CJCE, n° T-451/93, Arrêt du Tribunal, San Marco Impex Italiana SpA contre Commission des Communautés européennes, 16 novembre 1994

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  • Passation et exécution des marchés publics de travaux·
  • Respect des conditions du financement communautaire·
  • Rôles respectifs de l' État acp et de la commission·
  • Charge de la preuve 4. accords internationaux·
  • États d'afrique, des caraïbes et du pacifique·
  • Les divers accords conclus par la communauté·
  • Admissibilité 2. accords internationaux·
  • Marchés publics de l'Union européenne·
  • Deuxième convention acp-cee de lomé

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Tribunal de première instance, 16 nov. 1994, San Marco / Commission, T-451/93
Numéro(s) : T-451/93
Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 16 novembre 1994. # San Marco Impex Italiana SpA contre Commission des Communautés européennes. # Fonds européen du développement - Marché de travaux publics - Construction de ponts et de routes d'accès en Somalie - Non-paiement de certaines factures - Résiliation du marché suite à l'éclatement d'une guerre civile - Responsabilité de la Commission. # Affaire T-451/93.
Date de dépôt : 7 juillet 1992
Précédents jurisprudentiels : CMC e.a./Commission, 118/83, Rec. p. 2325
Solution : Recours en responsabilité : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61993TJ0451
Identifiant européen : ECLI:EU:T:1994:268
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61993A0451

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 16 novembre 1994. – San Marco Impex Italiana SpA contre Commission des Communautés européennes. – Fonds européen du développement – Marché de travaux publics – Construction de ponts et de routes d’accès en Somalie – Non-paiement de certaines factures – Résiliation du marché suite à l’éclatement d’une guerre civile – Responsabilité de la Commission. – Affaire T-451/93.


Recueil de jurisprudence 1994 page II-01061


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

1. Accords internationaux ° Deuxième convention ACP-CEE de Lomé ° Dispositions relatives à la coopération financière et technique ° Passation et exécution des marchés publics de travaux ° Rôles respectifs de l’ État ACP et de la Commission ° Compétence de l’ État ACP en matière de conclusion et d’ exécution des marchés ° Absence de relations contractuelles entre l’ entreprise attributaire et la Commission ° Mise en cause devant le Tribunal de la responsabilité non contractuelle de la Communauté à l’ égard de l’ entreprise attributaire ° Admissibilité

(Traité CEE, art. 178 et 215, alinéa 2; deuxième convention ACP-CEE de Lomé du 31 octobre 1979, art. 132)

2. Accords internationaux ° Deuxième convention ACP-CEE de Lomé ° Dispositions relatives à la coopération financière et technique ° Passation et exécution des marchés publics de travaux ° Respect des conditions du financement communautaire ° Droits et obligations du délégué de la Commission

[Deuxième convention ACP-CEE de Lomé du 31 octobre 1979, art. 108, § 4, sous f), et 123, § 3; règlement financier 81/215, art. 61]

3. Responsabilité non contractuelle ° Préjudice causé par l’ organisation défectueuse des services d’ une institution ° Charge de la preuve

(Traité CEE, art. 178 et 215, alinéa 2)

4. Accords internationaux ° Deuxième convention ACP-CEE de Lomé ° Dispositions relatives à la coopération financière et technique ° Passation et exécution des marchés publics de travaux ° Mesures exceptionnelles prises par l’ ordonnateur principal du Fonds européen de développement ° Paiement direct à l’ entreprise en l’ absence d’ ordonnance de paiement émise par l’ ordonnateur national ° Obligation ° Absence

(Deuxième convention ACP-CEE de Lomé du 31 octobre 1979; règlement financier 81/215, art. 60)

5. Accords internationaux ° Deuxième convention ACP-CEE de Lomé ° Dispositions relatives à la coopération financière et technique ° Passation et exécution des marchés publics de travaux ° Mesures exceptionnelles prises par l’ ordonnateur principal du Fonds européen de développement ° Résiliation d’ un marché en lieu et place de l’ ordonnateur national hors d’ état d’ exercer ses compétences ° Conséquences

(Deuxième convention ACP-CEE de Lomé du 31 octobre 1979; cahier général des charges des marchés publics financés par le Fonds européen de développement, art. 93)

Sommaire


1. Dans le cadre de la coopération financière et technique instituée par la deuxième convention ACP-CEE, les marchés publics de travaux financés par le Fonds européen de développement sont des marchés nationaux auxquels sont seuls parties l’ État ACP et l’ entreprise attributaire, et les litiges relatifs à leur exécution doivent, conformément à l’ article 132 de ladite convention, être tranchés par voie d’ arbitrage. Cela n’ exclut cependant pas que le Tribunal soit, au titre des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité, compétent pour statuer sur une action en responsabilité non contractuelle dirigée contre la Commission et tendant à obtenir réparation des dommages subis par des tiers par suite d’ actes qui lui sont imputables, notamment ceux de son délégué agissant dans l’ exercice de ses fonctions.

2. Dans le cadre de l’ exécution des marchés publics de travaux relevant de la coopération financière et technique instituée par la deuxième convention ACP-CEE, le délégué de la Commission est en droit, et même tenu, de refuser de viser des factures présentées par des entrepreneurs lorsqu’ il a des raisons sérieuses de douter que les conditions du financement communautaire ont été respectées.

3. Lorsqu’ un requérant demande à être indemnisé d’ un dommage qu’ il prétend avoir subi du fait de l’ organisation défectueuse des services d’ une institution, il doit, à tout le moins, relever un dysfonctionnement précis des services à l’ origine du dommage en question.

4. Si l’ article 60 du règlement financier applicable au cinquième Fonds européen de développement permet à l’ ordonnateur principal de la Commission de recourir à des mesures exceptionnelles, notamment le versement de fonds à des entrepreneurs autrement que sur la base d’ une ordonnance émise par l’ ordonnateur national de l’ État ACP, le paiement direct à un entrepreneur en cas de retards dans la liquidation ou l’ ordonnancement au niveau national constitue une simple faculté ouverte à la Commission et non pas une obligation.

5. Le fait que, dans une situation où l’ ordonnateur national n’ est plus en mesure d’ exercer son autorité, l’ ordonnateur principal de la Commission se substitue à celui-ci pour résilier un marché financé par le Fonds européen de développement, mais conclu entre les autorités nationales et un entrepreneur, n’ a pas pour conséquence que la Commission serait tenue de payer l’ indemnité prévue, pour le cas de résiliation par lesdites autorités, par l’ article 93 du cahier général des charges des marchés publics financés par le Fonds européen de développement.

Parties


Dans l’ affaire T-451/93,

San Marco Impex Italiana SA, société de droit italien, établie à Modène (Italie), représentée par Me Lucette Defalque, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l’ étude de Me Alex Schmitt, 62, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Hans Peter Hartvig, conseiller juridique, et Mme Claire Bury, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours, introduit au titre des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité CEE, tendant à la réparation du préjudice prétendument subi par la requérante dans le cadre d’ un marché de travaux publics conclu entre elle-même et le gouvernement de la république démocratique de Somalie,

LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. A. Kalogeropoulos, président, D. P. M. Barrington et K. Lenaerts, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 8 juillet 1994,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


Résumé des faits

1 Le 3 mars 1987, la Commission, agissant au nom de la Communauté économique européenne, a conclu avec la république démocratique de Somalie une convention de financement par laquelle elle acceptait de financer un projet proposé par le gouvernement somalien pour la conception et la construction de cinq ponts sur le fleuve Shebelli et d’ un pont sur le fleuve Juba, ainsi que pour la construction des routes d’ accès. Cet accord a été conclu en application de la deuxième convention ACP-CEE, signée à Lomé le 31 octobre 1979 (JO 1980, L 347, p. 2, ci-après « deuxième convention de Lomé »), et les crédits correspondants ont été imputés sur le cinquième Fonds européen de développement (ci-après « FED »).

