CJCE, n° C-213/89, Conclusions de l'avocat général de la Cour, The Queen contre Secretary of State for Transport, ex parte: Factortame Ltd e.a, 17 mai 1990

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 17 mai 1990, Factortame e.a., C-213/89
Numéro(s) : C-213/89
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 17 mai 1990. # The Queen contre Secretary of State for Transport, ex parte: Factortame Ltd e.a. # Demande de décision préjudicielle: House of Lords - Royaume-Uni. # Droits découlant des dispositions communautaires - Protection par les juridictions nationales - Compétence des juridictions nationales pour ordonner des mesures provisoires en cas de renvoi préjudiciel. # Affaire C-213/89.
Date de dépôt : 10 juillet 1989
Précédents jurisprudentiels : Cass. Sezioni Unite, 1.12.1978, n° 5678
Chiovenda, Istituzioni di diritto processuale civile, I, Naples, 1933, n° 12
Corte costituzionale, 27.12.1974, n° 284
Corte costituzionale, 28.6.1985, n° 190
Cour ( arrêt du 4 mai 1988, Bodson, 30/87
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61989CC0213
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1990:216
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61989C0213

Conclusions de l’avocat général Tesauro présentées le 17 mai 1990. – The Queen contre Secretary of State for Transport, ex parte: Factortame Ltd e.a. – Demande de décision préjudicielle: House of Lords – Royaume-Uni. – Droits découlant des dispositions communautaires – Protection par les juridictions nationales – Compétence des juridictions nationales pour ordonner des mesures provisoires en cas de renvoi préjudiciel. – Affaire C-213/89.


Recueil de jurisprudence 1990 page I-02433
édition spéciale suédoise page 00435
édition spéciale finnoise page 00453


Conclusions de l’avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . La réponse que la Cour est appelée à apporter à deux questions préjudicielles déférées par la House of Lords dans l’ affaire Factortame sera assurément rangée parmi celles qui contribuent à définir le cadre des rapports entre le juge national et le droit communautaire . Et nous ajouterons : sur un point d’ une importance certaine .

Les questions sont claires . En attendant que la Cour de justice se prononce sur l’ interprétation préjudicielle d’ une disposition communautaire ayant un effet direct, l’ ordre juridique britannique n’ autorise pas le juge à suspendre à titre provisoire l’ application de la disposition interne prétendument contraire et, partant, à reconnaître provisoirement le droit du particulier, invoqué en vertu de la disposition communautaire mais nié par la disposition de droit interne : 1 ) le juge national doit-il ( ou peut-il ) se prononcer dans ce sens sur la base du droit communautaire? 2 ) en cas de réponse affirmative, à partir de quels critères?

2 . Le litige qui est à l’ origine du renvoi préjudiciel voit un nombre important de sociétés opérant dans le secteur de la pêche, régies par le droit anglais mais représentant des intérêts espagnols, contester la légalité, au regard du droit communautaire, d’ une loi britannique qui en 1988 a modifié – en les aggravant délibérément pour les intérêts étrangers ( également communautaires ) – les conditions d’ immatriculation sur le registre des bateaux de pêche, notamment en ce qui concerne la nationalité et la résidence de la propriété effective . Invoquant certaines dispositions du traité ayant un effet direct, la société Factortame et quelques autres ont engagé une procédure d’ « examen judiciaire » de la loi en question, en demandant qu’ elle soit déclarée inapplicable à leur égard en ce qu’ elle est contraire aux règles communautaires, que l’ on interdise à l’ administration de considérer comme caduque l’ immatriculation des bateaux obtenue sur la base de l’ ancienne loi et que l’ on accorde des mesures provisoires en cas de renvoi de la décision définitive .

3 . Le juge du premier degré, la Divisional Court de la Queen’ s Bench Division, a saisi la Cour de justice aux fins de l’ interprétation des dispositions communautaires invoquées et, à titre de mesure provisoire, a enjoint à l’ administration de ne pas appliquer la nouvelle loi aux demanderesses en attendant la décision définitive ou une nouvelle ordonnance accordant des mesures provisoires .

4 . Attaquée par l’ administration, la mesure provisoire a été annulée par la Court of Appeal au motif que le juge anglais n’ a pas le pouvoir de suspendre provisoirement l’ application des lois ni d’ imposer à l’ administration une obligation de faire .

5 . Saisie du problème, la House of Lords, confirmant qu’ en vertu du droit britannique il n’ est pas permis au juge de suspendre l’ application d’ une loi approuvée par le parlement au motif de son incompatibilité – présumée mais non vérifiée – avec le droit communautaire, a déféré à la Cour de justice les questions préjudicielles précitées visant, en substance, à savoir si ce qui n’ est pas permis par le droit anglais est imposé ou autorisé par le droit communautaire .

6 . A titre préliminaire, il y a lieu de préciser que le juge a quo reconnaît son pouvoir de faire prévaloir, sur la loi interne contraire, une disposition du traité ou du droit dérivé ayant des effets directs dans l’ ordre juridique britannique, et ce lorsque la contradiction est immédiatement et aisément décelable soit parce que la disposition communautaire a déjà fait l’ objet d’ une interprétation par la Cour de justice, soit parce que cette disposition a un contenu suffisamment « clair ». Aussi, le problème s’ est-il posé parce qu’ il n’ existait sur l’ interprétation des dispositions communautaires entrant en principe en ligne de compte aucune certitude, mais plutôt de « sérieux arguments plaidant tant en faveur de l’ existence des droits invoqués que contre celle-ci », si bien que le juge du premier degré en avait demandé l’ interprétation à titre préjudiciel par la Cour de justice, question qui, quant à elle, fait l’ objet d’ une procédure différente et indépendante de la présente ( affaire 221/89 ). En outre, et pour compléter le tableau, rappelons qu’ au sujet de la prétendue incompatibilité avec le droit communautaire de cette même loi britannique en cause, mais uniquement sous l’ angle de la nationalité, la Commission a introduit contre le Royaume-Uni un recours au titre de l’ article 169 en demandant également l’ octroi d’ une mesure provisoire de suspension de l’ application de la loi . La Cour a déjà rendu une ordonnance faisant droit à cette demande et la loi a aussi été amendée in parte qua ( 1 ).

7 . Toujours à titre préliminaire, il nous paraît opportun d’ observer que le problème s’ est posé dans le contexte de la procédure particulière de l’ « examen judiciaire » prévu par le système britannique, procédure que les intéressées ont engagée avant même que la nouvelle loi sur le registre d’ immatriculation des bateaux n’ entre en vigueur . A cet égard, tant le juge a quo dans l’ ordonnance de renvoi que le gouvernement britannique dans ses observations écrites ont souligné que, si la question du conflit avec le droit communautaire avait surgi au cours d’ une procédure pénale ou administrative ouverte à l’ encontre des mêmes intéressées pour violation de la loi sur le registre d’ immatriculation des bateaux, le juge aurait, en effet, pu suspendre la procédure ( voire l’ éventuelle mesure de confiscation des bateaux ) en attendant l’ issue du renvoi préjudiciel devant la Cour aux fins de l’ interprétation des dispositions communautaires pertinentes . Les conséquences de la décision de la Cour, favorables ou défavorables au regard de la demande des intéressées, seraient ensuite répercutées rétroactivement sur ces dernières . Le juge a quo en conclut que dans ce cas « les poursuites ou la confiscation seraient non pas mises en échec, mais uniquement suspendues » ( p . 9 de l’ ordonnance de renvoi ).

