CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE AIREY c. IRLANDE (ARTICLE 50), 6 février 1981, 6289/73

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Chronologie de l’affaire

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Le Petit Juriste · 28 juillet 2017

Au sein du Conseil de l'Europe, le mariage entre personnes du même sexe est reconnu par treize pays ; une reconnaissance qui offre aux couples homosexuels des droits complets, comme par exemple le droit à l'adoption homo-parentale (1), tandis que d'autres États membres du Conseil de l'Europe n'autorisent que le mariage entre une femme et un homme. L'institution du mariage entraîne des effets importants sur les plans social et juridique, en attribuant un statut différent aux couples mariés, ceux-ci étant plus fortement liés du point de vue juridique que ne le sont les concubins, entre …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Chambre), 6 févr. 1981, n° 6289/73
Numéro(s) : 6289/73
Publication : A41
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt De Wilde, Ooms et Versyp du 10 mars 1972, série A no 14, pp. 10-11, paras. 22-23
Arrêt Luedicke, Belkacem et Koç du 10 mars 1980, série A no 36, p. 8, par. 15
Niveau d’importance : Importance élevée
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Frais et dépens - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Dommage matériel - demande rejetée
Identifiant HUDOC : 001-61977
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1981:0206JUD000628973
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Sur les parties

Texte intégral

COUR (CHAMBRE)

AFFAIRE AIREY c. IRLANDE (ARTICLE 50)

(Requête no 6289/73)

ARRÊT

STRASBOURG

6 février 1981



En l’affaire Airey,

La cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:

MM. G. WIARDA, président,

THÓR VILHJÁLMSSON,

W. GANSHOF VAN DER MEERSCH,

D. EVRIGENIS,

L. LIESCH,

F. GÖLCÜKLÜ,

B. WALSH,

ainsi que de MM. M.-A. EISSEN, greffier, et H. PETZOLD, greffier adjoint,

après avoir délibéré en chambre du conseil le 24 novembre 1980, puis le 31 janvier 1981,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date, sur l’application de l’article 50 (art. 50) de la Convention en l’espèce:

PROCEDURE ET FAITS

1. L’affaire Airey a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") en mai 1978. A son origine se trouve une requête dirigée contre l’Irlande et dont Mme Johanna Airey avait saisi la Commission en 1973.

Seule reste à trancher la question de l’application de l’article 50 (art. 50) en l’espèce. Quant aux faits de la cause, la Cour se borne donc ici à fournir les indications nécessaires; elle renvoie pour le surplus aux paragraphes 8 à 12 de son arrêt du 9 octobre 1979 (série A no 32, pp. 6-8).

2. Ce dernier a relevé, entre autres, une infraction aux articles 6 par. 1 et 8 (art. 6-1, art. 8) de la Convention, la requérante n’ayant pas bénéficié d’un droit d’accès effectif à la High Court d’Irlande pour demander un jugement de séparation de corps (points 4 et 6 du dispositif, paragraphes 20-28 et 31-33 des motifs, ibidem, pp. 19, 11-16 et 17).

3. Lors des audiences du 22 février 1979, le conseil de l’intéressée avait déclaré que si la Cour constatait une violation de la Convention, sa cliente réclamerait au titre de l’article 50 (art. 50) une satisfaction sous trois formes: accès effectif à un moyen de remédier à la situation née de l’échec du mariage; compensation pécuniaire pour la douleur, la souffrance et l’angoisse morale subies par elle; remboursement des frais supportés, surtout des frais annexes, honoraires d’avocat et autres dépenses spéciales.

Dans son arrêt précité, la Cour a réservé en entier la question de l’application de l’article 50 (art. 50). Elle a invité la Commission à lui présenter, dans les deux mois du prononcé de l’arrêt, ses observations en la matière, et notamment à lui donner connaissance de tout règlement auquel le gouvernement irlandais ("le Gouvernement") et Mme Airey pourraient avoir abouti (point 8 du dispositif et paragraphes 36-37 des motifs, ibidem, pp. 18-19).

4. Le président a prorogé ce délai à plusieurs reprises, en dernier lieu jusqu’au 30 juillet 1980.

Le 17 juillet, le secrétaire de la Commission a fourni au greffe, sur les instructions des délégués, la copie d’une correspondance qui relatait en détail la marche des négociations entre Gouvernement et requérante. Il en ressortait que celle-ci avait refusé une somme de 3.140 livres irlandaises offerte par celui-là sous toutes réserves (without prejudice) et pour solde de tout compte. En même temps, le secrétaire a précisé que les délégués concluaient à l’impossibilité de prolonger utilement la tentative d’arrangement et invitaient la Cour à octroyer une satisfaction en vertu de l’article 50 (art. 50) sur la base de ladite offre.

