CJCE, n° C-42/79, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Firma Milch-, Fett- und Eierkontor GmbH contre Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung, 15 novembre 1979

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 15 nov. 1979, Milch-, Fett- und Eierkontor, C-42/79
Numéro(s) : C-42/79
Conclusions de l'avocat général Capotorti présentées le 15 novembre 1979. # Firma Milch-, Fett- und Eierkontor GmbH contre Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung. # Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Frankfurt am Main - Allemagne. # Beurre de stock - Force majeure. # Affaire 42/79.
Date de dépôt : 12 mars 1979
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61979CC0042
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1979:259
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Sur les parties

Texte intégral

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. FRANCESCO CAPOTORTI

PRÉSENTÉES LE 15 NOVEMBRE 1979 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.

L’affaire préjudicielle à laquelle se rapportent les présentes conclusions a trait à l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement de la Commission no 1308, du 28 août 1968, relatif à la vente de beurre de stock public en vue de l’exportation et concerne en particulier les limites de la notion de force majeure intervenant dans la disposition dont s’agit. Il a été demandé, en outre, de préciser la portée des principes sanctionnés par votre arrêt du 11 mai 1977 dans les affaires jointes 99 et 100/76 en ce qui concerne l’étendue des obligations et de la responsabilité de celui qui achète du beurre à prix réduit auprès des organismes nationaux d’intervention.

En bref, les faits peuvent se résumer comme suit.

Au cours de la période comprise entre le 21 juillet et le 14 octobre 1970, la société allemande Milch-, Fett- und Eierkontor (que nous désignerons ci-après du sigle MFEK) a acheté à plusieurs reprises auprès de l’organisme d’intervention allemand («Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung») quelque 168 tonnes de beurre au prix particulièrement favorable prévu par le règlement dont il s’agit en l’espèce. Le beurre devait être exporté dans les trente jours de la vente. Là société acquéreuse a versé la caution prescrite à l’organisme d’intervention, en garantie de l’exportation effective et dans les délais. Peu après cet achat, la MFEK a revendu tout le beurre à la société «Butter-Import-Norden» (que nous désignerons ci-après à l’aide du sigle «BIN»), ayant son siège dans le port de Hambourg. Or, le beurre en question ne fut jamais exporté. En effet, le fondé de pouvoir de la BIN, M. Ehlers, s’en appropria frauduleusement et le revendit sur le marché intérieur allemand (ce qui ressort du jugement du 3 avril 1974 du Landgericht de Hambourg, par lequel Ehlers a été condamné à une peine d’emprisonnement de plusieurs années pour abus de confiance avec circonstances aggravantes). A la suite de cela, l’organisme d’intervention, lequel avait restitué en un premier temps à la société MFEK la caution constituée par celle-ci, demanda à cette dernière d’en reverser le montant et décida que la caution resterait acquise en application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement dont s’agit, disposition selon laquelle «exception faite des cas de force majeure, la caution reste acquise si le beurre n’a pas été exporté dans le délai fixé à l’article 3».

Ainsi est né entre la MFEK et l’organisme d’intervention un litige qui est actuellement pendant devant le tribunal administratif de Francfort-sur-le-Main. Par ordonnance du 22 février 1979, cet organe juridictionnel a déféré à notre Cour, à titre préjudiciel, les questions suivantes:

«a)

Y-a-t-il également cas de force majeure au sens de l’article 4, paragraphe 3, du règlement (CEE) no 1308/68 de la Commission du 28 août 1968 et de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui y a trait, lorsqu’un fondé de pouvoir, agissant de sa propre initiative au détriment de la société exportatrice, rend les exportations impossibles par des actes punissables et, dans l’affirmative, importe-t-il sous l’angle de l’obligation de prudence et de diligence (“Sorgfaltspflicht”) que les responsables de la demanderesse (gérants, associés) aient eu connaissance des condamnations déjà encourues par ce fondé de pouvoir au moment de sa désignation en cette qualité ou plus tard?

b)

Les principes établis par la Cour dans son arrêt du 11 mai 1977 (affaires jointes 99 et 100/76) doivent-ils, au-delà du règlement no 1259/72 dont il s’agissait dans cet arrêt, être appliqués également au règlement visé au point a) ci-dessus, en ce sens que la demanderesse est responsable du fait fautif de sa cocontractante?»

2.

