CJCE, n° C-15/65, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Werner Klaer contre Haute Autorité de la CECA, 17 novembre 1965

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 17 nov. 1965, Klaer / Haute Autorité, C-15/65
Numéro(s) : C-15/65
Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 17 novembre 1965. # Werner Klaer contre Haute Autorité de la CECA. # Affaire 15-65.
Date de dépôt : 17 mars 1965
Solution : Recours de fonctionnaires : obtention
Identifiant CELEX : 61965CC0015
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1965:114
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Sur les parties

Texte intégral

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL M. JOSEPH GAND

DU 17 NOVEMBRE 1965

Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

M. Werner Klaer occupait d’importantes fonctions dans l’administration des chemins de fer fédéraux allemands lorsqu’il entra en 1952 au service de la Haute Autorité en qualité de directeur de la division des transports. Il quitta ce poste, en 1960, à la suite d’une réorganisation des services qui fit de cette division une direction dépendant de la direction générale économie-énergie; il fut nommé alors conseiller (gradé 1), titre auquel correspond dans le nouveau statut celui de conseiller hors classe. Ce n’est que trois ans plus tard qu’il fut possible de définir avec précision les fonctions qui lui étaient conférées.

Une décision de la Haute Autorité du 12 mars 1963, dont les termes avaient été élaborés en accord avec lui, lui attribuait un triple mandat: un mandat de conseiller auprès de la direction générale «économie-énergie» pour assurer la coordination des questions de transport avec les autres services de la Haute Autorité — un mandat d’exécution de certaines études concernant les transports C.E.C.A. — un mandat de représentation auprès de diverses organisations s’occupant des problèmes de transport en dehors du cadre du marché commun.

A l’expérience, il parut à la Haute Autorité que cette définition des attributions de M. Klaer ne permettait pas d’utiliser complètement ses aptitudes, et elle mit à profit une réforme de la structure de la direction générale «économie-énergie» pour élargir et modifier les fonctions qui lui étaient confiées.

Le 18 décembre 1964, le président de la Haute Autorité notifia à M. Klaer la décision prise par le collège en sa séance du 2 décembre précédent, et dont il est nécessaire de rappeler ici les termes exacts :

«Article 1 :

M. Werner Klaer, conseiller hors classe, chargé de questions concernant les transports (poste no 10 de l’organigramme des bureaux de MM. les Conseillers hors classe), est, avec effet immédiat, rattaché à la direction générale de l’économie et de l’énergie (poste no 3 de l’organigramme de cette direction générale).

Article 2 :

Outre les fonctions résultant du mandat qui lui a été confié en date du 12 mars 1963 et dans l’exercice desquelles il relève directement du collège, M. Klaer assumera désormais, conjointement avec M. Cros, les fonctions d’adjoint au directeur général de l’économie et de l’énergie.

Article 3 :

Les attributions et compétences de M. Klaer sont rappelées dans l’annexe jointe à la présente décision.»

L’annexe donne les précisions suivantes: aucune modification quant aux attributions de M. Klaer en sa qualité de conseiller de la Haute Autorité pour les questions de transport. Par ailleurs, en sa qualité d’adjoint au directeur général de l’économie et de l’énergie, il est chargé, conjointement avec M. Cros, de représenter le directeur général à l’intérieur et à l’extérieur de cette unité administrative et de présider les réunions internes lorsque ce haut fonctionnaire est empêché de le faire; d’exprimer dans les réunions extérieures le point de vue de la direction générale à la place du directeur général, en l’absence de celui-ci; de coordonner avec le directeur général l’activité des différentes directions à l’intérieur de la direction générale et d’assurer avec lui la coordination avec les autres directions générales; de suivre avec le directeur général la répartition des tâches courantes entre les directions et leur exécution. Il peut recevoir pour des affaires déterminées délégation complète de la part du directeur général. Il est précisé, enfin, qu’en cas d’absence de celui-ci M. Klaer assume son remplacement.