2 A la suite du lancement d’ un appel d’ offres, la requérante, San Marco Impex Italiana SA, a soumis, le 7 mai 1987, une offre pour adjudication d’ un montant de 3 685 623 écus. Le 18 février 1988, la requérante a été informée par le ministère des Travaux publics et du Logement somalien que son offre avait été acceptée. Le 22 février 1988, un marché a été conclu entre la requérante, d’ une part, et le ministre des Affaires étrangères somalien en tant qu’ ordonnateur national, pour le compte du ministère des Travaux publics et du Logement somalien, d’ autre part. Ce contrat a été visé par le délégué de la Commission en Somalie (ci-après « délégué ») et par Consulint International (ci-après « Consulint »), bureau d’ ingénieurs-conseils engagé par le gouvernement somalien pour assurer la surveillance des travaux de construction.

3 Il s’ agit d’ un marché « mixte »: le prix de la superstructure des ponts est acquitté selon la méthode du remboursement (les travaux sont payés sur la base du prix de revient et de majorations tenant lieu de bénéfice), le reste du prix est acquitté selon la méthode des « prix unitaires » (les travaux sont décomposés en postes distincts et un prix unitaire est fixé pour chaque poste; le prix unitaire est convenu lors de la passation du marché, le prix de celui-ci dépendant des quantités effectivement utilisées). Pour ce qui concerne les matériaux utilisés dans les travaux de terrassement des six routes d’ accès, le métré présenté par la requérante prévoit, pour chacune des routes, un prix unitaire de 4,5 écus/m3, incluant les frais de transport de matériaux jusqu’ à 5 km. Le métré prévoit également un prix unitaire de 0,07 écu/m3 x km pour le transport des matériaux au delà de 5 km.

4 Le marché stipule que les paiements doivent être effectués en monnaie locale et en devises étrangères, selon une proportion de 12/88 respectivement. Les paiements en monnaie locale sont ordonnancés par l’ ordonnateur national, visés par le délégué de la Commission et effectués par l’ intermédiaire de banques sur place. Les paiements en devises étrangères sont ordonnancés par l’ ordonnateur national, visés par le délégué de la Commission mais effectués par l’ intermédiaire de la Commission à Bruxelles.

5 Les travaux ont commencé en mai 1988.

6 Par lettre du 6 novembre 1988, Consulint a fait part au ministère des Travaux publics et du Logement somalien des difficultés rencontrées pour trouver, à une distance suffisamment proche des chantiers, un des composants des matériaux utilisés dans les travaux de terrassement des routes d’ accès. Afin de résoudre le problème, Consulint a proposé de changer la composition de ces matériaux pour quatre des six routes concernées, ce qui impliquait une augmentation de leur coût unitaire de 4,5 écus/m3 à 14,3 écus/m3. Il estimait que cette augmentation du coût unitaire impliquerait, pour les quatre routes concernées, un coût supplémentaire de l’ ordre de 200 000 écus. Pour les deux autres routes, la lettre indiquait que le bureau d’ ingénieurs étudiait « une autre solution technique qui serait conforme aux exigences tant techniques que financières ». Une copie de cette lettre a été envoyée à la délégation de la Commission, qui l’ a reçue le même jour.

7 Le 2 janvier 1989, le ministère des Travaux publics et du Logement somalien a écrit à Consulint pour autoriser les différentes propositions relatives au projet, y compris les modifications proposées quant à la structure des matériaux utilisés dans le terrassement des routes d’ accès en raison de l’ indisponibilité de certains matériaux. Cette lettre conclut: « Nous vous demandons d’ étudier et de proposer des solutions techniques permettant de réduire l’ ampleur des travaux, afin que le budget disponible ne soit pas dépassé. Nous vous prions également de préparer un devis final pour le projet à soumettre pour approbation ° si nécessaire ° au délégué de la CCE (Commission des Communautés européennes). » Une copie de cette lettre a été envoyée au délégué.

8 Par lettre du 15 février 1989, le délégué a attiré l’ attention du ministère des Travaux publics et du Logement somalien sur le fait qu’ il avait refusé de viser deux factures incorporant des révisions de prix pour certains matériaux (ciment, acier, bitume et carburant), au motif que ces révisions étaient justifiées par de simples factures et non par la preuve d’ une augmentation, pour les matériaux concernés, du prix en vigueur sur le marché. Il a souligné que, conformément à l’ article 79, paragraphe 1, sous iii), des conditions spéciales du contrat, des révisions de prix ne pouvaient être admises que sur preuve d’ une augmentation du prix en vigueur sur le marché, d’ une part, et de l’ incorporation effective des matériaux concernés dans les travaux, d’ autre part.

9 Par lettres des 20 février et 9 mars 1989, le délégué de la Commission a écrit au ministère des Travaux publics et du Logement somalien au sujet de l’ augmentation des coûts des travaux en général et a rappelé la nécessité d’ obtenir l’ approbation préalable de la Commission et de l’ ordonnateur national avant d’ engager des dépenses supplémentaires.

10 Par lettre du 25 avril 1989, le ministère des Travaux publics et du Logement somalien a demandé à l’ ordonnateur national d’ habiliter le délégué de la Commission à introduire une demande de financement supplémentaire de l’ ordre de 1 615 000 écus pour le projet afin de tenir compte, entre autres, de l’ augmentation du prix de certains éléments (ciment, acier, carburant, main-d’ oeuvre) et des difficultés causées par le caractère inadéquat de l’ un des composants des matériaux utilisés dans les travaux de terrassement des routes d’ accès.

11 Par lettre du 8 mai 1989, l’ ordonnateur national a fait part au ministère des Travaux publics et du Logement somalien de son refus de demander un financement supplémentaire au motif, entre autres, que toute révision de prix susceptible d’ augmenter le coût du projet aurait dû faire l’ objet d’ une demande d’ approbation préalable auprès du délégué de la Commission et de l’ ordonnateur national. Une copie de cette lettre a été envoyée au délégué.

12 Par note du 14 juin 1989, le délégué a demandé à la direction générale du développement de la Commission de prendre des mesures préparatoires pour le cas où l’ ordonnateur national accepterait de présenter une demande de financement supplémentaire. Il a souligné qu’ il considérait que le travail de la requérante était de très bonne qualité et que le coût supplémentaire était justifié par des raisons purement techniques. Il a également précisé que les coûts additionnels résultaient, notamment, de la décision de modifier la structure des ponts, de l’ augmentation du coût unitaire des matériaux utilisés dans les travaux de terrassement ainsi que de la nécessité de changer l’ emplacement de certains ponts et de procéder à d’ autres modifications à cause de l’ érosion du terrain et d’ un projet d’ irrigation.

13 Le 10 août 1989, une demande de financement supplémentaire de 750 000 écus a été présentée par l’ ordonnateur national. Cette demande a été soumise à la Commission sous couverture d’ une lettre du délégué du 23 août 1989.

14 Le 28 août 1989, anticipant l’ octroi d’ un financement supplémentaire, l’ administration somalienne des ponts et chaussées a présenté à l’ ordonnateur national, pour approbation, un avenant n 1 au marché, élaboré par Consulint. Cet avenant a été signé par la requérante, l’ ordonnateur national et le ministère des Travaux publics et du Logement somalien et envoyé au délégué de la Commission pour visa.

15 Le 18 décembre 1989, le délégué a été informé, par télex, que la Commission avait accepté de fournir des crédits supplémentaires d’ un montant de 750 000 écus. Le délégué a informé l’ ordonnateur national de cette décision par lettre du 21 décembre 1989.

