CJCE, n° C-21/88, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Du Pont de Nemours Italiana SPA contre Unità Sanitaria locale no 2 di Carrara, 28 novembre 1989

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 28 nov. 1989, Du Pont de Nemours Italiana, C-21/88
Numéro(s) : C-21/88
Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 28 novembre 1989. # Du Pont de Nemours Italiana SPA contre Unità Sanitaria locale no 2 di Carrara. # Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale della Toscana - Italie. # Marchés publics de fournitures - Réservation de 30 % de ces marchés aux entreprises situées dans une région déterminée. # Affaire C-21/88.
Date de dépôt : 20 janvier 1988
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61988CC0021
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1989:600
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61988C0021

Conclusions de l’avocat général Lenz présentées le 28 novembre 1989. – Du Pont de Nemours Italiana SPA contre Unità Sanitaria locale no 2 di Carrara. – Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale della Toscana – Italia. – Marchés publics de fournitures – Réservation de 30 % de ces marchés aux entreprises situées dans une région déterminée. – Affaire C-21/88.


Recueil de jurisprudence 1990 page I-00889
édition spéciale suédoise page 00359
édition spéciale finnoise page 00377


Conclusions de l’avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A – En fait

1 . L’ affaire dont nous avons à connaître aujourd’ hui porte sur l’ appréciation au regard du droit communautaire du système de préférence institué en Italie au bénéfice du Mezzogiorno . Il ne s’ agit, dans la présente espèce, que de l’ une d’ un certain nombre de demandes de décision à titre préjudiciel qui, portant sur des faits analogues, sont actuellement en instance devant la Cour ( 1 ). Elle a été introduite par le tribunale amministrativo regionale della Toscana et tend à obtenir une décision sur l’ interprétation des articles 30, 92 et 93 du traité CEE .

2 . La demanderesse au principal, Du Pont de Nemours SpA ( ci-après « demanderesse »), a attaqué par deux recours distincts, qui ont été joints par la juridiction de renvoi, des mesures prises par l’ Unità sanitaria locale n° 2 di Carrara ( ci-après « défenderesse »).

3 . La demanderesse avait été admise à participer à un appel d’ offres restreint lancé par la défenderesse et annoncé par avis du 15 février 1986 .

4 . Le 1er mars 1986 est entrée en vigueur la loi n° 64/86 qui a élargi, tant du point de vue matériel que du point de vue personnel, la portée du régime de préférence déjà institué au bénéfice des régions du sud de l’ Italie . En application de cette loi, la défenderesse, en tant qu’ unité sanitaire locale, s’ est trouvée, elle aussi, dans l’ obligation de se fournir, à concurrence d’ au moins 30 % de ses besoins, auprès d’ entreprises disposant d’ établissements et d’ installations fixes situés sur le territoire auquel s’ applique le régime préférentiel et dans lesquels les produits requis ont dû – même partiellement – être fabriqués .

5 . Sur ce, la défenderesse a, par décision du 3 juin 1986, arrêté les conditions de passation d’ un marché de fournitures en pellicules et liquides de radiologie, en répartissant, dans le cahier spécial des charges annexé, les fournitures en deux lots, dont l’ un, égal à 30 % du montant global, était réservé aux entreprises situées dans le Mezzogiorno . Cette mesure constitue l’ objet du litige au principal, de même qu’ une décision arrêtée par la défenderesse le 15 juin 1986, par laquelle elle a procédé à l’ attribution du lot de 70 %. La demanderesse a été exclue de la participation à la procédure de passation du marché portant sur le lot restant de 30 %, au motif qu’ elle n’ avait pas d’ établissement dans le Mezzogiorno .

6 . La juridiction de renvoi a soulevé plusieurs questions ayant trait à l’ interprétation du droit communautaire, qui visent à porter une appréciation sur la compatibilité de la loi n° 64/86 avec les dispositions du droit communautaire .

7 . La première question tend à savoir si l’ article 30, qui interdit les restrictions quantitatives à l’ importation ainsi que toutes mesures d’ effet équivalent, s’ oppose à la réglementation nationale en cause . La juridiction de renvoi demande, ensuite, à savoir si la réglementation nationale peut être qualifiée comme une « aide » au sens de l’ article 92 et, le cas échéant, si la mission d’ apprécier la compatibilité d’ une aide avec le marché commun incombe exclusivement à la Commission ou bien également au juge national .

8 . La société Du Pont de Nemours Deutschland GmbH est intervenue dans l’ affaire au soutien de la demanderesse; la société 3M Italiana SpA est intervenue au soutien de la défenderesse . Les parties intervenantes ont également présenté leurs observations à la Cour .

9 . Pour un exposé plus détaillé des faits, des dispositions législatives applicables en l’ espèce ainsi que des arguments développés par les parties, nous prions la Cour de bien vouloir se reporter au rapport d’ audience .

B – En droit

1 . Sur les rapports de concurrence entre l’ article 30 et l’ article 92 du traité CEE

10 . Il paraît opportun de s’ interroger sur les rapports de concurrence qui existent entre l’ article 30 et l’ article 92, du fait que l’ applicabilité de l’ une de ces dispositions exclut, dans certains cas, l’ applicabilité de l’ autre . La question se pose de savoir si une mesure arrêtée par un État membre, qui doit être considérée comme une mesure d’ effet équivalant à une restriction quantitative à l’ importation, peut constituer en même temps une aide au sens de l’ article 92 . La question peut également présenter de l’ intérêt lorsqu’ elle se pose en termes inverses, à savoir si une mesure qui doit être considérée comme une aide étatique peut également faire l’ objet d’ un examen au regard des dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, en particulier de l’ article 30 .