Il n’ apparaît pas tout à fait clairement dans quelle perspective a été précisée la différence entre la situation de l’ espèce ( procédure d’ examen judiciaire ) et celle que l’ on aurait pu rencontrer dans une procédure normale de type répressif ou autre que l’ on aurait ouverte à la suite de la violation de la loi . Il est vrai que, pour ce qui nous intéresse ici, la différence ne nous paraît pas revêtir une grande importance . La simple suspension d’ une procédure en raison du renvoi devant la Cour de justice au titre de l’ article 177 du traité ne constitue pas une mesure provisoire et ne satisfait à aucune exigence de la protection provisoire des droits invoqués . Au contraire, elle pose sans doute en termes plus graves le même problème que celui que soulève l’ exigence de la protection provisoire : celui de savoir si, suspendue, la procédure est précisément « mise en échec » par le retard de la décision définitive .

La question de la House of Lords revêt donc de l’ importance, de la même manière et dans les mêmes termes, au regard de l’ une comme de l’ autre des situations procédurales signalées à la Cour . Il n’ en serait autrement que si, quelle que soit la procédure, il était permis au juge, en cas de suspension avec renvoi devant la Cour au titre de l’ article 177, d’ ordonner également des mesures provisoires du type de celles que sollicitent les demanderesses en l’ espèce et s’ il avait donc le pouvoir d’ autoriser, à titre provisoire, l’ immatriculation des bateaux sur la base de l’ ancienne loi en attendant la décision définitive, ce qui est évidemment exclu, comme cela est clairement apparu également à l’ audience, tant dans la procédure d’ examen judiciaire que dans toute autre procédure .

8 . En revanche, nous attachons de l’ importance à la circonstance, relevée par le juge a quo, que dans une situation comme celle qui nous occupe, c’ est-à-dire en l’ absence d’ octroi de mesures provisoires, le préjudice économique subi par les demanderesses durant la procédure ne pourrait jamais non plus être réparé, dès lors qu’ une jurisprudence nationale constante s’ y oppose ( ordonnance, p . 6 ). Il s’ ensuit que, même dans l’ hypothèse d’ une décision d’ interprétation de la Cour allant dans le sens de la thèse des demanderesses au principal, le jugement prononcé ensuite par le juge national ne pourrait pas compenser le préjudice subi et la procédure pourrait apparaître comme étant, en tout cas, « mise en échec ».

Cela ne veut pas dire que la réparation du préjudice patrimonial revêt une importance décisive et constitue une véritable solution de rechange par rapport à la protection provisoire, étant donné que même si elle était prévue elle ne suffirait pas à elle seule à répondre toujours et en tout état de cause à l’ exigence de protection provisoire, exigence qui procède précisément de l’ insuffisance de la réparation en argent par rapport à l’ « utilité » du futur jugement ( 2 ). Plus précisément, l’ exclusion de la réparation rend par hypothèse irréparable le préjudice patrimonial subi durant la procédure .

9 . Le juge anglais a spécifiquement déterminé les principes de droit communautaire dont l’ interprétation préjudicielle par la Cour lui permettrait de résoudre, d’ une manière ou d’ une autre, le problème : l’ effet direct des règles communautaires invoquées, l’ obligation de protection directe et immédiate des droits des particuliers, l’ efficacité non illusoire des moyens de protection juridictionnelle, l’ obligation de ne pas appliquer des dispositions et/ou des pratiques nationales qui rendent impossible l’ exercice des droits et la protection qui leur est assurée .

De même ont été mis en évidence les obstacles formels auxquels se heurte l’ exercice du pouvoir de protection par le juge britannique dans un cas d’ espèce du type de celui dont il s’ agit ici : la présomption de légalité dont bénéficie la loi nationale jusqu’ à la décision définitive, y compris l’ interprétation préjudicielle de la Cour, ainsi que l’ impossibilité d’ imposer une obligation de faire à l’ administration, impossibilité qui vise d’ ailleurs non seulement les mesures provisoires, mais également les décisions définitives ( observations du gouvernement anglais, p . 13 et 20 ).

10 . Les principes de droit communautaire que la House of Lords a relevés comme étant pertinents et de l’ interprétation desquels sa décision dépend sont des principes fondamentaux consacrés par maints arrêts de la Cour . Ces principes sont, en tout cas, respectés sans difficulté par les juges britanniques sous réserve seulement de ce qui constitue la raison et, en même temps, l’ objet de la présente procédure préjudicielle : doivent-ils être interprétés également en ce sens que le juge national doit ( ou peut ) octroyer une mesure provisoire qui consiste dans l’ injonction adressée à la Couronne de ne pas appliquer, durant la procédure au fond, une « mesure » ( en l’ espèce, une loi approuvée par le parlement ) à l’ égard de laquelle existe non pas la certitude, mais seulement une présomption, quoique sérieuse, d’ une incompatibilité avec le droit communautaire? En somme, les obligations que le droit communautaire impose au juge national quant à la protection des droits conférés directement aux particuliers comprennent-elles également la suspension provisoire de la loi interne prétendument contraire?

11 . La réponse à cette question requiert, au-delà d’ un rapide examen des principes de droit communautaire pertinents, bien connus du juge a quo, la détermination de l’ exigence qui est à l’ origine, et constitue également la raison d’ être, de la protection provisoire, concept ancré depuis longtemps dans la théorie juridique générale comme dans les ordres juridiques des États membres .

12 . La condition préalable à l’ appréciation du problème est, comme cela est évident en l’ espèce, qu’ il s’ agisse de règles communautaires ayant un effet direct, au sens désormais incontesté de dispositions qui confèrent immédiatement aux particuliers des positions juridiques susceptibles d’ être qualifiées de droits ( subjectifs ) et qui, en tant que tels, peuvent être invoqués devant le juge national . Il n’ est guère nécessaire de souligner que telle est l’ hypothèse soumise à la Cour dans cette procédure préjudicielle, dans la mesure où il est sans importance de savoir de quelles règles communautaires il s’ agit et quelle en est l’ interprétation correcte . En effet, ce n’ est pas l’ interprétation des dispositions particulières du traité invoquées par les demanderesses dans le litige devant le juge national qui est sollicitée dans la présente procédure ( rappelons, uniquement dans un souci de clarté, qu’ il s’ agit des articles 7, 52, 58 et 221 du traité ), mais c’ est l’ interprétation des principes de droit communautaire précédemment rappelés . En d’ autres termes, il est demandé à la Cour non de se pencher sur le fond des dispositions invoquées par les demanderesses qui fait l’ objet, répétons-le, d’ une autre procédure préjudicielle distincte, également pendante devant la Cour ( affaire 221/89 ), mais de donner une réponse générale au sujet de la protection provisoire de droits invoqués par le particulier en vertu de dispositions communautaires ayant un effet direct .

13 . Cela étant, rappelons que les dispositions directement applicables du droit communautaire « doivent déployer la plénitude de leurs effets, d’ une manière uniforme dans tous les États membres, à partir de leur entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur validité » ( 3 ) et que « cet effet concerne également tout juge qui, saisi dans le cadre de sa compétence, a, en tant qu’ organe d’ un État membre, pour mission de protéger les droits conférés aux particuliers par le droit communautaire » ( Simmenthal, point 16 ). Et toujours dans ce dernier arrêt, la Cour a affirmé que, en vertu du principe de la primauté du droit communautaire, les dispositions correspondantes directement applicables ont pour effet, d’ une part, « de rendre inapplicable de plein droit, du fait même de leur entrée en vigueur, toute disposition contraire de la législation nationale existante », et, d’ autre part, d’ empêcher « la formation valable de nouveaux actes législatifs nationaux dans la mesure où ils seraient incompatibles avec des normes communautaires » ( Simmenthal, point 17 ).

