CJCE, n° C-158/80, Arrêt de la Cour, Rewe-Handelsgesellschaft Nord mbH et Rewe-Markt Steffen contre Hauptzollamt Kiel, 7 juillet 1981

  • Cee/ce - dispositions fiscales * dispositions fiscales·
  • Trafic entre états membres 5 . dispositions fiscales·
  • Franchises supérieures accordées par un État membre·
  • Motivation insuffisante 4 . dispositions fiscales·
  • Régimes de franchise des droits à l'importation·
  • Inadmissibilite 3 . actes des institutions·
  • Trafic entre pays tiers et la communauté·
  • Voyageur en provenance d ' un pays tiers·
  • Compétence residuelle des états membres·
  • Harmonisation des législations fiscales

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 7 juill. 1981, Rewe-Handelsgesellschaft Nord et Rewe-Markt Steffen, C-158/80
Numéro(s) : C-158/80
Arrêt de la Cour du 7 juillet 1981. # Rewe-Handelsgesellschaft Nord mbH et Rewe-Markt Steffen contre Hauptzollamt Kiel. # Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Hamburg - Allemagne. # Croisières du beurre. # Affaire 158/80.
Date de dépôt : 9 juillet 1980
Précédents jurisprudentiels : CE QUI CONCERNE PLUS SPECIFIQUEMENT LE REGLEMENT N 3023/77
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61980CJ0158
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1981:163
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Sur les parties

Texte intégral

Dans l’affaire 158/80,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CEE, par la IVe chambre du Finanzgericht Hamburg et tendant à obtenir dans le litige pendant devant cette juridiction entre

1. Rewe-Handelsgesellschaft Nord mbH,

2. Rewe-Markt Steffen, Kiel,

et

Hauptzollamt (bureau principal des douanes) Kiel

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation du règlement no 1544/69 du Conseil, du 23 juillet 1969, relatif au traitement tarifaire applicable aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs (JO 1969, no L 191, p. 1), de la directive 69/169 du Conseil, du 28 mai 1969, concernant l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux franchises des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises perçues à l’importation dans le trafic international de voyageurs (JO 1969, no L 133, p. 6) et sur la validité du règlement no 3023/77 du Conseil, du20 décembre 1977, relatif à certaines mesures destinées à mettre fin à des abus résultant de la vente des produits agricoles à bord de bateaux (JO 1977, no L 358, p. 2),

LA COUR,

composée de MM. J. Mertens de Wilmars, président, P. Pescatore, Mackenzie Stuart et T. Koopmans, présidents de chambre, A. O’Keeffe, G. Bosco, A. Touffait, O. Due et A. Chloros, juges,

avocat général : M. F. Capotorti

greffier: M. A. Van Houtte

rend le présent

ARRÊT

En fait

Les faits de la cause, le déroulement de la procédure et les observations présentées en vertu de l’article 20 du statut de la Cour de justice de la CEE peuvent être résumés comme suit:

I — Faits et procédure écrite

Les faits

A partir des ports de la côte de la Baltique (Schleswig-Holstein), différentes compagnies de navigation organisent des «Butterfahrten» (croisières du beurre). Des croisières analogues sont effectuées depuis la côte allemande de la mer du Nord. Les croisières durent huit heures ou moins. Elles conduisent de la zone douanière maritime dans les eaux territoriales ou en haute mer en dehors du territoire allemand. Parfois, après avoir quitté la zone douanière maritime, une brève escale est effectuée dans les ports danois où les passagers ont l’occasion de descendre à terre. Pendant la croisière, les passagers des bateaux ont l’occasion d’acheter des marchandises telles que des alcools, du beurre, de la viande, du tabac, des produits de parfumerie, etc. Jusqu’à concurrence de certains maxima, aucune taxe n’est perçue lors de l’importation des marchandises à la frontière douanière allemande. En plus, comme les marchandises quittent le territoire géographique de la Communauté, elles sont subventionnées par cette dernière avec des ressources du Fonds d’orientation et de garantie, dans la mesure où des restitutions à l’exportation et une compensation monétaire sont accordées par exemple pour le beurre et la viande.

Selon la Commission des Communautés européennes, les ventes de produits agricoles sur les bateaux allemands en 1977 s’élevaient à environ 14000 tonnes de beurre, 4000 tonnes de fromage, 2500 tonnes de viande et 400 tonnes de sucre. Cependant, les propriétaires des bateaux estiment quant à eux qu’en 1977, 8160 tonnes de beurre, 2825 tonnes de fromage et 1650 tonnes de viande ont été vendues. En 1978 et 1979, on a constaté une diminution sensible des ventes de produits agricoles à bord des bateaux, à la suite de l’adoption du règlement no 3023/77 du Conseil, du 20 décembre 1977, relatif à certaines mesures destinées à mettre fin à des abus résultant de la vente de produits agricoles à bord des bateaux (JO no L 358, p. 2). Selon certaines informations d’origine allemande dont dispose la Commission, les quantités suivantes auraient été vendues :

1978

1979

Beurre

6 260 t

5 985 t

Fromage

1 990 t

1 645 t

Viande

708 t

1 090 t

Selon les informations dont dispose la Commission, dans les autres États membres les franchises sont limitées au trafic des ferry-boats exclusivement. En cas d'«excursions spéciales» en haute mer, ces États membres n’octroient aucune franchise de ce genre.

Selon les déclarations de ces États, les quantités vendues sur des ferry-boats ont été les suivantes:

Belgique

Pays-Bas

Irlande

1978

1979

1978

1979

1978

1979

Beurre

151 t

244 t

110 t

Fromage

12 t

Viande

34 t

Les armateurs, les petits chantiers navals et certaines stations balnéaires sur la côte ont profité de cette situation. En revanche, comme les demanderesses au principal l’affirment, ces croisières auraient pour effet de retirer aux sociétés commerciales locales de gros et de détail le bénéfice d’une partie importante du pouvoir d’achat des habitants de la côte de la Baltique.

La réglementation communautaire

Le règlement no 1544/69 octroie, dans le cadre de certaines unités en quantité et en valeur, la franchise des droits de douane pour les marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs en provenance de pays tiers.

La directive 69/169, telle que complétée par la deuxième directive du 12 juin 1972 (JO 1972, no L 139, p. 28) et par la troisième directive du 19 décembre 1978 (JO 1978, no L 366, p. 28), dispose que les importations réalisées par les voyageurs en provenance de pays tiers bénéficieront de franchises de taxes sur le chiffre d’affaires et d’accises spécifiques, pour l’essentiel dans les limites de la franchise tarifaire (article 1).

Le règlement no 1818/75 du Conseil, du 10 juillet 1975, relatif aux prélèvements agricoles, montants compensatoires et autres impositions à l’importation, applicables aux produits agricoles et à certaines marchandises résultant de leur transformation, contenus dans les bagages personnels des voyageurs (JO 1975, no L 185, p. 3), a étendu l’application du règlement no 1544/69 aux prélèvements et autres impositions agricoles et a introduit, dans le cadre du trafic des voyageurs entre deux États membres, une franchise des montants compensatoires et autres impositions à l’importation, laquelle correspondait, quant aux limites et conditions d’application, à la franchise instituée dans la directive 69/169/CEE (article 2).

Enfin, le règlement no 3023/77 du Conseil, du 20 décembre 1977 (JO 1977, no L 358, p. 2), a habilité les États membres à octroyer une franchise des droits à l’importation pour certains produits agricoles

«vendus ou distribués à bord de bateaux ayant quitté un port communautaire et rentrant à nouveau dans un port communautaire sans avoir fait escale dans un port situé en dehors du territoire douanier de la Communauté,

qui, à l’occasion de l’exportation hors de la Communauté, ont donné lieu à l’accomplissement des formalités douanières d’exportation en vue de l’octroi de restitutions ou d’autres montants institués à l’exportation dans le cadre de la politique agricole commune,

ou

qui, à l’occasion de leur mise à bord des bateaux, ne se trouvent pas dans l’une des deux situations prévues par l’article 9, paragraphe 2, du traité»

(article 1, paragraphe 1).

Par «droits à l’importation» au sens de ce règlement, on entend les droits de douane et taxes d’effet équivalent ainsi que les prélèvements agricoles et autres impositions à l’importation appliqués dans le cadre de la politique agricole commune (article 2).

La réglementation allemande

La base de la franchise accordée lors de l’importation par les autorités douanières allemandes est le règlement relatif à la franchise des droits d’entrée des marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs, du 3 décembre 1974 (BGBl. I, 3377), en dernier lieu dans la rédaction du règlement du 12 décembre 1979 (BGBl. I, 2150).

Le droit allemand distingue entre importations d’autres États membres, lesquelles sont définies de la même manière qu’en droit communautaire, et «autres importations». La catégorie des «autres importations» en droit allemand est plus large 3ue celle des importations en provenance d’un pays tiers en droit communautaire. Elle englobe également l’importation des marchandises acquises par les voyageurs

dans le cadre du trafic aérien intracommunautaire de voyageurs, dans des «boutiques hors taxes» de l’aéroport de départ (dans un autre État membre) ou à bord d’un avion, au cours d’un vol dont le point de départ se situe dans un autre État membre,

dans le cadre du trafic intracommunautaire maritime de voyageurs, à bord d’un navire, lorsque le point de départ de la traversée

se situe dans le port d’un autre État membre (y compris également le trafic international en ferry-boat),

se situe dans un port allemand, le port de départ et d’arrivée pouvant d’ailleurs être le même.

Dans les deux cas, pour ce qui est des marchandises importées, il peut s’agir:

soit de marchandises en provenance d’un État tiers, non encore dédouanées et précédemment entreposées dans un entrepôt douanier ou dans un port franc sous la surveillance de l’administration douanière,

soit de marchandises communautaires exonérées en tout ou en partie des taxes sur le chiffre d’affaires ou accises et de produits agricoles en libre pratique, ayant bénéficié de facilités à l’exportation.

Selon l’article 2, paragraphe 1, du règlement sur les bagages des voyageurs, les marchandises que les voyageurs importent occasionnellement ou exclusivement pour leur usage personnel ou pour la consommation de leur famille ou comme cadeaux dans leurs bagages personnels, dans le cadre de certaines unités de quantité et de valeur, sont exemptées des droits d’entrée ou des droits de douanes. Le règlement distingue entre la franchise pour le grand transit et pour le petit transit.

La franchise pour le grand transit dépend du fait que le bateau, lors de l’entrée par la frontière douanière maritime, vient de la haute mer et, ou bien a quitté un port étranger, ou bien s’est trouvé au moins huit heures en dehors du territoire douanier (article 3, paragraphe 5).

La franchise pour le petit transit suppose seulement l’importation des marchandises par la frontière douanière maritime, donc ce que l’on appelle des «Stich-fahrten» (excursions en mer), à partir de ports allemands en mer territoriale. La franchise ne suppose pas que le bateau navigue en haute mer ou bien qu’il ait fait escale dans un port étranger ou qu’il ait dû séjourner au moins huit heures en dehors du territoire douanier. La franchise pour le petit transit est moins élevée que celle du grand transit.