16 Par lettre du 25 décembre 1989, l’ administration somalienne des ponts et chaussées a informé Consulint que « l’ avenant n 1 (financement supplémentaire) avait été approuvé ». Consulint a envoyé copie de cette lettre à la requérante le 27 décembre 1989, en précisant que le financement additionnel de 750 000 écus avait été approuvé « selon les termes de l’ avenant n 1 ».

17 Par lettre du 6 février 1990, le délégué de la Commission a informé l’ administration somalienne des ponts et chaussées qu’ il estimait ne pas être en mesure de viser l’ avenant présenté. Il en a proposé une version modifiée, qu’ il a soumise pour signature dans les termes suivants: « Je joins copies de l’ avenant proposé et, pour régler la question, je vous serais reconnaissant de me le renvoyer signé dès que possible, muni de l’ approbation de l’ ordonnateur national du FED. »

18 La version révisée de l’ avenant a été signée par la requérante le 10 février 1990, par le ministre des Travaux publics et du Logement somalien le 7 février 1990 et par l’ ordonnateur national le 17 février 1990. Elle a été ensuite renvoyée au délégué de la Commission qui l’ a reçue le 1er mars 1990.

19 Le 1er mars 1990, le délégué de la Commission a écrit au ministère des Travaux publics et du Logement somalien, pour l’ informer qu’ il refusait de viser l’ avenant, au motif, en substance, que la requérante n’ avait pas droit à une révision du prix unitaire pour les matériaux de fondation. Dans une autre lettre de la même date, adressée au même ministère, le délégué a souligné que, outre la question de la composition des matériaux utilisés dans les travaux de terrassement, il attendait toujours une justification de la requérante en ce qui concernait la révision des prix du ciment (+ 50 %) et de l’ acier (+ 60 %) et que, pour cette raison également, il ne pouvait pas viser l’ avenant.

20 Le 6 juin 1990, le délégué, après avoir consulté le service juridique de la Commission, a informé l’ ordonnateur national de la position finale adoptée par le FED au sujet de l’ augmentation du prix unitaire des matériaux utilisés dans les travaux de terrassement et de la révision des prix de certains autres matériaux. Selon le FED, l’ augmentation du prix unitaire des matériaux utilisés dans les travaux de terrassement était interdite par le contrat, les soumissionnaires étant tenus de vérifier la disponibilité des matériaux adéquats avant de présenter leurs offres. A cet égard, le FED relevait que, si les autres soumissionnaires avaient présenté des offres plus élevées, c’ était peut-être précisément parce qu’ ils avaient correctement évalué les conditions locales. S’ agissant des révisions de prix de matériaux demandées au titre de l’ article 79 du cahier général des charges, le FED rappelait qu’ elles devaient être justifiées par référence aux prix en vigueur sur le marché au lieu d’ origine.

21 Par lettre du 7 juin 1990, l’ ordonnateur national a informé le ministère des Travaux publics et du Logement somalien qu’ il partageait entièrement l’ avis émis par les services de la Commission en ce qui concernait le paiement de prix révisés à la requérante. Une copie de cette lettre a été envoyée au délégué.

22 En décembre 1990, la guerre civile a éclaté en Somalie. En janvier 1991, la délégation de la Commission a été fermée.

23 Par lettre du 1er mars 1991, le directeur général du développement de la Commission, en sa qualité d’ ordonnateur principal ° l’ autorité responsable en dernier ressort, en vertu de l’ article 121, paragraphe 1, de la convention de Lomé, de la gestion des ressources du FED °, a écrit à la requérante pour l’ informer qu’ il assumait temporairement les fonctions d’ ordonnateur national, sur la base de l’ article 60 du règlement financier applicable au cinquième FED, dès lors qu’ il considérait que l’ ordonnateur national n’ était plus en mesure d’ exercer ses fonctions. En cette qualité, l’ ordonnateur principal a informé la requérante que, en application de l’ article 93, paragraphe 1, du cahier général des charges, il résiliait le contrat à partir du 1er mars 1991. Il a invité la requérante à présenter ses créances pour les travaux effectués jusqu’ au 28 février 1991.

24 L’ article 60 du règlement financier 81/215/CEE du Conseil, du 17 mars 1981, applicable au cinquième FED (JO L 101, p. 12, ci-après « règlement financier »), auquel se réfère le premier alinéa de cette lettre, dispose:

« Lorsque l’ ordonnateur principal du FED a connaissance de retards dans le déroulement des procédures relatives aux projets financés par le FED, il prend avec l’ ordonnateur national tous contacts utiles en vue de remédier à la situation.

Si, pour une raison quelconque, alors que des prestations ont été fournies, la prolongation d’ un retard dans la liquidation, l’ ordonnancement ou le paiement entraîne des difficultés susceptibles de mettre en cause la complète exécution du marché ou contrat, l’ ordonnateur principal peut prendre toutes mesures propres à mettre fin à ces difficultés, à remédier, s’ il y a lieu, aux conséquences financières de la situation ainsi créées et, plus généralement, à rendre possible, dans les meilleures conditions économiques, l’ achèvement du ou des projets. Il notifie ces mesures dans les meilleurs délais à l’ ordonnateur national. Si des paiements sont ainsi effectués directement par la Commission au bénéficiaire du marché ou du contrat, la Communauté se trouve subrogée de plein droit dans les créances correspondantes de celui-ci à l’ égard des autorités nationales."

25 L’ article 93, paragraphe 1, du cahier général des charges, auquel se réfère également la lettre précitée, dispose que, lorsque l’ administration ordonne unilatéralement la cessation définitive de l’ exécution du marché, celui-ci est immédiatement résilié et que l’ attributaire a droit à une indemnité pour le préjudice que cette résiliation, qui ne lui est pas imputable, lui a éventuellement causé.

26 Par lettre du 22 mars 1991, le bureau d’ études MA Young Associates, Chartered Surveyors, a informé la Commission qu’ il allait dresser, pour le compte de la requérante, un état complet des pertes et dépenses directement encourues par suite de l’ annulation des travaux.

27 Par lettres des 19 décembre 1991 et 10 janvier 1992, les conseils de la requérante ont informé la Commission qu’ un relevé des sommes qu’ elle entendait réclamer était toujours en cours de préparation et ont demandé le paiement immédiat des factures en souffrance.

28 Sous couverture d’ une lettre du 7 février 1992, les conseils de la requérante ont transmis à la Commission un relevé complet des sommes réclamées, s’ élevant à un montant total de 4 389 498,40 écus. Le relevé est divisé en cinq sections: la première section concerne les factures non payées, la deuxième et la troisième concernent les sommes dont le paiement est demandé au titre de la lettre de la Commission du 1er mars 1991, les quatrième et cinquième sections concernent les intérêts.

29 Par lettre du 15 avril 1992, la Commission a rejeté la demande introduite par les conseils de la requérante, au motif, en substance, qu’ il était matériellement impossible d’ en vérifier le bien-fondé, que certains aspects en avaient été contestés par le gouvernement somalien, que le montant des sommes réclamées dépassait de loin les fonds disponibles et que l’ ordonnateur principal, agissant aux lieu et place de l’ ordonnateur national, n’ avait, au titre de l’ article 60 du règlement financier, qu’ un mandat limité.

Procédure et conclusions des parties

30 C’ est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe de la Cour le 7 juillet 1992, la requérante a introduit le présent recours en indemnité. La procédure écrite devant la Cour a pris fin le 4 février 1993 avec le dépôt de la duplique. A la suite de l’ entrée en vigueur, le 1er août 1993, de la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes, l’ affaire a été renvoyée devant le Tribunal par ordonnance de la Cour du 27 septembre 1993.

31 La requérante conclut à ce qu’ il plaise au Tribunal:

condamner la Commission à payer à la requérante:

° un montant total de 4 389 498,40 écus;

° des intérêts au taux de 8 % à compter de la date d’ introduction du recours;

° les dépens, y compris les honoraires d’ avocat.

