CJCE, n° C-8/65, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Acciaierie e Ferriere Pugliesi SpA contre Haute Autorité de la CECA, 9 décembre 1965

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 9 déc. 1965, Acciaierie e Ferriere Pugliesi / Haute Autorité, C-8/65
Numéro(s) : C-8/65
Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 9 décembre 1965. # Acciaierie e Ferriere Pugliesi SpA contre Haute Autorité de la CECA. # Affaire 8/65.
Date de dépôt : 29 janvier 1965
Solution : Recours en annulation : obtention
Identifiant CELEX : 61965CC0008
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1965:121
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Sur les parties

Texte intégral

Conclusions de l’avocat général M. Joseph Gand,

présentées le 9 décembre 1965

Monsieur le Président, Messieurs les juges,

La société par actions «Acciaierie e Ferriere Pugliesi», dont le siège est à Giovinazzo (Bari), vous défère, sur le fondement de l’article 33 du traité de Paris, la décision du 13 novembre 1964 par laquelle la Haute Autorité a mis à sa charge le paiement de 39.329.539 lires au titre de contribution dans le cadre de la péréquation des ferrailles.

Cette société gère deux établissements: l’ un, à Bari, comporte notamment un four de 7 tonnes et un laminoir pour tubes sans soudure d’une capacité de production de 1.000 tonnes mensuelles; l’autre, à Giovinazzo, comprend un four Martin de 20 tonnes, une fonderie avec cinq cubilots pour 280 tonnes par mois, un laminoir de 2.000 tonnes mensuelles et une forge pour matériaux de récupération d’une capacité de 100 tonnes par mois. L’existence au sein de l’entreprise de secteurs qui, comme la fonderie et la forge, échappent au traité et au mécanisme de péréquation constitue évidemment, pour l’établissement des bases de la contribution, une source d’incertitudes et de difficultés.

Pour la période avril 1954 — novembre 1958, la société Pugliesi avait déclaré un mouvement de ferraille d’achat de 129.614 tonnes. Avant de prendre la décision contestée, la Haute Autorité a fait procéder par la Société fiduciaire suisse à divers contrôles dans les établissements de la société, en avril 1957 pour la période 1er avril 1954 — 31 janvier 1957, en avril 1960 pour la période 1er février 1957 — 30 novembre 1958, enfin en 1961 à la demande de l’entreprise elle-même. Ces opérations ont donné lieu à un échange de correspondance, dont une partie est jointe au dossier. Elles ont conduit la Haute Autorité à ramener les quantités litigieuses de 25.372 tonnes à 10.520 tonnes, substituant ainsi au tonnage déclaré de 129.614 tonnes un tonnage de base assujetti à la contribution de 140.134 tonnes. Ce fut l’objet d’un décompte adressé le 8 avril 1963 à l’entreprise, et que celle-ci contesta par lettre du 18 juin 1963.

C’est dans ces conditions qu’a été prise la décision attaquée du 13 novembre 1964. Elle dispose que les vérifications faites ont montré que l’entreprise n’avait pas établi correctement ses déclarations qui ont dû, par conséquent, être rectifiées. Elle comporte un double examen, chronologique et par matières, des insuffisances constatées, que nous devons rappeler, en nous excusant de son caractère aride.

Un tableau donne d’abord la répartition sur les différentes périodes de décompte des tonnages de base assujettis qui résultent des rehaussements apportés aux tonnages déclarés. Ces rehaussements sont en résumé de 8.703 tonnes pour l’ensemble des périodes 1er avril 1954 — 31 janvier 1957, et de 1.817 tonnes pour l’ensemble des périodes 1er mai 1957 — 30 novembre 1958, la période 1er février 1957 — 30 avril 1957 n’ayant comporté aucune insuffisance de déclaration. Le total des différences relevées (8.703 + 1.817) étant de 10.520 tonnes.

La décision analyse ensuite ces insuffisances, non plus chronologiquement, mais par matières ou par destination. Au tonnage déclaré doivent être apportées les rectifications suivantes:

En augmentation:

106 tonnes de réceptions de ferrailles du négoce non déclarées par erreur. Sur ce point l’entreprise n’élève aucune contestation et reconnaît sa dette.

1.055 tonnes de réceptions de ferraille du négoce que l’entreprise prétend destinées à sa fonderie de fonte intégrée (secteur qui se trouve en dehors des règles du traité en vertu de l’annexe I de celui-ci), mais sans fournir la preuve de cette destination.