C’est la décision que M. Klaer, après une réclamation administrative restée sans réponse, vous défère comme entachée de diverses illégalités de forme ou de fond: défaut de motifs constituant une violation de l’article 25 du statut des fonctionnaires — violation de l’article 5, paragraphe 4, comme de l’annexe I, et de l’article 7, paragraphe I, du statut, en tant que les fonctions qui lui sont confiées par la décision attaquée ne correspondent pas au grade A 1 qu’il détient — violation de l’article 7 du règlement général d’organisation de la Haute Autorité fixant les conditions dans lesquelles sont recrutés les fonctionnaires supérieurs de l’institution.

I —

La défenderesse soutient, on le sait, que le recours est irrecevable comme dirigé contre un acte qui, en réalité, ne fait pas grief au requérant. Sa thèse est la suivante: la décision attaquée, qui n’entraîne pour M. Klaer aucune conséquence matérielle, ne comporte non plus aucune rétrogradation ni aucun déclassement dans son rang par rapport au directeur général avec lequel il est appelé à collaborer. Fonctionnaire de grade A 1 qui, dès mars 1963, remplissait des fonctions de conseiller auprès de la direction générale «économie et énergie», il assiste simplement le directeur général de celle-ci de façon plus effective. D’autre part, la décision du 2 décembre 1964 fait corps avec le mandat du 12 mars 1963; elle précise et élargit les attributions d’un fonctionnaire de très haute qualification, chargé d’études du plus haut niveau; elle constitue une délimitation nouvelle de ses attributions, opérée par l’autorité hiérarchique, mais qui ne porte pas atteinte à son statut. Par suite, le grief selon lequel elle le charge de nouvelles tâches excédant celles qui découlaient du mandat ne peut être valablement invoqué par M. Klaer. La Haute Autorité s’appuie ici sur la jurisprudence administrative française d’après laquelle les fonctionnaires sont irrecevables à contester la décision de leur supérieur qui modifie leurs attributions sans porter atteinte à leur statut.

La thèse ainsi développée correspond à la distinction nécessaire entre l’organisation des services dont l’autorité hiérarchique est seule responsable, et qu’elle doit pouvoir fixer et modifier en fonction de l’évolution des circonstances et des besoins, et les droits que les agents tiennent de leur statut et dont ils peuvent réclamer le respect devant le juge. Mais, si la distinction est nécessaire, la limite est souvent difficile à tracer entre les deux domaines; elle dépend de la conception même que les différents systèmes juridiques peuvent se faire de la situation du fonctionnaire, de la précision plus ou moins grande avec laquelle les textes définissent cette situation. M. Klaer a raison de dire que la recevabilité de son recours est intimement liée à son bien-fondé, en ce sens que ce n’est qu’après un examen du fond du litige, par la confrontation du contenu de la décision attaquée avec les dispositions du statut dont la violation est alléguée, qu’il est possible de dire si elle constitue ou non un acte faisant grief au requérant. C’est donc la portée de cette décision que nous devons maintenant examiner.

II —

L’article 5 du statut classe les emplois, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories, comportant chacune un certain nombre de grades regroupés en carrières généralement étalées sur deux grades. Un tableau figurant à l’annexe I établit la correspondance entre les emplois-types et les carrières, et, sur la base de ce tableau, l’institution arrête, après avis du Comité du statut, la description des fonctions et attributions que comporte chaque emploi. D’autre part, en vertu de l’article 7, l’autorité investie du pouvoir de nomination affecte, par voie de nomination ou de mutation, chaque fonctionnaire à un emploi de sa catégorie correspondant à son grade.

