CJCE, n° C-152/88, Arrêt de la Cour, Sofrimport SARL contre Commission des Communautés européennes, 26 juin 1990

  • Responsabilité engagée 4 . responsabilité non contractuelle·
  • Acte normatif impliquant des choix de politique économique·
  • Suspension de la délivrance de certificats d' importation·
  • Actes les concernant directement et individuellement·
  • Mesures de sauvegarde communautaires·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
  • Organisation commune des marchés·
  • Fondement de la responsabilité·
  • Personnes physiques ou morales·
  • Recevabilité 2 . agriculture

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 26 juin 1990, Sofrimport / Commission, C-152/88
Numéro(s) : C-152/88
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 26 juin 1990. # Sofrimport SARL contre Commission des Communautés européennes. # Politique commerciale commune - Mesures de sauvegarde communautaires - Échanges avec les pays tiers - Pommes de table originaires du Chili. # Affaire C-152/88.
Date de dépôt : 26 mai 1988
Solution : Recours en annulation : obtention, Recours en annulation : rejet sur le fond, Recours en responsabilité : obtention
Identifiant CELEX : 61988CJ0152
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1990:259
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61988J0152

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 26 juin 1990. – Sofrimport SARL contre Commission des Communautés européennes. – Politique commerciale commune – Mesures de sauvegarde communautaires – Échanges avec les pays tiers – Pommes de table originaires du Chili. – Affaire C-152/88.


Recueil de jurisprudence 1990 page I-02477


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Dispositif

Mots clés


++++

1 . Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Règlement suspendant la délivrance de certificats d’ importation – Importateurs dont les marchandises se trouvent en cours d’ acheminement vers la Communauté – Recevabilité

( Traité CEE, art . 173, alinéa 2; règlement du Conseil n 2707/72, art . 3, § 3; règlements de la Commission n s 962/88, 984/88 et 1040/88 )

2 . Agriculture – Organisation commune des marchés – Fruits et légumes – Importations des pays tiers – Mesures de sauvegarde communautaires – Suspension de la délivrance de certificats d’ importation – Prise en compte de la situation particulière des produits en cours d’ acheminement – Obligation de respecter la confiance légitime des opérateurs économiques – Portée – Violation – Illégalité de la suspension

( Règlement du Conseil n 2707/72, art . 3, § 3; règlements de la Commission n 346/88, art . 3, § 3, et n s 962/88, 984/88 et 1040/88 )

3 . Responsabilité non contractuelle – Conditions – Acte normatif impliquant des choix de politique économique – Violation suffisamment caractérisée d’ une règle supérieure de droit – Mesures de sauvegarde dans les échanges avec les pays tiers prises en méconnaissance de la situation des opérateurs dont les marchandises se trouvent en cours d’ acheminement vers la Communauté – Responsabilité engagée

( Traité CEE, art . 215, alinéa 2; règlement du Conseil n 2707/72, art . 3, § 3 )

4 . Responsabilité non contractuelle – Préjudice – Réparation – Demande d’ intérêts – Admissibilité

( Traité CEE, art . 215, alinéa 2 )

Sommaire


1 . Un règlement intervenu dans le secteur des fruits et légumes et suspendant la délivrance de certificats d’ importation pour les produits originaires d’ un pays tiers concerne directement et individuellement, au sens de l’ article 173, deuxième alinéa, du traité, les importateurs dont les marchandises étaient en cours d’ acheminement vers la Communauté au moment de son entrée en vigueur, dans la mesure où il s’ applique à cette catégorie de marchandises . Il les concerne, en effet, directement du fait qu’ il prescrit aux autorités nationales de rejeter les demandes de certificats en instance sans leur laisser aucune marge d’ appréciation et individuellement en ce sens que les intéressés, d’ une part, constituent un cercle restreint, suffisamment caractérisé par rapport à tout autre importateur du même produit et non susceptible de s’ élargir après l’ entrée en vigueur de la mesure de suspension et, d’ autre part, tirent de l’ article 3, paragraphe 3, du règlement n 2707/72 une protection spécifique qu’ ils doivent être en mesure de faire valoir par l’ introduction d’ un recours juridictionnel .

