à une peine
d'emprisonnement sans sursis d'une durée quelconque pour
une infraction prévue aux articles 4 et 8 de la loi n. 73-548
du 27 juin 1973 relative à l'hébergement collectif, à
l'article L.364-2-1 du Code du travail ou aux articles 334,
L'article 26 dispose qu'"en cas d'urgence absolue et par
dérogation aux articles 23 à 25, l'expulsion peut être prononcée
lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de
l'Etat ou pour la sécurité publique". Cette procédure ne peut
toutefois être appliquée aux étrangers mineurs de moins de 18 ans.
42. Une nouvelle loi est intervenue le 9 septembre 1986. Elle
reprend le libellé-original de l'article 23 et ajoute que l'arrêté
d'expulsion peut, à tout moment, être abrogé par le ministre de
l'intérieur. Elle restreint les cas où l'expulsion n'est pas possible
(art. 25). Le libellé de l'article 26 est également modifié dans le
sens où, en cas d'urgence absolue, l'expulsion peut être prononcée
lorsque la présence de l'étranger sur le territoire français constitue
pour l'ordre public une menace présentant un caractère de particulière
gravité.
43. Le dernier texte intervenu en la matière est la loi du 2 août
1989. Celle-ci opère un retour à la législation de 1981.
2. La législation relative à l'acquisition de la nationalité
française
a) Dispositions particulières
44. La loi du 28 juillet 1960 avait créé un titre VII ajouté au
Code de la Nationalité sous la dénomination "de la reconnaissance de
la nationalité française".
45. Le législateur de 1960 avait institué au profit de certaines
catégories de "domiciliés" et de leurs descendants un moyen original
pour leur permettre de "se faire reconnaître la nationalité française"
à la double condition de se fixer en territoire français et de
souscrire une déclaration en l'absence de laquelle la preuve de leur
qualité de français n'était pas rapportée. Le texte se voulait limité
aux Territoires d'Outre-Mer (TOM). Lors de l'indépendance de l'Algérie,
qui n'avait pas le statut de TOM, une intervention législative pouvait
seule étendre le système. Toutefois, les données particulières de
cette hypothèse conduisirent le légistateur à promouvoir une
réglementation séparée (ordonnance 21 juillet 1962 plusieurs fois
modifiée). Le principe de la reconnaissance était retenu mais
organisé différemment (loi du 10 juillet 1965). La loi du 20 décembre
1966 a mis un terme à dater du 21 mars 1967 à l'application de cette
législation et rendu effective la perte de la nationalité française en
l'absence de déclaration recognitive souscrite avant la clôture des
formalités.
46. La loi du 9 janvier 1973 a confirmé cette évolution. Elle a
mis fin à la reconnaissance en tant qu'institution du droit permanent
et a retiré ce mot du Code.
47. Pour l'avenir, elle a organisé dans le titre VIII complètement
réécrit des modalités particulières de réintégration par déclaration
pour certaines catégories de personnes ayant perdu la nationalité
française par suite de l'accession de leur pays à l'indépendance.
b) Acquisition par décision de l'autorité publique
48. Celle-ci résulte d'une naturalisation accordée par décret à la
demande de l'étranger.
La naturalisation est accordée à l'étranger ressortissant ou
ancien ressortissant des territoires sur lesquels la France a exercé
soit la souveraineté, soit un protectorat, un mandat ou une tutelle
(art. 64-5°)
49. Le Code de la Nationalité apporte des restrictions à la
naturalisation.
L'article 65 dispose que l'étranger qui a fait l'objet d'un
arrêté d'expulsion ou d'un arrêté d'assignation à résidence n'est
susceptible d'être naturalisé que si cet arrêté a été rapporté dans
les formes où il est intervenu.
L'article 68 établit que nul ne peut être naturalisé s'il
n'est pas de bonne vie et moeurs ou s'il a fait l'objet de l'une des
condamnations visées à l'article 79 (crime ou délit contre la sûreté
de l'Etat etc.) ou à une peine quelconque d'emprisonnement pour l'un
des délits prévus aux articles 309 (vol), 311, 312, 314, 330, 334 à
335-6 du Code pénal.
