CJCE, n° C-20/87, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Ministère public contre André Gauchard, 27 octobre 1987

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 27 oct. 1987, Gauchard, C-20/87
Numéro(s) : C-20/87
Conclusions de l'avocat général Cruz Vilaça présentées le 27 octobre 1987. # Ministère public contre André Gauchard. # Demande de décision préjudicielle: Tribunal de police de Falaise - France. # Liberté d'établissement - Autorisation préalable pour l'exploitation d'une surface de vente. # Affaire 20/87.
Date de dépôt : 26 janvier 1987
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61987CC0020
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1987:463
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61987C0020

Conclusions de l’avocat général Vilaça présentées le 27 octobre 1987. – Ministère public contre André Gauchard. – Demande de décision préjudicielle: Tribunal de police de Falaise – France. – Liberté d’établissement – Autorisation préalable pour l’exploitation d’une surface de vente. – Affaire 20/87.


Recueil de jurisprudence 1987 page 04879


Conclusions de l’avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . I – Pour avoir étendu sans autorisation la surface de 1*660 m2 qu’ il était autorisé à exploiter depuis 1976, M . André Gauchard, gérant d’ un supermarché, a fait l’ objet de poursuites des autorités françaises pour violation des lois sur l’ urbanisme commercial .

2 . Il a soutenu devant le tribunal de police de Falaise que la législation française en la matière était contraire au droit communautaire, ce qui a conduit le juge compétent à déférer, en vertu de l’ article 177 du traité, la question suivante à la Cour de justice :

« La législation française relative à l’ urbanisme commercial, et tout spécialement les articles 28 à 36 de la loi du 27 décembre 1973, est-elle compatible avec les dispositions du traité de Rome et les directives de la Communauté économique européenne?"

3 . Comme elle l’ a souligné à plusieurs reprises ( 1 ), statuant dans le cadre de l’ article 177, la Cour « n’ a pas compétence pour appliquer la règle communautaire à une espèce déterminée et, partant, pour qualifier une disposition du droit national au regard de cette règle . Elle peut, cependant, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée par cet article, à partir des éléments du dossier, fournir à une juridiction nationale les éléments d’ interprétation du droit communautaire qui pourraient lui être utiles dans l’ appréciation des effets de cette disposition ».

4 . Or, la question déférée en l’ espèce par le juge national ne permet pas de déterminer quels sont les préceptes du droit communautaire considérés comme applicables et que la Cour est invitée à interpréter .

5 . Toutefois, la Cour a déjà admis qu’ il lui incombe, « en présence de questions éventuellement formulées de manière impropre ou dépassant le cadre des fonctions qui lui sont dévolues par l’ article 177, d’ extraire de l’ ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de l’ acte portant renvoi, les éléments de droit communautaire qui appellent une interprétation, compte tenu de l’ objet du litige » ( 2 ).

6 . Dans cet esprit, nous nous efforcerons donc d’ identifier les dispositions du droit communautaire dont l’ interprétation peut être utile pour la solution de la procédure principale .

7 . Il ressort du jugement de renvoi que, pour le juge a quo, "l’ exigence d’ une autorisation préalable à l’ exploitation par les commerçants français d’ une surface de vente supérieure à 1*000 m2 dans les communes dont la population est inférieure à 40*000 habitants, à 1*500 m2 dans les autres, constitue incontestablement une restriction à la liberté d’ établissement"; c’ est dans ce contexte que, pour justifier la question qu’ il pose, le juge national soulève le problème « de savoir si le traité de Rome édictant le principe de la liberté de commerce et de la concurrence s’ oppose à ce que la liberté d’ établissement subisse de quelconques limitations ».