2 . L’ article 3, paragraphe 3, du règlement n 2707/72, selon lequel les mesures de sauvegarde dans le secteur des fruits et légumes tiennent compte de la situation particulière des produits en cours d’ acheminement vers la Communauté, a pour effet de permettre à un importateur dont les marchandises se trouvent dans cette situation de se prévaloir d’ une confiance légitime excluant, sauf intérêt public péremptoire, l’ application à son égard des mesures de suspension .

La Commission ne pouvait, pour satisfaire aux exigences de la protection particulière conférée par cette disposition, se contenter de se réserver explicitement, comme elle l’ a fait par son règlement n 346/88, la possibilité de prendre des mesures de sauvegarde; il lui eût fallu en effet indiquer les situations dans lesquelles l’ intérêt public était susceptible de justifier l’ application de mesures de sauvegarde à l’ égard des marchandises en cours d’ acheminement . Faute donc que ladite protection ait été assurée, il y a lieu d’ annuler les règlements n s 962/88, 984/88 et 1040/88, pour autant qu’ ils concernent les marchandises en cours d’ acheminement .

3 . Constitue une violation suffisamment caractérisée d’ une règle supérieure de droit, de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté, le fait pour la Commission de prendre, dans le secteur des fruits et légumes, sans faire état d’ un intérêt public péremptoire, des mesures de sauvegarde visant les importations en provenance de pays tiers en omettant complètement, au mépris de la confiance légitime créée par l’ article 3, paragraphe 3, du règlement n 2707/72, de prendre en considération la situation des opérateurs dont les marchandises se trouvent en cours d’ acheminement vers la Communauté .

Les dommages éventuels résultant de l’ adoption de telles mesures dans de telles conditions dépassent les limites des risques économiques inhérents à l’ activité des opérateurs dans le secteur concerné, dès lors que la disposition précitée a précisément pour but de limiter ces risques à l’ égard des marchandises en cours d’ acheminement .

4 . Une demande d’ intérêts liée à la responsabilité non contractuelle de la Communauté en vertu de l’ article 215, deuxième alinéa, du traité doit être appréciée à la lumière des principes communs aux droits des États membres auxquels renvoie cette disposition . Il résulte de ces principes qu’ une telle demande est en général admissible .

Parties


Dans l’ affaire C-152/88,

Sofrimport SARL, société de droit français, ayant son siège social à Paris, représentée par Mes H . J . Bronkhorst, avocat au barreau de La Haye habilité à plaider devant le Hoge Raad, et E . H . Pijnacker Hordijk, avocat au barreau d’ Amsterdam, ayant élu domicile à Luxembourg en l’ étude de Me Jacques Loesch, 8, rue Zithe,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . Peter Oliver, membre de son service juridique, en qualité d’ agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Georgios Kremlis, membre de son service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en annulation des règlements ( CEE ) n°s 962/88 et 984/88 de la Commission, des 12 et 14 avril 1988, suspendant la délivrance des certificats d’ importation pour les pommes de table originaires du Chili ( JO L 95, p . 10, et L 98, p . 37 ) et du règlement ( CEE ) n° 1040/88 de la Commission, du 20 avril 1988, fixant des quantités à l’ importation des pommes de table originaires des pays tiers et modifiant le règlement n° 962/88 ( JO L 102, p . 23 ) ainsi qu’ une demande en réparation des dommages,

