CJCE, n° C-19/61, Arrêt de la Cour, Mannesmann AG contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, 13 juillet 1962

  • Ceca - dispositions financières * dispositions financières·
  • Principes directeurs 2 . mecanismes financiers communs·
  • Communauté européenne du charbon et de l'acier·
  • Principe d'égalité et de non-discrimination·
  • Perequation en matiere de ferrailles·
  • Personnalités juridiques distinctes·
  • Interprétation large de ce critère·
  • 1 . mecanismes financiers communs·
  • Sidérurgie - acier au sens large·
  • Unite de l ' activité économique

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 13 juill. 1962, Mannesmann / Haute Autorité, C-19/61
Numéro(s) : C-19/61
Arrêt de la Cour du 13 juillet 1962. # Mannesmann AG contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier. # Affaire 19/61.
Date de dépôt : 28 août 1961
Précédents jurisprudentiels : Cour du 13 juillet 1962. - Mannesmann AG contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l' acier. - Affaire 19/61
Solution : Recours en annulation : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61961CJ0019
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1962:31
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Sur les parties

Note : Cet arrêt était rédigé entièrement en majuscules. Pour plus de lisibilité, nous l’avons converti en minuscules. Néanmoins, ce processus est imparfait et explique l’absence d’accents et de majuscules sur les noms propres.

Texte intégral

Avis juridique important

|

61961j0019

Arrêt de la cour du 13 juillet 1962. – mannesmann ag contre haute autorité de la communauté européenne du charbon et de l’acier. – affaire 19/61.


Recueil de jurisprudence
Édition française page 00675
Édition néerlandaise page 00705
Édition allemande page 00719
Édition italienne page 00655
Édition spéciale anglaise page 00357
Édition spéciale danoise page 00333
Édition spéciale grecque page 00791
Édition spéciale portugaise page 00135


Sommaire

Parties

Objet du litige

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1 . mecanismes financiers communs – institution et fonctionnement – principes directeurs

( traite c.E.c.A . , art . 53 )

2 . mecanismes financiers communs – criteres d ' application a l ' economie

( traite c.E.c.A . , art . 53 )

3 . mecanismes financiers communs – entreprise – notion

( traite c.E.c.A . , art . 80 )

4 . entreprises – unite de l ' activite economique – personnalites juridiques distinctes – groupes d ' entreprises – societe mere et filiales – inexistence de l ' unite juridique

( traite c.E.c.A . , art . 80 )

5 . mecanismes financiers communs – perequation en matiere de ferrailles – prelevement – achat des ferrailles – interpretation large de ce critere – exclusion de l ' efficacite de clauses de reserve

( traite c.E.c.A . , art . 53 )

6 . discrimination – notion

( traite c.E.c.A . , art . 3 , b , 4 , b )

Sommaire


++++

1 . ( cf . sommaire de l’ arret 17 et 20-61, no 1 ):

Dans l’ elaboration des mecanismes financiers qu’ elle institue pour sauvegarder l’ equilibre du marche, la haute autorite a le devoir de tenir compte de la realite economique a laquelle ces mecanismes doivent s’ appliquer, afin que les buts poursuivis puissent etre atteints dans les conditions les plus favorables et avec les moindres sacrifices possibles pour les entreprises assujetties; ce principe de justice doit toutefois etre amenage avec le principe de la securite juridique . ces deux principes doivent etre concilies de maniere a entrainer un minimum de sacrifices pour l’ ensemble des sujets de la communaute .

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2 . ( cf . sommaire de l’ arret 17 et 20-61, no 2 ):

En raison du caractere multiforme et changeant de la vie economique, il importe dans l’ institution et le fonctionnement des mecanismes financiers tendant a sauvegarder l’ equilibre du marche commun d’ employer des criteres clairs et objectifs applicables a une generalite de cas presentant certaines caracteristiques communes . a cette fin, il n’ est pas possible de tenir compte de toutes les differences qui peuvent exister dans l’ organisation des unites economiques assujetties a l’ action de la haute autorite, sous peine d’ entraver cette action et de lui faire perdre son efficacite .

