CJCE, n° C-266/82, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Mariette Krecké, épouse Turner, contre Commission des Communautés européennes, 24 novembre 1983

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 24 nov. 1983, Turner / Commission, C-266/82
Numéro(s) : C-266/82
Conclusions de l'avocat général Rozès présentées le 24 novembre 1983. # Mariette Krecké, épouse Turner, contre Commission des Communautés européennes. # Fonctionnaires - Changement d'affectation. # Affaire 266/82.
Date de dépôt : 27 septembre 1982
Solution : Recours de fonctionnaires : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61982CC0266
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1983:344
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Sur les parties

Texte intégral

CONCLUSIONS DE MME L’AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS,

PRÉSENTÉES LE 24 NOVEMBRE 1983

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Vous êtes saisis d’un recours en date du 27 septembre 1982 introduit par Mariette Krecké, épouse Turner, tendant à l’annulation d’une décision de la Commission des Communautés européennes du 20 octobre 1981 et à l’allocation d’une somme de 250000 BFR en réparation du préjudice moral subi.

Par cette action, la requérante met en cause l’exécution de l’arrêt rendu par la deuxième chambre le 9 juillet 1981 dans les affaires 59 et 129/80 ( 1 ) qui l’opposaient à la Commission.

Le dispositif de cet arrêt annulait une décision du 4 mai 1979, portant nouvelle affectation d’emploi de Mariette Turner à la suite d’une réorganisation des services; il annulait également une décision du 20 mai 1980 la mutant d’office à un emploi dans la direction générale XII (recherche, science et éducation).

Le point 71 de cet arrêt ( 2 ) précisait que :

«conformément à l’article 176, premier alinéa, du traité CEE, il incombe à l’administration de reconsidérer la situation de la requérante, à la lumière des principes qui sont à la base du présent arrêt, et de prendre des dispositions nouvelles sur son affectation future».

Par l’effet de cet arrêt, la requérante se retrouvait donc dans sa position antérieure d’administrateur principal de grade A 4 à la division «service médical pour le personnel Bruxelles» de la direction générale IX («personnel et administration»). Toutefois, par décision du 20 octobre 1981, la Commission l’a affectée avec son emploi à la division IX-A-6 «assurance maladie, prêts à la construction» de cette direction générale, où elle devait assumer les fonctions de médecin-conseil.

Manette Turner allègue que cette affectation n’est pas conforme aux «principes» qui sont à la base de l’arrêt du 9 juillet 1981; qu’en effet elle ne correspondrait ni à sa formation, ni à son expérience professionnelle et qu’au surplus sa présence à la division «assurance maladie» n’était nullement nécessaire. Elle soutient par contre que sa réintégration définitive au «service médical pour le personnel Bruxelles» aurait été non seulement conforme aux «principes» qui sont à la base de l’arrêt du 9 juillet 1981, mais encore tout à fait justifiée puisqu’entre-temps un médecin fonctionnaire à plein temps et un médecin vacataire ont été engagés pour ce service. En vérité, sa nouvelle affectation lui retirerait l’exercice de l'«art médical» qu’elle a pratiqué pendant plus de vingt-cinq ans. Elle en déduit que la décision du 20 octobre 1981 serait insuffisamment ou inexactement motivée, entachée de détournement de pouvoir et constitutive d’une voie de fait ouvrant droit à réparation adéquate.

I —

Il convient d’examiner en premier lieu si la Commission était tenue de réintégrer rétroactivement la requérante dans son ancienne affectation, et ce de façon définitive.

L’arrêt du 9 juillet 1981 a eu pour effet de replacer Mariette Turner dans sa situation d’origine, mais là se limitent, à notre avis, ses conséquences. Cet arrêt n’a pas entendu — et d’ailleurs n’aurait pu — préjuger de son affectation future.

La Commission dispose du droit d’organiser ses services. L’arrêt du 9 juillet 1981 n’a pas eu pour effet de censurer la réorganisation de la direction générale du personnel et de l’administration à laquelle il avait été procédé, ni de remettre en cause le rattachement de la division «assurance maladie, prêts à la construction» à la direction B, «administration générale» de cette direction générale, alors qu’auparavant elle faisait partie de la direction B, «management et organisation». Depuis le mois d’octobre 1980, le service médical de Bruxelles se trouve ainsi rattaché au directeur général.

L’arrêt du 9 juillet 1981 ne s’opposait pas à une nouvelle affectation ultérieure de la requérante dès lors que cette affectation serait justifiée par les besoins du service et par les qualifications de l’intéressée, conditions qu’il nous appartient de vérifier.

1.

La Commission expose que, dès avant l’arrêt du 9 juillet 1981, la charge de travail du bureau central liquidateur du régime commun d’assurance maladie ne cessait d’augmenter. Ce bureau est notamment chargé de traiter les demandes de remboursement à 100 % pour maladies graves et les demandes d’autorisation préalable de cure présentées par les fonctionnaires. Avant l’affectation de la requérante, le 20 octobre 1981, un seul médecin s’acquittait de cette tâche dépassant largement le mitemps pour lequel il avait été en principe recruté. La situation ne put être améliorée qu’en 1981, après l’octroi d’un poste budgétaire supplémentaire. En attendant la création de ce poste, la Commission a recouru au procédé de la réaffectation d’un fonctionnaire avec son emploi, sans publication d’avis de vacance.