8 . Il résulte donc de la procédure que, par sa question préjudicielle, le tribunal de police de Falaise cherche à savoir si le principe de libre circulation des marchandises, le droit d’ établissement et les règles de concurrence, tels qu’ ils sont énoncés respectivement aux articles 30, 52, 85 et 86 du traité, s’ opposent à ce qu’ une législation sur l’ urbanisme commercial, telle que la loi française du 27 décembre 1973 ( loi Royer ) et, en particulier, ses articles 28 à 36, soumette à autorisation préalable l’ exploitation, par un quelconque commerçant détaillant, d’ une surface commerciale dépassant une limite déterminée .

9 . II – Nous examinerons d’ abord la situation au regard du droit d’ établissement, parce que c’ est celui qui est invoqué le plus directement dans le jugement de renvoi .

10 . La première réponse qui vient à l’ esprit est que les dispositions du traité sur la liberté d’ établissement ne s’ appliquent pas à des situations purement internes, « qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’ une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire » ( comme la Cour l’ a affirmé, dans le domaine de la libre circulation des travailleurs, dans l’ arrêt Iorio, du 23 janvier 1986, dans l’ affaire 298/84, Rec . p.*247, attendu 14 ).

11 . En effet, dans le cas d’ espèce, la société concernée est française, elle est établie en France et le gérant concerné est français .

12 . Avançons, cependant, un peu plus, pour rendre la réponse plus claire et dissiper tous les doutes quant à l’ interprétation du droit communautaire invoqué .

13 . A cet égard, nous rappellerons que, comme la Cour l’ a souligné ( 3 ), « l’ article 52 ( du traité ) vise à assurer le bénéfice du traitement national à tout ressortissant d’ un État membre qui s’ établit, ne serait-ce qu’ à titre secondaire, dans un autre État membre pour y exercer une activité non salariée et interdit toute discrimination fondée sur la nationalité en tant que restriction à la liberté d’ établissement ». Dans ces conditions, « la liberté d’ établissement comporte l’ accès aux activités non salariées et leur exercice dans les conditions définies par la législation du pays d’ établissement pour ses propres ressortissants ». La Cour a déduit ( dans le secteur d’ activité analysé dans cet arrêt, mais en termes susceptibles d’ être généralisés ) de la disposition de l’ article 52, alinéa 2, et de son contexte que, « sous réserve de respecter cette égalité de traitement, chaque État membre a, en l’ absence de règles communautaires en la matière, la liberté de régler sur son territoire » les activités comprises dans l’ exercice du droit d’ établissement .

14 . La présente affaire ne paraît donc pas mettre en cause, dans le cadre de la législation invoquée dans la procédure principale, un quelconque élément de discrimination à l’ encontre des ressortissants d’ autres États membres, étant donné que la législation en cause – qu’ elle soit bonne ou mauvaise – est applicable sans distinction aux ressortissants français et à ceux des autres États membres et n’ entraîne aucune contrainte particulièrement lourde pour ces derniers . Les critères sur lesquels elle se fonde sont objectifs; ils sont mentionnés à l’ article 28 de la loi : l’ état des structures du commerce et de l’ artisanat, l’ évolution de l’ appareil commercial dans le département et les zones limitrophes, les orientations à moyen et à long terme des activités urbaines et rurales et l’ équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce .

15 . De même, aucune circonstance n’ a été invoquée qui permette de conclure que l’ application pratique de la législation en question a des effets discriminatoires pour les ressortissants d’ autres États membres qui souhaitent s’ établir en France .

16 . S’ il est vrai qu’ on ne peut pas exclure qu’ une application inexacte des critères légaux puisse éventuellement produire de tels effets, toutefois, cela n’ est pas actuellement en cause et ne paraît pas l’ avoir été dans le passé, et il ne semble pas qu’ on puisse légitimement prévoir que ce soit le cas à l’ avenir .

17 . Il en résulte qu’ un ressortissant d’ un autre État membre ne saurait se prévaloir de l’ article 52 pour s’ opposer à l’ application de la législation française litigieuse, pourvu qu’ elle soit appliquée sans aucune intention de discrimination à l’ égard des opérateurs étrangers .