Nous partageons l’opinion exprimée par toutes les parties qui sont intervenues dans la présente procédure, selon laquelle il est opportun et raisonnable d’invertir l’ordre de ces questions. En effet, la question b) vise à établir si le premier acquéreur du beurre est responsable auprès de l’organisme d’intervention de l’inobservation des conditions d’utilisation du produit lors même que celui-ci a été cédé à un tiers et que la faute du tiers a entraîné la violation des conditions précitées. Il semblerait que ce point mérite d’être examiné en premier lieu, étant donné que si la réponse devait être négative, il deviendrait inutile de se prononcer sur la question a) relative à l’exception prévue dans l’hypothèse du cas fortuit, exception qui ne peut jouer en faveur du premier acquéreur que s’il est admis qu’il est responsable en principe du comportement du «sous-acquéreur».

3.

Nous avons vu qu’en formulant la question b), le juge du fond s’est basé sur l’arrêt de la Cour du 11 mai 1977 dans les affaires jointes 99 et 100/76 (Recueil 1977, p. 861) rendu en interprétation de l’article 18 du règlement no 1259/72 relatif à la libération de la caution versée à l’organisme national d’intervention immédiatement après l’adjudication du beurre à prix réduit (voir l’article 13 du règlement précité). Dans le cas dont il s’agissait dans cet arrêt, un adjudicataire de beurre d’intervention avait également cédé le produit à un tiers sans procéder directement à l’utilisation que le règlement imposait; la Cour a estimé que, sauf cas exceptionnel, «l’adjudicataire ne saurait se dérober à ses obligations en invoquant l’éngagement pris par l’acheteur aux termes du contrat de vente» (7e attendu des motifs). La Cour est parvenue à cette affirmation non seulement sur la base du texte du règlement no 1259/72, dont l’article 10, paragraphe 5, prévoyait que «les droits et obligations découlant de l’adjudication ne sont pas transmissibles», mais aussi en considération du but et de l’objet de la norme. Elle a relevé à ce propos que le système institué par le règlement no 1259/72 avait un caractère spécial et visait à permettre la cession des excédents de beurre à des conditions particulièrement favorables à l’industrie alimentaire; qu’il était par conséquent nécessaire de prendre des précautions aptes à garantir que le beurre ainsi cédé fût non pas mis sur le marché normal, mais effectivement transformé dans des délais susceptibles de permettre le contrôle de la régularité de l’opération; et, à partir de ces prémisses, elle est parvenue à la conclusion que «l’efficacité du système de contrôle serait gravement compromise s’il suffisait — pour que l’engagement pris sous caution par l’adjudicataire soit considéré comme respecté — qu’une obligation de transformation soit acceptée par un acheteur ultérieur qui ne se trouverait engagé envers l’autorité compétente par aucune obligation juridique». Aussi, selon la thèse admise dans l’arrêt en question, la responsabilité imposée à l’adjudicataire de beurre par l’article 18 du règlement no 1259/72 (prouver que les conditions prescrites en matière de transformation ont été remplies) subsistait-elle également dans le cas où l’adjudicataire ne fabriquait pas directement les produits de transformation, mais cédait à des tiers le beurre non encore transformé ou transformé seulement en partie.

Il nous semble que le principe posé par l’arrêt du 11 mai 1977 dans le cadre de l’interprétation du règlement no 1259/72 est également applicable relativement au règlement no 1308/68: tous deux poursuivent en effet des buts présentant des affinités étroites et établissent des modalités d’application trés semblables entre elles.

Quand le règlement no 1308/68 a été adopté, il existait dans la Communauté d’importants stocks publics constitués à la suite des interventions sur le marché du beurre frais et il était nécessaire par conséquent, pour profiter des possibilités d’écoulement sur le marché mondial, de prévoir des mesures facilitant l’exportation de ces stocks (voir le premier considérant du règlement à l’examen). Dans la perspective de ces objectifs, la Commission a arrêté que les organismes nationaux d’intervention vendraient le beurre à des prix plutôt bas, pourvu que les acquéreurs s’engagent à l’exporter sur le marché extracommunautaire; dans le même temps, pour garantir que l’exportation ait effectivement lieu, elle a fixé un délai bref (30 jours) dans lequel cette exportation devait être effectuée (article 3) et imposé aux acquéreurs une caution en vue d’assurer le respect de l’engagement pris (voir l’article 4; ainsi que le quatrième considérant). La restitution de la caution était subordonnée à l’exportation effective du produit.