Il résulte à l’évidence de cela que l’agent a droit non seulement au maintien de son grade et de la rémunération qui y est attachée, mais qu’il a droit aussi à ce que les fonctions et attributions qui lui sont confiées soient conformes à l’emploi correspondant au grade qu’il détient dans la hiérarchie. Mais il faut bien reconnaître qu’il reste une certaine marge d’incertitude en raison d’inévitables chevauchements et du fait que les termes différents employés par la description des emplois ne correspondent pas toujours à des notions nettement distinctes. Vous avez pu vous en rendre compte lorsque, à propos de l’intégration, des agents soutenaient que les fonctions qu’ils remplissaient effectivement étaient celles d’un emploi comportant un grade plus élevé que celui dans lequel ils avaient été titularisés. Ici, c’est le problème inverse: le fonctionnaire se plaint qu’on prétende lui attribuer des fonctions inférieures à celles de son emploi et de son grade.

M. Klaer est titulaire du grade A 1 qui constitue à lui seul une carrière, et dont l’emploi-type est celui de directeur général, que le tableau arrêté par la Haute Autorité le 18 décembre 1962 définit comme le fonctionnaire qui «dirige une unité administrative du niveau le plus élevé». Détient également le grade A 1 le «fonctionnaire de très haute qualification appelé à conseiller l’institution ou chargé d’études du plus haut niveau» qui porte le nom de conseiller hors classe. C’est le cas de M. Klaer.

D’autre part, au grade A 2 se trouvent soit le directeur qui «dirige une unité administrative importante sous l’autorité directe d’un directeur général ou exceptionnellement de l’institution», soit le conseiller principal qui est un «fonctionnaire de haute qualification appelé à conseiller l’institution ou une direction générale», ou encore un «fonctionnaire de haute qualification chargé d’études spécialisées».

Toute la thèse du requérant consiste à soutenir que les fonctions nouvelles qui lui ont été confiées par la décision du 2 décembre 1964 ne sont pas du niveau de celles qui peuvent être attribuées à un conseiller hors classe, donc de grade A 1. Passons d’abord sur le fait que ni l’annexe, ni la description des emplois ne connaissent d’emploi d’adjoint au directeur général (ou d’adjoint du directeur général, puisque les deux termes ont été employés). Ces deux documents, vous l’avez déjà jugé, ne peuvent être exhaustifs. Passons également sur le fait que l’ancien statut des fonctionnaires de la C.E.C.A. connaissait un emploi de directeur général adjoint qui était du grade A 2; bien qu’il soit l’indication d’une tendance, il ne peut être déterminant. Ce qui compte, ce n’est pas l’appellation, mais le contenu des fonctions exercées.

La Haute Autorité souligne à ce sujet que le collège ne s’occupe pas lui-même de la définition du détail des activités de ses conseillers, qui s’articule nécessairement avec celle d’une direction générale, sous des formes variables relevant de l’organisation interne du travail, mais impliquant la prééminence du directeur général, lorsqu’il s’agit de la marche des services dont il est seul à avoir la responsabilité. Cette prééminence apparaît notamment ici dans la mesure où il appartient au directeur général de décider des «affaires déterminées» pour lesquelles il donne ou non «délégation complète» au haut fonctionnaire qui lui est adjoint; de même en cas de divergence d’opinion entre ce dernier et le directeur général sur les modalités pratiques de la coordination des services, de la répartition et de l’exécution des tâches, il est normal que la décision finale revienne au directeur général. Il n’y aurait donc pas subordination hiérarchique de M. Klaer au directeur général, mais prééminence fonctionnelle de celui-ci sur M. Klaer.

Mais n’est-ce pas un peu jouer sur les mots? La prééminence du directeur général sur le requérant peut ne pas se justifier par la supériorité de grade — directeur général et conseiller hors classe sont tous deux au grade A 1 — mais, par sa qualité de chef responsable d’une unité administrative, elle n’entraîne pas moins une subordination certaine de son adjoint. Celui-ci se verra tracer le cadre dans lequel il peut agir et recevra des instructions sur le sens et les modalités de son action. S’il est indiqué par exemple dans l’annexe à la décision attaquée que M. Klaer exprimera dans les réunions extérieures le point de vue de la direction générale à la place du directeur général, lorsque ce dernier ne sera pas présent, ce point de vue ne sera pas arrêté en fonction de l’opinion du requérant mais de celle du directeur général. Et nous avons vu aussi qu’il n’appartient qu’au directeur général de fixer les affaires pour lesquelles il croit devoir lui donner délégation complète.