Il est donc parfaitement clair que la disposition communautaire directement applicable à l’ intérieur des États membres confère aux particuliers une position juridique subjective dès son entrée en vigueur et pendant toute la durée de sa validité, indépendamment et même en dépit de la disposition nationale existante ou ultérieure qui, éventuellement, nie cette même position juridique . Il ne nous paraît pas utile, et moins que jamais dans le présent contexte, de nous livrer à un exercice dialectique stérile sur l’ ancrage théorique de cet état de choses acquis . Ce qui revêt de l’ intérêt, dans la mesure où cela est pertinent ici, c’ est que le juge national est tenu d’ assurer la protection juridictionnelle des droits conférés par la disposition communautaire dès l’ entrée en vigueur de cette disposition et pendant toute la durée de sa validité .

14 . Tout aussi évident, et en accord avec le principe de coopération énoncé à l’ article 5 du traité, véritable clé d’ interprétation de l’ ensemble du système, est le fait que les modalités et les mécanismes de protection des droits conférés aux particuliers par des règles communautaires sont et demeurent ceux que prévoient les ordres juridiques internes des États membres, en l’ absence d’ un système procédural harmonisé . Ce principe, que l’ on retrouve dans la jurisprudence de la Cour, se fonde cependant sur une condition fondamentale tirée également du deuxième alinéa de l’ article 5, à savoir que les modalités et les procédures nationales ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires visant à sauvegarder des droits fondés sur des dispositions nationales et, de même, qu’ elles ne doivent pas être de nature à rendre pratiquement « impossible l’ exercice de droits que les juridictions nationales ont l’ obligation de sauvegarder » ( 4 ).

D’ ailleurs, dès l’ arrêt Simmenthal, la Cour avait affirmé, au point 22, qu’ est "incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit communautaire toute disposition d’ un ordre juridique national ou toute pratique, législative, administrative ou judiciaire, qui aurait pour effet de diminuer l’ efficacité du droit communautaire par le fait de refuser au juge compétent pour appliquer ce droit, le pouvoir de faire, au moment même de cette application, tout ce qui est nécessaire pour écarter les dispositions législatives nationales formant éventuellement obstacle à la pleine efficacité des normes communautaires;« ( 5 ) en d’ autres termes, soit par les moyens que prévoit l’ ordre juridique, soit, à défaut, »de sa propre autorité" ( Simmenthal, point 24 ).

15 . A la lumière d’ une jurisprudence constante de la Cour, d’ ailleurs déterminée avec précision par le juge a quo, il est donc acquis que les juges nationaux ont l’ obligation d’ assurer aux particuliers titulaires de positions juridiques subjectives tirées de dispositions communautaires directement applicables, une protection juridictionnelle complète et effective, en partant du principe que la disposition communautaire régit le cas d’ espèce dès son entrée en vigueur . Et il en résulte l’ incompatibilité avec le droit communautaire de toutes dispositions ou pratiques nationales qui empêchent le juge de donner « pleine efficacité » aux dispositions communautaires .

Cette réflexion ne doit pas sembler superflue au seul motif qu’ elle revient constamment dans la jurisprudence de la Cour, car la réponse que nous suggérons à la Cour de donner en l’ espèce en découle précisément .

16 . Le problème que le juge national s’ est posé revêt un caractère général et n’ est pas nouveau même si, implicitement surmonté par d’ autres juges ( 6 ), il est soumis pour la première fois à l’ appréciation de la Cour, peut-être pas fortuitement à l’ occasion d’ une situation procédurale assez particulière comme l’ est l’ « examen judiciaire » de la loi prévu au Royaume-Uni . Aussi, la question n’ a-t-elle pas trait seulement au système britannique ( 7 ) et ne concerne pas seulement le rapport entre une loi nationale et une disposition communautaire, mais elle vise l’ exigence et l’ existence mêmes de la protection provisoire d’ un droit, qui n’ est pas certain mais se trouve en cours de vérification, dans une hypothèse de conflit entre des dispositions de rang différent, conflit qui, dans le cas du rapport entre la disposition nationale et la règle communautaire, au-delà des choix théoriques ou terminologiques et des techniques utilisées dans les différents États membres, s’ exprime efficacement dans la notion de primauté, c’ est-à-dire de « prééminence » de la seconde sur la première . Le problème procède de la non-simultanéité des deux moments qui marquent physiologiquement le phénomène juridique : celui de l’ existence du droit et celui de sa constatation ( définitive ), dans un contexte articulé et complexe comme l’ est celui qu’ exige un système moderne de protection juridictionnelle .

17 . Il existe un premier remède d’ ordre général permettant de compenser la non-simultanéité des deux moments . En effet, il est vrai que seule la constatation définitive du droit confère plénitude et certitude à son contenu en ce sens qu’ elle rend définitivement incontestable ce même droit et/ou les modalités de son exercice ( res judicata au sens substantiel ). Mais il est également vrai que cet effet est reporté au moment où le droit a été invoqué par la mise en oeuvre du contrôle juridictionnel . L’ effet de la constatation du droit, qualifié improprement mais de manière significative de rétroactif, n’ est que la conséquence de la fonction de la disposition et de sa manière d’ être et d’ opérer, qui détermine, en effet, une position juridique subjective pouvant être qualifiée de droit à partir de son entrée en vigueur et pour toute la durée de sa validité, sauf à subir un retard quant à sa mise en oeuvre pleine et effective dans le cas où surgit l’ exigence d’ une constatation juridictionnelle préalable et, en particulier, d’ un contrôle préalable de légalité de la disposition par hypothèse applicable . Faut-il ajouter qu’ il n’ en serait pas autrement si nous partions du point de vue opposé et si nous retenions l’ inexistence du droit et la constatation correspondante?

Ce qu’ il importe de souligner, c’ est qu’ au moment de la demande le droit existe déjà ( ou n’ existe pas ) et la disposition qui le confère ( ou le dénie ) aux particuliers est légale ou illégale, et que la procédure de contrôle juridictionnel en diffère seulement la constatation, et donc l’ applicabilité pleine et effective, à un moment ultérieur et sous réserve de la « rétroactivité » des effets de cette même constatation . Bien entendu, cela vaut aussi bien dans l’ hypothèse où la constatation du droit implique une appréciation du lien existant entre le fait et la disposition invoquée, que lorsque le juge est appelé à déterminer la disposition applicable parmi deux ou plusieurs dispositions, même contradictoires . Or, même dans cette dernière hypothèse, dans laquelle la constatation peut se réaliser également au moyen d’ un contrôle de légalité, la disposition qui sera considérée comme applicable ( au lieu de l’ autre déclarée illégale ou incompatible ) l’ était en réalité à partir du moment de la demande, parce que ce qui manquait alors n’ était que la constatation du droit, mais non son existence . Cela a été ponctuellement mis en évidence également par la Cour lorsqu’ elle a affirmé que « l’ interprétation que, dans l’ exercice de la compétence que lui confère l’ article 177, la Cour de justice donne d’ une règle du droit communautaire, éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle telle qu’ elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur » ( 8 ).

18 . Le remède général précité à la non-simultanéité de la constatation par rapport à celui de l’ existence du droit ne parvient pas toujours à réaliser l’ objectif principal de la protection juridictionnelle . Parfois, en effet, la constatation intervient trop tard pour que le droit invoqué puisse être pleinement et utilement exercé : ce qui est d’ autant plus probable que la procédure aboutissant à la constatation définitive est plus articulée et complexe, et en définitive assortie de garanties . La conséquence en est qu’ en pareil cas, outre l’ utilité, l’ efficacité du contrôle juridictionnel pourrait faire défaut, et le principe acquis depuis longtemps dans la doctrine juridique générale et selon lequel la nécessité de recourir au procès pour obtenir gain de cause ne doit pas jouer au détriment de celui qui a raison, pourrait être trahi .