III. AVIS DE LA COMMISSION
A. Points en litige
50. Les points en litige sont les suivants :
a) L'expulsion du requérant en exécution de l'arrêté du 1er
février 1979 constitue-t-elle dans la situation actuelle, une violation
de son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de
l'article 8 (art. 8) de la Convention ?
b) Cette expulsion du requérant constitue-t-elle une violation
des droits qui lui sont garantis par l'article 3 (art. 3) de la
Convention ?
B. Sur la violation alléguée de l'article 8 (art. 8) de la Convention
51. Selon le requérant, son expulsion imminente de France enfreint
l'article 8 (art. 8) de la Convention ainsi libellé :
"1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans
l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence
est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui,
dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique
du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des
infractions pénales, à la protection de la santé ou de la
morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui."
52. La Commission rappelle tout d'abord que s'il est clair que la
Convention ne garantit, comme tel, aucun droit pour un étranger
d'entrer ou de résider dans un pays déterminé ni le droit de ne pas
être expulsé d'un pays donné (voir par exemple N° 9203/80, déc.
5.5.81, D.R. 24, p. 239), il n'en demeure pas moins que la Commission
a, à plusieurs reprises, déclaré que, compte tenu du droit au respect
de la vie familiale, protégé par l'article 8 (art. 8), le renvoi
d'une personne d'un pays où vit sa propre famille peut poser problème
au regard de cette disposition de la Convention (N° 9478/81,
déc. 8.12.81, D.R. 27 p. 243).
53. La Commission examinera d'abord la question de savoir s'il
existait une vie familiale réelle et effective entre le requérant et
sa famille. Le requérant explique qu'il a toujours vécu en France
auprès de ses parents puis de sa mère et de deux de ses soeurs et
qu'il fréquente régulièrement ses autres frères et soeurs. Il précise
qu'il n'a cessé d'habiter au domicile parental qu'involontairement
pendant ses incarcérations, les mises à exécution successives de
l'arrêté d'expulsion et son assignation à résidence. Il ajoute qu'il
ressort des circonstances de la cause qu'aucun des membres de sa
proche famille ne pourrait venir le rejoindre en Algérie.
54. Le Gouvernement estime qu'on ne peut prétendre que l'expulsion
du requérant vers l'Algérie constitue une atteinte au droit au respect
de la vie familiale du fait que celle-ci a été interrompue, à de
nombreuses reprises, par les incarcérations du requérant en France et
en Suisse ainsi que par ses séjours en Algérie notamment de septembre
1979 à mars 1982 et qu'en outre les liens entre le requérant et les
membres de sa famille paraissent assez distendus.
55. La Commission constate d'abord que tous les membres de la
proche famille du requérant résident depuis longtemps en France. Elle
estime que les interruptions, non voulues par le requérant, de sa vie
familiale dues à ses incarcérations en France et en Suisse et à ses
séjours en Algérie n'ont pas mis fin aux relations familiales. Au
contraire, certaines circonstances de la cause et plus
particulièrement le fait que le requérant a été épaulé par sa famille
dans ses démarches tant auprès des autorités françaises qu'auprès de
la Commission et le fait, bien que répréhensible, qu'il a enfreint à
plusieurs reprises l'arrêté d'assignation à résidence pour se rendre
à Mulhouse dans sa famille, démontrent au contraire que des liens
familiaux réels existaient. Il faut en conclure que l'exécution de
la mesure d'expulsion dans la situation actuelle du requérant est de
nature à compromettre la poursuite de la vie familiale au sens de
l'article 8 (art. 8) de la Convention et s'analyse donc en une ingérence
dans le droit du requérant au respect de celle-ci (Moustaquim
c/Belgique, rapport Comm. 12.10.89, par. 52).
56. D'après la jurisprudence constante, une ingérence méconnaît
l'article 8 (art. 8) sauf si, "prévue par la loi", elle poursuivait un
ou des buts légitimes au regard du par. 2 (art. 8-2) et était
"nécessaire, dans une société démocratique, pour les atteindre (voir
notamment Cour eur. D.H., arrêt W. c/Royaume-Uni du 8 juillet 1987,
série A n° 121, p. 27, par. 60 a).