Procédure et questions préjudicielles

Les demanderesses au principal, dont une est commerçant de gros, l’autre commerçant de détail, ont saisi le Finanzgericht de Hambourg en faisant valoir que les croisières du beurre violent le droit communautaire.

Par ordonnance du 5 juin 1980, la IVe chambre du Finanzgericht de Hambourg a demandé à la Cour de se prononcer, à titre préjudiciel, sur les questions suivantes :

I. Sur le droit de douane

1.

Le règlement no 1544/69 du Conseil du 23 juillet 1969, en dernier lieu dans la rédaction du règlement no 3061/78 du Conseil du 19 décembre 1978, doit-il être interprété en ce sens que la franchise qu’il prévoit ne s’applique qu’aux marchandises qui proviennent du territoire douanier d’un pays tiers et qui, le cas échéant, s’y trouvaient en outre sous le régime douanier de la libre circulation, ou bien suffit-il que les marchandises proviennent d’États membres et soient importées à travers la frontière douanière maritime ou à travers la frontière du territoire de chaque État membre en venant de la haute mer?

2.

Le règlement no 1544/69, en dernier lieu dans la rédaction du règlement no 3061/78, le cas échéant en liaison avec l’article 28 du traité CEE — sous réserve des marchandises visées dans le règlement no 3023/77 du Conseil du 20 décembre 1977 —, contient-il une réglementation exhaustive concernant la franchise de marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs, ou bien les États membres peuvent-ils, en outrepassant le domaine du règlement no 1544/69, accorder une franchise de manière autonome — sous réserve des marchandises visées dans le règlement no3023/77?

3.

La violation d’un règlement communautaire fonde-t-elle des droits directement applicables en faveur de celui dont les droits sont affectés par des dispositions législatives et réglementaires ou par leur mesure d’exécution, incompatibles avec le domaine de ce règlement en ce sens qu’il peut agir devant une juridiction nationale en vue de faire prononcer l’interdiction de mesures contraires au droit communautaire ou de faire respecter des mesures de droit communautaire?

4.

Le règlement no 3023/77 est-il nul parce qu’il viole le droit communautaire de rang supérieur (par exemple, le principe d’égalité, l’interdiction de discrimination, l’égalité de concurrence, la proportionnalité)?

5.

En cas de réponse affirmative à la question no 4: celui dont les droits sont affectés par une disposition législative ou réglementaire ou par sa mesure d’exécution, fondée sur le règlement no 3023/77, possède-t-il des droits immédiatement applicables en ce sens qu’il peut agir devant une juridiction nationale en vue de faire prononcer l’interdiction de mesures contraires au droit communautaire?

II. Sur la taxe sur le chiffre d’affaires et les accises

1.

La directive 69/169/CEE du Conseil du 28 mai 1969, en dernier lieu dans la rédaction de la directive 78/1032/CEE du Conseil du 19 décembre 1978, doit-elle être interprétée en ce sens que la franchise des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises qu’elle prévoit ne s’applique qu’aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs, en provenance du territoire douanier d’un pays tiers (article 1) ou, au cas où la marchandise provient d’un État membre, du territoire douanier de la Communauté (article 2), et qui, le cas échéant, se trouvaient en outre sous le régime douanier de la libre circulation d’un pays tiers ou d’un État membre, ou bien suffit-il que les marchandises soient importées à travers la frontière douanière maritime ou à travers la frontière du territoire de l’État membre interessé en venant de la haute mer?

2.

La directive 69/169/CEE, dans la rédaction en vigueur en dernier lieu, contient-elle une réglementation exhaustive concernant les franchises de la taxe sur le chiffre d’affaires et des accises pour les marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs ou bien les États membres peuvent-ils, en outrepassant le domaine de la directive, accorder des franchises autonomes de taxes sur le chiffre d’affaires et les accises pour des marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs?

3.

La directive 69/169/CEE, dans la rédaction en vigueur en dernier lieu, fonde-t-elle des droits immédiatement applicables en faveur de celui dont les droits sont affectés par une disposition législative ou réglementaire d’un État membre ou par sa mesure d’exécution, incompatible avec le contenu de cette directive en ce sens qu’il peut agir devant une juridiction nationale en vue de faire prononcer l’interdiction de mesures nationales contraires au droit communautaire?

Le Finanzgericht soutient que le règlement no 1544/69 est lié quant à sa matière à l’accord international du 4 juin 1954 relatif aux facilités douanières en matière de tourisme (accord de New York sur le tourisme). Selon cet accord, une franchise douanière doit être accordée pour les bagages des touristes. L’accord définit le touriste comme toute personne qui visite le territoire d’un État contractant dans lequel elle n’a pas son domicile habituel (article 1 b). Le Finanzgericht estime, dès lors, qu’il ne serait pas douteux que des voyageurs ayant leur lieu de résidence habituel sur le territoire douanier de la Communauté qui ont entrepris un voyage par bateau ans le territoire douanier de la Communauté et qui, sans avoir touché le territoire douanier ou le territoire d’un pays tiers, reviennent en passant la frontière du territoire d’un État membre ou en passant la frontière douanière maritime après n’avoir traversé que les eaux territoriales, ne pourraient pas prétendre à la franchise au titre du règlement no 1544/69.

Le Finanzgericht pense que des doutes existent en ce qui concerne les marchandises. Les dispositions en cause ne régleraient pas expressément la question de savoir si les marchandises emportées par les voyageurs doivent provenir également du territoire douanier du pays tiers et éventuellement s’y être trouvées sous le régime douanier de libre circulation.

Selon l’avis du Finanzgericht, le règlement no 1544/69 ne s’appliquerait ni aux «Stichfahrten» (excursions en mer) effectuées à partir de ports de la côte allemande de la Baltique, ni aux croisières en haute mer effectuées sans toucher un pays tiers, ni aux croisières ne comportant qu’un contact purement symbolique au Danemark. La question se poserait de savoir si, sous réserve des marchandises visées dans le règlement no 3023/77, le règlement no 7544/69 constitue une réglementation exhaustive qui prévoit une franchise hors tarif pour les bagages personnels des voyageurs, ou si les États membres sont libres d’accorder dans une large mesure des franchises pour les bagages personnels des voyageurs. De l’avis du Finanzgericht, il résulte du fait que le règlement no 1544/69 est fondé sur la disposition de l’article 28 du traité CEE, que la Communauté traiterait l’octroi de franchises dites hors tarif comme une affaire relevant du tarif douanier commun. Le Conseil statuerait sur les modifications ou suspensions du tarif douanier commun. Dès lors, les États membres ne pourraient pas adopter de réglementations propres relatives à l’octroi de franchises douanières hors tarif.

Selon la jurisprudence du Bundesverfassungsgericht (arrêt du 20. 7. 1954, 1 BvR 459/52 et a. — affaire d’aide à l’investissement — Décisions du Bundesverfassungsgericht vol. 4, p. 7) et du Bundesverwaltungsgericht (arrêt du 30. 8. 1968, VII C 122/66, Décisions du Bundesverwaltungsgericht vol. 30, p. 191), des lois d’orientation de l’économie qui sont promulguées dans l’intérêt de certaines catégories et qui modifient la situation économique, violent le principe d’égalité, lorsqu’elles ne sont pas imposées par le bien commun et lorsqu’elles lèsent arbitrairement des intérêts dignes de protection d’autres catégories. Lorsqu’il existe une violation du principe d’égalité en ce sens, la législation allemande reconnaît un droit d’action à l’intéressé.

L’ordonnance de renvoi a été enregistrée au greffe de la Cour le 9 juillet 1980.

Conformément à l’article 20 du statut de la Cour de justice des Communautés européennes, des observations écrites ont été déposées par Rewe-Handelsgesellschaft Nord mbH et Rewe-Markt Steffen, représentées par M. Gert Meier, conseiller juridique en chef de Rewe-Zentral AG, par le gouvernement de la république fédérale d’Allemagne, réprésenté par M. D. Deringer, avocat près l’Oberlandesgericht de Cologne, et M. M. Seidel, Ministerialrat au ministère fédéral de l’économie, par le gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. R. D. Munrow, du Treasury Solicitor’s Department, en qualité d’agent, par la Commission des Communautés européennes, représentée par M. Jörn Sack, membre du service juridique, en qualité d’agent, et par le Conseil des Communautés européennes, représenté par M. Bernhard Schloh, conseiller juridique, en qualité d’agent.

Sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, la Cour a décidé d’ouvrir la procédure orale sans instruction préalable.

II — Observations écrites déposées devant la Cour

Les demanderesses au principal font valoir que le règlement no 1544/69 devrait être interprété en ce sens que la franchise qu’il prévoit ne s’applique qu’aux marchandises provenant du territoire douanier d’un pays tiers et s’y trouvant sous le régime douanier de la libre circulation.

La base juridique du règlement no 1544/69 serait l’article 28 du traité CEE, qui réglemente les modifications ou suspensions autonomes des droits du tarif douanier. Des règlements au sens de l’article 28 du traité concerneraient la libre circulation des marchandises et non celle des personnes, entre la Communauté et ses États membres, d’une part, et les pays tiers, d’autre part. Par conséquent, le règlement no 1544/69 porterait sur le traitement tarifaire applicable aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs, conjointement avec l’établissement du tarif douanier commun, donc sur la libre circulation des marchandises entre pays tiers et la Communauté, afin d’éliminer dans le trafic des voyageurs les entraves qui pourraient découler du traitement tarifaire applicable aux marchandises en provenance d’États tiers.

Ledit règlement contiendrait une réglementation exhaustive concernant la franchise de marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs. Le 1er janvier 1970, la compétence législative dans le domaine du tarif douanier commun serait passée à la Communauté. Selon l’article 28 du traité, seul le Conseil pourrait émettre des autorisations d’accorder une franchise douanière à l’égard des États membres. Dans la mesure où ces autorisations n’existeraient pas, le tarif douanier commun s’appliquerait totalement et uniformément dans l’ensemble de la Communauté, sans aucune possibilité d’accorder des franchises douanières au moyen de mesures nationales unilatérales. Il en découlerait que, dans la mesure où le règlement allemand relatif aux bagages des voyageurs prévoirait des mesures de franchises douanières, non prévues par des décisions du Conseil dans le cadre du tarif douanier commun, ces mesures nationales seraient nulles pour violation de l’article 28 du traité.

Les règlements communautaires étant applicables dans le domaine national, les juridictions nationales devraient tenir compte d’office de l’invalidité découlant d’une violation d’un tel règlement par des dispositions législatives et réglementaires contraires adoptées par les États membres (arrêt du 17. 5. 1972, affaire 93/71, Leonesio, Recueil 1972, p. 287).

Le règlement no 3023/77 serait nul, parce qu’il violerait les droits fondamentaux au libre exercice de la profession, au libre épanouissement de la personnalité et à l’égalité de traitement. Le libre exercice d’une profession ferait partie de la liberté professionnelle protégée comme un droit fondamental dans la Communauté. En ce qui concerne la profession de négociants en gros et en détail de produits alimentaires, la liberté professionnelle engloberait celle de déterminer l’assortiment lui-même et d’en fixer les prix de vente. Le règlement no 3023/77 empiéterait sur cette liberté protégée comme droit fondamental.