Par une lettre de son agent au greffier adjoint, du 21 août 1980, le Gouvernement a notamment déclaré consentir à verser 3.140 £. Le 8 octobre, le secrétaire de la Commission a communiqué au greffier une dépêche reçue du représentant de Mme Airey et d’après laquelle cette dernière, n’estimant pas équitable et raisonnable un tel montant, voulait une indemnité compatible avec ses prétentions antérieures (paragraphe 5 ci-dessous). Le 10 novembre, l’agent a écrit au greffier pour l’aviser que son gouvernement demeurait prêt à payer 3.140 £ quoiqu’il contestât l’applicabilité de l’article 50 (art. 50) en l’espèce et trouvât suffisante une somme de 2.140 £, proposée par lui à l’origine.

5. Au cours des négociations avaient été formulées au nom de l’intéressée des demandes qui peuvent se résumer ainsi:

a) Mme Airey réclamait du Gouvernement l’engagement de lui rembourser les frais et dépens raisonnables qu’elle viendrait à supporter devant les juridictions nationales pour rechercher une séparation de corps ("les frais à exposer en Irlande").

b) Elle exigeait

- 140 £ pour frais de voyage et divers;

- 1.500 £ pour pertes entraînées par son relogement;

- 9.984 £ 41 pour frais et dépens devant les organes de la Convention ("frais exposés à Strasbourg").

c) Elle aurait connu les affres de l’angoisse; sa santé aurait pâti, comme celle de ses enfants. En outre l’incapacité où elle se trouvait, faute de moyens, d’obtenir une pension alimentaire ou une saisie par voie d’ordonnance de la High Court, lui aurait valu d’incessants embarras financiers, l’aurait obligée à prendre des emplois inadéquats et aurait conduit à priver ses enfants d’occasions et possibilités normales de s’instruire. Les conseils de la requérant suggéraient à ce titre un montant de 2.000 £.

6. Le 9 septembre 1980 Mme Airey a sollicité, en vertu du système d’aide et de consultation juridiques en matière civile créé en Irlande le 15 août 1980, le bénéfice de l’aide judiciaire pour intenter une action en séparation de corps. Le service compétent lui a cependant fait savoir, le 8 octobre, qu’elle ne paraissait pas remplir la condition relative aux ressources.

Le 10 novembre, le secrétaire de la Commission a informé le greffier que si la requérante ne se voyait pas accorder l’aide judiciaire, la couverture par le Gouvernement des frais d’une instance en séparation de corps constituerait, aux yeux des délégués, un élément important de toute satisfaction au sens de l’article 50 (art. 50). Il a aussi communiqué au greffe le texte d’une lettre de MM. Walsh, O’Connor et Cie, solicitors de l’intéressée, demandant l’octroi à leur cliente, au cas où on lui refuserait l’aide judiciaire, d’une somme supplémentaire afin qu’elle pût charger des conseils (solicitor and counsel) de la représenter dans pareille instance.

Le 21 novembre, l’agent du Gouvernement a écrit au greffier en ces termes:

"(...)

A la lumière des renseignements, donnés par Walsh, O’Connor et Cie, selon lesquels Mme Airey, dont la situation financière semble s’être améliorée depuis les événements qui ont débouché sur l’arrêt de la Cour, n’obtiendra peut-être pas l’aide judiciaire en vertu du système en vigueur, et eu égard au déroulement de la procédure en l’espèce, mon gouvernement a résolu de couvrir ses frais raisonnables de recours à des conseils (solicitor and counsel) pour les besoins d’une action en séparation de corps; sauf accord entre Mme Airey et lui, ces frais seront taxés - donc évalués par les tribunaux eux-mêmes - sur la base solicitor and client.

(...)"

Le 17 décembre, le secrétaire de la Commission a fourni au greffier une copie de la lettre suivante que MM. Walsh, O’Connor et Cie lui avaient adressée le 11:

"(...) Dans sa lettre nous donnant ses instructions, notre cliente déclare: ‘J’accepte l’offre du Gouvernement quant aux frais de mon action en séparation de corps, mais rejette son offre d’une indemnité de 3.140 £ (...)’. Il en ressort qu’au nom de Mme Airey nous assignerons M. Airey en séparation de corps et nous prévaudrons de l’engagement pris par le Gouvernement de couvrir les frais qui en résulteront pour elle.

(...)"

7. À la demande du président de la Chambre, le secrétaire de la Commission a déposé au greffe certains documents le 20 novembre.

8. Après avoir consulté agent du Gouvernement et délégués de la Commission par l’intermédiaire du greffier, la Cour a estimé le 24 novembre que des audiences n’étaient pas nécessaires.

M. O’Donoghue, juge élu de nationalité irlandaise qui avait participé à l’adoption de l’arrêt du 9 octobre 1979 et dont le mandat a expiré le 20 janvier 1980, devait en principe continuer à connaître de l’affaire (articles 40 par. 6 de la Convention et 2 par. 3 du règlement) (art. 40-6), mais en raison d’un empêchement il a été remplacé par son successeur, M. Walsh.

EN DROIT

I. APPLICABILITÉ DE L’ARTICLE 50 (art. 50)

9. L’article 50 (art. 50) de la Convention se lit ainsi: "Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la présente Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."

Le Gouvernement paraît en contester l’applicabilité (paragraphe 4 in fine ci-dessus), mais il n’indique pas pourquoi.