18 . L’ article précité n’ est à plus forte raison pas susceptible de permettre à un ressortissant français, établi en France, de déroger à l’ exécution de la législation interne, qui règle l’ exercice de l’ activité commerciale et fixe les conditions d’ implantation et d’ extension des établissements commerciaux .

19 . D’ autre part, dans ce domaine, aucune importance ne saurait être attribuée aux dispositions de droit communautaire telles que celles des directives 68/363/CEE et 68/364/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, respectivement concernant la réalisation de la liberté d’ établissement et de la libre prestation des services pour les activités non salariées relevant du commerce de détail et relatives aux modalités des mesures transitoires dans le domaine des activités non salariées relevant du commerce de détail .

20 . Les deux directives précitées ont été arrêtées dans le but de promouvoir la réalisation de la liberté d’ établissement et de la libre prestation des services pendant la période de transition et en exécution des « programmes généraux » concernés; or, non seulement l’ effet direct, qui doit être reconnu à l’ article 52 du traité ( 4 ), n’ est ni affecté ni limité à l’ issue de la période de transition par l’ existence desdites directives, mais, en outre, celles-ci ne contiennent aucune règle applicable à la situation soumise à notre analyse .

21 . III – Voyons maintenant le problème sous l’ angle du respect du principe de libre circulation des marchandises ( article 30 du traité ). Du reste, c’ est sur cet aspect que l’ avocat du défendeur dans la procédure principale a centré avec le plus d’ insistance ses allégations au cours de l’ audience .

22 . Une législation telle que celle mentionnée dans le jugement de renvoi du juge national n’ est susceptible d’ affecter la réalisation des objectifs de l’ article 30 que si, constituant une mesure d’ effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’ importation, elle est de nature à affecter le commerce entre les États membres .

23 . Depuis l’ arrêt Dassonville du 11 juillet 1974 ( 5 ), la Cour considère comme mesure de cette nature « toute réglementation commerciale des États membres susceptible d’ entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire ».

24 . Dans la même ligne, la directive 70/50 de la Commission, du 22 décembre 1969 ( 6 ), considérait comme telles « les mesures, autres que celles applicables indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés, qui font obstacle à des importations qui pourraient avoir lieu en leur absence, y compris celles qui rendent les importations plus difficiles ou onéreuses que l’ écoulement de la production nationale »; elle considérait également comme telles « les mesures nationales régissant la commercialisation des produits, qui sont applicables indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés, et dont les effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises dépassent le cadre des effets propres d’ une réglementation de commerce ».

25 . C’ est la raison pour laquelle la Cour a dit pour droit dans l’ arrêt Blesgen du 31 mars 1982 ( 7 ), que

« la notion de mesures d’ effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’ importation, figurant à l’ article 30 du traité CEE, est à comprendre en ce sens que ne relève pas de l’ interdiction prévue par cette disposition une mesure nationale indistinctement applicable aux produits nationaux et importés interdisant la consommation, la vente ou l’ offre, même à titre gratuit, de boissons spiritueuses d’ une certaine force alcoolique, à consommer sur place, dans tous les endroits accessibles au public … ».

26 . La Cour a affirmé ( attendu 9 ) qu’ "une telle mesure législative n’ a *… pas de lien avec l’ importation des produits, et, pour cette raison, elle n’ est pas de nature à entraver le commerce entre États membres ".

27 . De même, il faut observer qu’ on ne comprend pas qu’ une législation qui soumet à autorisation l’ implantation ou l’ extension d’ unités commerciales dont la superficie excède une limite déterminée, telle que la législation française en cause, soit susceptible d’ entraver, directement ou indirectement, et de manière discriminatoire, la libre circulation intracommunautaire des marchandises .

28 . En effet, pareille législation n’ a aucune incidence sur les flux d’ importation des marchandises, mais seulement sur l’ organisation de la distribution à l’ intérieur du pays en fonction d’ objectifs de politique économique définis par les pouvoirs publics, en particulier ceux consistant à favoriser les entités commerciales de taille restreinte et à adapter les structures de la distribution en fonction de considérations d’ urbanisme et d’ aménagement du territoire .