Le règlement no 1259/72 part, nouvellement, de la constatation de l’existence dans la Communauté de stocks de beurre, constitués à la suite d’interventions sur le marché (premier considérant) et il se propose, comme le règlement no 1308/68, de favoriser le démantèlement de ces stocks, moyennant des ventes à prix réduit (deuxième et troisième considérants); la différence tient seulement dans le fait qu’il est prévu d’effectuer ces ventes à des entreprises de transformation — et non plus à des exportateurs — si bien que la condition imposée aux acheteurs devient celle de faire transformer le beurre adjugé en beurre concentré, avec incorporation de substances additionnelles (article 6). D’autre part, le dépôt d’une caution dite «de transformation» est également prévu dans ce cas (article 9, paragraphe 2; article 12), laquelle n’est libérable que lorsque l’adjudicataire prouve que la condition a été remplie (article 18, paragraphe 2).

Or, il est évident que si, dans ce mécanisme de prévention des fraudes, le législateur communautaire avait laissé ouverte une possibilité de récupérer dans certains cas la caution sans assurer en même temps l’utilisation effective du beurre dans le sens indiqué par la réglementation communautaire, le système n’eût pas été en mesure de permettre la réalisation des objectifs en vue desquels il avait été institué. Une dysfonction de ce type aurait lieu si l’on admettait que la cession du produit à un tiers et la réalisation par celui-ci de l’obligation d’exporter (dans le cadre du règlement no 1308/68) ou de transformer (dans le cadre du règlement no 1259/72) constituent des éléments suffisants pour justifier la libération de la caution. Aussi est-il indispensable que même dans l’hypothèse, de ventes à des tiers, la libération de la caution versée par le premier acquéreur reste subordonnée à l’utilisation effective, suivant l’un des modes prescrits, du beurre acquis auprès de l’organisme d’intervention. Telle était la ratio de votre arrêt du 11 mai 1977 et, à notre avis, celle-ci est pleinement transposable au cas d’espèce.

Il est vrai qu’à la différence du règlement no 1259/72, le règlement no 1308/68 ne contient pas de disposition établissant formellement la non-transférabilité des obligations découlant de l’adjudication (article 10, paragraphe 5, déjà cité, du règlement no 1259/72). Mais cela se comprend, étant donné qu’ayant fixé un bref délai pour réaliser l’exportation (30 jours seulement), les auteurs du règlement no 1308/68 ont probablement jugé superflu d’envisager l’hypothèse de transferts intermédiaires du produit, antérieurs à l’exportation. En outre, il ne faut pas perdre de vue que le règlement no 1308/68 fut adopté peu de temps après le règlement du Conseil no 804/68 relatif à l’organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers et que, partant, il s’est ressenti du fait qu’à l’époque de son adoption, la matière n’était pas encore adéquatement élaborée. Il n’est guère nécessaire d’ajouter que la circonstance que la vente faite à des tiers avant l’exportation n’a pas été prévue ne saurait en aucun cas être entendue comme une interdiction d’une telle pratique: aucun élément n’autorise en effet une pareille interprétation.

Le point de vue retenu ici trouve sa confirmation dans les principes généraux en matière d’obligations, communs aux ordres juridiques des États membres. Ces principes interdisent de céder une obligation contractuelle sans le consentement du créancier, soit, dans notre cas, sans le consentement de l’organisme d’intervention. Il s’ensuit que l’interdiction de transférer aux «sous-acquéreurs» de la marchandise les obligations assumées par l’adjudicataire envers l’organisme d’intervention subsiste également, quand bien même elle ne serait pas formellement prévue: l’adjudicataire reste en somme responsable envers l’organisme d’intervention, même s’il a vendu le produit. Cette proposition est confortée par la considération que l’obligation d’exporter assumée par l’acquéreur au moment de l’acquisition aux termes de l’article 3 du règlement no 1308/68, tout en étant insérée dans les divers contrats considérés individuellement, possède indubitablement aussi des caractéristiques marquées sous l’angle du droit public, et cela tant parce qu’elle est prévue par une norme réglementaire ne souffrant aucune dérogation, que parce qu’elle touche aux rapports entre opérateurs de droit privé et organismes investis d’une fonction d’intérêt général.

Qu’il nous soit également permis de faire une autre observation en recourant encore aux principes généraux en matière d’obligations. L’on sait que tout débiteur d’une obligation peut faire appel — sauf convention contraire et pourvu qu’il ne s’agisse pas de prestations de caractère strictement personnel — à des auxiliaires pour remplir ses obligations contractuelles. Or, si nous considérons sous cet angle l’obligation d’exporter la marchandise, assumée par le premier acquéreur du beurre, nous pouvons dire que le second acquéreur joue le rôle d’auxiliaire du premier dans l’accomplissement de cette obligation. Dans ce cadre, le problème de la responsabilité du premier acquéreur du chef du manquement commis par son ayant cause trouve aisément une solution. Le comportement de l’auxiliaire du titulaire de l’obligation (dans notre cas, celui de la société BIN) doit en effet être considéré comme étant soumis aux mêmes règles que celles qui règlent le comportement du débiteur de l’obligation à titre principal, lequel doit remplir directement ses propres obligations contractuelles non parce que l’obligation d’exporter a été transférée au second acquéreur, mais uniquement en raison de la qualité, assumée par ce dernier, d’auxiliaire du premier acquéreur.