Pour pouvoir concurrencer les marchandises vendues sur les bateaux participant aux croisières du beurre, la marchandise devrait être vendue à un prix très inférieur à son prix d’achat. Comme il ne serait pas possible de l’exiger, la franchise du règlement no 3023/77 aboutirait nécessairement à ce que la requérante Rewe-Markt Steffen doive renoncer à vendre les marchandises énumérés à l’article 1, paragraphe 2, dudit règlement. En outre, les quantités admises à la franchise seraient si élevées qu’elles aboutiraient à des pertes considérables dans l’assortiment de la requérante Rewe-Handelsgesellschaft Nord.

Le droit fondamental de l’épanouissement de la personnalité, c’est-à-dire le droit d’exercer une activité commerciale sans intervention de la puissance publique de la Communauté, susceptible de provoquer une distorsion de concurrence, serait violé. Le principe concrètement violé serait celui de l’égalité de traitement des marchandises franchissant la frontière douanière de la Communauté. Le règlement no 3023/77 ne donnerait aux Etats membres que la possibilité d’accorder ou non une franchise de taxes à l’importation. Ainsi, le législateur communautaire créerait lui-même la possibilité d’un traitement différent dans les divers États membres, donc non uniforme de marchandises qui franchissent de l’extérieur la frontière douanière de la Communauté. Le règlement no 3023/77 violerait le droit fondamental à l’égalité de traitement, un groupe déterminé d’entrepreneurs nationaux, les propriétaires des bateaux participant aux croisières du beurre, étant favorisé.

La directive 69/169 devrait être interprétée en ce sens que la franchise des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises qu’elle prévoit ne s’applique qu’aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs en provenance du territoire douanier d’un pays tiers ou d’un État membre et qui s’y trouvent sous le régime douanier de la libre circulation.

La directive 69/169 serait directement applicable dans le domaine national et aurait pour effet que toutes les dispositions législatives ou réglementaires des États membres contraires à la réglementation contenue dans cette directive perdraient leur validité. Les juridictions nationales devraient tenir compte d’office de cette invalidité, lorsqu’elles statuent sur une action intentée par l’agent économique ainsi lésé dans ses droits.

Le gouvernement de la république fédérale d’Allemagne partage l’opinion du Finanzgericht, selon laquelle l’exonération des droits de douane prévue par le règlement no 1544/69 ne pourrait être invoquée que par les voyageurs en provenance de pays tiers. Il en irait de même pour la directive 69/169. Dans le cadre des traversées en bateaux, les voyageurs ne sauraient donc invoquer ni l’exonération des droits de douane prévue par le règlement no 1544/69, ni la franchise des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises visée par la directive 69/169.

Toutefois, pour bénéficier de l’importation en franchise, il ne serait pas nécessaire que les marchandises proviennent d’un pays tiers ou même qu’elles s’y soient trouvées en libre pratique. Elles pourraient parfaitement au contraire provenir également du territoire douanier de la Communauté, mais avoir été acquises dans une boutique hors taxes ou au cours d’un voyage en bateau ou en avion.

La réglementation communautaire en matière de franchises fiscales et douanières n’aurait pas un caractère exhaustif et, pour cette raison, les États membres seraient habilités à adopter des dispositions complémentaires. La base juridique du règlement no 1544/69 serait l’article 28 du traité, qui attribue à la Communauté une compétence pour régler toutes les questions ayant trait à l’application du tarif douanier commun, y compris la compétence pour réglementer les franchises de droits de douanes. Dans la mesure où la Communauté a arrêté une réglementation, les États membres ne sauraient adopter des mesures propres s’écartant de la réglementation communautaire.

Dans le cadre de la législation douanière, il existerait encore de nombreux domaines non couverts par le droit communautaire et, dès lors, toujours soumis à la réglementation des États membres. Le régime des franchises douanières ferait partie de ces domaines, car il ne serait pas encore réglementé par le droit communautaire de manière exhaustive.

La directive 69/169 serait fondée sur l’article 99 du traité, qui prévoit l’harmonisation progressive des législations des différents États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts indirects et réserverait donc aux États la réglementation de tous les domaines non couverts par le droit communautaire. Partant, l’article 14, paragraphe 2, en combinaison avec le paragraphe 1 d) de la 6e directive en matière d’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires (6e directive 77/388 du Conseil, du 17. 5. 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette JO 1977, no L 145, p. 1) prévoirait que, jusqu’à l’entrée en vigueur de règles communautaires, les Etats membres sont autorisés à maintenir des exonérations pour les importations définitives de biens bénéficiant d’une franchise douanière autre que celle prévue dans le tarif douanier commun.

Le règlement no 1818/75 serait fondé sur les articles 43 et 235 du traité. Ces deux articles n’attribueraient pas à la Communauté une compétence exclusive, mais laisseraient aux États membres la faculté d’adopter des réglementations complémentaires ou propres, dans la mesure où le droit communautaire n’a pas réglé la matière de manière exhaustive.

La réglementation communautaire actuellement applicable à l’importation hors droits, taxes et prélèvements de marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs ne présenterait pas un caractère exhaustif mais comporterait des lacunes, que les États membres auraient la faculté de combler. Tant pour le droit fiscal que pour le droit douanier, la Commission aurait soumis, en 1972, donc après l’adoption de la directive 69/169 et du règlement no 1544/69, des propositions pour l’adoption d’une réglementation communautaire, dont il ressortirait que la Commission elle-même estime que ces domaines ne sont pas encore couverts par le droit communautaire.

Le gouvernement de la république fédérale d’Allemagne fait valoir que les importations réalisées dans le cadre du trafic intracommunautaire de voyageurs donneraient simplement lieu à l’octroi de ce qu’on appelle les «franchises/pays tiers», si le voyageur a effectué son voyage au départ d’une partie de territoire d’un autre État membre, dans laquelle les taxes sur le chiffre d’affaires et/ou les accises ne sont pas d’application aux marchandises qui y sont consommées, et s’il ne peut pas justifier que les marchandises transportées dans ses bagages ont été acquises aux conditions générales d’imposition du marché intérieur et n’ont bénéficié d’aucun remboursement fiscal (article 2, paragraphe 4, article 4, paragraphe 4 de la directive 69/169). Ce principe, qui s’applique au trafic intracommunautaire de voyageurs d’un État membre à un autre, devrait également être applicable — peut-être encore à plus forte raison — si les voyageurs, dans le cadre d'«excursions en mer» ou de croisières conduisant dans des ports d’un autre État membre, ramènent des marchandises acquises en franchise à bord, au cours du transit dans les eaux internationales ou dans la zone située entre la frontière territoriale et la frontière maritime douanière de l’État membre où le voyage prend fin. La zone qui se trouve entre la frontière douanière maritime du territoire allemand et la frontière douanière maritime ne ferait pas partie, en droit allemand, de la zone de perception de la taxe sur le chiffre d’affaires et des droits d’accises; elle tomberait dès lors sous la définition de l’article 2, paragraphe 4, 2e tiret, et de l’article 4, paragraphe 4, 2e tiret, de la directive 69/169.

Le gouvernement du Royaume-Uni ne désire pas exprimer d’opinion sur le point de savoir si la véritable interprétation et l’effet des règlements et des directives dont il s’agit dans l’affaire en espèce sont de rendre incompatibles avec la législation communautaire les différentes exceptions à l’application du tarif douanier commun qui sont autorisées par les autorités douanières de la république fédérale d’Allemagne et qui font l’objet de la plainte des demandeurs. Le Royaume-Uni part de la prémisse que les règlements contenant le tarif douanier commun et les exceptions qui lui sont apportées, dont il s’agit dans cette affaire, seraient directement applicables dans les États membres et susceptibles de conférer aux particuliers des droits que les juridictions nationales devraient protéger. Le problème qui intéresse le Royaume-Uni est de savoir si ces règlements sont susceptibles de conférer des droits à des individus placés dans la situation des demandeurs. Le grief de ceux-ci serait simplement que d’autres ont bénéficié d’une exception au-delà de ce que la législation communautaire autorise et leur réclamation viserait plutôt à faire respecter les obligations de ces autres individus.

Selon le Royaume-Uni, le manquement d’un État membre à appliquer convenablement une disposition particulière de la législation communautaire contre d’autres personnes relevant de sa juridiction pourrait, dans certains cas, constituer une infraction dont le vrai remède se trouverait dans une action appropriée engagée sur le plan communautaire par les institutions de la Communauté ou par un autre État membre. Il ne s’agirait pas d’une infraction pour laquelle la législation communautaire en tant que telle offre un remède au particulier par une action devant ses juridictions nationales. Quoiqu’il puisse s’en trouver matériellement lésé, aucun droit, lui ayant été directement conféré par la législation communautaire, n’aurait été violé. Cela ne signifierait pas cependant qu’il ne puisse pas exister de cas dans lesquels il possède un recours devant ses juridictions nationales. Il serait possible que l’invalidité de l’action (ou de l’inaction) de ses autorités nationales, qui est une conséquence de son incompatibilité avec la législation communautaire, engendre, si certaines conditions sont remplies, un droit d’action de sa part et l’habilite à former certains recours. Mais les questions de savoir si tel est le cas, quelles sont ces conditions, et quels peuvent être ces recours, doivent être tranchées par la juridiction nationale conformément au droit national. Au Royaume-Uni, la législation relative aux droits d’un citoyen d’obliger les autorités publiques à agir pour appliquer la loi ou en vue d’obtenir un jugement déclaratoire quant à l’obligation de l’appliquer dépendrait de sa capacité à prouver un intérêt privé spécial qui dépasse l’intérêt public de manière générale.

Sur la deuxième partie de l’ordonnance concernant la taxe sur le chiffre d’affaires et les accises il s’agirait d’une directive et non pas de règlements directement applicables. Néanmoins, le Royaume-Uni allègue que les considérations développées sur les règlements s’appliqueraient également lorsque l’instrument en question est une directive.

Il appartiendrait aux États membres d’exécuter les directives en choisissant la forme et la méthode pour le faire. Les directives seraient adressées aux États membres et ne pourraient manifestement pas lier directement des individus, ni a fortiori habiliter un individu à obtenir, par une action privée introduite devant les juridictions d’un État membre, l’exécution, à l’égard d’autres individus, d’une loi qui, par hypothèse, n’existerait pas encore.

Le gouvernement du Royaume-Uni soutient que la Cour a fréquemment reconnu que les directives, si elles sont suffisamment précises, peuvent avoir directement pour effet d’habiliter un citoyen à invoquer leurs dispositions contre un État membre défaillant, en s’efforçant de faire appliquer contre lui des mesures nationales incompatibles (arrêt du 5. 4. 1979, affaire 148/78, Pubblico Ministero/Ratti, Recueil 1979, p. 1629, arrêt du 23. 11. 1977, affaire 38/77, Enka BV/Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen, Recueil p. 2203). Mais ceci différerait beaucoup de la tentative faite au moyen d’une action privée pour obliger un État membre à remédier à sa défaillance d’une manière générale. Selon le Royaume-Uni, seule la Commission pourrait faire usage d’un tel recours général par une action intentée en vertu de l’article 169 du traité.

