CJCE, n° C-242/87, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes, 30 mai 1989

  • Répartition des compétences et conditions de leur exercice·
  • Absence d' uniformité 4 . actes des institutions·
  • Cee/ce - politique sociale * politique sociale·
  • Politique commune de formation professionnelle·
  • Actes normatifs et actes budgétaires·
  • Article 128 du traité 3 . traité cee·
  • Articles 128 et 235 du traité·
  • Limites 6 . politique sociale·
  • Portée 2 . politique sociale·
  • Formation professionnelle

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 30 mai 1989, Commission / Conseil, C-242/87
Numéro(s) : C-242/87
Arrêt de la Cour du 30 mai 1989. # Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes. # Programme d'action communautaire en matière de mobilité des étudiants (Erasmus) - Recours en annulation - Base juridique - Formation professionnelle. # Affaire 242/87.
Date de dépôt : 7 août 1987
Précédents jurisprudentiels : 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86
Cour du 30 mai 1989. - Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés
Solution : Recours en annulation : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61987CJ0242
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1989:217
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61987J0242

Arrêt de la Cour du 30 mai 1989. – Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes. – Programme d’action communautaire en matière de mobilité des étudiants (Erasmus) – Recours en annulation – Base juridique – Formation professionnelle. – Affaire 242/87.


Recueil de jurisprudence 1989 page 01425
édition spéciale suédoise page 00041
édition spéciale finnoise page 00053


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

1 . Traité CEE – Article 235 – Portée

2 . Politique sociale – Politique commune de formation professionnelle – Adoption par le Conseil d’ actes juridiques prévoyant des actions communautaires et imposant des obligations de coopération aux États membres – Base juridique – Article 128 du traité

( Traité CEE, art . 128 )

3 . Traité CEE – Répartition des compétences et conditions de leur exercice – Absence d’ uniformité

4 . Actes des institutions – Procédure d’ élaboration – Actes normatifs et actes budgétaires – Soumission à des exigences procédurales différentes

5 . Politique sociale – Politique commune de formation professionnelle – Formation professionnelle – Notion – Études universitaires – Inclusion – Limites

( Traité CEE, art . 128 )

6 . Politique sociale – Politique commune de formation professionnelle – Adoption par le Conseil du programme d’ action communautaire en matière de mobilité des étudiants ( Erasmus ) – Programme s’ étendant au domaine de la recherche scientifique – Base juridique – Articles 128 et 235 du traité

( Traité CEE, art . 128 et 235; décision du Conseil 87/327 )

Sommaire


1 . Il résulte des termes mêmes de l’ article 235 que le recours à cet article comme base juridique d’ un acte n’ est justifié que si aucune autre disposition du traité ne confère aux institutions communautaires la compétence nécessaire pour arrêter cet acte .

2 . L’ édiction d’ actes juridiques prévoyant des actions communautaires en matière de formation professionnelle et imposant aux États membres des obligations de coopération correspondantes rentre dans le cadre des pouvoirs que confère au Conseil l’ article 128 du traité, interprété en fonction de son libellé et de la nécessité de lui assurer un effet utile .

3 . Dans le système des compétences communautaires, les pouvoirs des institutions et les conditions de leur exercice découlent des différentes dispositions particulières du traité, dont les divergences, notamment en ce qui concerne l’ intervention du Parlement européen, ne reposent pas toujours sur des critères systématiques .

4 . Dans le système du traité, les conditions d’ exercice du pouvoir normatif et celles du pouvoir budgétaire ne sont pas identiques . Par conséquent, les exigences de la procédure budgétaire à respecter pour la mise à disposition des crédits nécessaires à la mise en oeuvre d’ un acte normatif n’ emportent aucune conséquence quant aux exigences de procédure requises pour son adoption .

5 . Toute forme d’ enseignement qui prépare à une qualification pour une profession, métier ou emploi spécifique, ou qui confère l’ aptitude particulière à exercer une telle profession, métier ou emploi, relève de l’ enseignement professionnel, quels que soient l’ âge et le niveau de formation des élèves ou des étudiants, et même si le programme inclut une partie d’ éducation générale . Les études universitaires répondent, dans leur généralité, à ces conditions . Il n’ en va autrement que pour certains cycles d’ études particuliers, qui, du fait de leurs caractéristiques propres, s’ adressent à des personnes désireuses d’ approfondir leurs connaissances générales plutôt que d’ accéder à la vie professionnelle .