Tout cela traduit évidemment une position subordonnée par rapport au chef de la direction générale, et c’est parfaitement logique, car c’est l’essence même de la situation d’adjoint.

La seule question est de savoir si la décision attaquée, en tant qu’elle comporte ces effets, constitue une décision faisant grief et porte atteinte aux droits que M. Klaer tient de son statut. Nous pensons en définitive que cette question comporte une réponse affirmative.

Il résulte en effet, au moins implicitement, du tableau des descriptions des emplois-types que les agents de grade A 1 ne peuvent relever que du collège ou de ses groupes de travail. Cela vaut par définition pour le directeur général; cela est dit expressément pour le conseiller hors classe qui est appelé à «conseiller l’institution»; la description des fonctions de la carrière A 2 confirme cette solution dans la mesure où elle précise que le directeur est «sous l’autorité directe d’un directeur général ou exceptionnellement de l’institution», que le conseiller principal est appelé «à conseiller l’institution ou une direction générale». Tout au long du tableau, l’on retrouve la même conception qui place le titulaire d’un emploi sous l’autorité du fonctionnaire dont la carrière est immédiatement supérieure à la sienne: le chef de division A 3 est sous l’autorité du directeur A 2 — l’administrateur principal A 4 est le chef d’un secteur d’activité d’une division, ou l’adjoint d’un chef de division, et ainsi de suite. Système dont il est permis peut-être de regretter la rigidité, mais qu’il faut prendre tel qu’il est, et qui ne paraît pas permettre de mettre un fonctionnaire de grade A 1 sous l’autorité — car c’est en définitive d’autorité qu’il s’agit — d’un autre fonctionnaire de grade A 1.

Certes, une partie des fonctions résultant du mandat de 1963 et dans l’exercice desquelles M. Klaer relevait directement du collège, ainsi que le précise la décision attaquée, s’exerçait auprès de la direction générale «économie-énergie». Le requérant avait ainsi à assurer la coordination des questions de transport avec les autres services de la Haute Autorité; cela entraînait des rapports de service avec cette direction générale, sans qu’il y fut intégré, ou eût à l’égard de son chef un lien quelconque de subordination. Toute différente est sa situation lorsque, ainsi que le comporte la décision du 2 décembre 1964, il se trouve dans la direction générale, à laquelle il est rattaché, comme le dit cette décision, et qu’il est adjoint au directeur général. Peu importe que M. Klaer continue, pour l’exercice de son mandat antérieur, à ne relever que de l’institution, les fonctions nouvelles qui lui sont attribuées sont trop importantes pour apparaître comme une sorte d’accessoire ou d’extension de ses fonctions A 1 anciennes dans lesquelles elles viendraient se confondre, ainsi que le suggère l’Institution défenderesse. Elles ont au contraire leur nature propre et doivent être appréciées en elles-mêmes.

Nous ajouterons une dernière remarque sur ce point. Les fonctions d’adjoint au directeur général de l’économie et de l’énergie ont été confiées en même temps qu’au requérant à M. Cros, dont la direction avait été supprimée par la réorganisation des services et qui est titulaire du grade A 2. Bien que M. Klaer ait sur lui une certaine primauté qui se manifeste par le fait qu’il est seul qualifié pour remplacer le directeur général en cas d’absence, on ne peut que s’étonner de voir deux agents de grade différent chargés conjointement des mêmes attributions. La Haute Autorité déclare que son intention a été simplement de donner aux fonctions nouvelles d’adjoint au directeur général créées à l’intention de l’un et de l’autre un prestige et une autorité «fonctionnelle» comparables, les amenant à collaborer au même niveau. C’est possible, mais il semble que ce niveau soit le niveau A 2.