57. La Commission constate que l'obligation de quitter le
territoire français pesant sur le requérant est fondée sur l'article
23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée
et de séjour des étrangers en France. Dans ces conditions,
l'ingérence qui serait commise par les autorités françaises en cas
d'expulsion du requérant est prévue par la loi.
58. Quant aux buts poursuivis par la mesure d'expulsion, le
Gouvernement estime que l'ingérence est justifiée par la défense de
l'ordre et la prévention des infractions pénales compte tenu des
nombreuses condamnations encourues par le requérant et du fait qu'il
constitue toujours un trouble important à l'ordre public. A ce
dernier égard, le Gouvernement se réfère notamment aux infractions à
l'arrêté d'assignation à résidence et aux troubles occasionnés par le
requérant au domicile de son ex-concubine. Le requérant estime que le
Gouvernement n'a pas démontré en quoi des condamnations pour des
délits minimes et en nombre limité permettent objectivement de
craindre un risque de récidive.
59. La Commission estime que la mesure d'expulsion visait la
défense de l'ordre. En effet, vu les condamnations commises par le
requérant, l'expulsion était justifiée par la défense de l'ordre
public français. L'ingérence litigieuse répondait donc, au regard du
par. 2 de l'article 8 (art. 8-2) de la Convention, au but légitime que
lui attribue la Convention.
60. D'après le requérant, l'ingérence litigieuse ne saurait passer
pour "nécessaire dans une société démocratique". Pour apprécier la
proportionnalité de l'ingérence dans sa vie familiale, il y a lieu de
tenir compte de sa situation particulière de migrant de la seconde
génération, de ses liens profonds avec la France et du caractère
formel de ses liens juridiques avec l'Algérie. Il est arrivé en
France alors qu'il n'avait qu'environ 6 mois et n'est retourné dans
son pays d'origine qu'en 1980 en exécution de l'arrêté d'expulsion.
Il aurait été de nationalité française si ses parents, en application
de l'ordonnance du 21 juillet 1962, avaient souscrit une déclaration
de reconnaissance de nationalité. D'un autre côté, compte tenu de ses
condamnations, il est clair qu'une éventuelle demande d'acquérir la
nationalité française par voie de naturalisation aurait été rejetée.
Il a effectué sa formation scolaire et professionnelle en France et ne
parle que quelques mots d'arabe. Le seul lien qui le rattache à
l'Algérie est celui de sa nationalité. Les condamnations encourues
ayant motivé l'arrêté d'expulsion et assorties pour les premières d'un
sursis à exécution portent, affirme-t-il, sur des délits
caractéristiques d'un type de comportement délictuel des jeunes
migrants de la seconde génération tiraillés entre deux cultures. Au
regard des deux condamnations infligées au requérant en 1982 et 1984
pour des faits de faible gravité, il faut mettre en évidence que, de
1982 à 1985, le requérant a travaillé régulièrement hormis deux
périodes de chômage.
61. Le Gouvernement, quant à lui, estime que l'ampleur de
l'atteinte à la vie familiale du requérant n'est pas disproportionnée
au but recherché. Le requérant est célibataire, majeur, sans enfant
et ses liens avec sa famille et son ex-concubine sont distendus. Ces
liens familiaux ont d'ailleurs déjà connu diverses interruptions et
l'expulsion éventuelle du requérant ne menacerait pas de les rompre
définitivement, sa mère, voire ses soeurs, pouvant se rendre
régulièrement en Algérie. En outre, le requérant n'a pas demandé à
acquérir la nationalité française par voie de naturalisation pas plus
que son père ne l'avait lui-même demandé par vie récognitive avant
1963. Au contraire, ses liens avec l'Algérie ne sont pas aussi
formels que le prétend le requérant. De mai 1980 à juin 1982, il y a
séjourné chez ses grands-parents sans apparemment y rencontrer des
difficultés d'insertion. Le requérant conteste avoir eu des
grands-parents encore en vie pendant ladite période et déclare n'avoir
en Algérie que deux oncles paternels auprès desquels, suite à son
retour en Algérie en 1980, il n'a pas réussi à vivre compte tenu de
l'absence de liens et de la différence de culture.