Or, la protection provisoire a précisément pour but objectif de faire en sorte que le temps nécessaire à la vérification du droit ne finisse pas par vider irrémédiablement de son contenu le droit en question en supprimant les possibilités de l’ exercer, bref, de réaliser cet objectif fondamental de tout ordre juridique qu’ est le caractère effectif de la protection juridictionnelle . La protection provisoire vise, dans la mesure du possible, à éviter que le préjudice causé par la non-simultanéité de la vérification relativement à l’ existence du droit affecte l’ efficacité et la fonction mêmes du procès, ce qui a été précisément confirmé aussi par la Cour lorsqu’ elle a rattaché la protection provisoire à la pleine efficacité de la future décision définitive ( 9 ); ou bien à l’ exigence de « maintenir l’ intégrité de la situation, en attendant la solution du fond du litige » ( 10 ).

19 . La fonction de la protection provisoire étant établie, celle-ci apparaît comme un instrument fondamental et indispensable de tout système juridictionnel dans la mesure où elle vise à en réaliser ponctuellement et jamais inutilement l’ objectif de la constatation du droit et, plus généralement, de la mise en oeuvre de la norme juridique, chaque fois que la durée de la procédure est de nature à compromettre la réalisation de cet objectif et, partant, à vider le jugement de son effet utile .

En outre, l’ exigence de la protection provisoire se pose, comme nous l’ avons mentionné précédemment, dans les mêmes termes aussi bien lorsque la constatation concerne les faits et, partant, la détermination de la disposition pertinente applicable, donc lorsque l’ incertitude sur l’ issue de la demande porte – mais l’ expression n’ est pas des plus heureuses – « sur les faits », que lorsqu’ il s’ agit de choisir entre deux ou plusieurs dispositions par hypothèse applicables ( on songe, par exemple, à un problème de qualification ), sans qu’ il importe de savoir si elles sont toutes les deux considérées comme légales ou si l’ une est considérée comme incompatible avec l’ autre qui est d’ un rang supérieur ou en tout cas prééminente .

En particulier, dans l’ hypothèse où – comme dans l’ espèce dont nous traitons – la vérification du droit implique non seulement le choix entre deux ou plusieurs dispositions par hypothèse applicables, mais également un contrôle préalable de la légalité ou de la compatibilité de l’ une par rapport à l’ autre, de rang supérieur ou en tout cas prééminente, la situation ne se présente qu’ en apparence différemment, en particulier lorsque ce contrôle est attribué à un organe juridictionnel ad hoc . En effet, cette hypothèse aussi entre parfaitement dans la fonction typique du procès, qui vise à la constatation et donc à la mise en oeuvre du droit, de sorte que l’ exigence de la protection provisoire de la position du particulier demeure inchangée parce qu’ il s’ agit, également dans ce cas, de déterminer, d’ interpréter et d’ appliquer au cas d’ espèce la réglementation pertinente ( et valide ).

20 . Il s’ ensuit que ce qu’ il est convenu d’ appeler la présomption de validité qui s’ attache à la loi et à l’ acte administratif, de la même manière qu’ à l’ acte communautaire, jusqu’ au moment où l’ on en constate à titre préjudiciel l’ incompatibilité avec une disposition de rang supérieur, ou en tout cas prééminente, dans la mesure où ce contrôle est prévu, ne constitue pas un obstacle formel à la protection provisoire d’ une position juridique subjective . Au contraire, précisément parce qu’ il s’ agit d’ une présomption qui peut, en tant que telle, être surmontée par la constatation définitive, l’ exigence de remédier au caractère tardif et/ou infructueux de cette même vérification subsiste .

En vérité, il est certain et incontestable qu’ une disposition, qu’ elle soit contenue dans une loi approuvée par le parlement ou dans un acte communautaire, dans un acte administratif ou, en tout cas, dans un acte de rang inférieur, bénéficie de la présomption de légalité . Mais cela ne peut pas et ne doit pas signifier que le juge est empêché d’ en paralyser temporairement les effets à l’ égard du cas concret dont il est saisi lorsque, en attendant la constatation définitive de la légalité ou de la compatibilité par rapport à une disposition supérieure ou prééminente, l’ une ou l’ autre des positions juridiques en présence risque de subir un préjudice irréversible et lorsqu’ existe le soupçon ( quitte à établir sa consistance ) que la vérification définitive puisse aboutir à la constatation de l’ illégalité de la loi ou de l’ acte administratif dont il s’ agit .

21 . En somme, la présomption de validité de la loi ou de l’ acte administratif ne peut et ne doit pas avoir pour signification d’ exclure la possibilité même de la protection provisoire, dans la mesure où un système de contrôle de légalité est prévu à l’ égard de l’ une et de l’ autre .

Loin de contredire le principe de légalité de la loi ou de l’ acte administratif, qui se concrétise en une présomption malgré tout surmontable par la constatation définitive, la protection provisoire élimine en effet le risque qu’ une telle présomption produise l’ effet pervers – assurément non voulu par un quelconque ordre juridique – de rendre vaine la fonction du contrôle juridictionnel et, en particulier, du contrôle de la légalité de la loi . Un point de vue différent équivaudrait à nier fondamentalement la possibilité de la protection provisoire, non seulement relativement à la loi, mais dans l’ absolu, étant donné que tout acte de puissance publique, qu’ il soit normatif au sens propre ou individuel, est présumé légal en attendant l’ issue du contrôle juridictionnel de légalité .

22 . Dans une situation procédurale du type de celle qui nous intéresse ici, et dans laquelle on envisage l’ incompatibilité d’ une disposition par rapport à celle de rang supérieur ou prééminente, comme nous l’ avons déjà précédemment mis en évidence, il est fondamental d’ avoir à l’ esprit le fait que les deux dispositions se rattachent par hypothèse et à partir du moment de la demande au cas d’ espèce . Cela est si vrai que la constatation définitive, dont les effets sont reportés au moment de la demande, n’ innovera pas quant à l’ existence ( ou inexistence ) du droit invoqué, parce que les dispositions en présence sont, par hypothèse, alternativement valides et applicables ( ou invalides et inopérantes ) et bénéficient toutes deux de ce qu’ il est convenu d’ appeler la présomption de validité, alors que seul est différé le moment de la constatation en raison des délais du procès . En attendant, il y a une situation définie exactement comme celle d’ une « apparence du droit », qui est la raison même de la mesure provisoire et qui couvre l’ ensemble du cadre normatif par hypothèse pertinent . Il y a donc non pas certitude ( avec présomption de validité correspondante ) sur une disposition et incertitude sur l’ autre, mais apparence de la réglementation dans son ensemble, de l’ une comme de l’ autre des dispositions en présence, et il appartient au juge d’ apprécier si l’ apparence est de nature à imposer la protection provisoire du droit invoqué ou à la refuser, sur la base de critères matériels, liés à l’ apparence de légalité plus ou moins grande de la disposition litigieuse ( fumus boni juris, quelle que soit, par ailleurs, la dénomination de ce concept ), ainsi qu’ à la possibilité ou non que l’ une ou l’ autre des positions en présence subisse un préjudice en attendant l’ issue définitive de la procédure ( periculum in mora ).

23 . Les observations qui précèdent trouvent une large confirmation dans la circonstance que dans tous les ordres juridiques des États membres ( le système danois constitue en partie une exception ) on prévoit, fût-ce dans la diversité des formes et des exigences liées à la durée des procès, la protection provisoire des droits, niés par la disposition de rang inférieur et invoqués au titre d’ une disposition supérieure .