La conclusion à tirer de cet examen est double. La décision du 2 décembre 1964 n’est pas seulement une mesure interne d’organisation du service qui se situe dans la sphère du pouvoir hiérarchique; elle touche à la situation personnelle du requérant et aux droits que, pensons-nous, il tient de son statut, en le chargeant de fonctions qui ne correspondent pas à l’emploi et au grade qu’il détient dans la hiérarchie. De ce fait, M. Klaer est recevable à l’attaquer, mais il est aussi fondé, pour les raisons que nous venons d’indiquer, à en obtenir l’annulation.

III —

Ce n’est donc qu’à titre subsidiaire que nous examinerons maintenant les autres moyens invoqués à l’appui du recours.

1.

En premier lieu, contrairement à l’article 25 du statut, la décision attaquée qui constitue un acte faisant grief au requérant ne serait pas motivée. Il est de fait que, présentée comme prise en la séance du 2 décembre 1964, elle se borne à viser, outre les textes sur les pouvoirs du président de la Haute Autorité et le statut des fonctionnaires, la décision du 24 septembre 1964 fixant la répartition des domaines de compétence au sein de la direction générale de l’économie et de l’énergie. Les procès-verbaux de l’une et l’autre de ces séances de la Haute Autorité, qui ont un caractère confidentiel, vous ont été communiqués sur votre demande. Il en résulte que, lors de la première séance, le collège, écartant l’idée d’introduire une nouvelle hiérarchie au sein de la direction générale, a entendu assurer au chef de cette unité administrative la collaboration de deux adjoints: MM. Klaer et Cros; que, lors de la deuxième, informé du refus du requérant d’accepter le schéma préparé par le directeur général, il en a cependant accepté les grandes lignes qui ont été traduites dans la décision du président que nous avons rapportée. Il ressort enfin de la réponse faite à une question posée par vous à l’audience que le requérant n’a eu connaissance des termes de ces deux procès-verbaux que lorsqu’ils ont été versés au dossier.

Poser une telle question, c’était admettre implicitement que la décision attaquée ne devait pas nécessairement comporter l’exposé des motifs propres sur lesquels elle s’appuyait, qu’elle pouvait se borner à se référer aux décisions antérieures, qui en constituaient le fondement, à condition que l’intéressé eût connaissance de celles-ci en temps utile. Selon votre jurisprudence, en effet, la motivation d’une décision n’est pas une exigence formelle; elle a pour objet de permettre aux personnes que l’acte concerne de s’assurer des raisons qui ont guidé son auteur, et au juge d’exercer son contrôle de légalité.

Cela étant, on peut se demander si, en l’espèce, les exigences de votre jurisprudence ne sont pas remplies, bien que M. Klaer n’ait pas connu à l’époque le texte des procès-verbaux des deux séances des 24 septembre et 2 décembre 1964. Il résulte en effet d’une pièce produite par lui (annexe 4 de son recours) et qui consiste en un compte-rendu de l’entretien qu’il a eu le 20 novembre 1964 avec le vice-président de la Haute Autorité, président de la commission administrative, qu’il était alors informé de la solution «envisagée par là Haute Autorité», à savoir sa nomination conjointe avec M. Cros comme adjoint au directeur général de la direction générale économie et énergie. On lui demanda au cours de cet entretien son accord sur cette formule, qu’il refusa après avoir sollicité un délai de réflexion. Si nous ne croyons pas cependant que cette note puisse constituer l’indication d’une connaissance suffisante des antécédents de la décision attaquée, c’est parce qu’il ne s’agit en définitive que d’une connaissance indirecte et dont il n’est pas établi qu’elle ait porté sur l’ensemble des dispositions contestées. La décision du 2 décembre 1964 apparaît ainsi comme également irrégulière sur le plan formel.

2.