Le Gouvernement ajoute encore que le requérant s'est par
ailleurs vu délivrer un passeport algérien en 1982 et a suivi une
formation professionnelle en Algérie. Enfin, le comportement du
requérant, de l'avis du Gouvernement, constitue toujours un trouble
important à l'ordre public du fait du caractère répété de son
comportement délictuel comme en témoignent les infractions à l'arrêté
d'assignation à résidence et les troubles occasionnés au domicile de
son ex-concubine.
62. En ce qui concerne l'interprétation de l'expression
"nécessaire dans une société démocratique", la Commission rappelle
tout d'abord que pour se prononcer sur la "nécessité" d'une ingérence
"dans une société démocratique", il échet de prendre en compte la
marge d'appréciation laissée aux Etats contractants (voir notamment
Cour eur. D.H., arrêt Olsson précité, p. 31-32, par. 67). Il est vrai
que la Convention n'interdit pas en principe aux Etats contractants de
régler l'entrée et la durée du séjour des étrangers. Toutefois, le
critère de nécessité implique une ingérence fondée sur un besoin
social impérieux et notamment proportionnée au but légitime recherché
(Cour eur. D.H., arrêt Berrehab précité, p. 15-16, par. 28).
63. Appelée à contrôler le respect de cette dernière condition, la
Commission relève qu'elle n'a pas à juger en soi la politique de la
France en matière d'expulsion d'immigrés de la seconde génération.
Son rôle est principalement de rechercher si dans le cas qui lui est
présentement soumis un juste équilibre a été ménagé entre le but
légitime visé et la gravité de l'atteinte au droit du requérant au
respect de sa vie familiale (Rapport Moustaquim précité, par. 61).
64. Quant à l'ampleur de l'atteinte dans la présente affaire, il
faut avant tout souligner que le requérant est arrivé en France à
l'âge de moins d'un an, qu'il y a vécu pour le moins jusqu'à l'âge
de 21 ans c'est-à-dire lorsqu'il a quitté la France après avoir fait
l'objet d'un arrêté d'expulsion, ainsi que le fait qu'il ne maîtrise
pas la langue arabe. Bien que juridiquement étranger, le requérant a
ses attaches familiales et sociales en France et le lien de
nationalité du requérant avec l'Algérie - s'il correspond à une donnée
juridique - ne correspond toutefois à aucune réalité humaine concrète.
Quant à la possibilité évoquée par le Gouvernement d'acquérir la
nationalité française par naturalisation, il est vraisemblable, ainsi
que l'affirme le requérant, que cette naturalisation lui aurait été
refusée sur base de l'article 68 du Code de Nationalité (voir par. 49).
Dans ces circonstances, la Commission estime que l'ingérence
dans la vie familiale du requérant doit être examinée avec une rigueur
particulière.
65. La Commission est d'avis qu'un Etat doit prendre en
considération les conséquences pouvant résulter de l'éloignement d'un
étranger du lieu de séjour. Il en est d'autant plus ainsi lorsque la
personne concernée ne parle pas la langue de son pays d'origine et
n'y a pas de liens familiaux ou d'autres liens d'insertion sociale.
Une mesure d'éloignement vers ce pays - le seul dans lequel
l'intéressé a le droit de séjour permanent - crée une situation d'une
telle rigueur que ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles
qu'elle pourrait être justifiée comme proportionnée au but poursuivi
selon le par. 2 de l'article 8 (art.8-2) (Rapport Moustaquim précité,
par. 63).
En l'espèce, la Commission estime que les condamnations
infligées au requérant et qui ont motivé la mesure d'expulsion ne
constituent pas ces circonstances exceptionnelles. Elle en veut pour
preuve que, suite à son retour en France, le requérant obtint le
17 juin 1982 une autorisation provisoire de séjour qui a été
régulièrement renouvelée jusqu'au 11 février 1985, date à laquelle il
fut expulsé vers l'Algérie. Dans ce contexte, la Commission note
qu'après avoir été expulsé en 1985 et 1987, le requérant revint chaque
fois en France et qu'il y a vécu sans interruption depuis 1987.