6 . Le programme d’ action communautaire en matière de mobilité des étudiants ( Erasmus ) concerne non seulement le domaine de la formation professionnelle, mais aussi celui de la recherche scientifique . De ce fait, le Conseil n’ était pas compétent pour l’ adopter en vertu du seul article 128 du traité et ne pouvait donc, avant l’ entrée en vigueur de l’ Acte unique européen, que se fonder également sur l’ article 235 du traité .

Parties


Dans l’ affaire 242/87,

Commission des Communautés européennes, représentée par M . Gregorio Garzón Clariana, conseiller juridique principal, et par MM . Julian Currall et Georgios Kremlis, membres de son service juridique, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de ce dernier, Centre Wagner,

partie requérante,

contre

Conseil des Communautés européennes, représenté par MM . Arthur Alan Dashwood et Felix Van Craeyenest, respectivement directeur et administrateur principal au service juridique, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Joerg Kaeser, directeur du service juridique de la Banque européenne d’ investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenu par

République fédérale d’ Allemagne, représentée par M . Martin Seidel, Ministerialrat au ministère des Affaires économiques, en qualité d’ agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de son ambassade,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’ Irlande du Nord, représenté par M . H . R . L . Purse, Treasury Solicitor, en qualité d’ agent, et par M . Richard Plender, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de son ambassade,

et

République française, représentée par M . Jean-Pierre Puissochet, en qualité d’ agent, et par M . Marc Giacomini, agent suppléant, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de son ambassade,

parties intervenantes,

ayant pour objet l’ annulation de la décision 87/327/CEE du Conseil, du 15 juin 1987, portant adoption du programme d’ action communautaire en matière de mobilité des étudiants ( Erasmus ) ( JO L 166, p . 20 ),

LA COUR,

composée de MM . O . Due, président, T . Koopmans, R . Joliet et F . Grévisse, présidents de chambre, Sir Gordon Slynn, MM . G . F . Mancini, C . N . Kakouris, F . A . Schockweiler et G . C . Rodríguez Iglesias, juges,

avocat général : M . J . Mischo

greffier : Mme D . Louterman, administrateur principal

vu le rapport d’ audience et à la suite de la procédure orale du 10 janvier 1989,

ayant entendu les conclusions de l’ avocat général présentées à l’ audience du 22 février 1989,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 7 août 1987, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’ article 173, alinéa 1, du traité CEE, un recours visant à l’ annulation de la décision 87/327/CEE du Conseil, du 15 juin 1987, portant adoption du programme d’ action communautaire en matière de mobilité des étudiants ( Erasmus ) ( JO L 166, p . 20 ).

2 Cette décision se donne pour base juridique les articles 128 et 235 du traité CEE ainsi que la décision 63/266 du Conseil, du 2 avril 1963, portant établissement des principes généraux pour la mise en oeuvre d’ une politique commune de formation professionnelle ( J0 63, p . 1338 ).

3 La Commission fonde son recours sur deux moyens : la violation du traité, du fait de l’ adjonction, par le Conseil, de l’ article 235 à la base juridique qu’ elle avait proposée, et la violation des formes substantielles, dans la mesure où cette adjonction est fondée sur une motivation qui ne satisferait pas aux exigences découlant de l’ article 190 du traité .

4 La République fédérale d’ Allemagne, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’ Irlande du Nord et la République française sont intervenus au soutien des conclusions du Conseil .

5 En ce qui concerne les faits, le déroulement de la procédure ainsi que les moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d’ audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur la base juridique

6 Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, comme la Cour l’ a déjà constaté, il résulte des termes mêmes de l’ article 235 que le recours à cet article comme base juridique d’ un acte n’ est justifié que si aucune autre disposition du traité ne confère aux institutions communautaires la compétence nécessaire pour arrêter cet acte ( arrêt du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, Rec . p . 1493 ).