29 . Il n’ est pas question de porter ici un jugement sur les mérites ou les insuffisances de cette législation sur le plan politique et économique .

30 . Il est, par contre, particulièrement important de tenir compte du fait qu’ un système d’ autorisations de ce type affecte ou conditionne indistinctement la distribution sur le marché intérieur des marchandises importées et de celles produites dans le pays .

31 . Ce sont les opérateurs économiques – nationaux ou étrangers – qui doivent s’ adapter à ce cadre légal, notamment par le stockage ou la distribution par différents points de vente autorisés des marchandises – qu’ il s’ agisse de marchandises fabriquées dans le pays ou originaires d’ autres États membres de la Communauté .

32 . IV – Enfin, nous analyserons maintenant le problème sous l’ angle de l’ application des règles de concurrence des articles 85 et 86 du traité .

33 . Comme on le sait et comme la Cour l’ a observé ( 8 ), il s’ agit de règles qui concernent les entreprises et non les mesures législatives ou réglementaires des États membres . Comme la Cour l’ a également souligné ( 9 ), « ceux-ci sont néanmoins tenus, en vertu de l’ article 5, alinéa 2, du traité, de ne pas porter préjudice par leur législation nationale à l’ application pleine et uniforme du droit communautaire et à l’ effet des actes d’ exécution de celui-ci, et de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d’ éliminer l’ effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises ».

34 . Il convient donc d’ examiner si, compte tenu des éléments disponibles, la législation française en cause est ou non susceptible de produire de tels effets relativement à l’ application des règles de concurrence du traité, plus précisément, de susciter ou, tout simplement, de créer les conditions d’ adoption par les entreprises de pratiques susceptibles d’ enfreindre ces règles .

35 . A cet effet, il convient de préciser tout d’ abord le champ d’ application desdites règles .

36 . Ainsi qu’ il ressort de l’ article 85, paragraphe 1, et conformément à l’ objectif énoncé à l’ article 3, sous f ), du traité, « sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’ associations d’ entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’ affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’ empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’ intérieur du marché commun ». Nous soulignerons les deux conditions essentielles dans lesquelles un comportement déterminé tombe sous le coup de l’ article 85 :

— être susceptible d’ affecter le commerce entre États membres;

— affecter le jeu de la concurrence à l’ intérieur du marché commun .

37 . Nous ajouterons que, parmi les pratiques citées à titre d’ exemple à l’ article 85, paragraphe 1, figurent, à la lettre b ), « limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements » et, à la lettre c ), « répartir les marchés ou les sources d’ approvisionnement ».

38 . D’ autre part, aux termes de l’ article 86 du traité, « est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’ en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’ exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci » ( les passages soulignés le sont par nous ). Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :

« …

b ) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs ".

39 . La réponse que nous avons donnée à la question antérieure laisse déjà pressentir celle qui sera donnée à la question actuellement posée : la législation française n’ étant pas de nature à affecter le commerce entre les États membres, il sera déjà très difficile de considérer qu’ une des conditions d’ application des règles de concurrence du traité est remplie .

40 . Nous ajouterons encore qu’ aucun élément du dossier ne nous permet de conclure que la législation en cause est de nature à favoriser des comportements des entreprises susceptibles de produire cet effet et d’ affecter le jeu de la concurrence à l’ intérieur du marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci .

41 . Même la circonstance – relevée par le défendeur dans la procédure principale et analysée à l’ audience par la Commission – que la composition des commissions départementales d’ urbanisme commercial peut éventuellement conférer un pouvoir disproportionné à un certain type d’ entreprises par rapport à d’ autres n’ est pas susceptible de produire nécessairement, ou même probablement, par lui-même, et à supposer que ladite circonstance soit pertinente, de tels effets, voire de favoriser l’ apparition de situations dans lesquelles ces effets surviennent .