La Commission fait observer que le règlement no 1544/69 ne se prononce pas sur la provenance ou le statut douanier des marchandises favorisées, et que l’article 1 paragraphe 1, du règlement no 1544/69, tel que modifié par le règlement no 3061/78, préciserait expressément que la franchise douanière est limitée aux voyageurs en provenance d’un pays tiers. Ce point de vue serait étayé par le septième considérant du règlement no 3061/78. Enfin, le deuxième considérant du règlement no 3023/77 déclarerait expressément que le règlement no 1544/69 ne s’applique pas aux marchandises importées à la suite d’un voyage effectué par bateau à partir d’un État membre, à l’occasion duquel le territoire douanier d’un pays tiers n’a pas été touché. Dès lors, le simple fait de quitter le territoire douanier de la Communauté qui, sur les côtes allemandes, coïncide la plupart du temps avec la ligne côtière et le retour subséquent dans ce même territoire ne sauraient être considérés comme constituant un voyage dans un pays tiers.

La Commission pose la question de savoir s’il suffirait que le territoire d’un pays tiers ait été parcouru par la voie des eaux et donc que le bateau sur lequel le retour dans le territoire douanier de la Communauté a été effectué ait traversé les eaux côtières d’un État non membre de la Communauté. Dans ce cas, la Commission estime qu’un pays tiers a été touché du point de vue théorique, au cours du voyage, mais constate que le sens et l’objectif du règlement no 1544/69 exigeraient de ne pas appliquer non plus les franchises douanières dans ces circonstances.

Lorsqu’au cours d’un voyage la possibilité d’effectuer des achats dans un pays tiers n’existe pas dès le départ, il n’y aurait aucune raison d’accorder lors de l’arrivée les franchises douanières prévues par le règlement no 1544/69 car, selon la Commission, ces franchises sont octroyées précisément pour permettre aux voyageurs d’importer à partir d’un pays tiers de petites quantités de souvenirs de voyage ou de marchandises destinées à être consommées au cours du voyage ou peu de temps après, sans payer de taxes et sans devoir accomplir des formalités compliquées. Il ne suffirait pas non plus qu’un bateau fasse dans un port d’un pays tiers une escale symbolique, au cours de laquelle il serait impossible de descendre à terre et d’effectuer des achats. Un tel cas ne serait pas non plus visé par le règlement no 1544/69.

Afin de bénéficier de la franchise en vertu du règlement no 1544/69, il faudrait avoir effectué un séjour d’une certaine durée dans un pays tiers, séjour au cours duquel la possibilité de réaliser des achats dans ce pays devrait être effective. Si cette possibilité existe, le règlement no 1544/69 devrait être applicable même dans le cas où le seul et unique objectif du voyage serait d’effectuer des achats dans le pays tiers.

La Commission soutient que la provenance et le statut des marchandises n’auraient aucune importance et que seule compterait l’occasion à laquelle elles ont été importées. En effet, au point de vue pratique, il serait souvent difficile de déterminer où les marchandises ont effectivement été achetées. La simplification des formalités douanières pour de petites quantités serait rendue illusoire dans une large mesure si les douaniers devaient contrôler où et dans quelles circonstances une marchandise a été acquise.

En outre, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 69/169, qui régit la franchise des taxes dans le trafic international des voyageurs de la Communauté, soulignerait expressément qu’il doit s’agir de marchandises en libre pratique et qui doivent avoir été achetées en conformité avec les dispositions fiscales générales, applicables dans le marché intérieur d’un État membre. Étant donné le parallélisme existant entre les franchises douanières et fiscales, on pourrait en conclure que le législateur communautaire doit avoir été parfaitement conscient du problème de provenance et du statut des marchandises et qu’il n’avait pas l’intention de prendre une décision en ce qui concerne la provenance et le statut des marchandises, mais uniquement en ce qui concerne la provenance des voyageurs. Il serait absurde de ne frapper d’aucun droit une marchandise lorsqu’elle est importée à partir du pays tiers d’origine et d’exiger, lorsqu’elle serait importée via un autre pays tiers, qu’elle y ait été mise en libre circulation conformément à la législation douanière en vigueur.

Tout cela incite la Commission à interpréter le règlement no 1544/69 en ce sens que la franchise douanière qu’il prévoit ne s’appliquerait qu’aux voyageurs provenant d’un pays tiers et qui, le cas échéant, y ont effectué un séjour leur ayant permis d’acheter des marchandises. La question ne serait pas de savoir si les marchandises emportées lors de l’entrée dans la Communauté ont été achetées dans ce pays, ou même, proviennent du régime de libre circulation du pays tiers concerné.

Le règlement no 1544/69 régirait de manière exhaustive les franchises douanières des marchandises se trouvant dans les bagages personnels des voyageurs. Il serait donc interdit aux États membres d’accorder de leur propre chef dans de tels cas des franchises douanières dépassant le champ d’application de ce règlement.

L’article 28 du traité déclarerait que le Conseil statue sur toutes modifications ou suspensions autonomes des droits du tarif douanier commun. Les franchises douanières dans le trafic voyageurs dont il est question ici en feraient également partie. Les États membres ne seraient donc pas compétents en cette matière. Lorsqu’il s’agit de modifications ou de suspensions définies dans le cadre de traités conclus avec des pays tiers, il existerait également une compétence exclusive de la Communauté en vertu de l’article 113 du traité. En ce qui concerne les franchises de prélèvements agricoles et d’autres taxes prévues par la politique agricole, la Communauté jouirait de la compétence exclusive en vertu de l’article 43 du traité, en liaison avec les organisations des marchés agricoles. En aucun cas il ne pourrait donc y avoir de réglementations nationales en cette matière.

Sur la quatrième question du Finanzgericht, la Commission estime que si on voulait considérer le règlement no 3023/77 comme une réglementation définitive, certains éléments militeraient en faveur de son invalidité. En effet, ce règlement affecterait le caractère uniforme de la validité du tarif commun douanier, lors d’importations réalisées à l’occasion de voyages effectués avec certains moyens de transport, alors qu’aucune raison de fond ne justifierait cette exception permanente. Or, les dispositions du tarif douanier commun devraient être applicables uniformément aux frontières extérieures du territoire douanier de la Communauté, indépendamment du moyen de transport utilisé par les voyageurs.

Le règlement no 3023/77 constituerait une discrimination entre consommateurs, contraire à l’article 40, paragraphe 3, du traité, parce qu’il permettrait aux consommateurs d’un État membre habitant à proximité de la côte d’acheter des produits agricoles à des prix souvent basés sur les prix du marché mondial, alors qu’on demanderait aux autres consommateurs de payer les prix plus élevés résultant de la politique agricole commune.

La Cour aurait déclaré que le principe général de l’égalité de traitement fait partie intégrante du droit communautaire (arrêts du 19. 10. 1977 dans les affaires jointes 117/76 et 16/77, Ruckdeschel et autres/HZA Hamburg, Recueil 1977, p. 1753 et 124/76 et 20/77, SA Moulins et Huileries et autres/ONIC, Recueil 1977, p. 1795). Pour cette raison, la Commission estime qu’il serait étrange de favoriser certaines formes de vente de produits agricoles (ventes sur les bateaux) tout en refusant d’accorder les mêmes avantages à d’autres formes de vente (commerce de détail sur le continent).

Le règlement no 3023/77 ne pourrait toutefois constituer qu’une solution transitoire, et représenterait un premier pas sur la voie de l’élimination définitive de certaines situations anormales datant d’avant l’entrée en vigueur pleine et entière du tarif douanier commun, mais sans causer de préjudice économique aux personnes intéressées. La Commission l’aurait souligné par ses déclarations dans le protocole du Conseil à l’occasion de l’adoption des règlements du Conseil. Dès lors, le règlement no 3023/77 se justifierait encore actuellement comme une solution de transition permettant d’éviter de causer un préjudice économique à certaines personnes.

Quant à la troisième question du Finanzgericht portant sur les droits des particuliers, la Commission estime qu’elle a un caractère trop général. Il importerait de la limiter en fonction de la procédure au principal, en ce sens qu’une réponse ne serait nécessaire que lorsqu’il s’agit de droits éventuels découlant, pour les particuliers, du tarif douanier de la Communauté. La question du Finanzgericht reviendrait en fait à demander si les dispositions du tarif douanier commun et en particulier celles qui prévoient la perception de certains droits de douane à l’importation dans la Communauté fondent, pour les opérateurs économiques exerçant leurs activités sous la protection de ces droits, un droit opposable aux autorités nationales de voir appliqués effectivement les droits à l’importation prévus, et si, le cas échéant, ils pourraient exciper de ce droit dans un recours formé devant les tribunaux nationaux.

La Commission pense que c’est la première fois que la Cour a à connaître d’une affaire aussi insolite, dans laquelle les demanderesses demandent à des autorités nationales d’appliquer des mesures fiscales à des tiers qui, d’après elles, ont été jusqu’à présent favorisés par les autorités nationales en violation du droit communautaire. Le caractère particulier de la situation serait encore accru par le fait que le préjudice causé aux demanderesses ne résulterait pas du fait que des tiers (c’est-à-dire les voyageurs) soient favorisés, mais bien indirectement du fait que les franchises accordées aux voyageurs se traduiraient par des avantages concurrentiels pour les concurrents des demanderesses, c’est-à-dire les vendeurs de certaines marchandises à bord des bateaux. Il y aurait donc lieu d’examiner si les dispositions du tarif douanier commun octroyent aux demanderesses des droits subjectifs. La Commission constate que, dans la plupart des cas, la Cour a lié la question des droits subjectifs des particuliers dans le droit communautaire à la question de ses effets directs. Lorsqu’une norme de droit communautaire est suffisamment claire et précise et lorsque, par conséquent, elle ne laisse aucune marge de décision ni aux institutions communautaires ni aux États membres pour son application, cette norme a pour la Cour des effets directs dans les ordres juridiques des États membres. Il en résulterait généralement que les particuliers favorisés par ces dispositions pourraient invoquer la réglementation devant les tribunaux nationaux pour obtenir le respect des droits personnels résultant de ladite norme (arrêt du 17. 5. 1972, affaire 93/71, Leonesio, Recueil 1972, p. 287, arrêt du 19. 12. 1968, affaire 13/68, Salgoil, Recueil 1968, p. 679, arrêt du 17. 12. 1969, affaire 33/70, SACE, Recueil 1970, p. 1213). Toutefois, ladite norme devrait effectivement avoir pour but de protéger les intérêts des particuliers ou des entreprises (arrêt du 22. 1. 1976, affaire 60/75, Russo/AIMA, Recueil 1976, p. 45).

Il serait indubitable que les tarifs douaniers du TDC sont suffisamment clairs et certains et qu’ils ont par conséquent un effet direct dans les ordres juridiques des États membres. Mais dans le cas des droits prévus par le tarif douanier commun, il s’agirait exclusivement de droits de protection qui ne protègent d’une façon générale que l’économie ou certains secteurs d’activité de la Communauté, et qui n’ont pas été conçus en vue de protéger l’existence des entreprises particulières. Les opérateurs économiques ne seraient pas protégés par les droits de douane en tant qu’individus ou entreprises particuliers.