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3 . ( cf . sommaire de l’ arret 17 et 20-61, no 3 ):

L’ entreprise est constituee par une organisation unitaire d’ elements personnels, materiels et immateriels, rattachee a un sujet juridiquement autonome et poursuivant d’ une fa~on durable un but economique determine .

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4 . ( cf . sommaire de l’ arret 17 et 20-61, no 4 ):

La creation de tout sujet de droit dans le domaine de l’ organisation economique entraine la constitution d’ une entreprise distincte; une activite economique ne saurait donc etre consideree comme formant une unite sur le plan juridique lorsque les effets juridiques de cette activite doivent etre rattaches separement a plusieurs sujets de droit distincts . ce principe s’ applique egalement dans le cas d’ un groupe d’ entreprises dirige par une societe mere et ayant un cycle de production etroitement integre, ou il est tenu compte du rendement de l’ ensemble et non pas des filiales individuellement considerees, car, sur le plan juridique, l’ activite de ce groupe se deroule entre les sujets qui sont juridiquement parties aux echanges economiques .

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5 . ( cf . sommaire de l’ arret 17 et 20-61, no 5 ):

L’ achat comme critere de prelevement dans le cadre du mecanisme de perequation des ferrailles doit etre interprete dans un sens large . en effet, l’ achat doit etre identifie avec tout transfert qui se realise lorsque l’ entreprise consommatrice re~oit les ferrailles de l’ exterieur contre fixation d’ un prix . l’ existence de ce transfert ne saurait etre exclue par une clause de reserve de propriete ayant pour objet les ferrailles qui seront recuperees ulterieurement .

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6 . ( cf . sommaire de l’ arret 17 et 20-61, no 6 ):

Pour qu’ on puisse reprocher a la haute autorite d’ avoir commis une discrimination, il faut qu’ elle ait traite d’ une maniere differente des situations comparables de fa~on a entrainer un desavantage pour certains sujets par rapport a d’ autres, sans que cette difference de traitement soit justifiee par l’ existence de differences objectives d’ une certaine importance .

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Parties


Dans l ' affaire

Mannesmann aktiengesellschaft ,

Ayant son siege social a duesseldorf ,

Representee par son conseil de direction ,

Assiste par me werner von simson , avocat au barreau de duesseldorf , demeurant a bertrange-luxembourg , chez lequel domicile a ete elu , et par m . le professeur georges van hecke , avocat a la cour d ' appel de bruxelles ,

Partie requerante ,

Contre

Haute autorite de la communaute europeenne du charbon et de l ' acier ,

Representee par son conseiller juridique m . bastiaan van der esch , en qualite d ' agent ,

Assiste par me wolfgang schneider , avocat au barreau de francfort , partie defenderesse ,

Ayant elu domicile en ses bureaux , 2 , place de metz , luxembourg ,

Soutenue par

Phoenix-rheinrohr aktiengesellschaft ,

Ayant son siege social a duesseldorf ,

Representee par mm . e . w . mommsen , huettendirektor assessor , et w . bruns , directeur ,

Assistes par me h . lietzmann , avocat au barreau d ' essen , partie intervenante ,

Ayant elu domicile chez m . albert woopen , 2 , rue du fort-elisabeth , luxembourg ,

Objet du litige


Ayant pour objet le recours en annulation de la decision de la haute autorite du 5 juillet 1961 , notifiee a la requerante le 24 juillet 1961 , portant refus de l ' exoneration de la contribution de perequation ,

Motifs de l’arrêt


P . 703

Sur la recevabilite du recours

Attendu que la recevabilite du recours n ' a pas ete formellement contestee et qu ' aucune critique ne doit etre soulevee d ' office ;

Que le recours est recevable .