LA COUR ( cinquième chambre ),

composée de Sir Gordon Slynn, président de chambre, MM . M . Zuleeg, R . Joliet, J . C . Moitinho de Almeida et G . C . Rodríguez Iglesias, juges,

avocat général : M . G . Tesauro

greffier : Mme B . Pastor, administrateur

vu le rapport d’ audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l’ audience du 28 septembre 1989,

ayant entendu l’ avocat général en ses conclusions à l’ audience du 22 novembre 1989,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 26 mai 1988, la société de droit français Sofrimport SARL ( ci-après « Sofrimport ») a, en vertu de l’ article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l’ annulation des règlements ( CEE ) n°s 962/88 et 984/88 de la Commission, des 12 et 14 avril 1988, suspendant la délivrance des certificats d’ importation pour les pommes de table originaires du Chili ( JO L 95, p . 10 et JO L 98, p . 37 ) ainsi que du règlement ( CEE ) n° 1040/88 de la Commission, du 20 avril 1988, fixant les quantités à l’ importation des pommes de table originaires des pays tiers et modifiant le règlement n° 962/88, précité ( JO L 102, p . 23 ). Par la même requête, Sofrimport a, en vertu de l’ article 215, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé la condamnation de la Communauté économique européenne à la réparation du préjudice subi du fait de ces règlements .

2 Les règlements n°s 962/88, 984/88 et 1040/88 ont été adoptés dans le cadre du régime de surveillance à l’ importation de pommes de table des pays tiers que la Commission a institué par son règlement ( CEE ) n° 346/88, du 3 février 1988 ( JO L 34, p . 21 ). Ce régime a subordonné la mise en libre pratique de ces fruits dans la Communauté à Dix à la présentation d’ un certificat d’ importation, dont la période de validité était d’ abord de trente jours et a ensuite été portée, en vertu du règlement ( CEE ) n° 871/88 de la Commission, du 30 mars 1988 ( JO L 87, p . 73 ), à quarante jours . Par les règlements n°s 962/88 et 984/88, la Commission a suspendu respectivement du 15 au 22 avril et du 18 au 29 avril, à titre de mesure de sauvegarde, la délivrance des certificats d’ importation pour les pommes de table originaires du Chili . Par son règlement n° 1040/88, la Commission a, d’ une part, maintenu jusqu’ au 31 août 1988 la suspension de la délivrance des certificats d’ importation pour les pommes de table originaires du Chili, et elle a, d’ autre part, fixé des quantités à l’ importation des pommes de table originaires, notamment, des cinq pays producteurs de l’ hémisphère Sud .

3 Le 31 mars 1988, Sofrimport, qui exerce l’ activité d’ importateur et de négociant en gros de fruits frais, a embarqué à San Antonio une cargaison de 89 514 cartons de pommes de table d’ origine chilienne destinées à être importées dans la Communauté . Préalablement à l’ arrivée, le 20 avril 1988, du navire transportant cette cargaison au port de Marseille, elle a introduit, le 12 avril 1988, auprès de l’ organisme d’ intervention français, l’ Oniflhor, une demande de certificats d’ importation pour ces marchandises, conformément aux exigences posées par le règlement n° 346/88 de la Commission .

4 Le 18 avril 1988, l’ Oniflhor a refusé la délivrance des certificats en se référant aux règlements n°s 962/88 et 984/88, précités . Selon l’ article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 962/88, les demandes de certificat d’ importation en instance à la date du 18 avril 1988 devaient, en effet, être rejetées .

5 Le 26 mai 1988, Sofrimport a introduit, en vertu des articles 186 du traité CEE et 83 du règlement de procédure, une demande en référé visant à obtenir, en ce qui concerne les pommes de table qu’ il avait embarquées à San Antonio le 31 mars 1988, le sursis à l’ exécution des règlements n°s 962/88, 984/88 et 1040/88 .

6 Par ordonnance du 10 juin 1988, le président de la Cour a fait droit à cette demande .

7 Pour un plus ample exposé du cadre réglementaire et des faits de l’ affaire, du déroulement de la procédure et des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d’ audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur le recours en annulation

Sur la recevabilité

8 En ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation, il y a lieu d’ examiner si les actes contestés concernent la requérante directement et individuellement au sens de l’ article 173, deuxième alinéa, du traité .

9 La requérante est directement concernée par les actes contestés puisque le règlement n° 962/88 prescrit aux autorités nationales de rejeter les demandes de certificat d’ importation en instance et ne leur laisse donc aucune marge d’ appréciation .