Pour se convaincre de ce point de vue, la Commission estime qu’il suffirait d’examiner les conséquences sur le plan de la procédure de l’octroi d’un droit d’une telle portée aux particuliers. La reconnaissance d’un droit subjectif à l’application des droits de douanes prévus aurait comme conséquence que les particuliers pourraient demander à un tribunal national de trancher en matière de violation du traité par les États membres non seulement les cas les intéressant directement, mais aussi les cas tout à fait généraux. Or, le système juridique établi par le traité prévoirait que seule la Cour peut trancher en matière de violation du traité par un État membre, et uniquement sur demande de la Commission ou d’un autre État membre. Cette considération amène la Commission à refuser de reconnaître un subjectif au sens de la question préjudicielle.

Mais cela ne signifierait pas toutefois que dans de tels cas les particuliers ne jouissent d’aucun droit. L’ordonnance de renvoi montrerait que le droit national autorise parfaitement à faire valoir la violation des droits par un comportement illégal des autorités violant le droit communautaire ou par des lois nationales non valides. Pour ce faire, les particuliers n’auraient pas besoin d’un droit subjectif particulier fondé sur le droit communautaire. Comme la Cour l’aurait déjà constaté, le droit communautaire n’exige pas dans tous les cas une protection judiciaire complète nationale (arrêt du 6. 5. 1980, affaire 152/79, Lee/Ministre de l’agriculture — non encore publié). Il importerait surtout que l’efficacité du droit communautaire ne soit pas mise fondamentalement en cause (arrêt du 21. 1. 1976, affaire 60/75, Russo/AIMA, Recueil 1976, p. 45).

Quant à la cinquième question, selon la jurisprudence de la Cour les autorités nationales seraient tenues d’appliquer une disposition du droit communautaire tant qu’elle n’a pas été déclarée non valide par la Cour (arrêt du 13. 2. 1979, affaire 101/78, Granaria/Hoofdproduktschap, Recueil 1979, p. 623).

La Commission soutient que, dans la présente espèce, des droits à l’encontre des autorités nationales ne pourraient pas être fondés sur les droits fondamentaux reconnus également dans le droit communautaire, qui, reposant sur le droit communautaire, ne seraient évidemment opposables qu’aux institutions communautaires et non aux autorités nationales, même lorsque celles-ci agissent en exécution de tâches qui leur ont été confiées par la Communauté.

Sur la deuxième partie du renvoi concernant la taxe sur le chiffre d’affaires et les accices, la Commission estime qu’il y a lieu de répondre que les articles 1 et 2 de la directive 68/169 devraient être interprétés en ce sens que la franchise des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises qu’ils prévoient ne s’applique qu’aux marchandises se trouvant dans les bagages personnels des voyageurs provenant d’un pays tiers ou d’un autre État membre, le cas échéant après avoir traversé la haute mer, mais non lors de la seule entrée à partir de la haute mer. Si l’entrée a lieu à partir d’un autre État membre, le cas échéant après la traversée de la haute mer ou d’un pays tiers, il y aurait une condition supplémentaire pour l’octroi de la franchise, à savoir que les marchandises devraient être en libre pratique dans l’État membre en vertu des articles 9 et 10 du traité et devraient avoir été acquises conformément aux dispositions fiscales générales applicables au marché intérieur d’un État membre.

La Commission soutient que la directive 69/169 contient une réglementation exhaustive en ce qui concerne les franchises des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises pour les marchandises transportées dans les bagages personnels des voyageurs dans le trafic international. Les Etats membres n’auraient pas le droit d’octroyer d’autres franchises de ce type dans le trafic international. La directive 69/169 ne fonderait aucun droit des particuliers d’exiger que les autorités d’un État membre perçoivent des taxes dans les cas dans lesquels la directive ne prévoit aucune franchise des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises. Lorsqu’un État membre ne demande pas aux voyageurs, lors de l’importation de marchandises dans son territoire, de payer les taxes normalement prévues, il pourrait y avoir violation du droit communautaire si, et dans la mesure où, ce dernier prévoit que la perception des taxes est obligatoire. Or, la directive 69/169, ainsi que la sixième directive sur la taxe à la valeur ajoutée, imposeraient une telle obligation aux États membres. Toutefois, à cette obligation des États membres ne correspondrait aucun droit des particuliers à ce que les taxes soient effectivement perçues. En effet, les ordres juridiques nationaux ne prévoiraient pas pour les particuliers le droit d’exiger que d’autres particuliers payent effectivement leurs impôts, et le droit communautaire ne prévoirait aucun droit de ce genre.

Quant au règlement no 1544/69 concernant les droits de douane, le Conseil estime qu’il convient d’établir une distinction entre les personnes qui importent des marchandises et les marchandises importées. En ce qui concerne les personnes, il devrait s’agir de voyageurs entrant dans la Communauté en provenance d’un pays tiers. En ce qui concerne les marchandises importées par les voyageurs venant d’un pays tiers, le règlement no 1544/69 n’exigerait pas qu’elles proviennent du territoire douanier d’un pays tiers, ni même qu’elles aient été mises en libre pratique du point de vue douanier de ce pays. Le fait que les marchandises proviennent d’un État membre ou d’un pays tiers ne ferait pas de différence.

Dans sa structure et son contenu, la directive 69/169 serait dans une large mesure identique au règlement no 1544/69: dans les deux cas, il s’agirait de franchises concernant la circulation transfrontalière des voyageurs. Les considérations que le Conseil émet à propos du règlement no 1544/69 sont dès lors valables pour la directive 69/169.

Sur la question de savoir si le règlement no 3023/77 est nul parce qu’il viole une règle de droit communautaire de rang supérieur, le Conseil renvoie à la réponse qu’il a donnée le 19 juillet 1978 à la question écrite no 1316/77 de M. Notenboom, membre de l’Assemblée, qui avait entre autres demandé:

«2.

Par quelles justifications d’ordre politique, économique et juridique le Conseil peut-il étayer les dispositions du règlement (CEE) no 3023/77 …?»

Le Conseil a répondu comme suit à cette question:

«2.

Le Conseil considère que, compte tenu de l’objectif poursuivi d’éviter les abus, il a, par son règlement (CEE) no 3023/77, pris en considération les aspects politiques, économiques et juridiques des problèmes posés et dans ce sens s’est efforcé, de façon limitée et non définitive :

de tenir compte des incidences de telles mesures sur les activités économiques et sur l’emploi dans certaines régions de la Communauté, limitrophes de pays tiers, soumises à la concurrence de ces derniers dans les mêmes secteurs d’activités,

d’éviter des effets économiques préjudiciables aussi bien aux produits communautaires qu’aux produits importés de pays tiers et mis en libre pratique dans la Communauté, ainsi que toute distorsion de concurrence entre commerçants et discrimination entre consommateurs de la Communauté, notamment s’agissant de produits agricoles dont celle-ci est excédentaire,

d’établir une égalité des conditions de concurrence des produits agricoles communautaires par rapport aux mêmes produits en provenance des pays tiers vendus à bord des bateaux,

de sauvegarder les intérêts budgétaires communautaires en limitant l’octroi de la franchise autorisée par le règlement à des quantités très limitées et pour des produits déterminés et en ne créant d’ailleurs qu’une possibilité pour les États membres.»

(JO 1978, no C 199, p. 16)

Le règlement no 3023/77 ne violerait pas le principe d’égalité et l’interdiction de discrimination. En ce qui concerne tout d’abord les consommateurs, tout le monde pourrait participer aux croisières en question et bénéficier ainsi du régime d’exception lorsqu’un État membre a fait usage de la faculté d’accorder le bénéfice de l’exonération des taxes à l’importation, comme c’est le cas de la république fédérale d’Allemagne. Cette possibilité de participation ne serait réservée ni en droit ni en fait aux habitants des localités côtières d’où partent les bateaux. Un grand nombre de participants viendraient de localités éloignées de la côte et situées dans toute l’Allemagne du Nord. A l’évidence, toute discrimination à raison de la nationalité exercée à l’égard de ressortissants d’autres États membres (article 7 du traité) serait également exclue.

Le Conseil soutient que les croisières du beurre ne constituent pas une violation de l’égalité de concurrence. En 1976, les armateurs qui organisent des croisières d’un jour dans la mer Baltique auraient chargé le professeur Juergensen, de Hambourg, d’établir un rapport sur les structures, les conséquences et l’appréciation de ce trafic. Ce rapport, daté du 24 février 1977, aurait donc été établi avant l’adoption du règlement no 3023/77. Il en ressortirait qu’en 1976, 4,5 % des passagers en moyenne sont venus jusqu’au bateau à pied, 20,7 % en voiture, 73,6 % en autocar et 1,2 % en chemin de fer. Le rapport chiffrerait le manque à gagner subi par les détaillants en produits alimentaires, dans les «arrondissements (Kreise)» entrant en ligne de compte et les «villes arrondissements» du Schleswig-Holstein, de Flensburg à Lübeck en passant par Kiel, à 0,3 % de leur chiffre d’affaires ou celui des détaillants en tabacs à 1,1 %. Selon le rapport, cette branche du commerce devrait pouvoir supporter de telles pertes.

De l’avis du Conseil, l’incidence des ventes à bord des bateaux sur le commerce de détail et de gros dans les localités côtières n’existerait que dans une faible proportion. Elle se maintiendrait «dans des limites raisonnables». Par exemple, si la vente de beurre était moindre, en revanche la prolongation de la saison dans les stations de villégiature de la mer Baltique, le pouvoir d’achat des marins qui y sont désormais employés toute l’année, celui du personnel aussurant les ventes à bord des bateaux et même les besoins en produits frais pour ces bateaux, représenteraient une certaine compensation.

Le principe de proportionnalité n’aurait pas non plus été violé. Le moyen choisi serait adapté à la situation. Le régime d’exception ne serait appliqué qu’à des quantités très limitées.

D’autres considérations relatives à l’économie générale militeraient en faveur du régime en question: les excursions d’un jour contribueraient à prolonger la saison touristique, par ailleurs relativement courte, de la côte allemande de la Baltique. Ces excursions empêcheraient le départ de travailleurs de ces régions défavorisées par leur situation géographique; bien plus, elles serviraient à préserver et à créer des emplois. Sans ces excursions d’un jour, la plupart des bateaux concernés devraient être immobilisés, «désarmés», pendant les six mois de l’hiver. On estime que l’effectif des personnes travaillant toute l’année à bord des bateaux serait de l’ordre de 1000. Il s’y ajouterait les personnes employées par les compagnies d’autocars, les entreprises équipant les bateaux, les chantiers navals.

Le Conseil estime qu’il existe vraisemblablement plusieurs questions à examiner conjointement, l’une d’elles étant la vente à bord de bateaux. Il vise par là les «tax free shops» des aéroports et ravitaillement des bateaux (et des trains internationaux) en provisions de bord.