32 La défenderesse conclut à ce qu’ il plaise au Tribunal:

° rejeter le recours comme non fondé;

° condamner la requérante aux dépens.

Sur le premier chef du recours, fondé sur le non-paiement de certaines factures

Arguments des parties

33 La requérante soutient que, en refusant de viser les factures en question, le délégué a commis quatre fautes non contractuelles engageant la responsabilité de la Commission au titre de l’ article 215, deuxième alinéa, du traité CEE.

34 La première faute dénoncée par la requérante est que le délégué a excédé ses pouvoirs. Elle estime que, dans le cadre de la répartition des pouvoirs prévue par la deuxième convention de Lomé, il n’ appartient pas au délégué de vérifier le détail des montants demandés dans des factures qui ont été certifiées par le bureau d’ ingénieurs-conseils et pour lesquelles l’ ordonnateur national a émis des ordonnances de paiement. La Commission n’ étant pas partie au marché de travaux, ses pouvoirs se limiteraient, en effet, à préparer et à adopter les décisions de financement, à suivre la procédure d’ appel d’ offres, à surveiller l’ exécution générale des travaux et le déroulement régulier de la procédure ainsi que, le cas échéant, à exercer le rôle de médiateur. En tout état de cause, la requérante estime que les refus de visa n’ étaient pas justifiés en l’ espèce.

35 La deuxième faute dénoncée par la requérante est que le délégué a agi en violation d’ une obligation lui incombant. Elle soutient que, quelle qu’ ait été la décision initialement prise par le délégué en ce qui concerne la possibilité de faire bénéficier les dépenses faisant l’ objet des factures litigieuses du financement du FED, la décision de l’ ordonnateur principal d’ accorder un financement supplémentaire au projet a eu pour effet d’ imposer à la Commission l’ obligation de supporter ces dépenses, quelle que soit la forme qu’ ait pu revêtir un éventuel avenant établi par les parties au marché. En réponse à l’ argument de la Commission selon lequel l’ engagement d’ accorder des fonds supplémentaires a été pris uniquement à l’ égard de la république démocratique de Somalie et non de l’ attributaire du marché, la requérante fait valoir que, en vertu d’ un principe commun à tous les États membres, un créancier peut réclamer aux débiteurs de son débiteur les montants qu’ ils doivent à ce dernier. Selon la requérante, le respect du principe de sécurité juridique impliquait, de la part de la Commission, l’ obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de remédier aux retards de paiement.

36 La troisième faute est que la Commission a porté atteinte à la confiance légitime de la requérante. Compte tenu de la façon dont la Commission a accordé un financement supplémentaire, en vue de faire face aux changements demandés par l’ ordonnateur national, et de la façon dont elle a modifié et envoyé pour signature l’ avenant n 1, la requérante aurait été fondée à croire que la Commission signerait cet avenant et paierait les factures y afférentes.

37 La quatrième faute dénoncée par la requérante est une organisation défectueuse des services de la Commission. Elle soutient que, dès lors que l’ ordonnateur principal avait pris la décision d’ accorder un financement supplémentaire et que toutes les autres parties avaient signé l’ avenant n 1 dans les termes demandés par la Commission, cette dernière avait l’ obligation de prendre toutes dispositions utiles en vue de signer l’ avenant n 1 et de payer les factures afférentes aux travaux en question, conformément aux termes de cet avenant. Sa carence à cet égard constituerait la preuve d’ une organisation défectueuse de ses services.

38 En ce qui concerne la première faute imputée par la requérante au délégué, la Commission soutient que son comportement a été conforme à la répartition des pouvoirs découlant de la convention et qu’ il était parfaitement fondé à refuser de viser l’ avenant, dès lors qu’ il estimait que les conditions pour un financement communautaire n’ étaient pas remplies. Selon elle, s’ il en était autrement, la possibilité pour la Commission d’ assurer la protection des fonds du FED serait vidée de sa substance.

39 En ce qui concerne la prétendue inexécution d’ une obligation, la Commission relève qu’ elle n’ avait pas de relation contractuelle directe avec la requérante. Elle ne nie pas avoir pris une première décision de fournir un financement supplémentaire, mais elle estime qu’ il ne s’ agissait que d’ un engagement à l’ égard du gouvernement somalien. En tout état de cause, un engagement provisoire de ce type ne pourrait, par lui-même, donner naissance à une obligation de payer des factures non couvertes par la convention de financement. La Commission doute que la requérante puisse être considérée comme un créancier du gouvernement somalien, ayant la possibilité de s’ adresser directement à elle, en tant que débitrice de son débiteur. De toute manière, compte tenu de la répartition des pouvoirs et des responsabilités dans le cadre de la convention de Lomé, les dettes du gouvernement somalien ne pourraient être transférées à la Commission.

40 En ce qui concerne la prétendue atteinte au principe de protection de la confiance légitime, la Commission rétorque, premièrement, qu’ elle n’ avait pas de relation directe avec la requérante et que, si des travaux supplémentaires ont été demandés par les autorités locales, ces demandes ont été faites dans le contexte des relations contractuelles de ces autorités avec la requérante. Elle ajoute qu’ elle avait toujours précisé sa position en ce qui concerne les factures afférentes à certains des travaux supplémentaires, de sorte que les autorités somaliennes ne peuvent avoir supposé que l’ avenant n 1 serait visé dans la forme dans laquelle il a été présenté.

41 La Commission estime que l’ argumentation de la requérante relative à une organisation défectueuse de ses services n’ identifie aucun dysfonctionnement spécifique et n’ est, au surplus, étayée d’ aucune preuve. En tout état de cause, en l’ absence d’ une obligation de payer, elle ne pourrait être tenue de mobiliser ses services pour effectuer des paiements.

Appréciation du Tribunal

42 Dans son premier chef de recours, la requérante demande à être indemnisée du dommage qu’ elle prétend avoir subi par suite du refus du délégué de viser certaines factures. Il convient de rappeler que, pour apprécier cette demande, le Tribunal n’ est pas appelé à se prononcer sur les droits que la requérante peut tirer du contrat en vue d’ obtenir le paiement de ces factures. Cette question doit être tranchée par voie d’ arbitrage, conformément à l’ article 132 et à l’ annexe XIII de la deuxième convention de Lomé, et non par le Tribunal, dont la compétence au titre de l’ article 178 et de l’ article 215, deuxième alinéa, du traité CEE est limitée aux questions de responsabilité non contractuelle. En tout état de cause, il ressort du dossier qu’ il n’ existe pas de relation contractuelle entre la requérante et la Commission, ce qui est, au surplus, parfaitement conforme à l’ opinion exprimée par la Cour, selon laquelle les marchés de travaux publics financés par le FED doivent être considérés comme des marchés nationaux auxquels sont seulement parties l’ État ACP et l’ entrepreneur (arrêt du 19 septembre 1985, Murri frères/Commission, 33/82, Rec. p. 2759).

43 Toutefois, s’ il n’ existe pas de relation contractuelle entre la Commission et la requérante, il ressort néanmoins de la jurisprudence de la Cour que la Commission peut être tenue, au titre de l’ article 215, deuxième alinéa, du traité, de réparer le dommage subi par des tiers par suite d’ actes commis par le délégué dans l’ exercice de ses fonctions (arrêt du 10 juillet 1985, CMC e.a./Commission, 118/83, Rec. p. 2325).

44 A cet égard, le Tribunal considère que la Commission est tenue de réparer le dommage que les entrepreneurs intervenant dans le cadre de marchés de travaux publics financés par le FED ont subi par suite du refus fautif de la part d’ un délégué de viser des factures qu’ ils ont présentées.