Votre jurisprudence a admis cette pratique et, dans l’affaire Kindermann, vous avez clairement indiqué que:

«la décision prise à l’égard du requérant, en raison du fait que le titulaire est transféré avec son emploi, ne donne pas lieu à ouverture d’une vacance et ne constitue donc pas une mutation au sens du statut» ( 3 ).

Depuis le 1er avril 1983, le praticien a été remplacé par un autre médecin, travaillant lui aussi à mi-temps. Ainsi, à ce jour, le travail est réparti entre, d’une part, la requérante occupée à plein temps (pour deux tiers environ) et, d’autre part, ce nouveau médecin (pour un tiers environ). Cette proportion permet de conclure que l’affectation de Mariette Turner au bureau liquidateur était justifiée.

D’ailleurs, dans un arrêt du 14 juillet 1983 ( 4 ), la troisième chambre a jugé que:

«les problèmes éventuels que le départ du fonctionnaire peut causer à son service antérieur, le profit que son service nouveau peut tirer de la réaffectation… sont des problèmes qui relèvent» du large pouvoir d’appréciation que la Cour a jusqu’ici reconnu aux institutions de la Communauté «dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition».

2.

La réglementation arrêtée d’un commun accord entre toutes les institutions prévoit que chaque bureau liquidateur est assisté d’un médecin-conseil. Les demandes d’autorisation préalable de prise en charge soumises à ce bureau ne peuvent être tranchées qu’après consultation d’un médecin-conseil et leur examen constitue une part appréciable du travail de ce médecin.

Il est n’est pas contesté que ce poste de médecin-conseil n’est pas «accessible à des personnes dépourvues d’une véritable formation médicale ou, à tout le moins, n’ayant qu’une formation incomplète dans le domaine de la médecine ( 5 ). Mariette Turner, médecin, se trouve donc tout à fait qualifiée pour occuper un tel poste à plein temps auprès du bureau liquidateur de Bruxelles, le plus important de toutes les institutions.

Par conséquent, on ne saurait considérer que les attributions confiées à la requérante à partir du 20 octobre 1981 étaient «inconsistantes» au sens de l’arrêt du 9 juillet 1981 ( 6 ).

Signalons que l’arrêt Nebe du 14 juillet 1983 ( 7 ) fait remarquer qu':

«un fonctionnaire ne saurait opposer son intérêt personnel aux mesures prises par l’autorité en vue de l’organisation ou de la rationalisation des services et reconnues conformes à l’intérêt du service…».

La décision entreprise ne nous paraît donc entachée d’aucune erreur de fait ni de droit.

Quant au prétendu détournement de pouvoir, il suffit de faire remarquer que, si la décision de réaffectation est reconnue conforme à l’intérêt du service, elle ne saurait être entachée de ce vice.

Il résulte de ces constatations que la demande de réparation du dommage n’est pas fondée.

II —

Mais la requérante se plaint également de ce qu’entre le 9 juillet 1981, date du prononcé de l’arrêt, et le 20 octobre 1981 elle a été laissée sans instructions et sans travail à la direction générale XII.

Le principe posé par l’article 34 CECA, deuxième alinéa, selon lequel la Haute Autorité dispose d’un délai raisonnable pour prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation, nous paraît pouvoir être transposé à l’article 176 CEE, premier alinéa, ainsi qu’à l’article 171 CEE. En l’espèce, compte tenu de la période de vacances et des congés pris par la requérante, le délai d’un peu plus de trois mois qui s’est écoulé entre le prononcé de l’arrêt et sa nouvelle affectation ne paraît pas excessif.

Sa réintégration provisoire n’a entraîné pour elle ni perte de grade, ni diminution de traitement. L’impossibilité d’exercer l'«art médical» pendant cette période résulte de la situation nouvelle créée par l’arrêt ainsi que des mesures prises entre-temps dans le service d’origine de l’intéressée.

Ajoutons qu’il n’avait pas été fait droit à la demande de sursis présentée à l’occasion des recours 59 et 129/80 et que Mariette Turner s’était elle-même opposée à son affectation le 8 juin 1979 au service spécialisé «service médical Bruxelles pour le personnel à Bruxelles».

Nous concluons au rejet du recours et à ce que chacune des parties supporte ses propres dépens.


( 1 ) Recueil 1981, p. 1883 et suivantes.

( 2 ) Recueil 1981, p. 1921.

( 3 ) Arrêt du 21. 5. 1981, affaire 60/80, Kindermann, n° 13, Recueil p. 1341.

( 4 ) Affaire 176/82, Nebe, point 18, Recueil 1983, p. 2486.

( 5 ) Point 65 de l’arrêt du 9. 7. 1981, Recueil p. 1919.

( 6 ) Point 61 de l’arrêt du 9. 7. 1981, Recueil p. 1918.

( 7 ) Affaire 176/82, Nebe, point 19, Recueil 1983, p. 2486.

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