D’ abord, il est évident que l’ application de l’ acte administratif, qui bénéficie aussi de la présomption de validité au même titre que la loi tant que le recours n’ en suspend pas l’ applicabilité ( sauf rares exceptions ), peut parfaitement être suspendue à titre provisoire en attendant la constatation définitive de sa légalité .

L’ hypothèse de l’ inapplication provisoire de la loi, dans les ordres juridiques où l’ on admet le contrôle juridictionnel de sa validité, est certainement plus rare .

Souvent, le problème de la constitutionnalité de la loi surgit dans le contexte d’ un recours contre l’ acte administratif qui fait application de cette loi, de sorte que l’ exigence d’ une inapplication de la loi en tant que telle ne se pose pas, ce qui dans certains ordres juridiques est l’ unique hypothèse possible .

En revanche, dans d’ autres pays, et en particulier dans ceux où le contrôle de la légalité ( constitutionnelle ) de la loi est non pas dispersé, mais centralisé, la suspension de la loi à titre de mesure provisoire est prévue ou en tout cas réalisée dans la pratique . A titre d’ exemple, en République fédérale d’ Allemagne, le juge constitutionnel lui-même peut suspendre provisoirement l’ application de la loi dans un contexte ( Verfassungsbeschwerde ) qui n’ est pas dissemblable de celui de l’ « examen judiciaire » du système britannique ( 11 ); il en est de même du juge ordinaire, avec l’ obligation de renvoi devant la cour constitutionnelle ( 12 ).

Par ailleurs, le cas italien revêt une importance particulière en ce que non seulement le juge ordinaire n’ a pas compétence pour constater l’ inconstitutionnalité des lois et doit donc saisir la corte costituzionale, mais un pouvoir d’ octroyer des mesures provisoires ( d’ inapplication de la loi ) en attendant l’ issue du contrôle de validité n’ est expressément reconnu non plus ni au juge constitutionnel ni au juge ordinaire ( ou administratif ). Malgré cela, de nombreux juges ordinaires ( 13 ), avec l’ appui de la doctrine dominante ( 14 ), ont estimé possible d’ octroyer des mesures provisoires allant dans le sens de la suspension de l’ application de la loi – seulement pour les parties en cause, évidemment – en attendant l’ arrêt de la corte costituzionale . Celle-ci, bien qu’ elle ne se soit jamais prononcée sur le point spécifique dont nous traitons ( 15 ), n’ a pas manqué d’ affirmer, d’ une part, l’ inhérence nécessaire de la protection provisoire à l’ efficacité de la protection juridictionnelle ( 16 ) et, d’ autre part, l’ existence d’ un principe général et d’ une « directive de rationnalité » de l’ ordre juridique, selon lesquels, en présence des conditions nécessaires ( fumus et periculum in mora ), le juge dispose du pouvoir de prendre les mesures d’ urgence aptes à assurer provisoirement les effets de la décision au fond ( 17 ).

Quoique le contexte fût différent, il est également significatif que le conseil constitutionnel ait déclaré inconstitutionnelle une loi qui ne prévoyait pas la possibilité pour le juge de surseoir provisoirement à l’ application d’ une décision administrative, sursis au demeurant défini comme « garantie essentielle des droits de la défense » ( 18 ).

24 . Si nous en venons maintenant au rapport existant entre la disposition nationale et la règle communautaire, il ne fait pas de doute que l’ on a introduit, par le biais de l’ interprétation préjudicielle de la Cour et de la compétence « directe » du juge national, un mécanisme qui consiste, en substance, en un contrôle de légalité ( ou de compatibilité, si l’ on préfère ) de la disposition nationale par rapport à la disposition communautaire, étant donné que le juge national dispose de la compétence de déclarer d’ une manière définitive l’ incompatibilité de la première au regard de la seconde . Et si donc il peut, et même doit, s’ abstenir d’ appliquer la loi nationale contraire à la disposition communautaire directement applicable à l’ issue de la constatation définitive ( ou, en tout cas, réaliser cet effet substantiel ), il doit pouvoir s’ abstenir de l’ appliquer également – les conditions étant, à cet égard, réunies – à titre provisoire lorsque l’ incompatibilité n’ est pas tout à fait certaine ni « vérifiée », mais exige éventuellement une interprétation à titre préjudiciel de la Cour de justice . Autrement, cette protection juridictionnelle des droits conférés aux particuliers par la disposition communautaire, qui, comme la Cour l’ a confirmé à maintes reprises et comme le juge a quo l’ a également correctement relevé, fait l’ objet d’ une obligation précise des juges nationaux, pourrait se trouver vidée de son contenu .

25 . Cela nous ramène à l’ espèce concrète soumise à l’ appréciation de la Cour à travers les questions préjudicielles de la House of Lords . Le droit des demanderesses au principal, nié par la loi nationale, est invoqué en vertu de certaines dispositions du traité ayant un effet direct, donc de dispositions qui prévalent sur la loi interne, mais dont l’ interprétation dans le sens invoqué n’ est pas certaine et requiert, par conséquent, une décision à titre préjudiciel de la Cour . En attendant, le juge a quo perçoit un obstacle à la protection provisoire des droits invoqués dans la présomption de légalité dont bénéficie la loi jusqu’ à la constatation définitive .

Or, dans la mesure où le juge anglais, comme cela est évident et comme il le souligne lui-même, peut et doit attribuer, à l’ issue de la constatation, la prééminence à la disposition communautaire « certaine » et assortie d’ effets directs, en vertu du contrôle de compatibilité avec le droit communautaire qu’ il est possible d’ exercer sur la loi britannique, il doit pouvoir également assurer, en présence des conditions nécessaires, la protection provisoire des droits invoqués en vertu de dispositions communautaires « incertaines » et niés par la disposition nationale .

Le problème est non formel, mais de fond . La présomption de validité n’ a pas un effet d’ empêchement, étant donné qu’ elle peut être écartée par la constatation définitive, comme c’ est le cas également dans l’ ordre juridique britannique en vertu du European Communities Act de 1972, de même que la présomption de validité de toute disposition de rang inférieur par rapport à la disposition supérieure ne fait pas obstacle à la protection provisoire . Et c’ est le juge a quo lui-même qui le relève, dans l’ ordonnance de renvoi, à propos de la possibilité de suspendre l’ application d’ un acte de rang inférieur dont on soupçonne qu’ il est contraire à la loi .

26 . En d’ autres termes, donc, cette appréciation doit s’ effectuer sur la base de critères matériels et non pas, comme le gouvernement britannique l’ a suggéré, à partir d’ un critère formel comme la présomption de légalité de la loi .

Le fait de privilégier la loi nationale uniquement parce que la constatation définitive de son incompatibilité avec la disposition communautaire – et, par conséquent, sur la base d’ une compatibilité seulement apparente – n’ est pas encore intervenue peut revenir à priver la seconde de cette protection juridictionnelle effective qui doit être assurée « à partir de ( son ) entrée en vigueur et pendant toute la durée de ( sa ) validité ». Paradoxalement, le droit conféré ( apparemment ) par une disposition communautaire recevrait, d’ une manière générale, une protection moindre ou moins efficace que le droit conféré ( de façon tout aussi apparente ) par la disposition nationale . Cela équivaudrait à dire que le droit conféré par la loi ordinaire peut recevoir la protection provisoire alors que celle-ci est refusée au droit conféré par la règle communautaire ou en tout cas supérieure, en vertu de la présomption de validité dont la loi bénéficie : comme si la même présomption – qui en définitive n’ est rien d’ autre que l’ « apparence » – ne bénéficiait pas également à la disposition prééminente .