45 En l’ espèce, la requérante soutient que le refus du délégué de viser les factures était fautif et, à l’ appui de cet argument, elle relève quatre fautes particulières. En premier lieu, elle affirme que, en refusant le visa, le délégué a excédé ses pouvoirs; en deuxième lieu, elle estime que le refus de visa opposé par le délégué constitue la violation d’ une obligation; en troisième lieu, elle fait valoir qu’ elle avait placé une confiance légitime dans le fait que les factures seraient visées; enfin, elle soutient que le refus de visa procède d’ une organisation défectueuse des services de la Commission.

Sur la prétendue première faute: le délégué aurait excédé ses pouvoirs en refusant le visa

46 La requérante fait valoir, en substance, que, dans le cadre de la répartition des pouvoirs prévue par la deuxième convention de Lomé, les délégués ne sont pas en droit de refuser de viser des factures qui ont été approuvées par le bureau d’ ingénieurs-conseils et pour lesquelles l’ ordonnateur national a émis une ordonnance de paiement. La requérante soutient également que, en tout état de cause, ces refus n’ étaient pas justifiés en l’ espèce.

47 En ce qui concerne, tout d’ abord, la question de savoir si les délégués sont, d’ une manière générale, en droit de refuser le visa, le Tribunal constate que l’ article 108, paragraphe 4, sous f), de la deuxième convention de Lomé dispose que « les États ACP et la Communauté ont la responsabilité conjointe de s’ assurer que la réalisation des projets et des programmes d’ actions financés par la Communauté est conforme aux affectations décidées ainsi qu’ aux dispositions de la présente convention ».

48 A cette fin, l’ article 123, paragraphe 3, de la convention dispose:

« a) Le délégué s’ assure, pour le compte de la Commission, de la bonne exécution financière et technique des projets et des programmes d’ actions financés sur les ressources du Fonds gérées par la Commission.

b) A ce titre, il vise les marchés, avenants et devis, ainsi que les ordonnances de paiement émises par l’ ordonnateur national."

49 De même, l’ article 61 du règlement financier dispose que, « en cours d’ exécution des opérations, le délégué vérifie, sur pièces et sur place, la conformité des réalisations ou prestations avec leur description telle qu’ elle figure dans les conventions de financement, dans les marchés, contrats et devis ».

50 Le Tribunal considère qu’ il découle clairement de ces dispositions qu’ un délégué de la Commission est en droit, et même tenu, de refuser de viser des factures présentées par des entrepreneurs lorsqu’ il a des raisons sérieuses de douter que les conditions du financement communautaire ont été respectées.

51 En vue de déterminer si le refus de visa du délégué était justifié en l’ espèce, il est nécessaire pour le Tribunal d’ examiner l’ objet des factures en question. Les mémoires de la requérante semblent indiquer que les objections du délégué à l’ encontre des factures litigieuses portaient soit sur le fait qu’ elles incorporaient des augmentations du prix du ciment, de l’ acier et du bitume qui n’ avaient pas été justifiées par référence au prix en vigueur sur le marché pour ces matériaux, soit sur le fait qu’ elles concernaient les matériaux utilisés dans les travaux de terrassement des routes d’ accès, pour lesquels le prix unitaire était passé de 4,5 écus/m3 à 14,3 écus/m3. En vue de clarifier la situation, le Tribunal a posé une question écrite à la requérante, lui demandant de confirmer si tel était le cas et, dans la négative, d’ indiquer les factures concernées, d’ en produire des copies et d’ en préciser l’ objet. Si la réponse de la requérante à cette question semble indiquer que certaines des factures que le délégué a refusé de viser avaient d’ autres objets que les deux objets mentionnés ci-dessus, la requérante n’ a cependant fourni au Tribunal aucune autre précision.

52 Dans ces conditions, le Tribunal ne peut apprécier la demande de la requérante que dans la mesure où elle est fondée sur un refus prétendument fautif, de la part du délégué, de viser des factures incorporant des augmentations du prix du ciment, du bitume et de l’ acier, d’ une part, et une augmentation du prix unitaire des matériaux utilisés dans les travaux de terrassement des routes d’ accès, d’ autre part.

53 Les augmentations du prix du ciment, de l’ acier et du bitume ont été refusées par le délégué au motif qu’ elles n’ étaient pas étayées par la preuve d’ une augmentation du prix de ces matériaux sur le marché au lieu d’ origine et de leur incorporation effective dans les travaux.

54 Or, le Tribunal relève qu’ il ressort de l’ article 79, paragraphe 1, sous iii), des conditions spéciales du contrat que, en ce qui concerne le coût des matériaux, des augmentations ne peuvent être accordées à l’ attributaire que s’ il y a eu, pour les produits en cause, une augmentation du prix en vigueur sur le marché entre la date de l’ offre et la date de l’ achat.

55 Dans ces conditions, le Tribunal considère que le délégué était en droit d’ exiger qu’ une telle justification soit apportée et, dans l’ attente, de refuser de viser les factures. Il en était d’ autant plus ainsi que les investigations qu’ il avait menées tendaient à indiquer qu’ il n’ y avait pas eu, pour le type de ciment en cause, d’ augmentation du prix en vigueur sur le marché au cours de la période concernée.

56 Dès lors que la requérante n’ a avancé aucun élément de nature à établir qu’ elle a apporté la justification requise par le délégué, le Tribunal ne peut que conclure que le refus de celui-ci de viser les factures en question était justifié.

57 En ce qui concerne la question de l’ augmentation du prix unitaire des matériaux utilisés dans les travaux de terrassement des routes d’ accès, le Tribunal constate qu’ il n’ est pas contesté que, lors de la préparation de son offre, la requérante a sensiblement sous-estimé la disponibilité, à proximité des chantiers, de l’ un des composants nécessaires.

58 A cet égard, le Tribunal constate que le point 2 du préambule du métré, tel qu’ il a été accepté par la requérante, énonce clairement: "L’ entrepreneur visitera le site, s’ informera soigneusement et complètement des conditions locales pendant toute la durée des travaux et s’ assurera de la disponibilité d’ eau et des matériaux devant être obtenus sur place; il procédera à toutes adaptations nécessaires dans ses cotations en vue de faire face à toute éventualité." Le Tribunal constate, en outre, que la requérante reconnaît, à la page 5 de sa réplique, qu’ elle n’ a pas effectué une recherche approfondie avant la soumission de son offre.

59 La requérante affirme que, en raison de crues à l’ époque considérée, aucun des soumissionnaires n’ a été en mesure d’ effectuer les recherches nécessaires à proximité des sites et que c’ est pour tenir compte de cette difficulté qu’ il leur a été également demandé de chiffrer le transport des matériaux devant être utilisés dans les travaux de terrassement sur des distances supérieures à 5 km.

60 Le Tribunal considère toutefois qu’ il ressort du métré que la requérante a offert un prix unitaire ferme pour les matériaux devant être utilisés dans les travaux de terrassement des routes d’ accès et que ce prix unitaire peut avoir joué un rôle important dans la comparaison des offres.

61 Par ailleurs, les éléments de preuve produits tant par la Commission que par la requérante elle-même montrent que les coûts supplémentaires résultant pour le projet de l’ augmentation du prix unitaire ont été engagés sans qu’ ait été obtenue, au préalable, l’ approbation de l’ autorité nationale compétente, à savoir l’ ordonnateur national.

62 Dans ces conditions, et compte tenu du fait que le prix unitaire offert par la requérante était, en réalité, inférieur à un tiers du prix unitaire finalement facturé, le Tribunal considère que le délégué était en droit de refuser de viser les factures en question.

63 A ce stade du raisonnement, le Tribunal est amené à rejeter également l’ argument avancé par la requérante selon lequel la Commission devrait être déclarée responsable des actes commis par Consulint, qui, selon elle, ne lui a pas donné d’ autre choix que d’ utiliser les composants les plus coûteux pour les travaux de terrassement. Ainsi qu’ il ressort du dossier, Consulint a été désigné pour surveiller le déroulement des travaux dans le cadre d’ un contrat conclu avec le gouvernement somalien et ne saurait donc être considéré comme ayant agi en qualité d’ agent de la Commission.