P . 704

Quant au fond

I – sur le moyen tire de la violation du traite ou des regles de droit relatives a son application

1 . sur les notions d ' « entreprise » et d ' « achat » aux fins de l ' application du mecanisme de perequation des ferrailles

Attendu que la requerante soutient que les ferrailles circulant entre ses filiales sont des ressources propres , au sens des decisions de base , d ' une seule et meme entreprise , constituee par la societe mere qui aurait exerce son activite de production par le truchement de ses filiales , celles-ci etant depourvues des caracteres essentiels de l ' entreprise ;

Qu ' a l ' appui de sa these la requerante souligne les pouvoirs tres etendus dont la societe mere jouit a l ' egard de ses filiales , qui seraient depourvues de toute autonomie ; que le droit national des etats membres , dans certaines circonstances , reserve aux groupes constitues par la societe mere et ses filiales un traitement analogue a celui reserve aux entreprises ; que tel est le cas notamment du droit fiscal allemand ; qu ' en l ' espece existaient en outre des contrats en vertu desquels les benefices et les pertes resultant de l ' activite des filiales etaient acquis entierement a la societe mere ;

Que la requerante invoque a cet egard certains passages , isoles de leur contexte , des arrets de la cour dans les affaires 32 et 33 -58 ( recueil , v , p . 300 et s . ) , 42-58 ( recueil , v , p . 399 et s . ) et 42 et 49-59 ( recueil , vii , p . 141 et s . ) et soutient que l ' illegalite de l ' exemption des ferrailles de groupe affirmee par ces arrets ne lui serait pas applicable , car ils viseraient des cas de « konzerne » non completement integres ;

Attendu qu ' il faut tout d ' abord observer que la haute autorite , dans l ' elaboration et l ' application des mecanismes financiers qu ' elle a institues pour sauvegarder l ' equilibre du marche , a , certes , le devoir de tenir compte de la realite economique a laquelle ces mecanismes doivent s ' appliquer , afin que les buts poursuivis puissent etre atteints dans les conditions les plus favorables et avec les moindres sacrifices possibles pour les entreprises assujetties ; que ce principe de justice doit toutefois etre amenage avec le principe de la securite juridique qui , lui aussi , est base sur des exigences de justice et d ' economie ;

P . 705

Que ces deux principes doivent etre concilies de maniere a entrainer un minimum de sacrifices pour l ' ensemble des sujets de la communaute ;

Attendu qu ' en raison du caractere multiforme et changeant de la vie economique il importe dans l ' institution et le fonctionnement d ' un mecanisme financier tendant a sauvegarder l ' equilibre du marche commun d ' employer des criteres clairs et objectifs applicables a une generalite de cas presentant certaines caracteristiques fondamentales communes ;

Qu ' a cette fin il n ' est pas possible de tenir compte de toutes les differences qui peuvent exister dans l ' organisation des unites economiques assujetties a l ' action de la haute autorite , sous peine d ' entraver cette action et de lui faire perdre son efficacite ;

Attendu que , pour definir les ferrailles soumises au prelevement de la perequation , la haute autorite , dans ses decisions nos 22- 54 et suivantes , s ' est referee au critere de l ' achat des ferrailles par l ' entreprise consommatrice ;

Que , comme la cour l ' a reconnu dans l ' arret rendu dans les affaires jointes 42 et 49-59 ( recueil , vii , p . 155 ) , ce critere doit etre interprete dans un sens large ; qu ' en effet l ' achat ne doit pas necessairement remplir toutes les conditions que le droit civil national applicable exige pour la validite et l ' efficacite d ' un contrat de vente , mais doit etre identifie avec tout transfert qui se realise lorsque l ' entreprise consommatrice recoit les ferrailles de l ' exterieur contre fixation d ' un prix ;

Que , pour preciser la portee de ce critere , il convient d ' approfondir la notion d ' entreprise ;

Attendu que l ' entreprise est constituee par une organisation unitaire d ' elements personnels , materiels et immateriels , rattachee a un sujet juridiquement autonome , et poursuivant d ' une facon durable un but economique determine ;