9.200 tonnes de réceptions de ferraille considérée par Pugliesi comme matériel de réemploi. La Haute Autorité estime au contraire qu’il s’agit d’une augmentation des stocks et entend l’établir par un bilan des mouvements généraux de ferraille sur lequel nous aurons à revenir.

364 tonnes de ventes de ferraille déduites à tort, comme provenant du stock de ferraille de la fonderie de fonte non soumis à la contribution.

1.347 tonnes de cessions de ferraille de l’aciérie à la fonderie de fonte non justifiées.

De ce total, 12.072 tonnes, il y a lieu de rapprocher:

En diminution:

1.552 tonnes de ferraille cédées par l’aciérie à la fonderie de fonte et dont la Haute Autorité admet la déduction.

L’augmentation du tonnage de base assujetti à la contribution se trouve ainsi ramenée au chiffre de 10.520 tonnes que nous avons vu plus haut.

Aucune contestation n’ existe d’ autre part, ni sur les tonnages destinés à la production d’acier pour moulages, qui sont exonérés de la contribution, ni sur les taux de cette dernière, variables suivant les périodes auxquelles se rattachent les insuffisances alléguées. Tout le litige porte sur le point de savoir si les diverses quantités de ferraille que nous avons indiquées devaient être comprises dans le tonnage de base assujetti à la contribution. Il s’agit, non d’un recours de pleine juridiction, comme si une amende avait été infligée au titre de l’article 36, mais d’un recours en annulation. Vous avez, non pas à fixer le montant de la contribution, mais à vous prononcer sur la légalité de la décision attaquée.

A l’appui de son recours, l’entreprise Pugliesi reproche d’abord à la décision de violer les principes en matière de preuve et de n’être pas motivée. Reprenant ensuite les divers chefs de rehaussement, elle soutient qu’ils constituent autant de violations de la décision 2-57, du fait qu’ils assujettissent à la contribution des quantités de ferraille dont elle prétend établir — dans la mesure où il lui incombe de le faire — qu’elles ont été revendues ou utilisées respectivement dans la fonderie, au réemploi, ou pour des produits forgés.

A —

La requérante rappelle d’abord qu’en ce qui concerne les rectifications de 1.055, 9.200 et 1.347 tonnes la décision affirme expressément que l’entreprise n’a pas fourni la preuve d’une utilisation de ces ferrailles ailleurs que dans l’aciérie, preuve qui aurait pu l’exonérer de la contribution de péréquation, et, pour la quantité de 364 tonnes, l’observation de la Haute Autorité aboutit à un grief du même ordre. Or, son activité comporte un secteur, l’aciérie, soumis au mécanisme de la péréquation, un autre, la fonderie, qui y échappe; ce serait donc à la défenderesse qu’incomberait la charge de démontrer que l’emploi effectif des ferrailles est tel que leur acquisition tombe sous le coup du système de péréquation, sans qu’elle puisse, comme elle l’a fait, renverser le fardeau de la preuve. Par ailleurs, la décision ne pourrait être considérée comme motivée. Il ne suffit pas par exemple d’affirmer que la quantité de 10.520 tonnes a été évaluée sur la base des documents comptables examinés à l’occasion des contrôles effectués dans l’entreprise en 1957, 1960 et 1961, étant donné que ni le contenu ni la valeur de ces documents ne sont exposés et qu’aucune indication n’est donnée sur la procédure employée pour les analyser et les interpréter.

A quoi la Haute Autorité objecte que l’ entreprise n’ a jamais produit de comptabilité pour la fonderie de fonte, de sorte qu’il a été impossible de contrôler la répartition de l’achat et de la consommation de ferraille entre les divers secteurs de l’activité de la société. Elle a dressé un bilan général des mouvements de ferraille (qui ne concerne d’ailleurs que la période antérieure au 1er février 1957) établi en partie sur la base des déclarations de la requérante et des documents présentés par elle au sujet de la charge de ferraille de chaque coulée. Les comptes ne concordant pas, il faut donc conclure que l’entreprise employait également dans l’aciérie du matériel non déclaré. Peu importe qu’elle prétende établir qu’il s’agit de matériel vendu ou destiné au réemploi, donc déductible; la question ne concerne pas le travail des établissements qui ont pu se procurer par d’autres voies le matériel nécessaire, elle concerne les stocks en excédent dans l’aciérie.