Soyons clair : nous ne voulons pas dire par là que le juge national doit toujours et en tout état de cause privilégier le droit communautaire apparent par rapport au droit national tout aussi apparent, mais uniquement qu’ il doit avoir la possibilité de le faire dès lors que les circonstances de fait et de droit l’ exigent, c’ est-à-dire qu’ en somme il ne peut pas et ne doit pas trouver d’ obstacles formels à l’ éventuelle demande de mesures provisoires fondée sur des dispositions communautaires directement applicables .

27 . Et l’ on ne saurait invoquer la présomption de validité dont bénéficient les actes communautaires et que la Cour a soulignée à plusieurs reprises, s’ agissant d’ un argument qui aboutit à démontrer le contraire . Il convient, en effet, de renvoyer à l’ article 185 du traité, qui prévoit explicitement la compétence de la Cour pour « ordonner le sursis à l’ exécution de l’ acte attaqué », « si elle estime que les circonstances l’ exigent ».

Mais il y a plus . Même en présence d’ un système de contrôle de la validité des actes communautaires rigoureusement centralisé auprès de la Cour de justice ( également en ce qui concerne les procédures de renvoi préjudiciel au titre de l’ article 177 ), celle-ci n’ a pas manqué de souligner que « des aménagements à la règle selon laquelle les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l’ invalidité des actes communautaires peuvent s’ imposer sous certaines conditions dans l’ hypothèse du référé » ( 19 ).

28 . De même, c’ est sur le plan non pas formel, mais matériel que doit être appréciée la possibilité que la protection provisoire se réalise à travers ( également ) une injonction imposant à l’ administration une obligation de faire . Nous estimerions, par exemple, déraisonnable d’ envisager une injonction qui se traduise par une ingérence dans la sphère des pouvoirs discrétionnaires de l’ administration, voire du parlement ( émettre un acte, adopter une loi ), alors qu’ il nous paraît tout à fait raisonnable et « orthodoxe » de prescrire un comportement matériel non discrétionnaire ou bien, comme en l’ espèce, de suspendre temporairement l’ application, en limitant les effets aux seules parties en cause, de la loi ou de l’ acte administratif, en attendant que le juge soit en mesure d’ appliquer ou de ne pas appliquer à titre définitif l’ une ou l’ autre .

29 . En conclusion, la réponse que nous suggérons à la Cour de donner à la première question posée par la House of Lords est affirmative, en ce sens que, sur la base du droit communautaire, le juge national doit pouvoir assurer la protection provisoire, dès lors que les conditions sont réunies à cet égard, des droits invoqués par le particulier au titre de dispositions communautaires ayant un effet direct, en attendant l’ issue définitive de la procédure, y compris la procédure préjudicielle devant la Cour . Et nous suggérons également à la Cour de rattacher explicitement ce pouvoir du juge national à l’ exigence de protection juridictionnelle effective qui s’ impose en ce qui concerne tant les dispositions communautaires que les dispositions nationales .

30 . Cette réponse, faut-il l’ ajouter, ne revient pas à imposer des voies de recours ou des procédures juridictionnelles autres que celles qui sont déjà prévues par le droit interne des États membres, mais indiquent seulement que celles-ci doivent être utilisées « pour assurer le respect des règles communautaires d’ effet direct dans les mêmes conditions de recevabilité et de procédure que s’ il s’ agissait d’ assurer le respect du droit national » ( 20 ). En outre, rappelons une fois encore que le principe en question, selon lequel les modalités de protection juridictionnelle des droits conférés par des règles communautaires demeurent exclusivement celles prévues par le droit interne ne s’ applique pas « si ces modalités et ces délais aboutissent à rendre, en pratique, impossible l’ exercice de droits que les juridictions nationales ont l’ obligation de sauvegarder » ( 21 ).

31 . En vérité, comme cela résulte également de l’ ordonnance de renvoi et des observations du gouvernement britannique, le système procédural britannique connaît l’ institution de la protection provisoire d’ un droit, en attendant la constatation définitive de ce droit, lorsqu’ il y a periculum in mora et lorsque la demande paraît prima facie fondée ( la Divisional Court a bien accordé les mesures provisoires sollicitées ). Aussi l’ espèce ne vise-t-elle pas une procédure non prévue par l’ ordre juridique national, mais il s’ agit seulement d’ utiliser celle qui existe déjà en vue de sauvegarder un droit invoqué en vertu d’ une règle communautaire ayant un effet direct . La même chose peut être dite de l’ impossibilité évoquée d’ enjoindre une obligation de faire à l’ administration dans la mesure où il s’ agit, en réalité, de prescrire simplement la suspension provisoire de l’ application d’ une loi aux intéressés, étant entendu que c’ est sur ces derniers que peut peser le risque d’ une constatation définitive qui leur est défavorable .

Par ailleurs, s’ il n’ en était pas ainsi, il subsisterait, en tout état de cause, une obligation précise d’ assurer, les conditions adéquates étant réunies, la protection provisoire, étant donné que nous nous trouverions en présence précisément de l’ hypothèse d’ un système procédural qui rend impossible « l’ exercice des droits que les juridictions nationales ont l’ obligation de sauvegarder ». Ce qui serait d’ autant plus grave si l’ on songe à la circonstance, elle aussi relevée dans l’ ordonnance de renvoi, que dans le système anglais la constatation définitive du droit invoqué ne comporte même pas la réparation du préjudice pécuniaire subi durant la procédure par les titulaires de la position juridique litigieuse; ce qui, à l’ évidence, acquiert une valeur négative autonome au regard de l’ obligation des juges nationaux de donner plein effet aux règles communautaires .

32 . Et il ne nous semble pas fondé d’ arguer a contrario ( comme dans les observations du gouvernement britannique et du gouvernement irlandais ) de ce que les particuliers trouvent déjà une protection suffisante dans la possibilité qu’ a la Commission, dans le cadre d’ une procédure d’ infraction au titre de l’ article 169, de demander à la Cour de justice l’ octroi de mesures provisoires, hypothèse qui, comme nous l’ avons déjà rappelé, s’ est vérifiée également dans l’ espèce présente en ce qui concerne les conditions de nationalité prévues par la loi britannique dont nous traitons . Il suffit de rappeler, à cet égard, l’ arrêt Van Gend & Loos, dans lequel la Cour a affirmé qu’ une « limitation aux seules procédures des articles 169 et 170 des garanties contre la violation » d’ une règle communautaire directement applicable « par les États membres supprimerait toute protection juridictionnelle directe des droits individuels de leurs ressortissants » ( 22 ).

33 . La réponse à la première question de la House of Lords ne peut donc être qu’ affirmative, en ce sens que l’ obligation du juge national d’ assurer une protection juridictionnelle effective des droits conférés aux particuliers par le droit communautaire ne peut pas ne pas comprendre, lorsque les conditions sont réunies à cet égard, la protection provisoire des droits invoqués, en attendant la constatation définitive .

Par ailleurs, la première question vise à savoir si le droit communautaire oblige le juge national à accorder la protection provisoire ou bien si elle lui donne la faculté de l’ accorder, de sorte que la seconde question, qui a trait aux critères dont le juge national doit s’ inspirer, est subordonnée à une réponse négative quant à l’ obligation, et positive quant à la faculté .

Or, au-delà de la formulation littérale des questions et des réponses correspondantes de la Cour, nous estimons qu’ il y a lieu de bien clarifier le fond . En premier lieu, une alternative au sens propre entre « obligation » et « faculté » ne nous paraît pas se poser, étant donné qu’ il s’ agit d’ une activité juridictionnelle que l’ on demande au juge national et, par là même, d’ une activité qui implique une appréciation des éléments de fait et de droit que chaque cas concret présente . Aussi peut-on également utiliser l’ expression « obligation », en accord avec la jurisprudence de la Cour, en ce sens que le juge assume cette obligation à travers l’ appréciation qu’ il porte cas par cas des conditions sur lesquelles repose généralement l’ octroi de mesures provisoires .