P . 706

Que , selon cette notion , la creation de tout sujet de droit dans le domaine de l ' organisation economique entraine la constitution d ' une entreprise distincte ; qu ' en effet , une activite economique ne saurait etre consideree comme formant une unite sur le plan juridique lorsque les effets juridiques de cette activite doivent etre rattaches separement a plusieurs sujets de droit distincts ;

Que , partant , du seul fait de la creation d ' une personne juridique distincte , le droit reconnait a celle-ci une autonomie formelle et une responsabilite propres , de telle sorte que l ' attribution de la personnalite juridique aux differentes filiales a eu comme but et comme effet l ' attribution sur le plan juridique a chacune de celles-ci de la direction et du risque de son activite ;

Qu ' un tel changement dans la situation juridique se produit du seul fait de l ' attribution de la personnalite morale , abstraction faite de la permanence de la situation economique existant anterieurement a ce changement ;

Qu ' ainsi , sous cet aspect , on ne saurait nier que les conditions pour l ' existence d ' une entreprise juridiquement autonome sont remplies egalement dans le cas d ' une personne morale dont les interets sont etroitement lies a ceux d ' autres sujets et dont la volonte est determinee par des directives provenant de l ' exterieur ;

Que partant , meme dans le cas d ' un groupe d ' entreprises dirige par une societe mere et ayant un cycle de production etroitement integre , ou il est tenu compte du rendement de l ' ensemble et non pas des filiales individuellement considerees , on doit reconnaitre que , sur le plan juridique , l ' activite de ce groupe se deroule entre les sujets qui sont juridiquement parties aux echanges economiques ;

Que , dans ces conditions , les allegations de la requerante tendant a demontrer l ' existence de differences entre son groupe et les autres types de « konzerne » ne sauraient entrer en ligne de compte ;

P . 707

Attendu que cette notion d ' entreprise , appliquee ici aux fins du mecanisme de perequation , constitue un critere legalement justifie qui doit servir pour la determination des sujets auxquels incombent les charges de droit public ;

Que , des lors , pour determiner les mouvements de ferraille qui sont soumis a la perequation , on doit se referer non pas au groupe considere dans son ensemble , mais a chacune des differentes personnes morales constituant les entreprises individuellement determinees ;

Que cette conclusion n ' est pas en contradiction avec la circonstance que le droit fiscal allemand ait suivi des criteres differents ;

Que cette difference s ' explique en raison du fait que le droit fiscal poursuit exclusivement le but d ' assurer des recettes au budget de l ' etat en frappant a cet effet l ' augmentation de richesse qui est presumee resulter de la circulation des marchandises , alors que le mecanisme de perequation vise a sauvegarder l ' equilibre dans le marche des ferrailles et qu ' a cette fin il frappe directement tout passage de ferraille entre des entreprises differentes , meme dans le cas ou ce mouvement ne constitue pas du point de vue economique un veritable transfert de richesse ;

Que , dans ces conditions , les griefs de la requerante concernant la notion d ' entreprise doivent etre rejetes .

2 . la notion d ' entreprise et le comportement de la haute autorite

Attendu que la requerante se refere ensuite au comportement que la haute autorite avait observe dans le passe , comportement qui aurait engendre chez elle la conviction que la haute autorite partageait sa these sur la notion d ' entreprise ; qu ' en outre elle observe que la haute autorite a aussi adopte un tel comportement a son egard et soutient que , meme si la cour ne pouvait pas accepter sa these , il ne serait pas neanmoins admissible que la haute autorite puisse venire contra factum proprium ;

P . 708

Attendu qu ' on doit remarquer que le comportement auquel se refere la requerante visait des questions telles que les declarations en matiere d ' investissement ou de prelevement general , l ' autorisation d ' operer une concentration et l ' octroi de prets , qui n ' avaient aucune relation avec le fonctionnement du mecanisme de perequation des ferrailles ; que , partant , abstraction faite de la question de savoir si ce comportement de la haute autorite aurait pu donner a penser qu ' a d ' autres egards celle-ci considerait la societe mere comme une entreprise au sens de l ' article 80 du traite c.E.c.A . , la requerante n ' etait pas justifiee a interpreter les decisions de base a la lumiere du comportement de la haute autorite dans des matieres etrangeres a l ' application du mecanisme de perequation ;

Qu ' au surplus l ' autorite administrative , dans son activite publique , n ' est pas toujours liee par son action anterieure , en vertu d ' une regle qui , dans les rapports entre les memes sujets , interdit de venire contra factum proprium ;

Que , dans ces conditions , ce grief de la requerante doit etre rejete .