11 . Il convient, tout d’ abord, de partir du principe que tant l’ interdiction des restrictions quantitatives à l’ importation et des mesures d’ effet équivalent que l’ interdiction, prévue à l’ article 92, des aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’ État poursuivent un objectif commun, qui est d’ assurer la libre circulation des marchandises entre États membres dans des conditions normales de concurrence ( 2 ).

12 . Il résulte de l’ interdiction, prévue à l’ article 30, des mesures d’ effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’ importation comme de l’ interdiction, prévue à l’ article 92, paragraphe 1, des aides qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, qu’ une mesure arrêtée par un État membre qui entre dans le champ d’ application de ces dispositions est illégale . Une application concurrente de ces deux dispositions conduirait ainsi, sur le fond, au même résultat, dans la mesure où chacune de ces deux interdictions a pour conséquence juridique l’ incompatibilité de la mesure nationale en cause avec le droit communautaire .

13 . Pour des raisons tenant à la procédure, il est néanmoins nécessaire de procéder à une distinction du fait que l’ article 30 est, de manière incontestée, d’ effet direct et que tout ressortissant de la Communauté peut, le cas échéant, se prévaloir de cette norme devant les juridictions d’ un État membre . L’ article 92, paragraphe 1, par contre, n’ a pas le caractère d’ une norme déployant un effet direct, l’ interdiction qu’ il édicte n’ étant ni absolue ni inconditionnelle ( 3 ), comme il ressort de ses paragraphes 1 et 2 ainsi que des dispositions de l’ article 93 . En outre, la mission d’ apprécier si une aide est interdite au titre de l’ article 92, paragraphe 1, autorisée au titre du paragraphe 2, ou peut être considérée comme compatible avec le marché commun au titre du paragraphe 3, incombe, aux termes de l’ article 93 et dans le cadre de l’ examen permanent des régimes d’ aides, à la Commission .

14 . A l’ exception de l’ article 93, paragraphe 3, dernière phrase, les dispositions des articles 92 et 93 ne peuvent être invoquées devant les juridictions des États membres que « si elles ont été concrétisées par les actes de portée générale prévus par l’ article 94 ou par les décisions, dans les cas particuliers qu’ envisage l’ article 93, paragraphe 2 » ( 4 ).

15 . Ces conséquences différentes du point de vue procédural constituent déjà un indice de ce que ces dispositions recouvrent, en principe, des champs d’ application différents . Dans l’ affaire 74/76, la Cour s’ est prononcée sur ces questions de délimitation en ces termes ( 5 ):

« … pour étendu que soit le champ d’ application de l’ article 30, il ne comprend cependant pas les entraves visées par d’ autres dispositions spécifiques du traité ».

« … la circonstance qu’ un système d’ aides d’ État ou au moyen de ressources d’ État est susceptible, par le seul fait qu’ il favorise certaines entreprises ou productions nationales, d’ entraver, à tout le moins indirectement, l’ importation de produits similaires ou concurrents en provenance des autres États membres ne suffit pas, à elle seule, pour assimiler, en tant que telle, une aide à une mesure d’ effet équivalant à une restriction quantitative au sens de l’ article 30 ».

La Cour a poursuivi son argumentation en énonçant que :

« … une interprétation à ce point extensive de l’ article 30, qu’ elle assimilerait, en tant que telle, une aide, au sens de l’ article 92, à une restriction quantitative visée à l’ article 30, aurait pour effet d’ altérer la portée des articles 92 et 93 du traité et de porter atteinte au système de distribution de compétences … » 3 .

16 . Si certains points de ce raisonnement tendent à reconnaître un caractère particulier aux dispositions des articles 92 et 93 par rapport à celles de l’ article 30, il convient néanmoins de noter la formule employée par la Cour à propos de la qualification d’ une aide « en tant que telle ». Selon la Cour, il est en outre nécessaire de distinguer les champs d’ application respectifs de ces dispositions, « étant réservé cependant le cas des situations pouvant tomber simultanément sous l’ application de deux ou plusieurs dispositions du droit communautaire » 5 .

17 . Dans le même arrêt, la Cour concède qu’ il est possible, dans l’ analyse d’ un régime d’ aides, d’ isoler des éléments qui ne sont pas nécessaires à son objet .

« Dans cette dernière hypothèse, il n’ y a pas de motifs tirés de la répartition de compétences découlant des articles 92 et 93 pour conclure que, dans le cas de violation d’ autres dispositions du traité, ayant effet direct, ces dispositions ne pourraient être invoquées devant les juridictions nationales en raison du seul fait que l’ élément visé constituerait une modalité d’ une aide » ( 6 ).

18 . La Cour a confirmé cette jurisprudence et renforcé sa portée en décidant que les articles 92 et 93 ne sauraient faire obstacle à l’ application de l’ article 30, pour autant que les mesures en cause ne constituent que les modalités d’ une aide non nécessaires à son objet ou à son fonctionnement ( 7 ).

19 . En conséquence, si la Cour estime qu’ il est possible de se référer à l’ article 30 et si elle tient cette disposition pour applicable, même lorsque la qualification juridique de la mesure en cause en tant qu’ aide n’ est pas contestée dans son ensemble, ce point de vue doit d’ autant plus trouver d’ application dans l’ hypothèse où il n’ est précisément pas possible de ranger une réglementation nationale clairement dans l’ une ou l’ autre de ces catégories .