64 Pour l’ ensemble de ces raisons, le Tribunal ne peut que conclure que le délégué n’ a pas excédé ses pouvoirs en refusant de viser les factures en question.

Sur la prétendue deuxième faute: violation, de la part du délégué, d’ une obligation

65 Ainsi qu’ il ressort des dispositions susmentionnées de la deuxième convention de Lomé et du règlement financier, le délégué avait l’ obligation de refuser de viser les factures en question aussi longtemps qu’ il avait des raisons de croire que les conditions du financement communautaire n’ avaient pas été respectées.

66 Le Tribunal ne saurait admettre l’ argument de la requérante selon lequel la décision prise par l’ ordonnateur principal d’ accorder un financement supplémentaire pour le projet a eu pour effet de mettre fin à cette obligation et d’ imposer au délégué l’ obligation de viser les factures litigieuses. Pour qu’ une telle décision produise cet effet, il aurait fallu qu’ elle ordonne explicitement au délégué de viser les factures malgré ses réserves. Or, aucun ordre de cette nature n’ a été donné en l’ espèce.

67 En ce qui concerne l’ argument de la requérante selon lequel un entrepreneur intervenant dans le cadre d’ un marché financé par le FED est en droit de demander à la Commission des sommes dont il est créancier vis-à-vis de l’ État ACP, le Tribunal constate que la requérante n’ a pas établi à ce jour, devant l’ instance compétente, que certaines sommes lui sont effectivement dues par le gouvernement somalien.

68 En tout état de cause, même s’ il était établi que la requérante est en droit de demander au gouvernement somalien, sur la base du contrat conclu avec celui-ci, le paiement des factures litigieuses, il n’ en découlerait pas nécessairement qu’ il lui serait alors possible de demander le paiement de ces montants sur les fonds du FED, dès lors que ces fonds ne peuvent être débloqués que pour des dépenses justifiées au regard des dispositions législatives et contractuelles applicables.

69 Pour l’ ensemble de ces raisons, le Tribunal ne peut que conclure qu’ il n’ y a pas eu, de la part du délégué, violation d’ une obligation lorsqu’ il a refusé de viser les factures.

Sur la prétendue troisième faute: violation du principe de protection de la confiance légitime

70 La requérante estime que, compte tenu du comportement de la Commission, elle a pu placer une confiance légitime dans le fait que le délégué viserait les factures litigieuses.

71 Afin d’ établir le bien-fondé de son argument, la requérante doit démontrer que, par suite d’ un acte ou d’ une omission de la Commission ou de son délégué, elle a été conduite à engager des dépenses dont elle était fondée à croire qu’ elles seraient supportées par des fonds du FED.

72 Les actes ou omissions qui, selon la requérante, ont fait naître dans son chef une confiance légitime se rapportent à la décision de la Commission de fournir un financement supplémentaire, d’ une part, et à l’ attitude du délégué consistant à modifier, puis à refuser de viser l’ avenant n 1, d’ autre part.

73 Le Tribunal constate que la grande majorité des factures litigieuses est antérieure tant à la décision de la Commission de fournir un financement supplémentaire (communiquée au délégué le 18 décembre 1989 et à la requérante le 27 décembre 1989) qu’ à l’ envoi de la lettre du délégué proposant un avenant n 1 modifié (envoyée le 6 février 1990). Il en découle que les dépenses dont le paiement est demandé dans ces factures ne sauraient avoir été engagées sur la base d’ une quelconque confiance légitime que ces actes auraient pu faire naître.

74 En réalité, il ressort du dossier que seules trois factures ont été émises après que la décision d’ accorder un financement supplémentaire eut été prise. En ce qui concerne la première de celles-ci, à savoir la facture émise le 31 décembre 1989, la requérante n’ a fourni aucune preuve établissant qu’ elle se rapporte à des dépenses engagées après qu’ elle eut été informée de ladite décision. En ce qui concerne les deux factures émises en mai 1990, la requérante n’ a fourni aucune preuve établissant qu’ elles se rapportent à des dépenses engagées avant le 1er mars 1990, date à laquelle le délégué a fait savoir, sans aucune équivoque, qu’ il n’ avait pas l’ intention de viser des factures incorporant une augmentation du prix unitaire des matériaux utilisés dans les travaux de terrassement ou une révision du prix de certains matériaux qui n’ était pas justifiée par référence à leur prix sur le marché.

75 Pour ces raisons, l’ argument de la requérante fondé sur une atteinte à sa confiance légitime doit être rejeté.

Sur la prétendue quatrième faute: organisation défectueuse des services de la Commission

76 Comme la Commission l’ a souligné à juste titre, le quatrième argument de la requérante présuppose l’ existence d’ une obligation, de la part de la Commission, de viser les factures litigieuses. Dès lors que le Tribunal a jugé ci-dessus qu’ une telle obligation n’ existait pas, ce quatrième argument ne peut qu’ être rejeté.

77 En tout état de cause, le Tribunal considère que, lorsqu’ un requérant demande à être indemnisé d’ un dommage qu’ il prétend avoir subi du fait de l’ organisation défectueuse des services d’ une institution, il doit, à tout le moins, relever un dysfonctionnement précis des services à l’ origine du dommage en question. Or, en l’ espèce, la requérante n’ a fourni aucune précision ni aucun élément de preuve permettant au Tribunal de conclure à un mauvais fonctionnement des services de la Commission.

78 La requérante n’ ayant pas établi que le refus de viser les factures en question était fautif, il s’ ensuit que le premier chef du recours doit être rejeté.

Sur le second chef du recours, fondé sur l’ absence d’ indemnisation de la part de la Commission à la suite de la résiliation du marché

Arguments des parties

79 La requérante rappelle que, par lettre du 1er mars 1991, le directeur général de la direction générale du développement de la Commission, en tant qu’ ordonnateur principal du FED, l’ a informée qu’ il assumait temporairement les fonctions d’ ordonnateur national et de ce qu’ il avait décidé de résilier le marché de travaux à partir du 1er mars 1991, en application de l’ article 93, paragraphe 1, du cahier général des charges. La requérante rappelle également que, à la fin de sa lettre, l’ ordonnateur principal l’ a invitée à présenter ses créances à la Commission. Or, malgré cette invitation, et alors même que la requérante a préparé un état complet des pertes et dépenses directement encourues par suite de l’ annulation des travaux, qu’ elle a présenté à la défenderesse le 7 février 1992, cette dernière aurait refusé tout paiement.

80 La requérante estime que le refus de la Commission de réparer le dommage qu’ elle a subi par suite de la résiliation du marché doit être considéré comme une faute engageant sa responsabilité, dès lors qu’ il constitue l’ inexécution d’ une obligation, qu’ il procède d’ une organisation défectueuse des services de la Commission et qu’ il viole les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

81 La Commission soutient que, en résiliant le marché, elle s’ est bornée à agir dans les limites de l’ article 60 du règlement financier, qui fait partie intégrante de la convention de financement en vertu de l’ article 7 de cette dernière. Elle estime que ses pouvoirs au titre de l’ article 60 ne se rapportent qu’ à ses engagements et responsabilités, tels qu’ ils sont définis dans la convention de financement, et que, par conséquent, elle ne saurait être tenue pour responsable de toutes les demandes qui peuvent naître des relations contractuelles entre le gouvernement somalien et la requérante.

82 La Commission soutient également que, même si elle ne l’ a pas expressément précisé dans sa lettre du 1er mars 1991, elle n’ avait l’ intention de satisfaire les demandes dont elle serait saisie que dans la mesure où celles-ci étaient justifiées et où elles étaient couvertes par des engagements existants (c’ est-à-dire à concurrence de 5 millions d’ écus). Or, la requérante aurait présenté un relevé global d’ un montant largement supérieur au solde encore disponible, incorporant plusieurs demandes qui étaient contestées par les autorités somaliennes. Dans ces conditions, et eu égard au fait qu’ une vérification matérielle des travaux était impossible, la Commission aurait décidé d’ attendre la mise en place d’ un nouveau gouvernement stable en Somalie avant d’ adopter une décision définitive.