3 . sur la question de savoir si les ferrailles litigieuses peuvent etre considerees comme des « ferrailles d ' achat »

Attendu que la requerante soutient que les ferrailles litigieuses ne sauraient etre considerees comme ferrailles d ' achat dans la mesure ou , a l ' egard des quantites de ferrailles utilisees depuis le 23 decembre 1957 , la possibilite d ' achat a ete exclue par la reserve de propriete formulee par mannesmann-huettenwerke ag ;

Qu ' il faut observer tout d ' abord que , lors des cessions de ferrailles d ' une filiale a une autre filiale , il y a toujours eu , meme apres le 23 decembre 1957 , fixation d ' un prix ; que si on devait admettre , comme il est affirme par la requerante , qu ' il s ' agissait de prix comptables fixes independamment du marche , le fait meme que chaque filiale etablisse un prix comptable pour ses cessions de ferrailles a d ' autres filiales indique qu ' il y a un transfert ;

P . 709

Que , d ' ailleurs , il n ' est pas necessaire d ' examiner si , au regard du droit civil applicable , les passages des ferrailles litigieuses entre les filiales de la requerante ont eu lieu a la suite d ' un veritable contrat de vente ; qu ' en effet ces transferts de ferrailles d ' une entreprise a une autre sont frappes en tant que tels ;

Qu ' au surplus , comme il ressort de ce qui a ete dit ci-dessus , l ' utilisation par une societe filiale des ferrailles produites par une autre societe filiale qui , tout en dependant de la meme societe mere et faisant partie du meme groupe , a une personnalite juridique distincte , ne saurait etre consideree comme comportant une augmentation de la productivite de l ' entreprise consommatrice consideree par elle-meme , au sens precise par la cour dans ses arrets dans les affaires 32 et 33-58 et 42-58 ( recueil , v , p . 306 et 406 ) ;

Que , partant , l ' exemption de ces ferrailles comporterait pour cette entreprise des avantages injustifies et fausserait ainsi le jeu de la concurrence ;

Qu ' enfin , en ce qui concerne la clause de reserve de la propriete des ferrailles invoquee par la requerante , il convient d ' observer que , pour emporter effectivement reserve de propriete des ferrailles litigieuses , il faudrait pouvoir rattacher a cette clause , consideree en elle-meme , des effets reels sur la propriete de la partie de l ' acier cede qui serait recuperee sous forme de ferrailles ;

Que , toutefois , la reserve de propriete sur une partie constitutive d ' une chose , partie dont la qualite et la quantite sont indeterminees , n ' est pas admissible d ' apres le paragraphe 93 du code civil allemand , applicable en matiere de propriete des choses situees dans la republique federale ; qu ' une telle clause est en outre incompatible avec les principes fondamentaux du droit de propriete en vigueur dans tous les etats membres , principes qui trouvent leur expression dans le phenomene de l ' accession qui presuppose l ' exclusion de tout droit distinct de propriete sur une partie constitutive et indeterminee d ' une meme chose ;

Que , des lors , les arguments invoques par la requerante a cet egard doivent egalement etre rejetes .