20 . Dans l’ arrêt rendu à propos de la campagne publicitaire irlandaise « Buy Irish », la Cour n’ a pas suivi l’ argument avancé par le gouvernement irlandais sur le caractère particulier que revêtent les articles 92 et 93 par rapport à l’ article 30 ( 8 ). La Cour a retenu à l’ encontre de cet argument que le fait qu’ une partie substantielle de la campagne ait été financée par le gouvernement irlandais, et que les articles 92 et 93 pourraient être applicables à ce mode de financement, n’ implique pas que la campagne en tant que telle puisse échapper aux interdictions prévues à l’ article 30 ( 9 ).

21 . Si l’ on transpose ce raisonnement dans la présente affaire des systèmes de préférences régionales, dont le caractère d’ aide, en ce qui concerne en particulier la question de leur financement au moyen de ressources d’ État et de celle de la détermination de leur montant, est controversé, il est à retenir que la réglementation instituant une part réservée doit être examinée au regard des critères de l’ article 30 et ne peut être soustraite a priori à cet examen du fait de son éventuel caractère d’ aide .

22 . Dans cette perspective, la Cour a affirmé, dans un autre contexte, que les articles 92 et 94 ne sauraient en aucun cas servir à mettre en échec les règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises ( 10 ).

« Le fait qu’ une mesure nationale puisse éventuellement être qualifiée d’ aide au sens de l’ article 92 n’ est dès lors pas une raison suffisante pour l’ exempter de l’ interdiction de l’ article 30 » ( 11 ).

23 . En conséquence, il convient d’ examiner si la réglementation italienne instituant une part réservée est compatible avec le principe de la libre circulation des marchandises et, en particulier, avec l’ article 30 . L’ ordre dans lequel cet examen est effectué trouve également une justification dans l’ étendue des éventuelles conséquences tenant à l’ effet direct déployé par les dispositions de l’ article 3O ( 12 ).

2 . Sur la compatibilité du système de la part réservée avec les dispositions de l’ article 30 du traité CEE

24 . Il est bien connu que l’ article 30 édicte une interdiction inconditionnelle et absolue des restrictions quantitatives à l’ importation ainsi que de toutes mesures d’ effet équivalent entre les États membres . Depuis l’ arrêt rendu dans l’ affaire Dassonville ( 13 ), confirmé par la jurisprudence constante de la Cour, constitue une mesure d’ effet équivalant à une restriction quantitative à l’ importation « toute réglementation commerciale des États membres susceptible d’ entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire ».

25 . Des dispositions qui s’ appliquent sans distinction aux produits nationaux et importés peuvent également constituer des mesures d’ effet équivalent, dans la mesure où, en fait, elles concernent spécifiquement les produits importés et en rendent la commercialisation plus difficile, voire impossible . Néanmoins, il n’ est pas nécessaire dans la présente espèce de recourir à cette large définition pour constater que la réglementation instituant une part réservée a, dans ses effets, le caractère d’ une mesure d’ effet équivalent au sens de l’ article 30 .

26 . L’ obligation qui est faite à toutes les administrations publiques, les régions, les provinces, les communes, les unités sanitaires locales, les communautés montagnardes, les sociétés et organismes à participation de l’ État, les universités et les établissements hospitaliers autonomes de se fournir, à concurrence d’ au moins 30 % de leurs besoins, auprès d’ entreprises disposant d’ établissements et d’ installations fixes, situés sur le territoire auquel s’ applique le régime préférentiel, a sans nul doute pour conséquence une importante diminution de la demande de produits importés . L’ incidence de cette réglementation est d’ autant plus grave que le quota de 30 % des fournitures et des services doit être atteint à la fin de l’ année budgétaire, ce qui a pour conséquence que, afin de compenser l’ absence de certains produits non fabriqués sur le territoire auquel s’ applique le régime préférentiel, la part réservée peut, dans d’ autres marchés de fournitures, dépasser sensiblement les 30 % prévus . Il est même prévu que les parts réservées non épuisées doivent être reportées sur l’ année budgétaire suivante ( 14 ).

27 . La portée économique de la réglementation instituant une part réservée est apparue plus clairement au cours de la procédure . Se référant à la communication de la Commission du 24 juillet 1989 ( 15 ) sur les aspects régionaux et sociaux des appels d’ offres ouverts, le représentant de la demanderesse a exposé, au cours de l’ audience, que l’ on évalue entre 16 et 17 milliards d’ écus par an le volume des marchés passés par voie d’ appels d’ offres ouverts soumis au régime de préférence régionale . Dans le secteur de la radiographie, il est dépensé chaque année 210 milliards de lires, dont 85 % font l’ objet de procédures d’ appels d’ offres ouverts .

28 . Le représentant du gouvernement français a fait observer que la région du Mezzogiorno recouvre 140 000 km2, soit environ la moitié du territoire national italien, sur lesquels vivent 40 % de la population italienne .

29 . Le fait que la réglementation, sur laquelle nous devons ici nous prononcer, ne constitue pas seulement un danger abstrait pour les échanges intracommunautaires apparaît déjà clairement dans les faits qui sont à l’ origine du litige au principal : le volume du marché qui devait être librement attribué a été, à l’ encontre du premier avis, postérieurement diminué de 30 %. Au cours de la procédure écrite, la demanderesse a exposé, sans que cela ait été contesté, que la société soeur allemande, qui est intervenue dans l’ affaire, fabrique pour elle des produits photographiques pour les rayons X . Elle estime que 12 % de la capacité de production sont absorbés par la production destinée au marché italien . Le marché italien serait assez important, puisqu’ il représenterait 18 % du marché européen du matériel radiographique . Tous les produits de ce type, à l’ exception de ceux qui sont fabriqués par la société 3M, seraient importés .