La Haute Autorité conteste d’autre part qu’en adoptant cette attitude elle renverse le fardeau de la preuve. Ce serait à l’entreprise de justifier la présence en stock d’une quantité supérieure à celle correspondant à ses déclarations, et d’expliquer pourquoi le bilan général des mouvements de ferraille était en contradiction avec ces déclarations.

Mais la société Pugliesi reproche alors — non sans quelque apparence de raison — à la Haute Autorité dans sa réplique de déplacer le terrain du litige et de modifier les motifs donnés à l’appui de la décision contestée. Celle-ci s’était bornée à avancer le défaut de preuves pour l’utilisation en fonderie, pour la vente ou comme réemploi, et à supposer que les ferrailles avaient été utilisées par l’aciérie ou destinées à l’accroissement des stocks. Elle n’avait aucunement affirmé que la société aurait acquis d’autres ferrailles que celles qui figurent sur les factures d’achat et les registres de charge, ce qu’implique la position adoptée dans le mémoire en défense. Sur la base de la décision contestée, la requérante entendait établir que les quantités litigieuses avaient été utilisées en réemploi ou pour les moulages en fonte — c’est à quoi tendent les autres moyens de son recours que nous verrons plus loin; or, la défense aboutit à dénier toute valeur à la démonstration que prétend faire la société.

Que conclure de cette discussion ?

Il n’ est pas contesté en premier lieu que l’ entreprise Pugliesi n’avait pas de comptabilité industrielle dans le secteur «fonderie» qui est étranger au domaine communautaire. Sans doute est-elle libre, comme elle le dit, de donner à ses départements hors de la gestion «acier» l’organisation interne qu’elle juge la plus opportune. Mais cela entraîne nécessairement des conséquences quant au secteur soumis au traité et au régime de péréquation, puisqu’on ne peut reconstituer l’ensemble des mouvements de ferraille en partant d’une comptabilité globale.

D’ autre part, sous peine de mettre à néant le mécanisme de péréquation, il faut reconnaître le droit à la Haute Autorité, et vous le lui avez reconnu, de taxer d’office l’entreprise qui n’a aucune comptabilité; mais on ne peut lui refuser non plus la faculté de rectifier la déclaration de celle dont la comptabilité est incomplète, à condition de fournir des justifications suffisantes des rectifications qu’elle apporte. Quant à l’entreprise, elle conserve toujours la possibilité de contester devant le juge les chiffres retenus par la Haute Autorité et de défendre ceux qui résultent de ses propres déclarations.

Nous ne pensons pas enfin que l’ on puisse faire appel de façon trop rigide à la notion de «charge de la preuve» dans un pareil domaine. Il s’agit en définitive d’arriver à une certitude raisonnable au vu des documents produits par chacune des parties et de la réponse qui leur est donnée par la partie adverse, quitte pour le juge, s’il ne s’estime pas suffisamment éclairé, à ordonner une expertise.

Quant au défaut de motif reproché à la décision, il ne nous paraît pas pouvoir être retenu. Pour chacune des rectifications opérées, la Haute Autorité a indiqué la considération qui la justifiait. Ces motifs sont exacts ou non, c’est une question qui relève du fond, mais ils existent.

Nous en venons donc maintenant aux autres moyens du recours par lesquels l’entreprise Pugliesi conteste la légalité des rectifications apportées à ses déclarations.

B —

L’entreprise Pugliesi reproche à la décision contestée d’avoir refusé d’exonérer une partie du tonnage utilisé par elle dans sa fonderie, alors que les moulages de fonte sont exclus du champ d’application du traité par la note 5 de l’annexe I de celui-ci, et que les ferrailles employées à cet effet ne sont pas soumises au mécanisme de péréquation.

Elle prétend avoir utilisé a cette fin 3.954 tonnes de ferraille. La Haute Autorité n’en a admis que 1.552, et a écarté, d’une part, 1.055 tonnes qui auraient représenté des achats de ferraille pendant la période 1er avril 1954 — 31 janvier 1957, d’autre part, 1.347 tonnes qui auraient représenté des mouvements de l’aciérie à la fonderie pendant la période 1er mai 1957 — 30 novembre 1958. Pour la Haute Autorité, la destination alléguée n’était pas établie et les quantités litigieuses, soit 2.402 tonnes, ont fait l’objet de deux rubriques de la décision attaquée.