7 La Commission soutient que le Conseil était compétent pour arrêter la décision attaquée sur le seul fondement de l’ article 128 du traité et de la décision 63/266, précitée . Selon le Conseil et les gouvernements intervenants, la référence supplémentaire à l’ article 235 était nécessaire, d’ une part, parce que les actions envisagées dans le cadre du programme Erasmus iraient au-delà des pouvoirs attribués au Conseil par l’ article 128 en matière de formation professionnelle et, d’ autre part, parce que l’ objet de ce programme déborderait le cadre de la formation professionnelle au sens dudit article . Il convient donc d’ examiner sous ces deux angles les différents arguments qui ont été avancés pour justifier le recours à l’ article 235 .

a ) Quant aux pouvoirs du Conseil en matière de formation professionnelle

8 Alors que la Commission estime que l’ article 128 du traité constitue la base juridique appropriée pour l’ adoption de mesures opérationnelles de mise en oeuvre de la politique commune de formation professionnelle, le Conseil et les gouvernements intervenants soutiennent que cette disposition du traité ne permet le développement de cette politique qu’ à un stade embryonnaire . Ils considèrent, en effet, que la disposition en cause a un caractère plutôt programmatique qu’ instrumental et prévoit une répartition des compétences entre les États membres et les institutions communautaires . A cet égard, ils font valoir que s’ il revient au Conseil de définir les critères que les États membres sont tenus de respecter dans la mise en oeuvre de la politique de formation professionnelle, il ne lui appartient pas, en revanche, de déterminer, sur la base de cette même disposition, des actions communautaires du genre de celles prévues par le programme Erasmus .

9 Face à ce débat, il convient de rappeler que l’ article 128 prévoit que, « sur proposition de la Commission et après consultation du Comité économique et social, le Conseil établit les principes généraux pour la mise en oeuvre d’ une politique commune de formation professionnelle qui puisse contribuer au développement harmonieux tant des économies nationales que du marché commun ». Ainsi que la Commission l’ a relevé à juste titre, la prévision de la mise en oeuvre d’ une politique commune de la formation professionnelle interdit toute interprétation de cette disposition qui aboutirait à refuser à la Communauté les moyens d’ action nécessaires pour conduire utilement cette politique commune .

10 Dans l’ arrêt du 13 février 1985 ( Gravier, 293/83, Rec . p . 593 ), la Cour a déjà constaté que la politique commune de formation professionnelle évoquée par l’ article 128 du traité était en train de s’ établir progressivement . La décision 63/266, précitée, qui constitue le point de départ de ce processus de réalisation progressive, est fondée sur la conception selon laquelle la mise en oeuvre des principes généraux de la politique commune de formation professionnelle incombe aux États membres et aux institutions communautaires dans le cadre d’ une coopération ( voir, notamment, premier principe, alinéa 4, quatrième principe, alinéas 1 et 2, cinquième, huitième et neuvième principes ).

11 Une interprétation de l’ article 128 fondée sur cette conception aboutit à reconnaître au Conseil la faculté d’ arrêter des actes juridiques prévoyant des actions communautaires en matière de formation professionnelle et imposant aux États membres des obligations de coopération correspondantes . Une telle interprétation est conforme au libellé de l’ article 128 et assure également un effet utile à cette disposition .

12 Cette interprétation ne saurait être infirmée par le fait que l’ article 128 ne prévoit pas l’ intervention du Parlement européen et ne contient pas d’ exigences particulières en ce qui concerne la majorité requise pour que le Conseil statue, alors que d’ autres dispositions du traité prévoient des exigences procédurales plus strictes pour l’ adoption d’ actes visant la mise en oeuvre d’ une politique commune ou même la coordination de politiques ou dispositions nationales .

13 A cet égard, il convient de relever que, dans le système des compétences communautaires, les pouvoirs des institutions et les conditions de leur exercice découlent des différentes dispositions particulières du traité, dont les divergences, notamment en ce qui concerne l’ intervention du Parlement européen, ne reposent pas toujours sur des critères systématiques .