42 . Étant donné le cadre départemental dans lequel ces commissions agissent et l’ activité ( commerce de détail ) à laquelle elles se consacrent, il devient évident que les effets de leur intervention ( et, en général, de la législation en cause ) apparaissent seulement dans le cadre des circuits de distribution à l’ intérieur du pays et, en particulier, au niveau des marchés régionaux et locaux .

43 . Ces commissions départementales – qui sont présidées par le préfet, n’ ayant pas droit de vote – ont une composition tripartite : neuf élus locaux, dont le maire de la commune d’ implantation, neuf représentants des activités commerciales et artisanales ( qui, selon le gouvernement français, représentent différentes catégories de commerce ) et deux représentants des associations de consommateurs, les maires des communes limitrophes participant également aux travaux avec voix consultative ( article 30 de la loi Royer ).

44 . Il s’ agit de toute évidence d’ obtenir une représentation équilibrée des intéressés, que la composition susmentionnée paraît assurer .

45 . Les commissions doivent statuer en se conformant aux principes fixés par les articles 1, 3 et 4 de la loi et en tenant compte des critères fixés à l’ article 28 et dont nous avons déjà parlé; en outre, elles statuent sur la base de rapports d’ instruction des dossiers, élaborés par la direction départementale du commerce intérieur et des prix, par la chambre de commerce et d’ industrie et par la chambre des métiers ( article 31 ).

46 . Dans ces conditions, rien ne permet de supposer qu’ une quelconque catégorie professionnelle ( notamment les « concurrents » du candidat à l’ implantation ) réussisse à acquérir une position majoritaire ou déterminante dans la décision à prendre .

47 . Les décisions des commissions, qui doivent être prises dans un délai de deux mois, à l’ expiration duquel l’ autorisation est réputée tacite, doivent être fondées et sont susceptibles de recours devant le ministre compétent, qui statue après consultation de la commission nationale d’ urbanisme commercial, celle-ci ayant également une composition tripartite ( articles 32 et 33 ). La décision du ministre est, quant à elle, susceptible de recours contentieux; à notre avis, il n’ a pas été démontré que, étant donné l’ état actuel de la législation française, ces voies de recours soient inopérantes, et, en tout état de cause, il ne semble pas que, dans le contexte de cette affaire et compte tenu des éléments qui ont été révélés jusqu’ à présent, la question soit pertinente du point de vue du droit communautaire .

48 . Il faut souligner en outre que, dans le cadre de la loi Royer, l’ implantation d’ unités commerciales dont la surface de vente n’ excède pas 1*000 ou 1*500 m2, selon le cas, est libre, seules les autres étant soumises à autorisation .

49 . Comme le gouvernement français l’ a souligné dans ses observations, il ressort de l’ article 1er, paragraphe 1, de la loi, que l’ objectif de cette dernière est d’ établir « le cadre d’ une concurrence claire et loyale », en évitant qu’ « un accroissement désordonné des formes nouvelles de distribution provoque la disparition des petites entreprises et la mauvaise utilisation des équipements commerciaux » ( article 1er, paragraphe*3 ).

50 . On peut donc conclure qu’ il s’ agit d’ une législation interne, destinée à réglementer la concurrence dans le secteur commercial et artisanal, qui a pour objectif déclaré et effet plausible de limiter ou de freiner l’ augmentation des unités commerciales et non de renforcer leur pouvoir sur le marché .

51 . Or, comme la Cour l’ a affirmé dans l’ arrêt Giry et Guerlain ( 10 ), « le droit communautaire et le droit national en matière de concurrence considèrent les pratiques restrictives sous des aspects différents . Alors que les articles 85 et 86 les envisagent en raison des entraves qui peuvent en résulter pour le commerce entre les États membres, les législations internes, inspirées par des considérations propres à chacune d’ elles, considèrent les pratiques restrictives dans ce seul cadre ».