10 En ce qui concerne la question de savoir si la requérante est individuellement concernée, il y a lieu d’ examiner si les actes contestés l’ atteignent en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’ une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne ( voir l’ arrêt du 14 juillet 1983, Spijker/Commission, point 8, 231/82, Rec . p . 2559 ).

11 A cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que la requérante se trouve dans la situation prévue par l’ article 3, paragraphe 3, du règlement ( CEE ) n° 2707/72 du Conseil, du 19 décembre 1972, définissant les conditions d’ application des mesures de sauvegarde dans le secteur des fruits et légumes ( JO L 291, p . 3 ) qui impose à la Commission de tenir compte, lors de l’ adoption de telles mesures, de la situation particulière des produits en cours d’ acheminement vers la Communauté . Seuls se trouvent dans cette situation les importateurs de pommes chiliennes dont les marchandises se trouvaient, au moment de l’ adoption du règlement n° 962/88, en cours d’ acheminement . Ces importateurs constituent donc un cercle restreint, suffisamment caractérisé par rapport à tout autre importateur de pommes chiliennes, et qui ne peut pas être élargi après l’ entrée en vigueur des mesures de suspension en cause .

12 Il convient de constater, en second lieu, que l’ article 3, précité, conférant une protection spécifique à ces importateurs, ceux-ci doivent, dès lors, pouvoir exiger que cette protection soit respectée et être en mesure d’ introduire à cet effet un recours juridictionnel .

13 Les importateurs dont les marchandises se trouvaient en cours d’ acheminement au moment de l’ entrée en vigueur des règlements attaqués doivent, par conséquent, être considérés comme individuellement concernés par ceux-ci dans la mesure où les actes concernent lesdites marchandises . Le recours en annulation n’ est donc recevable que dans la mesure où il met en cause l’ application des mesures de sauvegarde aux produits en cours d’ acheminement .

Sur le fond

14 Sofrimport fonde son recours en annulation sur les moyens suivants :

— absence de perturbations graves au sens de l’ article 29 du règlement ( CEE ) n° 1035/72 du Conseil, du 18 mai 1972, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes ( JO L 118, p . 1 ), dont la présence conditionne le pouvoir de prendre des mesures de sauvegarde;

— abus de pouvoir consistant dans le fait de suspendre les importations de pommes de table en vue d’ effectuer une analyse du marché alors que la Commission ne détient le pouvoir de suspendre ces importations que pour éviter que le marché ne subisse des perturbations graves du fait de ces importations, et violation du principe de proportionnalité en ce que la suspension a été limitée aux importations de pommes en provenance du Chili et n’ a pas été étendue aux importations de pommes en provenance d’ autres pays tiers;

— violation de l’ article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2707/72 en ce que la Commission a omis de prendre en compte la situation des marchandises en cours d’ acheminement vers la Communauté;

— défaut d’ habilitation dans le chef de la Commission pour l’ établissement d’ un système de quotas tel que celui qu’ elle a institué par le règlement n° 1040/88 .

15 Le recours en annulation n’ étant recevable que dans la mesure où il concerne la situation des produits en cours d’ acheminement, il convient de n’ examiner que le troisième de ces moyens qui est le seul qui mette en cause l’ application des mesures de sauvegarde à ces produits .

16 Aux termes de l’ article 3, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 2707/72, « les mesures ( de sauvegarde dans le secteur des fruits et légumes ) tiennent compte de la situation particulière des produits en cours d’ acheminement vers la Communauté ». Cette disposition a pour effet de permettre à un importateur dont les marchandises se trouvent en cours d’ acheminement de se prévaloir d’ une confiance légitime excluant, sauf intérêt public péremptoire, l’ application à son égard des mesures de suspension .

17 La Commission soutient d’ abord qu’ elle aurait suffisamment protégé les opérateurs dont les marchandises se trouvaient en cours d’ acheminement en procédant, par le règlement n° 871/88, du 30 mars 1988 ( JO L 87, p . 73 ), à une extension de la durée de validité des certificats d’ importation de trente à quarante jours . Cet argument ne saurait être retenu . A cet égard, il suffit de constater que la protection spécifique prévue par l’ article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2707/72 concerne principalement des marchandises non couvertes par un certificat .