Appréciation du Tribunal

83 Dans le second chef de son recours, la requérante sollicite une indemnité, à laquelle elle estime avoir droit en raison d’ une lettre qui lui a été adressée le 1er mars 1991 par le directeur général de la direction générale du développement de la Commission, en sa qualité d’ ordonnateur principal. Cette lettre est libellée comme suit:

« En raison de la persistance des troubles en Somalie et de l’ incapacité de l’ ordonnateur national à exercer ses fonctions, j’ ai décidé, en tant qu’ ordonnateur principal, sur la base de l’ article 60 du règlement financier régissant les marchés financés par le FED, d’ assumer temporairement les fonctions incombant à l’ ordonnateur national.

Comme les conditions de sécurité voulues pour la reprise de l’ exécution de votre contrat ne peuvent être garanties en Somalie dans un avenir prévisible, je suis au regret de vous informer que votre contrat sera résilié en application de l’ article 93, paragraphe 1, du cahier général des charges des marchés de travaux. La résiliation de votre contrat prendra effet au 1er mars 1991.

Dans la mesure où vous auriez des créances à faire valoir au titre de vos services de consultant (sic), jusqu’ au 28 février 1991, vous êtes invité à les présenter à la Commission des Communautés européennes, direction générale du développement…"

84 Le représentant de la Commission a admis à l’ audience que la référence faite dans cette lettre à des « services de consultant » résultait d’ une erreur. Il s’ agissait apparemment d’ une lettre type. Les deux parties se sont mises d’ accord sur le fait que cette lettre entendait viser des prestations d’ entrepreneur.

85 Il ressort des mémoires de la requérante que le second chef de son recours comporte deux demandes distinctes. Dans la première, la requérante poursuit le paiement de montants exposés dans le cadre du marché de travaux antérieurement à sa résiliation au 1er mars 1991. Le paiement de ces montants a été demandé dans la section 2 du relevé de compte global présenté le 7 février 1992 (annexe 43 à la requête); ils se rapportent à des frais exposés par suite de l’ interruption et de la prolongation du marché. Dans la seconde demande, la requérante sollicite une indemnité pour le préjudice qu’ elle estime avoir subi par suite de la résiliation du marché au 1er mars 1991. Le paiement de ces montants a été demandé dans la section 3 du relevé de compte global susmentionné; ils se rapportent essentiellement, mais non exclusivement, à de prétendus vols et destructions de matériel d’ outillage et d’ équipement et au rapatriement de personnel.

86 Avant de porter une appréciation sur ces demandes, il convient à nouveau de souligner que l’ objet de la présente procédure est uniquement de déterminer si la Commission a commis une faute ayant causé un dommage à la requérante et qu’ il n’ appartient pas au Tribunal de déterminer les droits que la requérante peut éventuellement faire valoir contre le gouvernement somalien sur la base du contrat conclu entre eux.

87 La première étape de l’ examen par le Tribunal du second chef du recours consistera, dès lors, à déterminer si la Commission a agi de manière fautive en refusant de satisfaire les demandes contenues dans les sections 2 et 3 du relevé de compte global.

88 Pour chacune des deux demandes, la requérante avance les mêmes arguments à l’ appui de sa thèse selon laquelle la Commission a agi de manière fautive. Elle soutient, en premier lieu, que la Commission avait l’ obligation de satisfaire ses demandes, en deuxième lieu, que le refus de la Commission de les satisfaire a porté une atteinte à sa confiance légitime ainsi qu’ au principe de sécurité juridique et, en troisième lieu, que le refus de satisfaire ses demandes procède d’ une organisation défectueuse des services de la Commission.

a) Sur la première demande: le paiement des frais exposés par suite de la prolongation et de l’ interruption du marché

89 La première question à examiner par le Tribunal est celle de savoir si la Commission avait l’ obligation de satisfaire la demande, présentée dans la section 2 du relevé de compte global, se rapportant à des frais exposés antérieurement à la résiliation du marché.

90 A cet égard, le Tribunal constate, en premier lieu, que la requérante n’ a pas soutenu que la Commission était responsable des retards ou de l’ interruption des travaux ayant entraîné les frais dont elle demande le paiement dans la section 2 du relevé de compte global. De même, elle n’ a produit aucun élément de preuve pouvant permettre au Tribunal d’ aboutir à une telle conclusion.

91 En second lieu, il est constant que, dès lors que la Commission n’ était pas partie au marché de travaux, elle ne saurait être tenue d’ une obligation contractuelle de satisfaire une telle demande. Si la requérante estime qu’ elle tire du contrat un droit au paiement des montants indiqués dans la section 2 du relevé de compte global, cette question doit être tranchée par voie d’ arbitrage, conformément à l’ article 132 et à l’ annexe XIII de la deuxième convention de Lomé.

92 Enfin, le Tribunal considère qu’ une obligation de satisfaire la demande de la requérante n’ a pu naître de la décision de l’ ordonnateur principal d’ invoquer l’ article 60 du règlement financier. Cette disposition, qui constitue la base juridique de l’ invitation adressée par l’ ordonnateur principal à la requérante de présenter ses créances, permet à la Commission, entre autres, de verser des fonds à des entrepreneurs autrement que sur la base d’ une ordonnance de paiement émise par l’ ordonnateur national. C’ est donc à une mesure exceptionnelle qu’ il a été recouru en l’ espèce, du fait que l’ ordonnateur national était dans l’ incapacité d’ exercer ses fonctions à la suite du déclenchement de la guerre civile.

93 Or, il résulte du libellé de l’ article 60 (voir, ci-dessus, point 24) que cette disposition donne à la Commission la faculté, mais ne lui fait pas obligation, d’ effectuer des paiements à un entrepreneur lorsque des retards dans la liquidation ou l’ ordonnancement surviennent au niveau national.

94 Dans ces conditions, le Tribunal ne peut que conclure que la Commission n’ avait pas l’ obligation de satisfaire la demande présentée dans la section 2 du relevé de compte global.

95 La deuxième question à trancher est celle de savoir si, comme le soutient la requérante, le refus de la Commission de satisfaire la demande concernant le paiement de travaux effectués antérieurement à la résiliation du marché constitue une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

96 Pour établir le bien-fondé de sa demande, la requérante doit démontrer que, au moment où elle a engagé les dépenses en cause, elle avait des raisons légitimes de croire que la Commission les rembourserait. Or, en l’ espèce, la requérante se fonde sur une prétendue promesse de payer contenue dans une lettre envoyée après que les dépenses en question eurent été engagées. Cette raison suffit à elle seule pour que la demande soit rejetée.

97 En tout état de cause, le Tribunal considère que, eu égard à l’ attitude adoptée par le délégué depuis le 1er mars 1990, la requérante savait ou aurait dû savoir que la Commission ne satisferait que les demandes qu’ elle considérerait comme justifiées au regard des dispositions législatives et contractuelles applicables et qu’ elle était susceptible d’ avoir des doutes sur le point de savoir si les dépenses engagées par suite de la prolongation et de l’ interruption du marché pouvaient être financées sur des fonds du FED.

98 Il en découle qu’ il n’ y a pas eu atteinte à la confiance légitime de la requérante ni au principe de sécurité juridique.

99 Enfin, la requérante soutient que le refus de l’ indemniser procède d’ une organisation défectueuse des services de la Commission et constitue, par conséquent, une violation du principe de bonne administration.