P . 710

4 . sur le grief de discrimination

Attendu que la requerante reproche a la defenderesse d ' avoir viole les articles 3 et 4 , b , du traite , du fait que la notion formelle d ' entreprise utilisee par la haute autorite aux fins de la perequation aurait pour effet de provoquer une discrimination a son egard , en la placant dans une position defavorable par rapport aux entreprises concurrentes ;

Attendu que la defenderesse conteste a titre prealable la recevabilite de ce grief en raison du fait que la requerante ne l ' a pas invoque a l ' egard des societes affiliees , alors que c ' etait justement celles-ci , et non la societe mere requerante , qui produisaient l ' acier et qui etaient donc assujetties a la contribution ;

Qu ' il faut toutefois observer que la requerante a succede a ses anciennes filiales dans tous les rapports juridiques de celles-ci ;

Que partant la requerante , tout en n ' ayant pas invoque expressement le grief de discrimination a l ' egard de ses anciennes filiales , ce qui d ' ailleurs aurait ete en contradiction avec la these sur la notion d ' entreprise , fait substantiellement valoir la situation dans laquelle les societes filiales elles-memes etaient interessees ;

Que dans ces conditions l ' exception d ' irrecevabilite est fondee sur une simple question de formulation du grief et doit donc etre rejetee ;

Qu ' il convient partant de passer a l ' examen au fond ;

Attendu que la requerante soutient qu ' a l ' epoque ou le mecanisme de perequation etait en vigueur elle se trouvait dans une situation identique , en ce qui concerne ses conditions de production , a celle des entreprises concurrentes ayant la structure d ' une personne morale unique englobant differents services ;

Que toutefois , meme si cette affirmation etait exacte en fait , et tout en reconnaissant que la difference de traitement constatee comporte pour la requerante des desavantages non negligeables par rapport a celles de ses concurrentes qui ne sont pas soumises aux charges de perequation , cela ne suffit pas pour reconnaitre l ' existence d ' une discrimination interdite par le traite ;

P . 711

Qu ' en effet , pour qu ' on puisse reprocher a la haute autorite d ' avoir commis une discrimination , il faut qu ' elle ait traite d ' une facon differente des situations comparables , entrainant un desavantage pour certains sujets par rapport a d ' autres , sans que cette difference de traitement soit justifiee par l ' existence de differences objectives d ' une certaine importance ;

Que par contre , en l ' espece , malgre l ' identite des conditions de production , la requerante , en raison de sa structure juridique comportant l ' existence de plusieurs entreprises , ne se trouvait pas dans une situation comparable a celle de ses concurrentes ayant une structure juridique unitaire ; que cette difference constitue un element juridiquement important pouvant , des lors , justifier un traitement different ;

Que , dans ces conditions , il est inutile d ' examiner les points d ' identite , les analogies et les differences existant en particulier entre la requerante et la societe phoenix-rheinrohr ;

Qu ' il suffit en effet d ' observer que cette societe ne peut pas se trouver dans une situation comparable a celle de la requerante , aux fins de l ' application des charges de perequation , du fait meme que ses differentes activites se deroulent dans le cadre d ' une entreprise unique ;

Que , partant , les arguments avances par la requerante pour souligner les liens tres etroits existant entre la societe mere et ses filiales , notamment en raison des contrats d ' « organschaft » , arguments tendant a montrer les similitudes avec les societes reunissant leurs differents services sous une personne morale unique , n ' ont pas d ' importance dans cette affaire , parce qu ' ils ne sauraient nullement eliminer la difference fondamentale qui a ete constatee entre le groupe d ' entreprises et l ' entreprise individuellement consideree ;

Que le principe , reconnu par la cour dans l ' arret dans les affaires jointes 32 et 33-58 ( recueil , v , p . 307 ) , suivant lequel toute intervention de la haute autorite qui ferait dependre le cout de production de l ' acier de la structure juridique , administrative ou financiere des groupes industriels serait illegale , loin d ' offrir un appui a la these de la requerante , comme celle-ci le pretend , contredit cette these ;

P . 712

Qu ' en effet cette decision de la cour , en confirmant la validite du critere de la personne morale et en niant toute importance aux structures particulieres des groupes economiques , a tranche d ' une facon nette et sans possibilite d ' exception la question de savoir si la ferraille de groupe pouvait etre assimilee aux ressources propres d ' une seule et meme entreprise ;