Pour ce qui est des «tax free shops», il n’aurait pas été possible, malgré plusieurs tentatives, d’établir une réglementation communautaire. Il suffirait de signaler que l’Assemblée européenne a déclaré, lors de sa séance du 18 avril 1980, dans son avis sur la proposition de la Commission au Conseil relative à une cinquième directive concernant l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux régimes des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises applicables dans le trafic international des voyageurs, qu’elle

«invit(ait) la Commission à lui faire rapport sur les problèmes liés à l’existence de boutiques franches (tax-freeshops) et sur la question de savoir s’il serait souhaitable de les interdire pour les voyages entre les États membres» (point 8 de la résolution de l’avis, JO 1980, noC 117, p. 83).

Dans l’espèce, il s’agit d’un «tiers», à savoir une personne qui n’est concernée qu’en second lieu selon que l’État membre applique ou n’applique pas les dispositions communautaires en faveur de la personne directement concernée; il pourrait en résulter, par réaction, des effets pour un tiers au sujet duquel le Finanzgericht pose la question des possibilités de protection juridique.

Le Conseil suggère à la Cour de répondre négativement aux questions concernant la protection juridique. Il existerait d’amples moyens de protection juridique dans le traité. La possibilité de présenter une question préjudicielle au titre de l’article 177 du traité suffirait à cet égard. D’ailleurs, les dispositions des articles 173, deuxième alinéa, 175, troisième alinéa, et 184 du traité montreraient qu’un particulier ne peut attaquer des dispositions généralement applicables du droit communautaire que dans une certaine mesure. Tout ceci n’impliquerait aucune diminution de la protection juridique, puisque les moyens de droit nationaux — combinés avec l’article 177 du traité — ainsi que la demande en dommages-intérêts rendue possible par l’article 215, deuxième alinéa, demeureraient intégralement comme moyens de protection juridique.

III — Procédure orale

Rewe-Handelsgesellschaft Nord mbH et Rewe-Markt Steffen, Kiel, représentées par M. Gert Meier, conseiller juridique en chef de Rewe-Zentral AG, le gouvernement de la république fédérale d’Allemagne, représenté par M. A. Deringer, avocat près l’Oberlandesgericht de Cologne, le gouvernement français, représenté par M. H. Marty-Gauquié, en qualité d’agent, la Commission des Communautés européennes, représentée par M. Jörn Sack, membre du service juridique, en qualité d’agent et le Conseil des Communautés européennes, représenté par M. Bernhard Schloh, conseiller juridique, en qualité d’agent, ont été entendus en leurs observations orales à l’audience du 4 février 1981.

L’avocat général a présenté ses conclusions à l’audience du 18 mars 1981.

En droit

1

Par ordonnance du 5 juin 1980, parvenue à la Cour le 9 juillet 1980, le Finanzgericht de Hambourg a posé, en vertu de l’article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l’interprétation du règlement no 1544/69 du Conseil, du 23 juillet 1969, concernant le traitement tarifaire applicable aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs (JO no L 181, p. 1), de la directive 69/169 du Conseil, du 28 mai 1969, concernant l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux franchises des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises perçues à l’importation dans le trafic international de voyageurs (JO no L 133, p. 6) ainsi qu’à la validité du règlement no 3023/77 du Conseil, du 20 décembre 1977, relatif à certaines mesures destinées à mettre fin à des abus résultant de la vente des produits agricoles à bord des bateaux (JO no L 358, p. 2).

2

Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant un commerçant en gros et un commerçant de détail, établis en république fédérale d’Allemagne, au Hauptzollamt Kiel, et soulevant la question de savoir si les «croisières du beurre» organisées par différentes compagnies de navigation à partir des ports de la côte de la Baltique violent le droit communautaire.

3

Les «croisières du beurre» conduisent par-delà la zone douanière maritime dans les eaux territoriales ou en haute mer en dehors du territoire allemand. Pendant la croisière, les passagers des bateaux ont l’occasion d’acheter des marchandises telles que des alcools, du beurre, de la viande, du tabac, des produits de parfumerie et d’autres marchandises. Jusqu’à concurrence de certains maxima, aucune taxe n’est perçue lors de l’importation des marchandises à la frontière allemande. Les «croisières du beurre» présentent pour les entreprises qui les organisent un intérêt commercial considérable.

4

La première partie requérante au principal est un commerçant en gros dont le siège social est établi aux environs de Kiel en république fédérale d’Allemagne. Elle commercialise, entre autres, les mêmes produits que ceux mis en vente au cours des croisières. Ses clients, parmi lesquels figure la seconde requérante au principal, sont des exploitants de commerce de détail, établis dans la région de la côte baltique.

5

Il ressort de l’ordonnance de renvoi que les requérantes ont soutenu devant le Finanzgericht que ces croisières auraient pour effet de retirer aux sociétés commerciales locales de détail et en gros le bénéfice d’une part importante du pouvoir d’achat des habitants de la côte de la Baltique, cette part étant répartie entre les compagnies de navigation qui organisent ces croisières. Le fait que ces compagnies peuvent vendre des marchandises en exemption de taxe ou avec le bénéfice d’une subvention leur conférerait, au détriment des grossistes et des détaillants, un avantage concurrentiel considérable qui aboutirait à une distorsion de concurrence.

6

Les requérantes ont initialement demandé au Finanzgericht de constater que la défenderesse est tenue de s’abstenir du dédouanement en exemption des taxes. Elles lui ont par la suite demandé d’obliger la défenderesse à s’abstenir de faire bénéficier de la franchise, lorsqu’ils passent la frontière douanière, les voyageurs ayant acquis des marchandises au cours des «croisières du beurre», en exemption de taxes ou avec le bénéfice d’une subvention.

7

Le Finanzgericht, saisi du litige, a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«Sur le droit de douane

1.

Le règlement (CEE) no 1544/69 du Conseil du 23 juillet 1969, en dernier lieu dans la rédaction du règlement (CEE) no 3061/78 du Conseil du 19 décembre 1978, doit-il être interprété en ce sens que la franchise qu’il prévoit ne s’applique qu’aux marchandises qui proviennent du territoire douanier d’un pays tiers et qui, le cas échéant, s’y trouvaient en outre sous le régime douanier de la libre circulation ou bien suffit-il que les marchandises proviennent d’États membres et soient importées à travers la frontière douanière maritime ou à travers la frontière du territoire de chaque État membre en venant de la haute mer?

2.

Le règlement (CEE) no 1544/69, en dernier lieu dans la rédaction du règlement (CEE) no 3061/78, le cas échéant en liaison avec l’article 28 du traité CEE — sous réserve des marchandises visées dans le règlement (CEE) no 3023/77 du Conseil du 20 décembre 1977 — contient-il une réglementation exhaustive concernant la franchise de marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs, ou bien les États membres peuvent-ils, en outrepassant le domaine du règlement (CEE) no 1544/69, accorder une franchise de manière autonome — sous réserve des marchandises visées dans le règlement (CEE) no 3023/77?

3.

La violation d’un règlement communautaire fonde-t-elle des droits directement applicables en faveur de celui dont les droits sont affectés par des dispositions législatives et réglementaires ou par leur mesure d’exécution, incompatibles avec le domaine de ce règlement, en ce sens qu’il peut agir devant une juridiction nationale en vue de faire prononcer l’interdiction de mesures contraires au droit communautaire ou de faire respecter des mesures de droit communautaire?

4.

Le règlement (CEE) no 3023/77 est-il nul parce qu’il viole le droit communautaire de rang supérieur (par exemple, le principe d’égalité, l’interdiction de discrimination, l’égalité de concurrence, la proportionnalité)?

5.

En cas de réponse affirmative à la question 4: celui dont les droits sont affectés par une disposition législative ou réglementaire ou par sa mesure d’exécution, fondée sur le règlement (CEE) no 3023/77, possède-t-il des droits immédiatement applicables en ce sens qu’il peut agir devant une juridiction nationale en vue de faire prononcer l’interdiction de mesures contraires au droit communautaire?

Sur la taxe sur le chiffre d’affaires et les accises

6.

La directive 69/169/CEE du Conseil du 28 mai 1969, en dernier lieu dans la rédaction de la directive 78/1032/CEE du Conseil du 19 décembre 1978, doit-elle être interprétée en ce sens que la franchise des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises qu’elle prévoit ne s’applique qu’aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs, en provenance du territoire douanier d’un pays tiers (article 1), ou, au cas où la marchandise provient d’un État membre, du territoire douanier de la Communauté (article 2), et qui, le cas échéant, se trouvaient en outre sous le régime douanier de la libre circulation d’un pays tiers ou d’un État membre, ou bien suffit-il que les marchandises soient importées à travers la frontière du territoire de l’État membre intéressé en venant de la haute mer?

7.

La directive 69/169/CEE, dans la rédaction en vigueur en dernier lieu, contient-elle une réglementation exhaustive concernant les franchises de la taxe sur le chiffre d’affaires et des accises pour les marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs ou bien les États membres peuvent-ils, en outrepassant le domaine de la directive, accorder des franchises autonomes de taxes sur le chiffre d’affaires et les accises pour des marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs?

8.

La directive 69/169/CEE, dans le rédaction en vigueur en dernier lieu, fonde-t-elle des droits immédiatement applicables en faveur de celui dont les droits sont affectés par une disposition législative ou réglementaire d’un État membre ou par sa mesure d’exécution, incompatible avec le contenu de cette directive, en ce sens qu’il peut agir devant une juridiction nationale en vue de faire prononcer l’interdiction de mesures nationales contraires au droit communautaire?»

ISur le droit de douane

Sur la première question (interprétation du règlement no 1544/69 — franchises douanières)

8

Le règlement no 1544/69, modifié en dernier lieu par le règlement no 3061/78 (JO no L 366, p. 3), précise le traitement tarifaire applicable aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs.

9

Le but du règlement no 1544/69, est, selon ses considérants, de faciliter le travail des services des douanes des États membres en leur évitant les problèmes complexes de dédouanement posés par le volume du trafic entre les pays tiers et la Communauté et la variété des marchandises importées par les voyageurs. A cette fin, le règlement dispose qu’une franchise limitée est accordée aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs, pour autant qu’il s’agisse d’importations dépourvues de tout caractère commercial.

10

Le règlement no 1544/69, tel que modifié par le règlement no 3061/78, ne se prononce pas sur la provenance des marchandises auxquelles l’exonération des droits de douane est accordée. L’article 1 dispose qu’une franchise des droits du tarif douanier commun est applicable aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs en provenance des pays tiers, pour autant qu’il s’agisse d’importations dépourvues de tout caractère commercial. L’alinéa 2 du paragraphe 1 de cet article précise qu’on entend par bagages personnels l’ensemble des bagages que le voyageur est en mesure de présenter au service des douanes lors de son arrivée ainsi que ceux qu’il présente ultérieurement à ce même service, sous réserve de justifier qu’ils ont été enregistrés comme bagages accompagnés au moment de son départ auprès de la compagnie qui a assuré son transport.

11

Le règlement concerne des petites quantités de marchandises, qui représentent une faible valeur imposable. L’objectif du règlement, qui est de faciliter le dédouanement des marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs en provenance de pays tiers, ne serait pas atteint si les autorités douanières étaient obligées de déterminer à l’occasion d’importations la provenance des marchandises pour lesquelles l’exonération des droits de douane est demandée.