30 . Il ressort de ces données économiques que la réglementation instituant une part réservée, prévue par l’ article 17 de la loi n° 64/86, constitue déjà dans les faits un obstacle commercial .

31 . Le fait que 85 % environ du matériel radiographique soit acquis par des unités sanitaires à caractère public, pour lesquelles la réglementation instituant une part réservée présente également un caractère obligatoire, fait clairement apparaître l’ importance des restrictions apportées aux échanges commerciaux .

32 . Le régime de préférence sur lequel nous avons à nous prononcer présente également clairement un caractère discriminatoire . L’ obligation qui est faite aux entreprises concernées de se fournir à concurrence de 30 % de leurs besoins auprès de fournisseurs qui disposent d’ un établissement dans le Mezzogiorno a pour effet d’ exclure entièrement les marchandises fabriquées à l’ étranger du champ des marchés potentiels de fournitures . L’ effet discriminatoire de la réglementation instituant une part réservée est, de par son caractère obligatoire, plus important que celui de mesures nationales visant à favoriser l’ achat de produits nationaux, qu’ il s’ agisse de campagnes publicitaires soutenues par un État ( 16 ), de subventions ( 17 ), d’ avantages fiscaux ( 18 ), de conditions de crédit plus favorables ( 19 ) ou d’ une simple obligation de faire figurer sur certains produits étrangers la mention « étranger » ( 20 ).

33 . Le présent régime de préférence va plus loin qu’ une incitation financière à se fournir sur le marché national . Le système de la part réservée ne laisse aux opérateurs économiques aucune latitude pour se comporter différemment, une possibilité qui, dans les exemples précités, sous peine, il est vrai, de certains sacrifices financiers, aurait été ouverte . Ce qui pose un problème n’ est donc pas la question de l’ existence d’ une discrimination à l’ égard des produits étrangers, mais le fait que les producteurs italiens qui ne disposent pas d’ un établissement sur le territoire auquel s’ applique le régime préférentiel sont également victimes de cette discrimination . Ils sont, en effet, également exclus des marchés de fournitures de la même manière que les fabricants étrangers . La Cour n’ a pas encore eu à connaître d’ une telle situation .

34 . Aux fins d’ apprécier au regard du droit communautaire la validité de la mesure arrêtée par un État membre, il convient ici de retenir, en premier lieu, son effet sur le commerce entre les États . Le fait que les entreprises italiennes victimes de la discrimination puissent, le cas échéant, être indirectement concernées par les conséquences de l’ appréciation portée en droit communautaire sur la mesure en cause ne constitue qu’ un aspect accessoire .

35 . L’ impact que produit la réglementation instituant une part réservée, dont l’ application est, il est vrai, territorialement limitée, est nettement supérieur, du point de vue de ses conséquences économiques, en particulier en ce qui concerne le commerce intracommunautaire, à celui d’ autres mesures d’ effet équivalent au sens de l’ article 30, dont le champ d’ application s’ étend à tout le territoire d’ un État membre ( par exemple l’ obligation d’ indiquer pour certains souvenirs fabriqués à l’ étranger leur origine étrangère ( 21 ), ou le cas des aides accordées aux entreprises municipales de transport pour l’ achat de véhicules à traction électrique, affaire dans laquelle deux demandes d’ aides étaient pendantes au moment de l’ audience ( 22 )). Si tous les fabricants italiens ne tirent pas profit de la réglementation instituant une part réservée, il demeure que les entreprises favorisées sont presque toujours des entreprises nationales .

36 . L’ importance des obstacles commerciaux qui résultent du système de la part réservée plaide en conséquence en faveur d’ une qualification de cette réglementation comme étant une mesure d’ effet équivalent au sens de l’ article 30 . Les critères retenus pour cette appréciation sont, d’ une part, l’ étendue du territoire sur lequel s’ applique le régime préférentiel et, d’ autre part, le nombre important des organismes ( 23 ) liés par cette réglementation . Enfin, la quote-part du volume potentiel des marchés de fournitures passés par les opérateurs économiques soumis à la réglementation est également significative .

3 . Sur la compatibilité du système de la part réservée avec les dispositions de la directive 70/50/CEE ( 24 )

37 . Il a été soutenu, dans le cadre de la procédure écrite, que la réglementation législative litigieuse devrait être considérée comme une mesure d’ effet équivalant à une restriction quantitative aux importations et, en conséquence, interdite au motif supplémentaire qu’ elle entre dans la catégorie visée à l’ article 2, paragraphe 3, sous k ), de la directive 70/50 .

38 . A ce sujet, il convient, tout d’ abord, d’ observer qu’ il n’ est pas nécessaire de se référer à la directive lorsque la réglementation litigieuse, au vu des critères développés par la jurisprudence, doit être qualifiée de mesure d’ effet équivalent au sens de l’ article 30 . La directive, qui est fondée sur les dispositions de l’ article 33, paragraphe 7, du traité CEE, fournit une série d’ exemples particulièrement marquants de mesures entrant dans le champ de l’ article 30 et n’ est pas conçue comme une réglementation exhaustive ( 25 ).

39 . Le point de savoir s’ il est possible de tirer des dispositions de la directive une interdiction autonome, ayant un domaine d’ application distinct de celle édictée à l’ article 30, soulève deux sortes de problèmes . Tout d’ abord, la directive s’ adresse, de par sa nature, aux États membres, de sorte que l’ on ne peut en tirer sans autre formalité un effet direct . En outre, une interdiction générale des mesures d’ effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’ importation résulte déjà directement des dispositions du traité . En second lieu, il est expressément prévu dans les considérants de la directive que celle-ci n’ est pas applicable aux aides visées à l’ article 92 ( 26 ), de sorte qu’ elle ne pourrait trouver application si la disposition litigieuse devait avoir – même partiellement – le caractère d’ une aide .