Comment la société justifie-t-elle le chiffre qu’elle avance? En partant d’abord des produits de fonte vendus par elle au cours de l’application du mécanisme. Elle communique à l’appui de son recours (annexe 10) des extraits des livres de factures, desquels il résulterait que les quantités vendues et régulièrement facturées s’élèveraient à 3.444 tonnes. Elle y ajoute 200 tonnes de produits de fonte utilisés pour son usage propre à l’intérieur de ses deux établissements. Au total, les fusions de fonte finies se seraient élevées à 3.650 tonnes, chiffre arrondi.

C’ est sur cette base qu’elle reconstitue le tonnage de ferraille employé à cette fin en ajoutant 10 % au titre des pertes techniques; elle obtient ainsi un tonnage de ferraille de 4.015 tonnes, supérieur par conséquent à celui dont elle réclame l’exonération; elle en conclut que les deux réintégrations de 1.055 et 1.347 tonnes ne sont pas justifiées.

Cette argumentation vaut ce qu’elle vaut: on peut la contester du point de vue technique, ou discuter la valeur des factures produites que nous ne nous sentons pas capable d’apprécier, mais elle mérite au moins d’être discutée. Or, force est bien de constater et de regretter que la Haute Autorité n’apporte sur ce point qu’une dénégation pure et simple. Elle considère dans sa défense que le grief tiré de la violation sur ce point des règles communautaires serait purement gratuit, puisqu’il ressortirait clairement de la décision attaquée que la ferraille utilisée dans la fonderie de fonte est exonérée, mais que l’exonération n’a été appliquée que dans les cas où la preuve de cet emploi par la fonderie a été fournie. Sur la valeur de la documentation fournie par la société, telle que ses factures, la Haute Autorité est absolument muette.

On ajoutera que certains des arguments employés par la Haute Autorité sont difficilement explicables. Pour la période 1er mai 1957 — 30 novembre 1958, la rectification des déclarations est au total de 1.817 tonnes, comprenant 106 tonnes de réceptions de ferrailles du négoce non déclarées par erreur, 364 tonnes de ventes de ferraille déduites à tort parce que provenant du stock de ferrailles de la fonderie de fonte intégrée, et enfin 1.347 tonnes de cessions de ferrailles de l’aciérie à la fonderie de fonte non justifiées, ce dernier poste étant un de ceux dont la société soutient qu’il a effectivement servi à produire des moulages de fonte. Or, dans la duplique, la Haute Autorité souligne la coïncidence entre les réceptions de ferrailles non déclarées parce que destinées à la fonderie d’après la requérante et les augmentations apportées à la comptabilité des stocks de l’aciérie. Elle indique que, pour la période février 1957 — novembre 1958, les unes et les autres se sont élevées respectivement à 3.040 et 3.000 tonnes, et pour le seul mois de juin 1958 à 1.189 et 1.000 tonnes. On s’explique mal dans ces conditions que le redressement n’ait été que de 1.817 tonnes pour l’ensemble de la période envisagée, et de 232 tonnes pour le trimestre 1er mai – 31 juillet 1958.

Bien qu’il subsiste une marge d’incertitude, nous sommes enclin à considérer que la société Pugliesi a apporté des éléments suffisants, non contredits par la Haute Autorité, pour faire admettre que les deux postes litigieux de 1.055 et 1.347 tonnes de ferrailles correspondent à des tonnages utilisés par elle dans sa fonderie et échappent de ce fait à la contribution.

C —

Enfin, la requérante conteste la taxation de 9.200 tonnes de ferrailles, que la Haute Autorité a considérées comme correspondant à une augmentation des stocks résultant d’achats, alors qu’il s’agirait de matériel de remploi soit vendu, soit ayant servi à la production de pièces de forge et constituant des ressources propres non imposables en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2-57.

Ce tonnage, qui est afférent à la période 1er avril 1954 – 31 janvier 1957, a été tiré par la Haute Autorité de ce qu’elle appelle le bilan des mouvements généraux de ferrailles pour la même période. Il s’agit d’un document établi à partir des déclarations périodiques de la société, mais établi par la Haute Autorité, et que vous vous êtes fait communiquer par cette dernière.

La requérante rappelle qu’elle n’ avait pas déclare 20227 tonnes de ferrailles constituant des chutes propres; si la Haute Autorité a admis ce caractère pour 11.027 tonnes, le reste, soit 9.200 tonnes, a été considéré comme provenant d’achats, et cela à tort, dit la société.