4.

Passons maintenant à l’examen de la question relative à la notion de force majeure. Il s’agit de vérifier, comme nous l’avons vu, s’il y a force majeure au sens de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1308/68 et de la jurisprudence de la Cour — lorsque le représentant légal d’une société rend impossible, par son propre comportement délictuel, l’exécution d’une obligation par la société qu’il représente.

Il convient de rappeler à cet égard qu’en l’espèce, la société BIN, second acquéreur du beurre d’exportation, jouait, dans les rapports avec la société MFEK, premier acquéreur du produit auprès de l’organisme d’intervention, le rôle d’auxiliaire en vue de l’exécution d’une obligation, avec comme corollaire la circonstance que l’exécution ou l’inexécution de cette obligation par la societé BIN devait être considérée comme un fait imputable à la société MFEK. Aussi le comportement d’un représentant légal de la BIN (en l’espèce, M. Ehlers) était-il, en principe, de nature à engager la responsabilité de la société MFEK envers l’organisme de gestion, exactement comme si ce comportement avait été celui d’un employé de la MFEK.

En termes généraux, le problème que nous sommes appelés à résoudre se ramène à établir si et dans quelles limites l’exception de la force majeure intervient lorsque l’inexécution de l’obligation est due au comportement délictueux (évidemment d’initiative propre) d’un sujet de droit dont le débiteur de l’obligation s’est servi en vue d’exécuter cette dernière.

Il ne fait aucun doute que le problème en question doit être apprécié ici au regard du droit communautaire, puisque c’est par le règlement no 1308/68 que sont prévues tant l’obligation d’exporter le beurre acquis auprès de l’organisme d’intervention (ainsi que les conséquences de l’inobservation éventuelle de cette obligation) que l’exception pour cause de force majeure.

La notion de force majeure, telle qu’elle a été élaborée par votre jurisprudence par référence précisément aux règlements en matière agricole, exige tout d’abord la présence d’un élément objectif, la réalisation d’un fait extraordinaire étranger au domaine d’influence du débiteur, et, ensuite, un élément subjectif consistant en ce que le débiteur doit avoir fait tout ce qui était possible, en agissant avec précaution, prudence et diligence, pour éviter l’avènement du fait préjudiciable et, partant, de l’impossibilité objective d’exécuter l’obligation. Autrement dit, selon la jurisprudence de la Cour, la notion de force majeure ne se limite pas à l’impossibilité absolue, mais doit être comprise dans le sens de circonstances anormales, indépendantes du sujet de droit débiteur de l’obligation, dont les conséquences n’auraient pu être évitées, même s’il y avait mis toute la bonne volonté possible. Cette incidence de l’aspect subjectif sur la notion de force majeure se trouve soulignée dans de multiples arrêts et constitue désormais une jurisprudence bien établie: rappelons les arrêts du 11 juillet 1968 dans l’affaire 4/68, Schwarzwaldmilch/Einfuhr- und Vorratsstelle fur Fette (Recueil 1968, p. 498), du 17 décembre 1970 dans l’affaire 11/70, Internationale Handelsgesellschaft/ Einfuhr- und Vorratsstelle fur Getreide und Futtermittel (Recueil 1970, p. 1125), du 30 janvier 1974 dans l’affaire 158/73, Kampffmeyer/Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel (Recueil 1974, p. 101), du 15 mai 1974 dans l’affaire 186/73, Norddeutsches Vieh- und Fleischkontor/Einfuhr- und Vorratsstelle für Schlachtvieh (Recueil 1974, p. 533) et du 20 février 1975 dans l’affaire 64/74, Reich/Hauptzollamt Landau (Recueil 1975, p. 261).