40 . Néanmoins, les dispositions de la directive peuvent fournir certains critères d’ appréciation en vue de la qualification d’ une mesure nationale en tant que mesure d’ effet équivalent . Aux termes de l’ article 2, paragraphe 2, de la directive, sont notamment visées les mesures qui favorisent les produits nationaux ou leur accordent une préférence . Le paragraphe 3 énumère une série d’ exemples en vue de concrétiser le contenu de cette disposition . Selon l’ article 2, paragraphe 3, sous k ), doivent ainsi être rangées parmi les mesures citées, notamment, celles qui « font obstacle à l’ achat par des particuliers des seuls produits importés ou incitent à l’ achat des seuls produits nationaux ou imposent cet achat ou lui accordent une préférence » ( 27 ). Il s’ agit donc là de quatre possibilités, dont les deux dernières présentent de l’ intérêt . En effet, la réglementation instituant le régime préférentiel accorde une préférence à une importante partie des produits nationaux et en impose en même temps leur achat .

41 . L’ examen des dispositions de la directive confirme donc la qualification de la réglementation nationale en litige comme mesure d’ effet équivalant à une restriction quantitative . Pour les motifs précédemment exposés, le fait qu’ il ne soit pas accordé une préférence à tous les produits nationaux d’ une certaine espèce ne fait pas obstacle à cette qualification . La réglementation instituant un régime préférentiel n’ a pour objet que des produits qui, en partie au moins, sont issus de la production nationale .

4 . Sur les éventuelles exceptions à l’ interdiction des mesures d’ effet équivalent au titre de l’ article 30 du traité CEE

42 . a ) Les intérêts protégés par l’ article 36 du traité CEE, qui justifient une dérogation aux interdictions des restrictions quantitatives à l’ importation et à l’ exportation et des mesures d’ effet équivalent édictées par les articles 30 et 34 du traité CEE, sont expressément énumérés dans cet article . S’ agissant d’ une disposition prévoyant des exceptions, il convient de l’ interpréter restrictivement, tant en ce qui concerne les éléments constitutifs de chaque exception qu’ en ce qui concerne l’ applicabilité de l’ article 36 à d’ éventuelles « exceptions non mentionnées ». Les chefs d’ exception énumérés à l’ article 36 ne peuvent pas être appliqués au contenu ni aux objectifs du système de la part réservée . En outre, la Cour considère, selon une jurisprudence constante, que l’ article 36 ne peut pas permettre de justifier des mesures qui visent un objectif économique ( 28 ).

43 . b ) Néanmoins, la réglementation instituant le régime préférentiel pourrait trouver une justification dans des « exigences impératives » ( 29 ). De telles exigences impératives peuvent tenir, par exemple, à l’ efficacité des contrôles fiscaux, à la loyauté des transactions commerciales, à la défense des consommateurs ou à celle de l’ environnement .

44 . Le système de la part réservée ne peut être classé dans aucune de ces catégories . La question de savoir si, éventuellement, une autre considération, en tant qu’ exigence impérative, peut justifier la mesure en cause dépend de l’ objectif et de la finalité que celle-ci poursuit . Pour autant que l’ on ne peut pas partir de la prémisse que le système de préférence litigieux poursuit exclusivement un but protectionniste, il doit être considéré comme une mesure de soutien régionale . La promotion des régions est un objectif tout à fait reconnu par le traité, ainsi qu’ il ressort des dispositions de l’ article 92, paragraphe 3, sous a ), et de l’ article 130, sous a ), du traité CEE .

45 . Toutefois, la base juridique de la mise en oeuvre d’ un objectif autorisé, voire fixé, par le traité doit être tirée des dispositions du traité, pour autant que celui-ci comporte des prescriptions expresses . Un recours à une base juridique non écrite est donc exclu aussi longtemps que les instruments prévus par le traité offrent une garantie suffisante pour la réalisation de l’ objectif visé . Des mesures de soutien à finalité régionale ne peuvent donc pas être reconnues comme des exigences impératives . En outre, il est un principe bien établi selon lequel un État membre ne peut se prévaloir d’ exigences impératives dans le but de protéger son économie nationale .

5 . L’ appréciation du système de la part réservée dans le contexte des directives 77/62/CEE ( 30 ) et 70/32/CEE ( 31 )

46 . Selon la demanderesse, le système de la part réservée est contraire au droit communautaire, parce qu’ il viole également les dispositions de la directive 77/62 du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures . Elle estime que cette directive fait application des principes supérieurs du traité CEE et interdit donc toute discrimination, qu’ elle soit fondée sur l’ origine du produit à fournir ou sur le lieu où est établi l’ éventuel fournisseur .

47 . Il est exact que les restrictions à la libre circulation des marchandises au sens de l’ article 30 sont également interdites dans le cadre des fournitures de marchandises à un État ou à des personnes morales de droit public, ainsi que dans les procédures de passation des marchés publics de fournitures . Les institutions communautaires investies d’ un pouvoir législatif ont de ce fait arrêté des directives de coordination, afin de veiller à ce que la libre circulation des marchandises soit également assurée dans le cadre des marchés de fournitures passés dans le secteur public . Il est énoncé dans les considérants de la directive 70/32 de la Commission concernant les fournitures de produits à l’ État, à ses collectivités territoriales et aux autres personnes morales de droit public que :

« … de telles dispositions, en réservant des débouchés aux produits nationaux …, font obstacle à des importations qui, en l’ absence de telles dispositions, pourraient avoir lieu et … produisent, dès lors, un effet équivalant à celui des restrictions quantitatives à l’ importation ».