12

En conséquence, il y a lieu de constater que le règlement no 1544/69 s’applique aux bagages des voyageurs en provenance des pays tiers, quelles que soient l’origine et la provenance de ces marchandises et indépendamment des taxes douanières et fiscales dont elles ont été frappées avant leur importation sur le territoire communautaire.

13

Il convient d’observer en outre que le septième considérant du règlement expose «qu’il y a lieu … de préciser expressément, afin d’éviter tout abus d’interprétation, que la franchise des droits du tarif douanier commun ne s’applique qu’à l’égard des voyageurs en provenance d’un pays tiers». La volonté du Conseil d’éviter des abus apparaît clairement de ce considérant. On ne saurait donc considérer comme voyageur en provenance d’un pays tiers pouvant bénéficier de la franchise des droits du tarif douanier commun celui qui, au cours d’une croisière à partir d’un port d’un État membre, ne fait pas escale dans un pays tiers ou n’y fait qu’une escale symbolique sans y effectuer un véritable séjour, c’est-à-dire un séjour au cours duquel il aurait effectivement la possibilité de réaliser des achats.

14

II y a donc lieu de répondre à la première question que la franchise prévue par le règlement no 1544/69, tel que modifié en dernier lieu par le règlement no 3061/78, ne s’applique qu’aux marchandises contenues dans les bagages personnels de voyageurs en provenance d’un pays tiers. Cette franchise s’applique indépendamment de l’origine et de la provenance des marchandises, et des taxes douanières et fiscales dont elles ont été frappées avant leur importation sur le territoire communautaire. On ne saurait, toutefois, considérer comme voyageur en provenance d’un pays tiers au sens du règlement celui qui, au cours d’une croisière à partir d’un port dans un État membre, ne fait pas escale dans un pays tiers ou n’y fait qu’une escale symbolique sans y effectuer un séjour, au cours duquel il aurait effectivement la possibilité de réaliser des achats.

Sur la deuxième question {interprétation du règlement no 1544/69 — franchises douanières)

15

L’article 3 (b) du traité dispose que l’action de la Communauté comporte, entre autres, l’établissement d’un tarif douanier commun. L’article 9 du traité précise que la Communauté est fondée sur une union douanière qui s’étend à l’ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l’interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l’importation et à l’exportation et de toutes taxes d’effet équivalent, ainsi que l’adoption d’un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers. L’article 28 du traité dispose que toutes modifications ou suspensions autonomes des droits du tarif douanier commun sont décidées par le Conseil.

16

Ces dispositions font clairement apparaître que c’est au Conseil qu’il appartient, dans les conditions fixées par le traité, de décider les franchises dont, dans des circonstances déterminées, certains produits peuvent bénéficier en dérogation du tarif douanier commun. Il en résulte que, en tout cas dès le moment où le Conseil arrête dans un domaine déterminé des règles d’application uniforme en matière de franchises — telles celles du règlement no 1544/69 — il ne reste aucune compétence aux États membres pour accorder, dans ce domaine, une franchise qui dépasserait celle déterminée par les règles communautaires.

17

II y a donc lieu de répondre à la deuxième question que le règlement no 1544/69 contient une réglementation exhaustive concernant la franchise de marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs en provenance des pays tiers, qui ne laisse aux États membres aucune compétence pour accorder, dans le domaine couvert par le règlement, une franchise qui dépasserait celle prévue par le règlement.

Sur la quatrième question (validité du règlement no 3023/77 — franchises prélèvements agricoles)

18

Par la quatrième question, il est demandé si le règlement no 3023/77 du Conseil ne serait pas frappé de nullité en ce qu’il violerait le droit communautaire de rang supérieur (par exemple, le principe d’égalité, l’interdiction de discrimination, l’égalité de concurrence, la proportionnalité).

19

Avant de procéder à l’examen de ces moyens, il y a lieu, toutefois, de rechercher si le règlement répond aux exigences de motivation de l’article 190 du traité.

20

Le règlement no 1818/75 du Conseil, du 10 juillet 1975 (JO no L 185, p. 3), a étendu les franchises à accorder par le règlement no 1544/69 aux prélèvements agricoles et autres dispositions à l’importation prévus dans le cadre de la politique agricole commune ou dans celui des régimes spécifiques applicables, au titre de l’article 235 du traité, à certaines marchandises résultant de la transformation de produits agricoles lorsqu’elles sont contenues dans les bagages personnels des voyageurs entrant dans la Communauté.

21

Constatant que cette extension des franchises donnait lieu à des abus, le Conseil a adopté le 20 décembre 1977 le règlement no 3023/77 relatif à «certaines mesures destinées à mettre fin à des abus résultant de la vente de produits agricoles à bord de bateaux». Les considérants de ce règlement rappellent d’abord que le règlement no 1544/69 (franchises proprement douanières) ne s’applique pas aux marchandises importées à la suite d’un voyage effectué à partir d’un État membre et à l’occasion duquel le territoire douanier d’un pays tiers n’a pas été touché. Ces mêmes considérants exposent ensuite que l’expérience a démontré que des produits agricoles communautaires ayant bénéficié de restitutions à l’exportation et des produits agricoles en provenance de pays tiers ont été vendus ou distribués à bord de bateaux ayant quitté un port communautaire et rentrant à nouveau dans un port communautaire sans avoir fait escale en dehors du territoire douanier de la Communauté, en vue d’être introduits dans la Communauté au titre des franchises prévues par les règlements no 1544/69 et no 1818/75.

22

II ressort de ces considérants que le Conseil estimait que l’admission sur le territoire douanier de la Communauté, en franchise des droits de douane et des prélèvements agricoles, des marchandises acquises par des voyageurs dans les conditions visées par ces considérants n’était pas conforme au but des règlements précités. Le but de l’octroi de restitutions à l’exportation étant de permettre aux produits agricoles d’origine communautaire de concurrencer les produits des pays tiers sur les marchés extérieurs, il serait incompatible avec le système communautaire de restitutions à l’exportation d’octroyer de telles restitutions pour des exportations qui ne seraient pas destinées au marché d’un pays tiers mais à la réimportation dans la Communauté en franchise des prélèvements normalement perçus à l’importation des produits agricoles. Une telle opération serait susceptible d’entraîner une perte nette pour les fonds d’orientation et de garantie agricoles, et de fausser la concurrence sur le marché intérieur.

23

Au cinquième considérant du règlement no 3023/77, le Conseil expose, toutefois, ce qui suit:

«considérant qu’il apparaît nécessaire de clarifier la situation juridique en la matière; que, à cet effet, il y a lieu d’autoriser les États membres à accorder, pour les produits énumérés à l’annexe II du traité qui sont vendus ou distribués à bord de bateaux dans les conditions indiquées ci-dessus, des franchises portant sur des quantités très limitées, en dehors desquelles ces produits ne pourront désormais être introduits dans la Communauté que moyennant paiement des droits à l’importation exigibles».

24

En conséquence, le règlement autorise les États membres à accorder une franchise des droits à l’importation pour certaines quantités des produits qui sont précisés à l’article 1, paragraphe 2, au règlement, dans les conditions décrites dans les considérants.

25

L’article 190 du traité dispose que «les règlements, les directives et les décisions du Conseil et de la Commission sont motivés et visent les propositions ou avis obligatoirement recueillis en exécution du présent traité». Cet article exige que de tels actes contiennent un exposé des raisons qui ont amené l’institution à les arrêter, de sorte que la Cour puisse exercer son contrôle et que tant les États membres que les ressortissants intéressés connaissent les conditions dans lesquelles les institutions communautaires ont fait application du traité.

26

La motivation du règlement no 3023/77 ne répond pas à cette obligation. Elle ne fournit en effet aucune explication quant à la raison pour laquelle le Conseil, après avoir constaté que le règlement no 1544/69 ne trouvait pas à s’appliquer dans les circonstances évoquées ci-dessus et ce contrairement à une pratique qui s’était instaurée, a cru nécessaire d’établir un système de franchise particulier applicable à ce type de situation. Une telle contradiction dans la motivation est d’autant plus sérieuse qu’elle concerne une disposition qui autorise les États membres à accorder des franchises, fussent-elles minimes, des droits à l’importation, lesquels constituent un élément essentiel de la politique agricole commune. Dans ces conditions, la motivation ne fournit aucun support juridique aux dispositions réglementaires contestées dont il n’apparaît pas dès lors nécessaire d’examiner le fond en vue d’établir si elles sont compatibles avec les règles du marché commun.

27

Il suffit, dès lors, de constater que le règlement no 3023/77 n’est pas motivé conformément aux exigences de l’article 190 du traité et qu’il est donc non valide.

II — Sur la taxe sur le chiffre d’affaires et les accises

Sur la sixième et la septième questions (interprétation de la directive 69/169 — franchises TVA et accises)

28

La directive 69/169, telle que complétée par la deuxième directive du Conseil du 12 juin 1972 (JO L 139, p. 28) et par la troisième directive du Conseil du 10 décembre 1978 (JO L 366, p. 28), concernant l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux franchises des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises applicables dans le trafic international de voyageurs, prévoit qu’une franchise de ces taxes perçues à l’importation est applicable, dans le cadre de voyages entre pays tiers et la Communauté, aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs et ne dépassant pas certaines limites de valeur.

29

La même directive prévoit également une franchise des mêmes taxes perçues à l’importation applicable aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs en provenance d’États membres de la Communauté, dans certaines limites de valeur, à la condition que ces marchandises répondent aux conditions prévues aux articles 9 et 10 du traité et qu’elles soient acquises aux conditions générales d’imposition du marché d’un des États membres.

30

Dans son article 4, la même directive dispose que, sans préjudice des dispositions nationales applicables en la matière aux voyageurs ayant leur résidence hors d’Europe, chaque État membre applique, en ce qui concerne l’importation en franchise des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises de certaines marchandises y énumérées (produits du tabac, boissons alcooliques, parfums et eaux de toilette, café et thé), les limites quantitatives y mentionnées. Les limites applicables au trafic entre pays tiers et la Communauté sont moins élevées que celles applicables au trafic entre États membres.

31

Cette directive accorde, par ailleurs, aux États membres la faculté de réduire la valeur ou la quantité des marchandises à admettre en franchise pour les travailleurs frontaliers et pour certaines autres personnes.

32

Elle contient en outre des dispositions réglant la détaxation par les États membres des marchandises à emporter dans les bagages personnels des voyageurs qui sortent d’un État membre.

33

Il ressort des considérants des deux directives qui ont complété la directive 69/169, que le Conseil les a adoptées en exécution de la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, du 22 mars 1971, concernant un élargissement progressif des franchises fiscales accordées aux particuliers lors du passage des frontières intracommunautaires. Dans un premier stade, le Conseil estimait souhaitable de prévoir certaines règles communes applicables aux résidents de la Communauté pour le cas général des détaxations au stade du commerce de détail.

34

En ce qui concerne le trafic entre pays tiers et la Communauté, il apparaît du texte même des directives que la franchise n’est accordée qu’aux voyageurs qui atteignent le territoire douanier de la Communauté en provenance d’un pays tiers, et que dans ce cas les conditions dans lesquelles les marchandises ont été acquises sont sans importance pour l’octroi de la franchise.