66. Il est vrai qu'en 1982 et en 1984, suite à son retour en France,
le requérant s'est vu condamner à deux peines d'emprisonnement d'un
mois, l'une pour usurpation d'identité, l'autre pour vol et recel. Ce
sont ces deux condamnations qui ont en partie justifié la mise à exécution
de l'arrêté d'expulsion en date du 11 février 1985. De l'avis de la
Commission, on ne peut raisonnablement soutenir que du chef de ces
infractions le requérant constituait une menace pour l'ordre public telle
qu'il y avait lieu de faire prévaloir les considérations d'ordre public sur
celles d'ordre familial. Il en est de même des trois infractions à
l'arrêté d'expulsion ainsi qu'à l'arrêté d'assignation à résidence.
67. Dans les circonstances de l'espèce, la Commission estime qu'un
juste équilibre n'a pas été assuré entre les intérêts en jeu. En
conséquence, l'ingérence dans l'exercice des droits garantis au
requérant par l'article 8 par. 1 de la Convention n'était pas
proportionnée au but légitime poursuivi et n'était dès lors pas
justifié selon le par. 2 de l'article 8 (art. 8-2) de la Convention.
68. La Commission estime que l'expulsion d'une personne d'un pays
où elle a vécu presque toute sa vie vers un autre pays avec lequel
elle n'a pas d'autres attaches que le lien formel de la nationalité
peut poser des problèmes non seulement du point de vue du respect de
sa vie familiale mais aussi par rapport au respect de sa vie privée.
Ayant trouvé en l'espèce une violation de l'article 8 (art. 8) de la
Convention en raison du manque de respect de la vie familiale du
requérant, la Commission n'estime pas nécessaire de se prononcer sur
la question de savoir s'il y a également eu une ingérence dans la
vie privée du requérant.
Conclusion
69. La Commission conclut par treize voix contre une qu'il y a eu,
en l'espèce, violation de l'article 8 de la Convention.
C. Sur la violation allégué de l'article 3 de la Convention
70. Le requérant se plaint également qu'au cas où il serait à
nouveau expulsé vers l'Algérie, il risquerait d'y être soumis à des
traitements contraires à l'article 3 de la Convention. Il soutient
qu'il a déjà été soumis à des sévices corporels de la part des
autorités algériennes en 1985 et 1987. Il invoque l'article 3 de la
Convention, qui est ainsi libellé :
"Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants."
71. Le Gouvernement soutient que le risque dont il est question
n'a pas été établi à suffisance et que, à supposer même qu'à la suite
de son éventuelle expulsion vers l'Algérie le requérant soit victime
de mauvais traitements, de tels actes ne seraient pas de nature à
engager la responsabilité de l'Etat français.
72. La Commission rappelle tout d'abord que dans l'affaire
Soering, la Cour a considéré que la décision d'extrader une personne
peut en cas d'exécution engager la responsabilité d'un Etat
contractant au titre de la Convention, lorsqu'il y a des motifs
sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le livre à l'Etat
requérant, y courra un risque réel d'être soumis à la torture, ou à
des peines ou traitements inhumains ou dégradants (Cour eur. D.H.,
arrêt du 7 juillet 1981, à paraître dans la série A, N° 161, par. 91).
Appliquant mutatis mutandis cette considération au cas d'espèce,
la Commission estime que l'expulsion du requérant vers l'Algérie -
seul pays dans lequel le requérant a le droit de séjour permanent -
peut engager la responsabilité de l'Etat français au cas où le
requérant risquerait vraiment d'y être soumis à des traitements
contraires à l'article 3 de la Convention. Néanmoins, la Commission
ne voit dans les faits et arguments avancés par le requérant pas de
motifs sérieux de croire qu'en cas de retour en Algérie, il y
courrait un risque réel d'être soumis à de tels traitements.
Conclusion
73. La Commission conclut à l'unanimité qu'il n'y a pas eu, en
l'espèce, violation de l'article 3 de la Convention.