18 La Commission fait, par ailleurs, valoir qu’ un opérateur normalement diligent pouvait s’ attendre, à tout moment, à ce qu’ elle prenne des mesures de sauvegarde dès lors qu’ elle s’ en était réservé explicitement la possibilité à l’ article 3, paragraphe 3, du règlement n° 346/88 . Le fait d’ informer les opérateurs économiques de la possibilité de mesures de sauvegarde ne saurait cependant être considéré comme suffisant . Pour que les exigences de la protection particulière prévue à l’ article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2707/72 fussent satisfaites, le texte aurait dû, en outre, indiquer les situations dans lesquelles l’ intérêt public était susceptible de justifier l’ application des mesures de sauvegarde à l’ égard des marchandises en cours d’ acheminement .

19 Il convient de constater que la Commission n’ a, en l’ espèce, fait valoir l’ existence d’ aucun intérêt public supérieur justifiant l’ application des mesures de suspension à l’ égard des marchandises en cours d’ acheminement .

20 Par conséquent, la Commission a, en l’ espèce, manqué à ses obligations au titre de l’ article 3, paragraphe 3, du règlement précité .

21 Il convient, dès lors, d’ annuler les règlements n°s 962/88, 984/88 et 1040/88 dans la mesure où ceux-ci concernent les produits en cours d’ acheminement vers la Communauté et de rejeter le recours en annulation pour le surplus .

Sur le recours en indemnisation

22 Sofrimport demande, en outre, que la Communauté soit condamnée à l’ indemniser des dommages qu’ elle lui a fait subir en l’ empêchant de commercialiser les pommes de table d’ origine chilienne dans la Communauté jusqu’ au 10 juin 1988, date de l’ ordonnance par laquelle le président de la Cour a suspendu l’ application de ces règlements à l’ égard des 89 514 cartons de pommes de table stockés à l’ époque en transit au port de Marseille . En arrêtant ces règlements sans tenir compte de la situation des marchandises en cours d’ acheminement, la Commission aurait, en effet, commis une violation d’ une règle supérieure de droit et aurait méconnu de manière manifeste et grave les limites de l’ exercice de ses compétences .

23 La Commission conteste que les conditions requises pour engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté soient remplies . Les règlements attaqués constitueraient des actes normatifs impliquant des choix de politique économique de sorte que la Communauté ne pourrait être redevable de dommages-intérêts que dans les conditions dégagées par la jurisprudence de la Cour en matière de responsabilité non contractuelle . Les mesures litigieuses n’ excéderaient pas la limite des pouvoirs de la Commission et, en tout cas, ne l’ excéderaient pas de façon grave et manifeste . En outre, la requérante n’ aurait pas subi un dommage excédant les risques normaux inhérents aux activités économiques concernées en l’ espèce .

24 Il ressort de l’ article 215, deuxième alinéa, du traité qu’ en matière de responsabilité non contractuelle la Communauté doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions dans l’ exercice de leurs fonctions .

25 En matière d’ actes normatifs, la Cour a précisé la portée de cette disposition, notamment dans son arrêt du 25 mai 1978, HNL, points 4 à 6 ( 83/76 et 94/76, 4/77, 15/77 et 40/77, Rec . p . 1209; voir, aussi, arrêts du 4 octobre 1979, Ireks-Arkady, point 9, 238/78, Rec . p . 2955; DGV, point 9, 241/78, 242/78, 245/78 à 250/78, Rec . p . 3017, et Interquell, point 12, 261/78 et 262/78, Rec . p . 3045 ). Selon cette jurisprudence, la responsabilité de la Communauté du fait d’ un acte normatif qui implique des choix de politique économique ne saurait être engagée qu’ en présence d’ une violation suffisamment caractérisée d’ une règle supérieure de droit protégeant les particuliers .