A cet égard, nous estimons non seulement qu’ il appartient évidemment au juge d’ apprécier les conditions de la protection provisoire, mais également que ces conditions doivent être et demeurer celles que prévoient les différents ordres juridiques nationaux, en l’ absence d’ une harmonisation communautaire . D’ autre part, la matière ne nous paraît pas laisser une grande marge à l’ imagination ou permettre des découvertes révolutionnaires, la théorie juridique et les droits positifs, y compris le droit britannique, ayant depuis longtemps identifié dans le fumus boni juris ( quelle que soit sa dénomination ) et dans le periculum in mora les deux conditions fondamentales de la protection provisoire . Que l’ accent soit mis davantage sur l’ un ou sur l’ autre, selon l’ ordre juridique; ou bien que le fumus coïncide parfaitement ou non avec le manque de fondement non manifeste ou avec le fondement prima facie du droit aut similia; ou que l’ appréciation du periculum comporte, outre la pondération traditionnelle et nécessaire des positions en présence ( pour éviter que la même mesure provisoire ne cause à son tour un préjudice irréparable pour le défendeur ), également une prise en considération expresse de l’ intérêt public, tout cela fait partie de l’ appréciation circonspecte du juge national qui évaluera à chaque fois au mieux l’ opportunité ou la nécessité d’ accorder ou de refuser des mesures provisoires visant à sauvegarder les droits invoqués . Il n’ est guère nécessaire de relever que dans l’ évaluation du fumus boni juris l’ appréciation du juge envisagera la possibilité que la disposition nationale soit déclarée incompatible avec le droit communautaire .

En définitive, pour ce qui est, en particulier, de la seconde question, nous suggérons à la Cour de répondre, conformément à la jurisprudence Comet, en ce sens que les « modalités et délais » de la protection provisoire sont et restent, en l’ absence d’ harmonisation, ceux que prévoient les ordres juridiques nationaux, à condition qu’ ils ne soient pas de nature « à rendre, en pratique, impossible l’ exercice de droits que les juridictions nationales ont l’ obligation de sauvegarder ».

Il appartiendra donc au juge national d’ en tirer les conséquences qui s’ imposent quant à la solution du litige au principal, sur la base des éléments spécifiés dans le préambule aux questions et dont la Cour ne peut évidemment pas apprécier la valeur .

34 . Sur la base des considérations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour de répondre comme suit aux questions formulées par la House of Lords :

« 1 ) L’ obligation que le droit communautaire impose au juge national de garantir une protection juridictionnelle effective des droits conférés aux particuliers directement par des dispositions communautaires comprend l’ obligation d’ assurer la protection provisoire et d’ urgence des droits invoqués en vertu de ces dispositions communautaires, pour autant que de besoin et lorsque les conditions de fait et de droit sont réunies à cet égard, en attendant la constatation définitive et l’ éventuelle interprétation préjudicielle de la Cour de justice .

2 ) En l’ absence d’ une harmonisation communautaire, il appartient à l’ ordre juridique de chaque État membre de régler les modalités procédurales et les conditions de la protection provisoire des droits que les particuliers tirent des règles communautaires directement applicables, à condition que ces modalités et conditions ne rendent pas impossible l’ exercice provisoire des droits invoqués et qu’ elles ne soient pas moins favorables que celles qui sont prévues en vue de protéger des droits tirés de dispositions nationales, dès lors qu’ est incompatible avec le droit communautaire toute disposition ou pratique nationale qui produit cet effet ."

(*) Langue originale : l’ italien .

( 1 ) Ordonnance du 10 octobre 1989 dans l’ affaire 246/89, Rec . p . 0000 .

( 2 ) Voir, par exemple, l’ ordonnance de la Cour du 21 août 1981, 232/81 R, Rec . p . 2193, point 9 .

( 3 ) Entre autres : arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal, point 14 ( 106/77, Rec . p . 629 ), et du 10 juillet 1980, Ariete, point 5 ( 811/79, Rec . p . 2545 ).

( 4 ) Arrêt du 16 décembre 1976, Rewe Zentralfinanz/Landswirtschaftskammer, point 5 ( 33/76, Rec . p . 1989 ); arrêt du 16 décembre 1975, Comet, points 15 et 16 ( 45/76, Rec . p . 2043 ); arrêt du 10 juillet 1980, Ariete, point 12 ( 811/79, Rec . p . 2545 ); arrêt du 12 juin 1980, Express Dairy Foods, point 12 ( 130/79, Rec . p . 1887 ); arrêt du 27 mars 1980, Denkavit italiana, point 25 ( 61/79, Rec . p . 1205 ); arrêt du 27 février 1980, Hans Just, point 25 ( 68/79, Rec . p . 501 ); arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio, points 12 et suiv . ( 199/82, Rec . p . 3595 ).

( 5 ) Rappelons également l’ arrêt récent du 21 septembre 1989, Commission/Grèce ( 68/88, Rec . p . 0000 ), où la Cour insiste sur le fait que « l’ article 5 du traité impose aux États membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l’ efficacité du droit communautaire » ( point 23 ).

( 6 ) A l’ occasion de plus d’ un renvoi préjudiciel devant la Cour en raison d’ une contradiction présumée de la réglementation nationale ( loi ou acte administratif ) avec le droit communautaire, le juge a quo a également ordonné sans hésitation des mesures provisoires qui se sont traduites en substance par la suspension provisoire de cette réglementation : par exemple, en ordonnant que l’ on sursoie à l’ expulsion des Pays-Bas ( arrêt du 17 avril 1986, Reed, 59/85, Rec . p . 1283 ); ou que l’ on maintienne provisoirement un rapport de travail avec l’ université de Venise ( arrêt du 30 mai 1989, Allué, 33/88, Rec . p . 0000 ); ou bien en ordonnant la délivrance d’ un permis provisoire de séjour en Belgique ( 363/89, affaire pendante ).

( 7 ) Un problème analogue à celui qui nous occupe s’ est en effet posé devant de nombreuses juridictions françaises lorsqu’ a été introduite une nouvelle loi sur les prix minimaux des carburants ( comme pour les livres ), loi que certains distributeurs n’ ont pas respectée en invoquant son incompatibilité avec le droit communautaire . D’ autres opérateurs, qui ont demandé des mesures provisoires d’ interdiction sur la base de la nouvelle loi, se sont opposés à ce comportement . Un nombre non négligeable de juges ont accueilli la demande en s’ appuyant sur la présomption de légalité de la loi devant la simple présomption d’ incompatibilité avec le traité ( par exemple, tribunal de grande instance, Le Mans, 11.7.1983, Gazette du Palais, 1984, 1, sommaire p . 121 ); d’ autres juges ont refusé la mesure provisoire précisément au motif que la violation d’ une loi présumée incompatible avec le droit communautaire ne constituait pas un « trouble manifestement illicite » ( Cour d’ appel, Paris, 4.7.1984, Gazette du Palais, 1984, 2, 658, note Frougoix; tribunal de grande instance, Pontoise, 22.2.1984, ibidem, 296; voir in argomento Bertin, « Un trouble manifestement illicite : la lutte contre la vie chère », Gazette du Palais, 1983, doct . 419; ainsi que « Le juge des référés et le droit communautaire », ibidem, 1984, doct . 48 ). La Cour de cassation a formellement avalisé cette seconde orientation ( chambre commerciale, 15.5.1985, Gazette du Palais, 1985, 2, panor . p . 346 et 347 ), mais en se fondant sur l’ arrêt de la Cour de justice qui était intervenu entre-temps dans le sens de l’ incompatibilité de la loi contraire ( arrêt du 10 janvier 1985, Association des centrales distributeurs Edouard Leclerc et autres, 229/83, Rec . p . 1, et arrêt du 29 janvier 1985, Henri Callet et Chambre syndicale des réparateurs automobiles et détaillants de produits pétroliers, 231/83, Rec . p . 305 ). Ultérieurement, la Cour de cassation, toujours à la suite d’ un arrêt de la Cour ( arrêt du 4 mai 1988, Bodson, 30/87, Rec . p . 2479 ), a affirmé, mais en termes plus généraux, qu’ il appartient au juge du référé de vérifier « si le trouble invoqué était manifestement illicite au regard du traité de Rome » ( chambre commerciale, 10.7.1989, Rec . Dalloz 1989, inf . rap ., p . 243 ). Voir, également, Cour de cassation, 22.4.1986, Rec . Dalloz 1986, inf . rap ., p . 242 ).