D. RECAPITULATION
74. La Commission conclut par treize voix contre une qu'il y a eu,
en l'espèce, violation de l'article 8 de la Convention (par. 69).
75. La Commission conclut à l'unanimité qu'il n'y a pas eu, en
l'espèce, violation de l'article 3 de la Convention (par. 73).
Le Secrétaire Le Président en exercice
de la Commission de la Commission
(H.C. KRÜGER) (J.A. FROWEIN)
OPINION DISSIDENTE DE M. J.C. SOYER
Dans cette affaire, mon désaccord avec l'avis de la Commission
tient à une raison, non pas de fait, mais de droit.
1. Quant au fait, je comprends que la mesure d'expulsion paraisse
disproportionnée, par rapport à la défense de la sécurité publique,
dans les circonstances de l'espèce.
Les infractions commises par le requérant et qui provoquèrent
l'expulsion ne sont pas si nombreuses ou si graves, comme le montre la
modération des peines prononcées par les juridictions internes.
On ne se trouve pas, ici, dans le cas d'une activité
criminogène intense et poursuivie, d'espèce quasi professionnelle,
qu'un ordre public national ne peut, à coup sûr, raisonnablement
tolérer.
2. Mais, quant au droit, l'avis de la Commission comporte un
motif de portée normative, tiré de l'affaire Moustaquim, auquel l'avis
(par. 65) fait expressément référence.
Ce motif revient à faire une situation de faveur, de par leur
seule qualité, aux immigrés dits "de la seconde génération". Une
mesure d'expulsion ne pourrait leur être appliquée que "dans des
circonstances exceptionnelles" (par. 65).
Sans doute, l'avis de la Commission se défend (par. 63) de
"juger en soi la politique (des Etats membres) en matière d'expulsion
d'immigrés de la seconde génération".
Cependant, dans les conséquences pratiques, c'est bien à quoi
l'on aboutit, inévitablement, par l'affirmation générale du par. 65 :
"...lorsque la personne concernée ne parle pas la langue de
son pays d'origine et n'y a pas de liens familiaux ou
d'autres liens d'insertion sociale. Une mesure
d'éloignement vers ce pays - le seul dans lequel l'intéressé
a le droit de séjour permanent - crée une situation d'une
telle rigueur que ce n'est que dans des circonstances
exceptionnelles qu'elle pourrait être justifiée..."
Il s'agit certainement là - même si l'on s'en défend - d'une
solution normative qui peut s'énoncer ainsi, dans une perspective
effective et concrète : les immigrés de la seconde génération ne
pourront presque jamais être expulsés.
Par exemple, dans l'affaire Moustaquim, la Commission a conclu
à une violation de la Convention, de par l'expulsion d'un immigré de
seconde génération auquel on reprochait 147 délits, dont 82 vols
qualifiés (par. 25 de l'avis de la Commission).
Or, une telle solution - par son incidence normative - me
paraît méconnaître à la fois le texte et l'esprit de la Convention.
J'espère l'avoir démontré dans mon opinion dissidente (par. 8) de
l'affaire Moustaquim.
Je dois y renvoyer, dans la mesure où, pour la présente
affaire, l'avis de la Commission reprend, pour la présente affaire,
ce motif de droit.
ANNEXE I
HISTORIQUE DE LA PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
___________________________________________________________________________
Date Acte
___________________________________________________________________________
a) Examen de la recevabilité
25.09.1987 Introduction de la requête
06.12.1987 Enregistrement de la requête
18.12.1987 Délibérations de la Commission et décision de
celle-ci d'inviter le Gouvernement à lui soumettre
des observations sur la recevabilité et le
bien-fondé de la requête
15.03.1988 Observations du Gouvernement
30.05.1988 Observations du requérant
09.12.1988 Décision de la Commission de tenir une audience
sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête
10.05.1989 Audience sur la recevabilité et le bien-fondé
Délibérations de la Commission, décision de
déclarer la requête recevable et de demander des
observations complémentaires aux parties
b) Examen du bien-fondé
09.03.1990 Délibérations de la Commission sur le bien-fondé
et vote final
15.03.1990 Adoption du texte du présent rapport
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