26 A cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que l’ article 3, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 2707/72 a pour but de protéger les opérateurs économiques qui importent dans la Communauté des marchandises visées par ledit règlement, des effets désavantageux découlant des mesures de sauvegarde susceptibles d’ être prises par les institutions communautaires . Cette disposition crée ainsi une confiance légitime dont la méconnaissance constitue une violation d’ une règle supérieure de droit .

27 En second lieu, il convient de constater que, en omettant complètement, sans faire état d’ un intérêt public péremptoire, de prendre en considération la situation des opérateurs économiques, tels que Sofrimport, la Commission a violé de façon suffisamment caractérisée la règle de l’ article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2707/72 .

28 En troisième lieu, le dommage allégué par Sofrimport dépasse les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur concerné dès lors que ladite disposition a justement pour but de limiter ces risques à l’ égard des marchandises en cours d’ acheminement .

29 Dans ces circonstances, il y a donc lieu de conclure que la Communauté doit réparer les dommages causés à Sofrimport par l’ adoption des règlements contestés .

30 En ce qui concerne le montant des indemnités, il convient d’ inviter les parties à se mettre d’ accord, sous réserve d’ une décision ultérieure de la Cour, sur sa liquidation dans un délai de douze mois, en tenant compte des prix effectivement perçus par Sofrimport lors de la vente des pommes, suite à l’ ordonnance du président de la Cour, précitée, et des prix qu’ elle aurait pu obtenir immédiatement après l’ arrivée des marchandises au port de débarquement .

31 Sofrimport a demandé, en outre, que la Communauté soit condamnée au paiement d’ intérêts au taux de 9,5 % par an, à compter de la date de la présentation du mémoire en réplique dans la présente affaire .

32 S’ agissant d’ une demande liée à la responsabilité non contractuelle de la Communauté en vertu de l’ article 215, deuxième alinéa, elle doit être appréciée à la lumière des principes communs aux droits des États membres auxquels renvoie cette disposition . Il en résulte qu’ une demande d’ intérêts est, en général, admissible . Compte tenu des critères retenus par la Cour dans les affaires similaires, l’ obligation de payer des intérêts naît à partir du présent arrêt, en tant qu’ il constate l’ obligation de réparer le préjudice ( voir les arrêts du 4 octobre 1979, précités, du 18 mai 1983, Pauls Agriculture, point 17, 256/81, Rec . p . 1707, et du 13 novembre 1984, Birra Wuehrer, point 37, 256/80, 257/80, 265/80 et 267/80, 5/81 et 51/81 et 282/82, Rec . p . 3693 ). Le taux d’ intérêt qu’ il convient d’ appliquer est celui de 8 %.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR ( cinquième chambre ),

statuant avant dire droit, déclare et arrête :

1 ) Les règlements ( CEE ) n°s 962/88 et 984/88 de la Commission, des 12 et 14 avril 1988, suspendant la délivrance des certificats d’ importation pour les pommes de table originaires du Chili ainsi que le règlement ( CEE ) n° 1040/88 de la Commission, du 20 avril 1988, fixant les quantités à l’ importation des pommes de table originaires des pays tiers et modifiant le règlement ( CEE ) n° 962/88 sont annulés dans la mesure où ceux-ci concernent les produits en cours d’ acheminement vers la Communauté .

2 ) Le recours en annulation est rejeté pour le surplus .

3 ) La Communauté économique européenne est condamnée à réparer le préjudice subi par Sofrimport SARL du fait de l’ application des règlements ( CEE ) n°s 962/88, 984/88 et 1040/88 .

4 ) Les montants à payer seront assortis des intérêts au taux de 8 % par an à compter de la date du présent arrêt .

5 ) Les parties transmettront à la Cour, dans un délai de douze mois après le prononcé du présent arrêt, les chiffres des montants de la réparation établis d’ un commun accord .

6 ) A défaut d’ accord, les parties feront parvenir à la Cour, dans un délai de douze mois après le prononcé du présent arrêt, leurs conclusions chiffrées .

7 ) Les dépens sont réservés .

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