100 De l’ avis du Tribunal, cet argument présuppose l’ existence d’ une obligation de la part de la Commission de satisfaire la demande de la requérante. Dès lors que le Tribunal a établi qu’ une telle obligation n’ existait pas, cet argument doit être rejeté comme dépourvu de pertinence.

101 En tout état de cause, comme le Tribunal l’ a souligné dans son appréciation du premier chef du recours, lorsqu’ un requérant sollicitant une indemnité au titre des articles 178 et 215 du traité se fonde sur le fait qu’ une institution n’ aurait pas organisé ses services comme il convient, il doit à tout le moins relever un dysfonctionnement particulier des services de la défenderesse. Or, en l’ espèce, la requérante n’ a pas identifié de dysfonctionnement particulier des services.

102 Le Tribunal en conclut que la Commission n’ a pas agi de manière fautive en refusant de satisfaire la demande présentée dans la section 2 du relevé de compte global, afférente à des frais exposés par suite de la prolongation ou de la rupture du marché.

103 A ce stade du raisonnement, il incombe au Tribunal d’ examiner la question de savoir si la Commission a agi de manière fautive en refusant d’ indemniser la requérante pour le préjudice qu’ elle prétend avoir subi par suite de la résiliation du marché de travaux.

b) Sur la seconde demande: l’ indemnisation du préjudice prétendument subi par suite de la résiliation du marché

104 Sous cet aspect, la première question à trancher est celle de savoir si la décision prise par l’ ordonnateur principal de résilier le marché au titre de l’ article 93, paragraphe 1, du cahier général des charges a donné naissance à une obligation, de la part de la Commission, d’ indemniser la requérante pour le préjudice qui a pu découler de la résiliation.

105 Le Tribunal constate que l’ article 93, paragraphe 1, du cahier général des charges poursuit deux objectifs distincts. En premier lieu, il fournit une base juridique pour la résiliation, par l’ État ACP, de marchés financés par le FED, antérieurement à l’ achèvement des travaux. En second lieu, il dispose que, lorsqu’ une pareille résiliation intervient, l’ attributaire a droit à une indemnisation pour le préjudice découlant de la résiliation qui ne lui est pas imputable.

106 Dès lors que les marchés financés par le FED sont des marchés nationaux, l’ article 93, paragraphe 1, prévoit qu’ ils peuvent être résiliés par l’ État ACP et non par la Commission. Toutefois, en l’ espèce, ce n’ est pas l’ État ACP, mais le directeur général de la direction générale du développement de la Commission, agissant en sa qualité d’ ordonnateur principal, qui a résilié le marché. Cette initiative était justifiée par le fait que, à ses yeux, l’ ordonnateur national n’ était plus en mesure, en raison de la guerre civile, d’ exercer son autorité. La guerre civile en Somalie avait, en effet, éclaté en décembre 1990 et le gouvernement somalien avait été renversé peu de temps après, de sorte que, en mars 1991, il n’ y avait ni gouvernement pour veiller au maintien de l’ ordre, ni ministre pour exercer les pouvoirs d’ ordonnateur national.

107 De l’ avis du Tribunal, le fait que l’ ordonnateur principal, dans ces circonstances, a utilisé l’ article 93, paragraphe 1, du cahier général des charges comme base juridique pour résilier le marché n’ implique pas nécessairement que la Commission soit tenue de payer l’ indemnité prévue par cette disposition. En tout état de cause, la requérante n’ a pas établi que le dommage qu’ elle a prétendument subi est une conséquence de la résiliation du marché par l’ ordonnateur principal.

108 En effet, aucun des éléments de préjudice dont la requérante fait état dans le cadre de la présente demande, tels qu’ elle les a identifiés ° perte ou vol d’ outillage ou d’ équipement; coûts de l’ équipement de démarrage et de l’ équipement de construction nécessaire pour les travaux préliminaires; coûts afférents aux besoins des ingénieurs, y compris ceux en logement et en équipement de bureau; rapatriement du personnel expatrié; honoraires afférents à la préparation des relevés de compte des pertes et dépenses découlant des prétendues suspension, annulation, interruption et prolongation du marché; coût de l’ équipement du siège social; coût des matériaux à base de bitume stockés hors des chantiers; valeur des travaux effectués à la date de la résiliation °, n’ apparaît comme ayant été causé par la résiliation du marché. La requérante n’ a même pas prouvé qu’ elle se trouvait encore sur le chantier à la date de résiliation du marché.

109 Pour ces raisons, le Tribunal considère que le refus de la Commission d’ indemniser la requérante pour le préjudice qu’ elle a prétendument subi suite à la résiliation du marché n’ a pas constitué la violation d’ une obligation lui incombant.

110 La deuxième question à examiner est celle de savoir si la lettre du 1er mars 1991 a fait naître, dans le chef de la requérante, une confiance légitime dans le fait que la Commission lui paierait l’ indemnité à laquelle elle pouvait prétendre au titre de l’ article 93, paragraphe 1, du cahier général des charges.

111 La requérante soutient que, en se référant à l’ article 93, paragraphe 1, du cahier général des charges, dans le deuxième alinéa de sa lettre du 1er mars 1991, la Commission s’ est engagée à l’ indemniser conformément à cette disposition.

112 De l’ avis du Tribunal, il ressort des termes de la lettre du 1er mars 1991 qu’ elle ne saurait avoir fait naître, dans le chef de la requérante, une confiance légitime dans le fait que la Commission l’ indemniserait du préjudice pouvant découler pour elle de la résiliation du marché. Le dernier alinéa de cette lettre, bien qu’ il invite spécifiquement la requérante à présenter ses créances pour les travaux effectués jusqu’ à la veille de la résiliation, ne fait aucune référence à d’ éventuelles demandes résultant de celle-ci. S’ il est vrai qu’ il est fait référence à l’ article 93, paragraphe 1, du cahier général des charges dans le deuxième alinéa de cette lettre, c’ était parce que cet article constitue la base juridique permettant la résiliation des marchés financés par le FED. Le seul fait qu’ il a été mentionné dans ce contexte ne peut être considéré comme constituant un engagement de la Commission de payer une indemnité.

113 Il en découle qu’ il n’ y a pas eu atteinte à la confiance légitime de la requérante ni au principe de sécurité juridique.

114 La dernière question à trancher est celle de savoir si, comme le soutient la requérante, le refus de l’ indemniser procède d’ une organisation défectueuse des services de la Commission et constitue, par conséquent, une violation du principe de bonne administration.

115 Cet argument doit, une fois encore, être rejeté dès lors que la requérante n’ a ni établi que la Commission avait une obligation de payer ni identifié, dans ses mémoires, un dysfonctionnement particulier des services de la défenderesse.

116 Il en découle que la Commission n’ a pas commis de faute en refusant de satisfaire la demande présentée dans la section 3 du relevé de compte global, relative à la réparation du préjudice prétendument subi par la requérante par suite de la résiliation du marché.

117 Dès lors que la requérante n’ a pas établi que la Commission a commis une faute de quelque nature que ce soit en refusant de satisfaire sa demande, le second chef du recours doit également être rejeté.

118 En tout état de cause, il convient de souligner, en ce qui concerne le préjudice prétendument subi par la requérante, que c’ est à celle-ci qu’ il incombait de démontrer, non seulement que la Commission avait commis une faute, mais également que le prétendu préjudice avait été causé par cette faute et non par la guerre civile, le vol ou une autre cause étrangère. Or, la requérante n’ a nullement apporté cette démonstration, que ce soit par voie d’ argumentation ou par la production d’ éléments de preuve.

119 Dès lors qu’ aucun des deux chefs du recours ne peut être accueilli, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

120 Aux termes de l’ article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’ il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La partie requérante est condamnée aux dépens.

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CJCE, n° T-451/93, Arrêt du Tribunal, San Marco Impex Italiana SpA contre Commission des Communautés européennes, 16 novembre 1994