Attendu que cette conclusion decoule logiquement de la notion d ' entreprise dont il a ete fait usage aux fins du mecanisme de perequation et qu ' elle se justifie egalement en raison des avantages pratiques que comporte un critere simple et clair ;

Qu ' il est vrai que la societe requerante aurait pu trouver plus favorable l ' emploi d ' un critere different , qui aurait tenu compte des differences entre les divers types de groupes industriels ;

Que , cependant , en consideration des innombrables varietes qui existent ou qui peuvent etre realisees dans les liens de groupe et des difficultes qui surgiraient dans des nombreux cas si on voulait proceder a un classement rigoureux des groupes en differentes categories , il faut reconnaitre qu ' un tel systeme aurait pu donner lieu dans son application pratique a des incertitudes tres graves ; qu ' il aurait constitue ainsi un obstacle au bon fonctionnement du mecanisme de perequation et une source de discriminations eventuelles ;

Que , d ' ailleurs , dans l ' institution de mecanismes financiers tendant a sauvegarder l ' equilibre du marche , il appartient a la haute autorite de choisir le systeme qu ' elle estime le plus conforme aux interets generaux ;

Que la cour n ' a le pouvoir de critiquer ce choix que s ' il apparait que la haute autorite a depasse les limites objectives que le traite a tracees a son action ;

Que tel n ' est pas le cas en l ' espece ;

P . 713

Attendu que , dans ces conditions , la requerante n ' a pas prouve que le critere adopte par les decisions generales de base est sans pertinence ou purement arbitraire , ou qu ' il entraine , par lui-meme , des discriminations ;

Que , partant , l ' exception d ' illegalite soulevee par la requerante a l ' encontre des decisions de base et tiree de ce que pour etre compatibles avec le traite ces decisions auraient du soumettre a la perequation toute consommation de ferrailles , meme en ce qui concerne les ferrailles recuperees et reutilisees a l ' interieur d ' une seule personne morale , a l ' exception des ferrailles produites par l ' acierie et reutilisees par celle-ci , ne saurait etre accueillie ;

Que , des lors , le grief de discrimination souleve par la requerante doit etre rejete .

Ii – sur les moyens de violation des formes substantielles et d ' incompetence

Attendu que la requerante soutient que les decisions de base auraient ete adoptees sans observer ni les regles imperatives de forme de l ' article 15 du traite , ni les regles de competence qui conditionnent la legalite de l ' action de la haute autorite ;

Que , toutefois , la requerante n ' a pas demontre le bien-fonde de son allegation ;

Qu ' en effet elle s ' est bornee a affirmer d ' une facon generique une divergence entre la volonte du conseil de ministres et le contenu reel des decisions de base ;

Que , d ' ailleurs , la cour ne voit aucun element objectif justifiant la these de la requerante ;

Que cette exception doit donc egalement etre rejetee comme non fondee .

Décisions sur les dépenses


Iii – sur les depens

Attendu qu ' aux termes de l ' article 69 , paragraphe 2 , du reglement de procedure de la cour de justice des communautes europeennes toute partie qui succombe est condamnee aux depens ;

Qu ' en l ' espece la partie requerante a succombe sur son recours ;

Qu ' elle a conclu a la condamnation de la defenderesse aux depens , meme pour le cas ou la cour , en se fondant sur ce que la portee de la decision attaquee se limite au rejet de la demande d ' exoneration sans toucher au principe meme de l ' obligation de contribuer , la debouterait de son recours ;

Que , toutefois , tel n ' est pas le cas en l ' espece ;

Que , des lors , la requerante doit supporter les depens , y compris ceux de l ' intervention ;

Dispositif


La cour

Rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires , declare le present recours recevable et arrete :

1 ) le recours dans l ' affaire 19-61 est rejete comme non fonde ;

2 ) la requerante est condamnee aux depens , y compris ceux de l ' intervention .

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CJCE, n° C-19/61, Arrêt de la Cour, Mannesmann AG contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, 13 juillet 1962