Le champ d’ application de la directive est défini à son article 3, paragraphe 1, sous b ), comme visant, entre autres, les dispositions « qui réservent, totalement ou partiellement, les fournitures aux produits nationaux ou bien leur accordent une préférence, autre qu’ une aide au sens de l’ article 92 du traité, assortie ou non de conditions ».

48 . La directive 77/62 poursuit des objectifs analogues à propos des procédures de passation des marchés publics de fournitures . Ainsi qu’ il ressort des considérants, elle vise également à établir une transparence des procédures de passation des marchés publics dans le but de contrôler le respect de l’ interdiction des restrictions à la libre circulation des marchandises .

49 . Il convient néanmoins de s’ interroger sur le point de savoir si l’ article 26, qui figure au titre des dispositions finales, établit une exception au bénéfice du système de préférence litigieux . Ledit article prévoit :

« La présente directive ne fait pas obstacle à l’ application des dispositions en vigueur au moment de son adoption, figurant dans la loi italienne n° 835 du 6 octobre 1950 ( Journal officiel de la République italienne n° 245, du 24.10.1950 ) ainsi que dans ses modifications successives, sans préjudice de la compatibilité de ces dispositions avec le traité . »

50 . En faveur de l’ interprétation selon laquelle cette disposition pourrait également constituer une exception aux principes de la libre circulation des marchandises, on a fait valoir le fait que les réglementations qui ont précédé le système actuel de la part réservée, selon les termes de la directive elle-même, ne sont pas touchées par celle-ci . La modification de cette disposition introduite par la directive 88/295/CEE du 22 mars 1988 ( 32 ) qui, de par la date de sa publication, ne peut pas être déterminante dans le litige au principal, tendrait également à indiquer que cette disposition a conservé son caractère d’ exception . L’ article 26, paragraphe 1, dispose dans sa version modifiée :

« La présente directive ne fait pas obstacle, jusqu’ au 31 décembre 1992, à l’ application des dispositions nationales concernant la passation des marchés publics de fournitures en vigueur et dont l’ objectif est de réduire l’ écart entre les diverses régions et de promouvoir l’ emploi dans les régions les moins défavorisées ou affectées par le déclin industriel, à condition que ces dispositions soient compatibles avec le traité et avec les obligations internationales de la Communauté . »

51 . La réglementation italienne instituant un régime préférentiel n’ y est plus mentionnée expressément . Elle pourrait au plus être considérée, au sens du nouveau texte, comme une disposition nationale dont l’ objectif est de réduire l’ écart entre les diverses régions .

52 . Ce qui, selon nous, est décisif c’ est le fait que l’ expression « sans préjudice de la compatibilité de ces dispositions avec le traité » figurait déjà dans la version originale et a été reprise avec un contenu équivalent dans la nouvelle version . Ces formules font ressortir que, en dépit des éventuelles exceptions prévues par la directive, les principes fondamentaux du traité et, parmi ceux-ci, en particulier les principes relatifs à la libre circulation des marchandises conservent toute leur validité . L’ incompatibilité du système de la part réservée prévu par l’ article 17 de la loi n° 64/86 avec les dispositions de l’ article 30 ne peut donc pas être couverte par l’ exception prévue par la directive .

53 . La Cour a eu à trancher dans les affaires 216/84 ( 33 ) et 76/86 ( 34 ) des points de droit qui se présentaient de manière similaire . Les États membres défendeurs se prévalaient d’ une disposition d’ exception figurant dans une directive pour justifier une réglementation législative nationale qui avait pour effet d’ entraver le commerce intracommunautaire . Dans ces deux affaires déjà, la Cour a rejeté l’ argument présenté . Elle a fait observer qu’ une disposition prévoyant une exception ne justifie le maintien d’ une réglementation nationale qu’ à condition que les règles générales du traité CEE soient respectées .

54 . Si le système de préférence ne peut ainsi trouver de justification en droit communautaire sur la base des exceptions prévues par la directive 77/62, il reste cependant à examiner l’ influence que pourrait avoir sur la validité de la réglementation en cause le fait qu’ elle puisse éventuellement avoir un caractère d’ aide .

55 . Ainsi qu’ il ressort déjà des observations consacrées aux rapports de concurrence existant entre les articles 30 et 92, une disposition nationale contraire au droit communautaire, parce que incompatible avec les dispositions de l’ article 30, ne peut être sauvée par le fait qu’ elle présente des aspects similaires à ceux d’ une aide .

6 . Sur le caractère d’ aide du système de la part réservée et sur les conséquences qui en découlent

56 . A l’ encontre d’ une qualification de la disposition législative litigieuse en tant qu’ aide, il convient de retenir les arguments suivants .

La caractéristique essentielle d’ une aide est qu’ il s’ agit d’ une mesure de soutien accordée par un État ou au moyen de ressources d’ État . Le gouvernement italien a bien fait observer que, du fait du système de la part réservée, les marchés de fournitures sont conclus, en règle générale, à un prix supérieur à celui qui devrait être payé dans le cadre d’ une procédure ouverte de passation des marchés . Ce supplément de prix est supporté par l’ État, du fait que les adjudicateurs sont des personnes morales de droit public ou tout au moins des unités dans lesquelles l’ État détient une participation .