En effet, il faut tenir compte, pour les ferrailles vendues, des pertes dues à la désoxydation; pour celles utilisées en forge, des pertes au feu, etc. Compte tenu de cela, la quantité totale de ferrailles de réemploi est susceptible de donner des produits finis d’un poids total de 16.587 tonnes. Or, toujours d’après les documents fournis en annexe au recours, les produits forgés vendus et les ferrailles de réemploi vendues se seraient élevés respectivement à 4.242 et 10.410 tonnes, soit au total à 14.652 tonnes. La différence, soit 1.935 tonnes, serait largement justifiée par la consommation, intérieure de. ses deux, établissments.

Dans les observations fournies par elle après communication du bilan des mouvements généraux de ferrailles, la société a donné une justification supplémentaire de l’accroissement prétendu des stocks qui lui est reproché, en s’appuyant sur un rapport de Campsider qui évalue de 26,9 à 28,9 % de la production le pourcentage de récupération interne dans les entreprises sidérurgiques italiennes. Sur la base de la production totale, soit 155.094 tonnes, elle aurait pu déclarer pour les ressources propres de l’aciérie une quantité allant jusqu’à 43.000 tonnes; elle n’en a déclaré en fait que 14.127, c’est-à-dire 9,1 % de la production; cela explique qu’elle ait enregistré périodiquement un accroissement, une réévaluation de ses stocks, dont il n’y a pas lieu de penser qu’elle dissimule des ferrailles d’achat imposables, mais qu’elle est justifiée comme correspondant à des ferrailles de récupération. La société indique — ce qui ne paraît pas invraisembable — qu’une partie de la ferraille récupérée n’était pas contrôlée ou pesée, mais refluait sur le parc de stockage. Même en rajoutant aux ressources propres déclarées par elle les 9.200 tonnes litigieuses, on atteint à peine la moitié du pourcentage de récupération donné par Campsider, et il n’y a donc pas de raison de considérer les quantités litigieuses comme provenant de ferrailles d’achat.

L’argument, vous vous en souvenez, a été repris à l’audience, et l’avocat de la Haute Autorité lui a opposé que le pourcentage de 28 % invoqué ne pouvait s’appliquer qu’à certaines entreprises ou certaines productions bien déterminées, mais non au secteur d’activité de la société Pugliesi. Le rapport Campsider ne dit cependant rien de tel, et le pourcentage de 28 % y est représenté comme constituant un pourcentage moyen.

S’il en est bien ainsi, ce rapport nous paraît une raison suffisante pour admettre que les 9.200 tonnes doivent bien être considérées comme provenant de la récupération interne et comme échappant, de ce fait, à la contribution au titre de la péréquation. C’est en définitive ce que nous vous proposons de dire.

Reste un dernier point: il s’ agit de 364 tonnes de ventes de ferrailles que la décision attaquée présente comme déduites à tort, et provenant du stock de ferrailles de la fonderie de fonte intégrée. La société ne donne ici que des explications assez vagues, à savoir que, même si l’on ajoute la quantité litigieuse aux 9.200 tonnes dont nous venons de parler, le résultat est largement inférieur au tonnage total justifié. Par ailleurs, ces quelques centaines de tonnes constituent un aspect tout à fait négligeable par rapport à l’ensemble du litige. Ici, il faut bien admettre que les justifications apportées sont insuffisantes.

En définitive, sur les 10.520 tonnes qui ont donne lieu à rectification des déclarations de la société, et par suite à imposition à la charge de cette dernière d’un montant de 39.329.539 lires, seules 106 tonnes, admises par l’entreprise, et 364 tonnes pour lesquelles elle ne nous paraît pas apporter de justifications suffisantes, sont, pensons-nous, de nature à donner lieu au versement de la contribution.

Mais ce qui est en cause, c’est l’annulation de la décision fixant le montant des obligations financières de la société Pugliesi; il n’est pas possible de modifier le montant de ces obligations, il suffit que la décision soit, dans certaines de ses parties, entachée d’illégalité pour qu’il y ait lieu de l’annuler dans son entier. Il appartiendra à la Haute Autorité de la reprendre sur d’autres bases.

Nous concluons:

à l’annulation de la décision du 13 novembre 1964 par laquelle la Haute Autorité a mis à la charge des «Acciaierie e Ferriere Pugliesi» le paiement d’une somme de 39.329.539 lires,

et à ce que les dépens soient supportés par la Haute Autorité.

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