Reste enfin toute une série de critiques que nous rappellerons rapidement. Elles proviennent surtout de la rédaction ambiguë du premier article de cette décision: le requérant, conseiller hors classe, chargé de questions concernant les transports (poste no 10 de l’organigramme des bureaux de MM. les Conseillers hors classe) est rattaché à la direction générale économie-énergie (poste no 3 de l’organigramme de cette direction générale).

Il croit pouvoir en déduire que la Haute Autorité, tout en lui conservant son ancien poste no 10 de l’organigramme des services arrêté le 5 septembre 1963, l’a transféré au poste no 3 de conseiller hors classe de la direction générale, rendu vacant en juin 1964 par le départ de son titulaire. Opération doublement inadmissible, parce qu’elle aboutit à maintenir simultanément un fonctionnaire dans deux postes différents de l’organigramme, et parce que le second de ces postes, occupé précédemment par un fonctionnaire qui n’avait le grade A 1 qu’à titre personnel, serait redevenu un poste A 2 au départ de son titulaire.

On peut penser, comme le soutient l’institution défenderesse, que la décision attaquée n’a mentionné le poste no 10 qu’en tant que, au moment où elle intervenait, ce poste était occupé par le requérant; elle n’a pas entendu cependant l’y maintenir, mais le transférer au poste no 3. Nous avons en revanche, plus de mal à comprendre l’argumentation de la Haute Autorité suivant laquelle M. Klaer «a bien été transféré d’un poste de l’organigramme à un autre, mais ce poste lui-même a, d’une part, été supprimé, et, d’autre part, été recréé avec les mêmes attributions». C’est ainsi que le poste no 3 ancien aurait été supprimé en juin 1964 au départ de son titulaire et le poste actuellement occupé par le requérant n’aurait été créé comme poste A 1 qu’en décembre 1964 lors de la suppression de son poste no 10 et avec emploi du poste budgétaire correspondant, de sorte que le poste no 3 nouveau n’aurait rien de commun avec le poste no 3 ancien. Cette modification aurait été réalisée en conformité de l’organigramme arrêté rétroactivement le 31 mai 1965 et valable, dit l’administration, pour l’exercice du 1er juillet 1964 au 30 juin 1965.

Les observations ainsi présentées posent peut-être autant de questions qu’elles prétendent en résoudre. Quelle est la valeur de l’organigramme, non seulement en tant que tableau des effectifs, tel qu’il est prévu à l’article 6 du statut, mais en tant que description différenciée de l’organisation des divers services? Dans quelle mesure peut-il, sous ce dernier aspect, consacrer rétroactivement des modifications déjà apportées à la structure des services? Si, comme le dit la défenderesse, un poste nouveau a bien été créé, pouvait-on y affecter sans autre procédure le requérant, ou fallait-il appliquer les dispositions de l’article 7 du règlement général d’organisation? Autant de questions qu’une argumentation assez subtile n’a pas contribué à simplifier; mais nous pensons que vous n’aurez pas à y répondre si vous nous suivez.

Il suffit en effet de constater que la décision attaquée touche à la situation individuelle du requérant et définit les fonctions qui lui sont confiées dans des conditions qui ne respectent pas le statut, qu’elle n’est d’autre part pas motivée, pour que vous en prononciez l’annulation.

Cette solution que nous vous proposons sans hésitation sur le plan des textes peut cependant paraître peu satisfaisante en fait. La Haute Autorité vous a dit à l’audience qu’elle avait cherché à «concilier les exigences du service et celles du personnel», et nous la croyons volontiers. Sans doute le moyen qu’elle a choisi ne peut-il être retenu; il lui appartient d’en adopter un autre, et, au cas où la conciliation qu’elle souhaite ne pourrait en définitive être réalisée, d’examiner s’il convient de faire usage de dispositions telles que celles de l’article 50, qui permettraient de résoudre définitivement un problème ouvert depuis trop longtemps.

En définitive, nous concluons :

à ce que le recours de M. Klaer soit déclaré recevable;

à l’annulation de la décision de la Haute Autorité du 2 décembre 1964,

et à ce que les dépens soient supportés par cette institution.

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