Le cas à l’examen doit toutefois être ramené au cadre des principes régissant la responsabilité de l’entrepreneur du chef du comportement de ses propres auxiliaires et, dans ce cadre, il faut considérer que le fait dolosif ou fautif de l’auxiliaire engage toujours la responsabilité de l’entrepreneur du chef de la non-exécution d’une de ses obligations qui en est le corollaire. Rappelons à cet égard l’article 1228 du Code civil italien, selon lequel «le débiteur qui, dans l’exécution d’une obligation, se sert de l’activité de tiers répond également du dol ou de la faute de ceux-ci», l’article 278 du Code civil de la République fédérale, selon lequel «le débiteur répond de la faute de ses représentants légaux et des personnes qu’il utilise en vue d’exécuter ses propres obligations, comme s’il s’agissait de sa propre faute», l’article 1384 du Code civil français, selon lequel les patrons et commettants sont responsables également du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés, l’article 1403 du Code civil néerlandais selon lequel «les commettants et ceux qui emploient d’autres personnes à leur service sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés à l’occasion des activités pour lesquelles ils les emploient». Même si quelques-unes des normes de droit interne que nous venons de citer se rapportent à la responsabilité extracontractuelle, elles sont néanmoins toujours l’expression d’un principe général régissant le régime de la responsabilité civile; ajoutons que la distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité extracontractuelle n’existe pas dans tous les ordres juridiques. Les éléments normatifs auxquels nous nous sommes référé permettent d’affirmer l’existence d’un principe commun aux ordres juridiques des États membres, en vertu duquel l’entrepreneur est toujours responsable envers les tiers du fait de ses propres auxiliaires.

Il s’ensuit que l’exception tirée de la force majeure ne saurait en aucun cas s’identifier avec le fait fautif de l’auxiliaire, étant donné que si ce fait détermine la non-exécution d’une obligation de l’entrepreneur envers un tiers, cet entrepreneur répond toujours, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si, en mettant en oeuvre toute la prudence et la diligence de l’opérateur averti, il aurait pu éviter le fait fautif et l’impossibilité d’exécuter qui en découle. Par conséquent, il est indifférent en l’espèce que les responsables de la MFEK ou de la BIN étaient ou non au courant des condamnations rapportées du fondé de pouvoir de cette dernière société. Naturellement, pour que le comportement de l’auxiliaire puisse engager la responsabilité de l’entrepreneur, il faut que ce comportement soit lié aux tâches que l’entrepreneur a confiées à l’auxiliaire,, comme ce fut le cas dans l’hypothèse à l’examen.

La norme qui prévoit en termes rigoureux que l’entrepreneur est responsable du fait de ses auxiliaires trouve sa justification dans la nécessité de garantir le déroulement régulier des rapports commerciaux. Cela, d’ailleurs, sans tenir compte de ce qu’admettre que l’entrepreneur peut se libérer de sa responsabilité du chef de la non-exécution de ses obligations en prenant motif du fait dolosif ou fautif de l’auxiliaire équivaudrait à réaliser, sous l’angle des effets économiques, une cession substantielle de la dette sans le consentement du créancier, et cela contrairement au principe général qui interdit une telle cession (principe auquel nous avons déjà eu précédemment l’occasion de nous référer).

La solution indiquée trouve sa confirmation dans le règlement no 1308/68. Il est évident en effet qu’en accueillant l’idée que le fait fautif ou dolosif d’un fondé de pouvoir du second acquéreur libère de sa responsabilité du chef de l’inexécution de ses obligations l’entrepreneur qui a usé de toute la prudence et la diligence requises pour l’éviter, le fonctionnement du système créé par le règlement se trouverait battu en brêche. Une série de transferts du produit à d’autres opérateurs affaiblirait toujours davantage l’obligation du premier acquéreur de veiller lui-même à l’exportation effective la garantie instituée moyennant le dépôt du beurre et, partant, rendrait inopérante de la caution.

5.

En conclusion, nous sommes d’avis que la Cour devrait répondre aux questions qui lui ont été déférées par le tribunal administratif de Francfort-sur-le-Main par ordonnance du 22 février 1979, de la manière suivante:

Les principes posés par l’arrêt de la Cour du 11 mai 1977 dans les affaires jointes 99 et 100/76, par référence au règlement de la Commission no 1259/72, sont également valables pour l’interprétation du règlement de la Commission no 1308/68, en ce sens que le premier acquéreur d’un produit vendu à prix réduit par un organisme d’intervention doit être considéré comme responsable de l’inobservation de l’obligation d’exporter par le sujet de droit auquel il a transféré le produit acquis par lui.

L’exception tirée de la force majeure, au sens de l’article 4, paragraphe 3, du règlement de la Commission no 1308/68 et de la jurisprudence de la Cour en la matière, ne joue pas lorsqu’un représentant légal, agissant de sa propre initiative au préjudice de la société même qui l’emploie et accomplissant des actes pénalement punissables, rend impossible l’exécution de l’obligation d’exporter imposée par le règlement précité à l’acquéreur de beurre détenu par un organisme d’intervention.


( 1 ) Traduit de l’italien.

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