57 . Cependant, le représentant de la demanderesse a déclaré, au cours de l’ audience, que les unités sanitaires locales sont des organismes autonomes qui, pour ce qui est de leurs dépenses, ne dépendent pas de l’ État . De même, on ne peut pas partir du principe que les dépenses engagées par les sociétés dont le comportement obéit à la loi du marché et dans lesquelles l’ État ne détient qu’ une simple participation sont supportées par l’ État .

58 . Pour pouvoir parler d’ une aide au sens de l’ article 92, il serait en outre nécessaire que le montant de chacune des aides puisse au moins être déterminé . Cet élément fait également défaut, du fait que, souvent, le calcul du supplément acquitté ne peut reposer que sur une comparaison hypothétique entre un marché passé dans des conditions de libre concurrence et des contrats de fourniture relevant du système de la part réservée . Il n’ est pas certain, en outre, qu’ un supplément soit véritablement acquitté . Le versement d’ un montant supplémentaire ne constitue pas non plus l’ objectif unique du système de la part réservée, celui-ci visant également, par le seul jeu de l’ obligation de s’ approvisionner en marchandises qui ont été, au moins partiellement, fabriquées sur le territoire auquel s’ applique le régime préférentiel, à assurer le maintien des unités de production et, par là, des emplois . Une réglementation qui a depuis une décennie institué un régime préférentiel pourrait avoir eu, en outre, pour objectif et pour effet d’ entraîner l’ implantation de nouvelles industries, ce qui n’ impliquerait nullement qu’ elles ne travaillent pas de manière rentable, de sorte qu’ il se peut que les marchandises fabriquées dans ces régions soient mises en vente sur le marché à des prix tout à fait concurrentiels .

59 . Permettez-nous encore une dernière remarque concernant le système de la part réservée pris sous l’ angle de son caractère d’ aide et de ses rapports avec l’ article 30 . Selon la jurisprudence – ainsi que nous l’ avons déjà exposé -, certains aspects d’ une aide peuvent être interdits, parce que incompatibles avec les dispositions de l’ article 30, lorsque l’ objectif poursuivi par l’ aide pouvait être atteint d’ une manière moins radicale . Il serait certainement possible de contribuer à la promotion d’ une région en ayant recours à des mesures ayant un effet moins restrictif sur la circulation intracommunautaire des marchandises ( 35 ). Les mesures de soutien à finalité régionale sont, en tant que telles, selon les critères et dans le cadre des limites fixées par le traité CEE, licites . En application de l’ article 92, paragraphe 3, sous a ), de telles aides peuvent être ainsi considérées comme compatibles avec le marché commun . Toutefois, les mesures de soutien fondées sur ces dispositions doivent s’ inscrire dans le cadre communautaire et ne peuvent aller à l’ encontre des buts et objectifs de la Communauté . Afin de permettre une coordination des régimes d’ aides à finalité régionale, la Commission a défini certains principes au regard desquels il convient d’ apprécier la validité d’ une aide à finalité régionale . Ces principes ont fait l’ objet d’ une publication par voie de communication ( 36 ).

60 . Des mesures de soutien à finalité régionale peuvent également trouver une base légale dans l’ article 130 A . Cependant, il s’ agit là expressément de la mise en oeuvre d’ un objectif de la Communauté, de sorte que seules des actions communautaires ou du moins autorisées par la Communauté peuvent être prises en compte .

61 . Pour ce qui est des conséquences attachées à l’ appréciation portée sur l’ illégalité au regard du droit communautaire du système de la part réservée et, en particulier, des conséquences qu’ il appartient à la juridiction de renvoi d’ en tirer, il importe peu que la mesure en cause ait ou non le caractère d’ une aide . En effet, la disposition litigieuse ne pourrait être au plus qu’ une aide non autorisée . D’ après son contenu et d’ après l’ objectif qu’ elle poursuit, cette règle pourrait constituer une aide susceptible d’ être approuvée au titre de l’ article 92, paragraphe 3, sous a ).

62 . L’ appréciation de la compatibilité d’ une mesure nationale de soutien avec le marché commun ne relève pas de la compétence des juridictions nationales . La Commission, en sa qualité d’ institution chargée de l’ examen des régimes d’ aides, n’ a pas non plus donné à la règle en cause son approbation en tant qu’ aide ( 37 ). Bien que le gouvernement italien ait notifié dans les délais requis le projet de loi qui est devenu la loi n° 64/81, la Commission, selon ses propres affirmations au cours du procès, n’ a jamais ouvert la procédure d’ examen en matière d’ aides à l’ égard de la disposition instituant un régime préférentiel . Si l’ on s’ en tient à ces faits, l’ article 93, paragraphe 3, dernière phrase, du traité CEE, qui interdit à l’ État membre intéressé de mettre à exécution la mesure projetée avant que la Commission ait pris une décision finale, ne trouve pas ici à s’ appliquer . Dans le seul cadre qui nous intéresse ici, le système de la part réservée n’ est pas affecté par l’ illégalité, dont doivent également tenir compte les juridictions nationales et les organes de l’ administration, qui entache une mesure prise en méconnaissance de cette disposition .

Sur les dépens

63 . Les frais engagés par le gouvernement italien et la Commission ne sont pas récupérables . Pour les parties au principal, la procédure devant la Cour a le caractère d’ un incident de procédure . Il appartient à la juridiction de renvoi de statuer sur les dépens .

C – Conclusion

64 . Compte tenu des développements qui précèdent, nous proposons d’ apporter aux questions déférées par la juridiction de renvoi les réponses suivantes :

« 1 ) Le système de la part réservée prévu par la loi n° 64/86 doit être considéré comme une mesure d’ effet équivalant à une restriction quantitative au sens de l’ article 30 du traité CEE . Les juridictions nationales ainsi que les organes de l’ administration doivent tenir compte du fait que ce système est, en conséquence, contraire aux règles du droit communautaire .