La Cour considère le texte précité comme applicable. Elle rappelle qu’en la matière il n’y a pas lieu de distinguer entre actes et omissions; en outre la requérante a manifestement la qualité de "partie lésée, termes synonymes du mot "victime au sens de l’article 25 (art. 25): il s’agit de la personne directement concernée par le manquement aux exigences de la Convention que l’arrêt du 9 octobre 1979 a relevé (arrêt De Wilde, Ooms et Versyp du 10 mars 1972, série A no 14, pp. 10-11, par. 22-23). Enfin, on n’a pas allégué que le droit irlandais permette l’effacement intégral, tel que le comprend la jurisprudence de la Cour (voir notamment ibidem, pp. 9-10, par. 20), des conséquences dudit manquement.

II. APPLICATION DE L’ARTICLE 50 (art. 50)

10. Depuis son arrêt du 9 octobre 1979, la Cour a reçu communication d’un accord conclu entre l’État défendeur et Mme Airey au sujet des frais à exposer en Irlande (paragraphes 5 a) et 6 ci-dessus). Comme le veut l’article 50 par. 5 de son règlement, elle en a vérifié le "caractère équitable" qui, compte tenu de l’absence d’objection de la part des délégués de la Commission, ne lui inspire aucun doute. Partant, elle en prend acte et constate que cette demande n’appelle plus un examen de sa part.

11. Pendant les négociations mentionnées plus haut (paragraphe 4), le Gouvernement n’a pas contesté la somme de 140 £ réclamée pour frais de voyage et divers; en revanche, il a repoussé les prétentions de l’intéressée du chef des pertes qu’aurait entraînées son relogement et des frais exposés à Strasbourg (paragraph 5 b) ci-dessus). La Cour commence par traiter ces deux dernières questions.

12. Mme Airey a déménagé en 1977. En tant que locataire, elle bénéficiait de certaines facilités pour acheter sa maison dans le cadre d’un programme d’accession à la propriété géré par son bailleur, la Cork Corporation. Son déménagement lui aurait causé un préjudice de 1.500 £, correspondant à la différence entre les valeurs vénales, en juillet 1977, des deux logements en question. Il s’expliquerait par l’incapacité où elle se trouvait de jouir d’un accès effectif à un recours pour échec du mariage, par l’aggravation de son sort, qui en serait résultée, et par la peur de voir son mari essayer de retourner vivre auprès d’elle.

D’après le Gouvernement, la requérante n’a pas fourni la preuve de dommages, ses intérêts dans les deux logements n’étant que ceux d’une locataire. En outre, il n’y aurait aucun lien causal entre sa décision de déménager et l’absence, en 1977, d’une aide judiciaire pour la procédure de séparation.

En admettant que Mme Airey ait supporté les pertes alléguées, la Cour n’estime pas pouvoir les attribuer aux violations relevées dans son arrêt du 9 octobre 1979. La décision de déménager paraît avoir été motivée non par le fait que la requérante n’avait pas un droit d’accès effectif à la High Court pour intenter une action en séparation de corps, mais par sa situation générale d’où naissait son désir d’un tel accès, en particulier sa crainte de tracasseries de son mari. D’ailleurs, même si elle avait obtenu un jugement de séparation elle aurait continué à risquer les tracasseries qu’elle redoutait à tort ou à raison. En conséquence, la Cour rejette cette demande.

13. Il ne saurait en aller autrement de celle qui a trait aux frais exposés à Strasbourg. Mme Airey, qui seule possède la qualité de "partie lésée" au sens de l’article 50 (art. 50), a bénéficié de l’assistance judiciaire gratuite devant la Commission, puis auprès des délégués une fois la Cour saisie (addendum au règlement intérieur de la Commission). Elle ne démontre pas avoir payé ou devoir payer à ses conseils un supplément d’honoraires dont elle puisse réclamer le remboursement; partant, à cet égard elle n’a pas supporté personnellement de frais et n’a subi aucun dommage susceptible de réparation au titre de l’article 50 (art. 50) (arrêt Luedicke, Belkacem et Koç du 10 mars 1980, série A no 36, p. 8, par. 15).

14. Le Gouvernement déclare demeurer prêt à payer 3.140 £ (paragraphe 4 in fine ci-dessus). La Cour estime ce chiffre équitable et raisonnable; dès lors, elle accorde à l’intéressée une satisfaction de ce montant quant au reste de ses prétentions.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE,

1. Prend acte de l’accord entre Gouvernement et requérante quant aux frais à exposer en Irlande;

2. Rejette les demandes de la requérante du chef des pertes qu’aurait entraînées son relogement et des frais exposés à Strasbourg;

3. Dit que l’Irlande doit verser à la requérante, au titre de ses autres demandes, la somme de trois mille cent quarante livres irlandaises (3.140 £).

Rendu en français et en anglais, le texte anglais faisant fois, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg, le six février mil neuf cent quatre-vingt-un.

Pour le Président

Léon Liesch

Juge

Marc-André Eissen

Greffier

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