( 8 ) Arrêt du 10 juillet 1980, Mireco, point 7 ( 826/79, Rec . p . 2559 ).

( 9 ) Voir, par exemple, ordonnance du 12 décembre 1968, Renkens ( 27/68, Rec . 1969, p . 275 ). Voir, également, les conclusions de l’ avocat général M . Capotorti dans les affaires 24 et 97/80 R, Rec . 1980, p . 1337 . Dans des termes identiques en substance, les ordonnances des 8 avril 1965 ( 18/65 R, Rec . 1966, p . 185 ); 14 décembre 1982 ( 260/82 R, Rec . p . 4371 ); 13 décembre 1984 ( 269/84 R, Rec . p . 4333 ); et 16 mars 1988 ( 44/88 R, Rec . p . 1670 ).

Le lien nécessaire entre le caractère effectif de la protection juridictionnelle et la protection provisoire a été mis en lumière, comme on le sait, surtout par la doctrine italienne ( Chiovenda, Istituzioni di diritto processuale civile, I, Naples, 1933, n° 12, ainsi que déjà Principi di diritto processuale civile, Naples, 1906, p . 137 et suiv .; Calamandrei, Introduzione allo studio sistematico dei provvedimenti cautelari, Padoue, 1936 ) et par la doctrine allemande ( Hellwig, System des deutschen Zivilprozessrechts, Leipzig, 1913, II, p . 22 et suiv .). Le principe selon lequel la durée du procès ne doit pas jouer au détriment de celui qui a raison se retrouve sous une formulation différente également dans une sentence du tribunal arbitral mixte germano-polonais du 29.7.1924 : « Par les mesures conservatoires, les tribunaux cherchent à remédier aux lenteurs de la justice, de manière qu’ autant que possible l’ issue du procès soit la même que s’ il pouvait se terminer en un jour », Rec . déc . TAM, V, 455 . Voir, également, Bundesverfassungsgericht, 19.6.1973, dans JNW 1973, 34, 1491 et suiv . (" Der Sinn dieses besonderen Verfahrens besteht darin, einene effektiven Gerichtsschutz gegen ueber Massnahmen der Executive zu sichern und durchzusetzen … Das Verfahrensgrundrecht des Art . 19 Abs . 4 bb garantiert nicht nur das formelle Recht und die theoretische Moeglichkeit, die Gerichte anzurufen, sondern auch die Effektivitaet des Rechtsschutzes; der Buerger hat einen substantiellen Anspruch auf eine tatsaechlich wirksame gerichtliche Kontrolle « ). Voir, enfin, Corte Costituzionale n° 190, du 28.6.1985, en ce sens que »il y a lieu d’ observer le principe en vertu duquel la durée du procès ne doit pas jouer au détriment du demandeur qui a raison, principe dont la doctrine pas seulement italienne exprimée depuis le début de ce siècle a démontré la validité" ( Foro italiano, 1985, I, 1881 ). Sur les origines et le fondement de la protection provisoire en France, voir Debbasch, Procédure administrative contentieuse et procédure civile, Paris, 1962, p . 300 et suiv .

( 10 ) Ordonnance du 5 août 1983, 118/83 R, Rec . p . 2583, point 37 .

( 11 ) Bundesverfassungsgericht, 16.10.1977, Schleyer, dans Foro Italiano, 1978, IV, 222; Bundesverfassungsgericht, 19.6.1962, dans BVerfGE, volume 14, p . 153 .

( 12 ) Bundesverfassungsgericht, 5.10.1977, dans BverfGE, volume 46, p . 43 .

( 13 ) Pret . Bari, ord . 4.2.1978, Foro Italiano, 1978, I, 1807; Pret . La Spezia, ord . 29.3.1978, Foro Italiano, 1979, I, 285; Pret . Pisa, ord . 30.7.1977, Foro Italiano, 1977, I, 2354; Pret . Pavia, ord . 14.3.1977, Riv . giur . lav . 1977, II, 640; Pret . Voltri, ord . 1.9.1977, Riv . giur . lav . 1977, II, 639; Pret . La Spezia, ord . 23.11.1978, Foro Italiano, 1979, I, 1921 et suiv .

( 14 ) Verde, « Considerazioni sul procedimento d’ urgenza », dans Studi Andrioli, Naples 1979, p . 446 et suiv .; Mortati, Istituzioni di diritto pubblico, 1976, II, p . 1391; Campanile, Procedimento d’ urgenza e incidente di legittimità costituzionale, Riv . dir . proc . 1985, p . 124 et suiv .; Zagrebelsky, « La tutela d’ urgenza », dans Le garanzie giurisdizionali dei diritti fondamentali, Padoue 1988, p . 27 et suiv .; Sandulli, Manuale di diritto amministrativo, Napoli 1984, II, p . 1408 .

( 15 ) Voir cependant, en ce qui concerne l’ admissibilité de la protection provisoire au cours du règlement de juridiction, Corte costituzionale n° 73 du 6.6.1973, Foro Italiano, 1973, I, 1657; également Cass . Sezioni Unite, 1.12.1978, n° 5678, Foro Italiano, 1978, I, 2704 .

( 16 ) Corte costituzionale, 27.12.1974, n° 284, Foro Italiano, 1975, I, 263 .

( 17 ) Corte costituzionale, 28.6.1985, n° 190, Foro Italiano, 1985, I, 1881 . Voir également, pour certains aspects pertinents, Corte cassazione, chambres civiles réunies, 1.12.1978, n° 5678, Foro Italiano, 1978, I, 2704; Consiglio di Stato, Ad . plen ., 14.4.1972, n° 5, Foro Italiano, 1972, III, 105; idem, 8.10.1982, n° 17, Foro Italiano, 1983, II, 41 .

( 18 ) Décision 86-224 DC, du 23 janvier 1987, Journal officiel de la République française du 25.1.1987, 925 .

( 19 ) Arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost, point 19 ( 314/85, Rec . p . 4199 ).

( 20 ) Arrêt du 7 juillet 1981, « Croisières du beurre » ( 158/80, Rec . p . 1805 ).

( 21 ) Arrêt Comet, point 16, 45/76, précité; Rewe, point 15, 33/76, précité; arrêt du 12 juin 1980, Express Dairy Food, point 12, précité ( 130/79, Rec . p . 1887 ); arrêt du 27 mars 1980, Denkavit italiano, point 25, précité ( 61/79, Rec . p . 1205 ); arrêt du 10 juillet 1980, Mireco, point 13, précité ( 826/79, Rec . p . 2559 ).

( 22 ) Arrêt du 5 février 1963 26/62, Rec . p . 1 .

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CJCE, n° C-213/89, Conclusions de l'avocat général de la Cour, The Queen contre Secretary of State for Transport, ex parte: Factortame Ltd e.a, 17 mai 1990