52 . La conclusion qu’ on peut en tirer pour le cas d’ espèce est renforcée par la considération des principes définis par la Cour dans l’ arrêt Hugin ( 11 ), selon lequel « l’ interprétation et l’ application de la condition relative aux effets sur le commerce entre États membres, figurant aux articles 85 et 86 du traité, doivent prendre comme point de départ le but de cette condition, qui est de déterminer, en matière de réglementation de la concurrence, le domaine du droit communautaire par rapport à celui des États membres . C’ est ainsi que relèvent du domaine du droit communautaire toute entente et toute pratique susceptible de mettre en cause la liberté du commerce entre États membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d’ un marché unique entre les États membres, notamment en cloisonnant les marchés nationaux ou en modifiant la structure de la concurrence dans le marché commun . En revanche, les comportements dont les effets se localisent à l’ intérieur du territoire d’ un seul État membre relèvent du domaine de l’ ordre juridique national ».

53 . A notre avis, c’ est dans cette catégorie, et non la précédente, qu’ entrent de toute évidence les situations visées par la loi Royer .

54 . V – En raison de ce qui précède, nous proposons à la Cour de répondre dans les termes suivants à la question posée par le juge du tribunal de police de Falaise :

55 . « Le principe de la libre circulation des marchandises, le droit d’ établissement et les règles de concurrence, en particulier tels qu’ ils trouvent leur expression respectivement dans les articles 30, 52, 85 et 86 du traité, ne s’ opposent pas à ce qu’ une législation sur l’ urbanisme commercial, telle que la loi française du 27 décembre 1973, en particulier ses articles 28 à 36, soumette à autorisation préalable l’ exploitation, par tout commerçant détaillant, de surfaces commerciales supérieures à certaines limites maximales déterminées, dès lors qu’ elle s’ applique indistinctement aux ressortissants de l’ État membre en question et à ceux des autres États membres, et que son contenu et ses objectifs ne permettent pas de conclure qu’ elle a été arrêtée à des fins de discrimination ou qu’ elle produit de tels effets . »

(*) Traduit du portugais .

( 1 ) Voir, par exemple, l’ arrêt du 11 juillet 1985 dans l’ affaire 137/84, Mutsch, Rec . p.*2681, 2693, attendu*6 .

( 2 ) Voir, entre autres, l’ arrêt du 29 novembre 1978 dans l’ affaire 83/78, Pigs Marketing Board, Rec . p.*2347, 2368 .

( 3 ) Voir arrêt du 12 février 1987 dans l’ affaire 221/85, Commission/Royaume de Belgique, Rec . p.*675, attendus 9 et*10 .

( 4 ) A la suite, en ce qui concerne le droit d’ établissement, de l’ arrêt du 21 juin 1976 dans l’ affaire 2/74, Reyners, Rec . p.*631 .

( 5 ) Arrêt du 11 juillet 1974 dans l’ affaire 8/74, Procureur du roi/Dassonville, Rec . p.*837 .

( 6 ) JO L 13 du 17.1.1970, p.*29 .

( 7 ) Affaire 75/81, Blesgen/État belge, Rec . 1982, p.*211 .

( 8 ) Voir, notamment, arrêts du 10 janvier 1985 dans l’ affaire 229/83, Leclerc, Rec . p.*1, 31, et du 30 avril 1986 dans les affaires jointes 209 à 213/84, Tarifs aériens, Rec . p.*1425 .

( 9 ) Arrêt Leclerc, attendu 14; également arrêt Tarifs aériens, attendus 71 et 72 .

( 10 ) Arrêt du 10 juillet 1980 dans les affaires jointes 253/78 et 1 à 3/79, Procureur de la République/Giry et Guerlain, Rec . p.*2327, 2374, attendu*15 .

( 11 ) Arrêt du 31 mai 1979 dans l’ affaire 22/78, Hugin/Commission, Rec . p.*1869, 1899, attendu 17 .

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