14 Il convient, toutefois, d’ ajouter que, parmi les dispositions du traité invoquées à l’ appui de la position du Conseil, l’ article 57 a une pertinence certaine pour délimiter la portée de l’ article 128 . En effet, l’ article 57 prévoit spécifiquement l’ adoption de directives visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres, ainsi qu’ à la coordination des dispositions nationales concernant l’ accès aux activités non salariées et l’ exercice de celles-ci . Il en résulte que ce type de mesures, même si elles concernent le domaine de la formation professionnelle, ne relèvent pas de l’ article 128 .

15 En revanche, la portée de cette disposition en tant que base générale pour l’ adoption de mesures de politique de formation professionnelle ne saurait être limitée du fait que des actions particulières de formation professionnelle sont prévues notamment à l’ article 41 du traité, dans le cadre de la politique agricole commune, et à l’ article 125, dans le cadre des concours accordés par le Fonds social européen .

16 Il a été encore soutenu qu’ un acte comportant des implications budgétaires aussi considérables que celles du programme Erasmus ne pouvait pas être arrêté en vertu de l’ article 128 .

17 A cet égard, il convient de relever d’ abord que, dans la mesure où cet argument est fondé sur la comparaison entre les exigences procédurales de l’ article 128 et celles d’ autres dispositions du traité comportant des implications budgétaires, il a été déjà rejeté ci-dessus .

18 Dans la mesure où l’ argument est fondé sur la circonstance que les décisions budgétaires afférentes au programme Erasmus exigent des conditions procédurales plus lourdes que celles posées par l’ article 128, il y a lieu de relever que, dans le système du traité, les conditions d’ exercice du pouvoir normatif et celles du pouvoir budgétaire ne sont pas les mêmes . Par conséquent, les exigences de la procédure budgétaire prévue pour la mise à disposition des crédits nécessaires à l’ exécution du programme litigieux ne sauraient avoir des conséquences quelconques sur les exigences de procédure posées pour l’ adoption de la décision attaquée, exigences qui relèvent d’ une disposition tout à fait indépendante .

19 A la lumière de ce qui précède, il convient de constater que les actions envisagées dans le cadre du programme Erasmus ne dépassent pas les pouvoirs conférés au Conseil par l’ article 128 du traité en matière de formation professionnelle . En effet, la décision litigieuse prévoit des actions communautaires d’ information et de promotion et impose aux États membres des obligations de coopération .

20 S’ il est vrai que l’ action 3 du programme concerne des « mesures visant à promouvoir la mobilité par la reconnaissance académique des diplômes et périodes d’ études », l’ analyse des différentes mesures prévues dans le cadre de cette action montre qu’ elles n’ ont qu’ un caractère préparatoire et incitatif par rapport à la reconnaissance envisagée, qui, en tant que telle, ne fait pas l’ objet de l’ action . Ce caractère suffit pour constater que l’ action ne relève pas du domaine d’ application exclusif de l’ article 57 du traité .

21 Il résulte de ce qui précède que le Conseil était compétent pour arrêter l’ acte attaqué sur la base de l’ article 128 du traité, sous réserve de la question de savoir si cet acte ne déborde pas le domaine de la formation professionnelle .

b ) Quant au domaine de la formation professionnelle

22 Alors que la Commission estime que le programme litigieux ne concerne que la formation professionnelle, le Conseil et les gouvernements intervenants considèrent qu’ il dépasse ce cadre à plusieurs égards .

23 Ils font valoir, en premier lieu, que le programme Erasmus est applicable à toutes les études universitaires, dont une large partie ne relèverait pas de la formation professionnelle .

24 A cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence désormais constante ( voir, en premier lieu, l’ arrêt du 13 février 1985, Gravier, précité ), toute forme d’ enseignement qui prépare à une qualification pour une profession, métier ou emploi spécifique, ou qui confère l’ aptitude particulière à exercer une telle profession, métier ou emploi, relève de l’ enseignement professionnel, quel que soit l’ âge et le niveau de formation des élèves ou des étudiants, et même si le programme inclut une partie d’ éducation générale .