2 ) L’ exception prévue à l’ article 26 de la directive 77/62/CEE n’ a pas pour effet de rendre le système de la part réservée compatible avec les règles du droit communautaire .

3 ) Le système de la part réservée n’ a pas le caractère d’ une aide . Même dans l’ hypothèse où l’ on voudrait le considérer comme une aide, cette qualification n’ aurait aucune conséquence directe sur le litige principal ."

(*) Langue originale : l’ allemand .

( 1 ) Affaire Istituto Behring/USSL N, 310/88; affaire Hoechst Italia/USSL N 56, 311/88; affaire Laboratori Bruneau/USL R, 351/88 .

( 2 ) En ce sens, déjà, l’ arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi/Paolo Meroni, 74/76, Rec . p . 557; l’ arrêt du 10 juillet 1985, Commission/Irlande, 17/84, Rec . p . 2375, et l’ arrêt du 5 juin 1986, Commission/Italie, 103/84, Rec . p . 1759 .

( 3 ) Affaire 74/76, précitée note 2, attendus 11 et 12 .

( 4 ) Voir arrêt du 19 juin 1973, Capolongo, 77/72, Rec . p . 611, attendu 6 .

( 5 ) Affaire 74/76, précitée note 2, attendus 9 et 10 .

( 6 ) Affaire 74/76, précitée note 2, attendu 14 .

( 7 ) Voir affaire 18/84, Rec . 1985, p . 1339, point 6 des motifs .

( 8 ) Voir arrêt du 24 novembre 1982, Commission/Irlande, 249/81, Rec . p . 4005, point 16 des motifs .

( 9 ) Affaire 249/81, précitée note 8, point 18 des motifs .

( 10 ) Affaire 18/84, précitée note 7, point 13 des motifs, et affaire 103/84, précitée note 2, point 19 des motifs .

( 11 ) Affaire 18/84, précitée note 7, point 13 des motifs, et affaire 103/84, précitée note 2 .

( 12 ) La Cour a clairement affirmé que les particuliers sont fondés à invoquer des dispositions déployant un effet direct non seulement devant les juridictions nationales, mais également devant tous les organes de l’ administration, y compris les autorités communales, qui sont tenus de faire application de ces dispositions . Arrêt du 22 juin 1989, Costanzo, 103/88, Rec . p . 0000 .

( 13 ) Arrêt du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, Rec . p . 837 .

( 14 ) Voir, à ce sujet, la communication de la Commission COM(89 ) 400 déf ., n° 38 .

( 15 ) COM(89 ) 400 .

( 16 ) Affaire 249/81, précitée note 8 .

( 17 ) Arrêt du 22 mars 1977, Steinicke et Weinlig/République fédérale d’ Allemagne, 78/76, Rec . p . 595, et affaire 103/84, précitée note 2 .

( 18 ) Arrêt du 10 juillet 1985, Commission/Irlande, 17/84, Rec . p . 2375 .

( 19 ) Arrêt du 11 décembre 1985, Commission/République hellénique, 192/84, Rec . p . 3973 .

( 20 ) Arrêt du 17 juin 1981, Commission/Irlande, 113/80, Rec . p . 1627 .

( 21 ) Affaire 113/80, précitée note 2 .

( 22 ) Affaire 103/84, précitée note 2 .

( 23 ) Voir ci-dessus point 26 .

( 24 ) Du 22 décembre 1969, JO L 13 du 19.1.1970, p . 29 .

( 25 ) Voir nos conclusions dans l’ affaire 103/84, Rec . 1986, p . 1764 .

( 26 ) Voir l’ avant-dernier ( le quinzième ) considérant de la directive, JO L 13 du 19.1.1979, p . 30 .

( 27 ) C’ est nous qui soulignons .

( 28 ) Voir, par exemple, l’ arrêt du 7 février 1984, Duphar BV et autres/État néerlandais, 238/82, Rec . p . 523 .

( 29 ) Arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral AG/Bundesmonopolverwaltung fuer Branntwein, « Cassis de Dijon », 120/78, Rec . p . 649 .

( 30 ) JO L 13 du 15.1.1976, p . 1 .

( 31 ) JO L 13 du 19.1.1970, p . 1 .

( 32 ) JO L 27 du 20.5.1988, p . 1 .

( 33 ) Arrêt du 23 février 1988, Commission/République française, 216/84, Rec . p . 793, point 22 des motifs .

( 34 ) Arrêt du 11 mai 1989, Commission/République fédérale d’ Allemagne, 76/86, Rec . p . 0000, point 23 des motifs .

( 35 ) Voir, par exemple, les mesures de soutien prévues par la loi n° 64/86, que la Commission a déclarées compatibles avec les règles du droit communautaire; décision de la Commission du 2 mars 1988, JO L 143 du 10.6.1988, p . 37 .

( 36 ) Communication de la Commission sur les régimes d’ aides à finalité régionale, JO C 31 du 3.2.1979, p . 9 .

( 37 ) Voir la décision de la Commission du 2 mars 1988, JO L 143 du 10.6.1988, p . 37, point II.3, ainsi que la réserve exprimée auparavant par la Commission dans ses observations relatives à la loi n° 64/86, JO C 259 du 29.9.1987, p . 2 .

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CJCE, n° C-21/88, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Du Pont de Nemours Italiana SPA contre Unità Sanitaria locale no 2 di Carrara, 28 novembre 1989