35

En ce qui concerne le trafic intracommunautaire, l’article 2, paragraphe 4, de la troisième directive ajoute à la directive 69/169 une disposition qui précise que, lorsque le voyage d’un pays membre à un autre s’effectue en transit par le territoire d’un pays tiers, ou au départ d’une partie du territoire de l’autre État membre dans lequel les taxes auxquelles la directive se réfère ne sont pas d’application aux marchandises qui y sont consommées, le voyageur doit pouvoir justifier que les marchandises transportées dans ses bagages ont été acquises aux conditions générales d’imposition du marché intérieur d’un des États membres et ne bénéficient d’aucun remboursement des taxes sur le chiffre d’affaires ou des accises. Si le voyageur ne peut pas fournir la preuve précitée, il ne peut bénéficier que de la franchise plus limitée prévue pour le trafic de voyageurs entre les pays tiers et la Communauté.

36

Il ressort, tant des considérants des directives en cause que de leurs dispositions, que le Conseil a entendu instaurer progressivement un système complet de franchises des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises pour les marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs, et que, par conséquent, il ne reste aux États membres, dans ce domaine, que la compétence limitée qui leur est reconnue par les directives pour accorder des franchises différentes de celles précisées dans les directives.

37

Il y a donc lieu de répondre à la sixième question que :

a)

en ce qui concerne le trafic entre pays tiers et la Communauté, la franchise prévue par la directive 69/169 n’est accordée qu’aux voyageurs qui atteignent le territoire douanier de la Communauté en provenance d’un pays tiers, et que dans ce cas les conditions dans lesquelles les marchandises ont été acquises sont sans importance pour l’octroi de la franchise;

b)

en ce qui concerne le trafic intracommunautaire, si le voyage d’un pays membre à un autre s’effectue en transit par le territoire d’un pays tiers ou au départ d’une partie du territoire de l’autre État membre dans lequel les taxes auxquelles la directive se réfère ne sont pas d’application aux marchandises qui y sont consommées, le voyageur doit pouvoir justifier que les marchandises transportées dans ses bagages ont été acquises aux conditions générales d’imposition du marché intérieur d’un des États membres et ne bénéficient d’aucun remboursement de taxes sur le chiffre d’affaires ou d’accises. Si le voyageur ne peut pas fournir la preuve précitée, il ne peut bénéficier que de la franchise plus limitée prévue pour le trafic de voyageurs entre les pays tiers et la Communauté.

38

Il y a lieu de répondre à la septième question que le Conseil, en adoptant les directives, a entendu instaurer progressivement un système complet de franchises des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises pour les marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs, et que, par conséquent, il ne reste aux États membres, dans ce domaine, que la compétence limitée qui leur est reconnue par les directives pour accorder des franchises différentes de celles précisées dans les directives.

Sur la troisième, la cinquième et la huitième questions (sur les droits d’action conférés aux justiciables par les règlements et directives en cause)

39

Ces trois questions portent sur la possibilité pour un justiciable dont les intérêts sont affectés, soit par des dispositions législatives nationales incompatibles avec le droit communautaire, soit par l’application d’un acte communautaire illégal, d’agir devant les juridictions nationales en vue de faire prononcer l’interdiction de mesures contraires au droit communautaire.

40

Dans son ordonnance, le Finanzgericht expose que, selon la jurisprudence tant du Bundesverfassungsgericht que du Bundesverwaltungsgericht, les lois d’orientation de l’économie qui sont promulguées dans l’intérêt de certaines catégories et qui modifient la situation économique violent le principe d’égalité lorsqu’elles ne sont pas imposées pour le bien commun et lorsqu’elles lèsent arbitrairement des intérêts dignes de protection d’autres catégories. Il est indiqué que, dans un tel cas, le droit allemand reconnaît à tout intéressé un droit d’action. Posées dans ce contexte, les questions soulevées par la juridiction nationale visent, en substance, à savoir si ce droit d’action peut être exercé dans des conditions analogues dans le cadre de l’ordre juridique communautaire en ce sens notamment que, lorsqu’un justiciable, en tant que sujet de droit communautaire, est économiquement lésé par la non-application à des tiers, soit du fait d’un État membre, soit du fait de l’autorité communautaire, d’une réglementation communautaire, il pourrait agir devant les juridictions d’un État membre en vue de faire enjoindre aux autorités nationales d’appliquer la réglementation concernée ou de s’abstenir de la violer.

41

Il convient de remarquer d’abord qu’en vertu de l’article 189 du traité le règlement «est obligatoire dans tous ses éléments et est directement applicable dans tout État membre». La directive «lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre», tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Selon la jurisprudence de la Cour, l’effet contraignant de la directive implique qu’une autorité nationale ne peut opposer à un particulier une disposition législative ou administrative nationale qui ne serait pas conforme à une disposition de la directive qui aurait toutes les caractéristiques nécessaires pour pouvoir être appliquée par le juge.

42

II résulte de ces considérations qu’un justiciable peut faire valoir devant les juridictions nationales ses droits découlant du règlement.

43

De la même façon, un justiciable ne peut se voir opposer par une autorité nationale des dispositions législatives ou administratives qui ne seraient pas conformes à une obligation inconditionnelle et suffisamment précise de la directive.

44

En ce qui concerne le droit d’un opérateur économique d’exiger en justice que les autorités d’un État membre imposent à des tiers le respect d’obligations résultant de la réglementation communautaire, dans une situation juridique déterminée, alors que cet opérateur n’y est pas impliqué, mais est économiquement lésé par cette inobservation du droit communautaire, il convient, en premier lieu, de remarquer que, si le traité a créé un certain nombre d’actions directes qui peuvent être exercées le cas échéant par des personnes privées devant la Cour de justice, il n’a pas entendu créer devant les juridictions nationales, en vue du maintien du droit communautaire, des voies de droit autres que celles établies par le droit national. Par contre, le système de protection juridique mis en œuvre par le traité, tel que l’exprime en particulier l’article 177, implique que tout type d’action prévu par le droit national doit pouvoir être utilisé pour assurer le respect des règles communautaires d’effet direct dans les mêmes conditions de recevabilité et de procédure que s’il s’agissait d’assurer le respect du droit national.

45

En ce qui concerne plus spécifiquement le règlement no 3023/77, il est à remarquer que, en soi, ce règlement n’accordait aucune franchise. Il donnait aux autorités nationales la faculté d’accorder une franchise limitée. La conséquence qui découle de son invalidité est, dès lors, que les mesures nationales prises sur le fondement du règlement ne sont pas conformes au droit communautaire.

46

Il y a donc lieu de répondre aux troisième, cinquième et huitième questions de la manière suivante:

«le système de protection juridique mis en œuvre par le traité, tel que l’exprime en particulier l’article 177, implique que tout type d’action prévu par le droit national doit pouvoir être utilisé devant les juridictions nationales pour assurer le respect des règles communautaires d’effet direct dans les mêmes conditions de recevabilité et de procédure que s’il s’agissait d’assurer le respect du droit national».

Sur les dépens

47

Les frais exposés par le gouvernement de la république fédérale d’Allemagne, par le gouvernement de la République française, par le gouvernement du Royaume-Uni, par le Conseil des Communautés européennes et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Finanzgericht Hamburg, par ordonnance du 5 juin 1980, dit pour droit:

1)

La franchise prévue par le règlement no 1544/69, tel que modifié en dernier lieu par le règlement no 3061/78, ne s’applique qu’aux marchandises contenues dans les bagages personnels de voyageurs en provenance d’un pays tiers. Cette franchise s’applique indépendamment de l’origine et de la provenance des marchandises, et des taxes douanières et fiscales dont elles ont été frappées avant leur importation sur le territoire communautaire. On ne saurait, toutefois, considérer comme voyageur en provenance d’un pays tiers au sens du règlement celui qui, au cours d’une croisière à partir d’un port dans un État membre, ne fait pas escale dans un pays tiers ou n’y fait qu’une escale symbolique sans y effectuer un séjour au cours duquel il aurait effectivement la possibilité de réaliser des achats.

2)

Le règlement no 1544/69 du Conseil, du 23 juillet 1969, contient une réglementation exhaustive concernant la franchise de marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs en provenance des pays tiers, qui ne laisse aux États membres aucune compétence pour accorder, dans le domaine couvert par le règlement, une franchise qui dépasserait celle prévue par le règlement.

3)

Le règlement no 3023/77 du Conseil, du 20 décembre 1977, relatif à certaines mesures destinées à mettre fin à des abus résultant de la vente des produits agricoles à bord des bateaux, n’est pas suffisamment motivé et est, dès lors, non valide.

4)

En ce qui concerne le trafic entre pays tiers et la Communauté, la franchise prévue par la directive 69/169 du Conseil, du 28 mai 1969, concernant l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux franchises des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises perçues à l’importation dans le trafic international de voyageurs, n’est accordée qu’aux voyageurs qui atteignent le territoire douanier de la Communauté en provenance d’un pays tiers, et dans ce cas les conditions dans lesquelles les marchandises ont été acquises sont sans importance pour l’octroi de la franchise.

5)

En ce qui concerne le trafic intracommunautaire, si le voyage d’un pays membre à un autre s’effectue en transit par le territoire d’un pays tiers ou au départ d’une partie du territoire de l’autre État membre dans lequel les taxes auxquelles la directive se réfère ne sont pas d’application aux marchandises qui y sont consommées, le voyageur doit pouvoir justifier que les marchandises transportées dans ses bagages ont été acquises aux conditions générales d’imposition du marché intérieur d’un des États membres et ne bénéficient d’aucun remboursement de taxes sur le chiffre d’affaires ou d’accises. Si le voyageur ne peut pas fournir la preuve précitée, il ne peut bénéficier que de la franchise plus limitée prévue pour le trafic de voyageurs entre les pays tiers et la Communauté.

6)

En adoptant la directive 69/169 et les deuxième et troisième directives, du 12 juin 1972 et du 10 décembre 1978, la complétant, le Conseil a entendu instaurer progressivement un système complet de franchises des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises pour les marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs; il ne reste par conséquent aux États membres, dans ce domaine, que la compétence limitée qui leur est reconnue par les directives pour accorder des franchises différentes de celles précisées dans les directives.

7)

Le système de protection juridique mis en œuvre par le traité, tel que l’exprime en particulier l’article 177, implique que tout type d’action prévu par le droit national doit pouvoir être utilisé devant les juridictions nationales pour assurer le respect des règles communautaires d’effet direct dans les mêmes conditions de recevabilité et de procédure que s’il s’agissait d’assurer le respect du droit national.»

Mertens de Wilmars

Pescatore

Mackenzie Stuart

Koopmans

O’Keeffe

Bosco

Touffait

Due

Chloros

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg le 7 juillet 1981.

Le greffier

A. Van Houtte

Le président

J. Mertens de Wilmars

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CJCE, n° C-158/80, Arrêt de la Cour, Rewe-Handelsgesellschaft Nord mbH et Rewe-Markt Steffen contre Hauptzollamt Kiel, 7 juillet 1981