25 Dans l’ arrêt du 2 février 1988 ( Blaizot, 24/86, Rec . p . 379 ), la Cour a déjà constaté que les études universitaires répondaient, dans leur généralité, à ces conditions, et elle a précisé qu’ il n’ en allait autrement que pour certains cycles d’ études particuliers, qui, du fait de leurs caractéristiques propres, s’ adressent à des personnes désireuses d’ approfondir leurs connaissances générales plutôt que d’ accéder à la vie professionnelle .

26 Il résulte également de cet arrêt que le caractère de formation professionnelle des études n’ est exclu ni dans le cas d’ études qui, sans conférer de qualification immédiate pour l’ exercice d’ une profession, confèrent une aptitude particulière à cet effet, ni dans le cas de différents cycles d’ études qui doivent être considérés comme une unité sans qu’ on puisse y distinguer un cycle ne relevant pas de la formation professionnelle et un autre cycle relevant de cette notion ( voir également l’ arrêt du 27 septembre 1988, Humbel, 263/86, Rec . p . 5365 ).

27 Il s’ ensuit que la généralité des études auxquelles s’ applique le programme litigieux relève du domaine de la formation professionnelle et que ce n’ est qu’ à titre exceptionnel que les actions envisagées dans le cadre de ce programme pourraient trouver à s’ appliquer à des études universitaires qui, du fait de leurs caractéristiques propres, échapperaient audit domaine . Cette seule éventualité ne saurait justifier la conclusion selon laquelle le programme litigieux déborderait le cadre de la politique de formation professionnelle et que le Conseil ne serait donc pas compétent pour l’ arrêter en vertu de l’ article 128 du traité .

28 Il a été soutenu, en second lieu, que certains objectifs du programme litigieux, dont notamment celui de « renforcer les relations entre citoyens des différents États membres pour consolider le concept d’ une Europe des citoyens » (( article 2, iv ) , de la décision attaquée )), dépassaient le cadre de la formation professionnelle .

29 A cet égard, il convient de relever, d’ une part, que la Cour a déjà constaté l’ existence d’ un lien particulier entre la politique commune de la formation professionnelle et la libre circulation des personnes ( voir l’ arrêt du 13 février 1985, Gravier, précité ) et, d’ autre part, que le but, tout à fait légitime, que le développement d’ une politique commune s’ inscrive dans le cadre des objectifs généraux de la Communauté, tels que la réalisation de l’ Europe des citoyens, ne saurait conduire à une modification de la base juridique appropriée des actes qui relèvent objectivement de la politique commune en cause .

30 Il a été affirmé, en troisième lieu, que la décision attaquée affectait l’ organisation de l’ enseignement en ce qu’ elle vise à mettre sur pied un réseau européen de coopération universitaire ( action 1 du programme ).

31 A cet égard, il y a lieu de rappeler d’ abord que la Cour a déjà jugé dans l’ arrêt du 3 juillet 1974 ( Casagrande, 9/74, Rec . p . 773 ) que si la politique de l’ enseignement et de la formation ne fait pas partie en tant que telle des domaines que le traité a soumis à la compétence des institutions communautaires, il ne s’ ensuit pas que l’ exercice des compétences transférées à la Communauté serait, de quelque façon, limité, s’ il était de nature à affecter les mesures prises en exécution d’ une politique telle que celle de l’ enseignement et de la formation .

32 Il convient de constater ensuite que, selon les termes de l’ action 1 reproduits en annexe à la décision attaquée, le réseau européen sera constitué des universités qui ont choisi de conclure certains accords d’ échanges d’ étudiants et d’ enseignements . Partant, s’ il est vrai qu’ il appartient à la Communauté de mettre sur pied ce réseau, les universités ne peuvent y participer que sur la base des dispositions régissant leur statut et leur organisation, dispositions qui ne sont pas affectées par le programme en cause . Par conséquent, cet argument ne saurait être accueilli .

33 Il a été encore soutenu que le recours à l’ article 235 du traité s’ imposait, parce que le programme litigieux comporte des éléments concernant le domaine de la recherche .

34 A cet égard, il convient de constater que la recherche scientifique relève de façon caractéristique des fonctions propres aux universités . Non seulement une partie du personnel universitaire y est exclusivement consacré, mais d’ ailleurs elle constitue en principe un élément essentiel de l’ activité de la majorité des enseignants universitaires ainsi que d’ une partie des étudiants, par exemple ceux qui font des études de doctorat ou apparentées .

35 Une interprétation de la décision attaquée en ce sens qu’ elle ne concernerait pas les activités universitaires de recherche scientifique entraînerait une limitation substantielle de la portée de certains objectifs du programme Erasmus, dont notamment ceux de « promouvoir une coopération large et intensive entre les universités de tous les États membres » et de « mettre en valeur tout le potentiel intellectuel des universités de la Communauté, grâce à une plus grande mobilité du personnel enseignant, permettant ainsi d’ améliorer la qualité de l’ enseignement et de la formation fournis par ces universités, en vue d’ assurer la compétitivité de la Communauté sur le marché mondial » (( article 2, ii ) et iii ) )).

36 Dans ces conditions, en l’ absence d’ une réserve expresse dans la décision attaquée à l’ égard de la recherche scientifique, il y a lieu de constater qu’ au moins une partie des actions envisagées visent tout à la fois le domaine de la recherche et celui de la formation professionnelle . Tel est le cas, en particulier, de la l’ action 1 (« établissement et fonctionnement d’ un réseau universitaire européen »), qui prévoit notamment une « aide au personnel enseignant ainsi qu’ aux administrateurs des universités appelés à se rendre dans d’ autres États membres, afin de leur permettre d’ élaborer des programmes d’ études intégrés avec les universités de ces États membres et d’ échanger leur expérience sur les progrès les plus récents accomplis dans les domaines relevant de leur compétence », ainsi que des aides pour stimuler dans la Communauté une plus grande mobilité du personnel enseignant ( points 3 et 4 ). D’ ailleurs, l’ article 130, lettre G, du traité, ajouté par l’ Acte unique européen, énonce, parmi d’ autres actions à mener par la Communauté dans la poursuite des objectifs établis par le nouveau titre consacré à la recherche et au développement technologique, la stimulation de la formation et de la mobilité des chercheurs de la Communauté .

37 Il en résulte que, dès lors que la décision attaquée concerne non seulement le domaine de la formation professionnelle, mais aussi celui de la recherche scientifique, le Conseil n’ était pas compétent pour l’ arrêter en vertu du seul article 128 et ne pouvait donc, avant l’ entrée en vigueur de l’ Acte unique européen, que se fonder également sur l’ article 235 du traité . Le premier moyen de la Commission, tiré de l’ illégalité de la base juridique retenue, doit donc être rejeté .

Sur la motivation

38 La Commission soutient que l’ acte attaqué ne satisfait pas aux exigences de motivation découlant de l’ article 190 du traité, parce que le dernier considérant est rédigé en termes vagues et imprécis qui ne permettent pas de connaître les raisons qui ont amené le Conseil à recourir à l’ article 235 comme base juridique .

39 A cet égard, il convient de constater que le considérant en cause exprime sans équivoque la conviction du Conseil du caractère insuffisant de l’ article 128 du traité comme base juridique au regard du domaine couvert par l’ acte litigieux et, par conséquent, de l’ absence de prévision, par le traité, des pouvoirs d’ action requis au sens de l’ article 235 . Il résulte des considérations développées dans le cadre de l’ examen du premier moyen que cette conviction était fondée .

40 Dans ces conditions, le fait que le Conseil ait exprimé de façon succincte les raisons de sa conviction ne saurait être considéré comme un vice de forme substantielle susceptible d’ entraîner la nullité de l’ acte en question .

41 Il s’ ensuit que le moyen de la Commission tiré du défaut de motivation doit être rejeté .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

42 Aux termes de l’ article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’ il est conclu en ce sens . La Commission ayant succombé en son action, il y lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux exposés par les parties intervenantes .

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête :

1 ) Le recours est rejeté .

2 ) La Commission est condamnée aux dépens, y compris ceux exposés par les parties intervenantes .

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CJCE, n° C-242/87, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes, 30 mai 1989