CJCE, n° C-224/00, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République italienne, 6 décembre 2001

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 6 déc. 2001, Commission / Italie, C-224/00
Numéro(s) : C-224/00
Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 6 décembre 2001. # Commission des Communautés européennes contre République italienne. # Manquement d'Etat - Article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE) - Traitement différencié des contrevenants au code de la route en fonction du lieu d'immatriculation du véhicule - Proportionnalité. # Affaire C-224/00.
Date de dépôt : 31 mai 2000
Solution : Recours en constatation de manquement : obtention
Identifiant CELEX : 62000CC0224
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2001:671
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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62000C0224

Conclusions de l’avocat général Stix-Hackl présentées le 6 décembre 2001. – Commission des Communautés européennes contre République italienne. – Manquement d’Etat – Article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE) – Traitement différencié des contrevenants au code de la route en fonction du lieu d’immatriculation du véhicule – Proportionnalité. – Affaire C-224/00.


Recueil de jurisprudence 2002 page I-02965


Conclusions de l’avocat général


I – Objet de la procédure

1. Le présent recours, formé par la Commission contre la République italienne, a trait à la compatibilité avec le droit communautaire de certaines dispositions du code de la route, en tant qu’elles prévoient une différence de traitement des contrevenants en fonction du lieu d’immatriculation des véhicules. L’objet du litige porte sur le caractère proportionné de ces dispositions et, dès lors, de leur compatibilité avec l’article 12 CE.

II – Cadre juridique: droit national

2. Les dispositions du code de la route en cause dans la présente affaire ont été insérées dans le Codice della strada (code de la route) par le decreto legislativo n° 285, du 30 avril 1992 (ci-après le code).

3. L’article 202 dudit code, qui prévoit, en cas d’infraction contre le code de la route, la possibilité de payer une amende de montant réduit, est libellé comme suit:

«1. En ce qui concerne les infractions pour lesquelles le présent code prévoit une sanction administrative pécuniaire, sous réserve de l’application des éventuelles sanctions accessoires, le contrevenant est autorisé à payer, au plus tard 60 jours à compter de la constatation ou de la notification, une somme égale au minimum fixé par les dispositions particulières.

2. Le contrevenant peut acquitter le montant dû auprès du commandement ou service dont relève l’agent verbalisateur, par versement sur un compte courant postal ou, si l’administration le prévoit, sur un compte bancaire. Il y a lieu, le cas échéant, d’indiquer sur le procès-verbal constatant l’infraction ou remis à l’intéressé les modalités de paiement, lesquelles feront référence aux dispositions concernant les versements sur un compte courant postal ou, éventuellement, concernant les versements sur un compte bancaire.

3. Le paiement d’un montant réduit n’est pas autorisé lorsque le contrevenant n’a pas obtempéré à l’ordre de s’arrêter ou s’il s’agit du conducteur d’un véhicule ayant refusé de présenter la carte grise du véhicule, son permis de conduire ou tout autre document dont il doit être en possession en vertu de cette réglementation; dans ce cas, le procès-verbal de contravention doit être transmis au préfet dans les 10 jours suivant la constatation de l’identité de la personne.»

4. L’article 203 régit le recours devant le préfet:

«1. Le contrevenant ou les autres personnes énoncées à l’article 196 peuvent, dans les 60 jours suivant la date à laquelle la contravention a été dressée ou notifiée, si le paiement réduit n’a pas été effectué dans les cas où il est admis, introduire un recours devant le préfet du lieu où l’infraction a été commise, en se présentant personnellement au service ou au commandement dont relève l’agent verbalisateur, ou l’adresser audit service ou commandement par lettre recommandée avec accusé de réception. L’intéressé peut joindre à son recours les documents qu’il considère appropriés et il peut demander à être personnellement entendu.

2. Le responsable du service ou du commandement au sens du paragraphe 1 est tenu de transmettre le dossier au préfet dans les 30 jours suivant le dépôt, verbal ou écrit, du recours, ensemble avec la preuve de la constatation ou de la notification et toutes autres pièces utiles à la décision, même lorsqu’elles émanent du requérant.

3. Si, dans les délais prescrits, aucun recours n’a été formé et si le paiement réduit n’a pas été effectué, le procès-verbal constitue, par dérogation à l’article 17 de la loi n° 689 du 24 novembre 1981, un titre exécutoire pour une somme égale à la moitié du maximum de la sanction administrative prévue et pour les frais de procédure.»

5. L’article 204 régit les mesures à prendre par le préfet:

«1. Si, après avoir examiné le procès-verbal et les pièces produites par le service ou le commandement verbalisateur, le recours et les documents joints au dossier et après avoir entendu, à leur demande, les intéressés, le préfet considère la constatation comme fondée, il émet, dans les 180 jours, une ordonnance motivée portant injonction de payer une somme déterminée, sur la base des critères définis par l’article 195, paragraphe 2, d’un montant qui ne peut être inférieur, pour chacune des infractions, au double du minimum prévu par la loi. L’ordonnance prononçant l’amende comprend également les frais et est notifiée à l’auteur de l’infraction et aux autres personnes tenues, en application du présent titre, au paiement de l’amende. Toutefois, au cas où il estimerait que les constatations ne sont pas pertinentes, le préfet émet, dans le même délai, une ordonnance motivée mettant fin à la procédure et il transmet, dans son intégralité, l’ordonnance au service ou au commandement dont relève l’agent verbalisateur, qui en informe le requérant.

2. L’ordonnance en matière de contravention doit être notifiée dans les formes prévues à l’article 201. Le versement du montant fixé ainsi que des frais y afférents doit être effectué dans un délai de 30 jours à compter de la notification, auprès des services de l’enregistrement ou tout autre service indiqué dans l’ordonnance. Les services de l’enregistrement ayant perçu le versement informent le préfet et le service ou, le cas échéant, le commandement verbalisateur dans les 30 jours du paiement.

3. L’ordonnance en matière de contravention constitue, à l’expiration du délai fixé pour le paiement de l’amende, un titre exécutoire à hauteur du montant fixé et des frais de procédure.»

6. L’article 205 prévoit, en ce qui concerne l’opposition devant l’autorité judiciaire, ce qui suit:

«1. Contre l’ordonnance portant injonction de payer, les intéressés peuvent dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l’ordonnance ou, si l’intéressé réside à l’étranger, dans les 60 jours à compter de la notification, former opposition [devant la juridiction ordinaire].

2. L’acte d’opposition est introduit auprès du Giudice di pace du lieu où a été commise l’infraction, dans les formes prévues à l’article 7, paragraphe 3, du Codice di procedura civile, dans la version figurant à l’article 17 de la loi n° 374 du 21 novembre 1991, sans préjudice de la compétence du Pretore en cas de sanction administrative accessoire infligée à l’intéressé.

3. La procédure d’opposition au sens du paragraphe 2 est régie par les articles 22 et 23 de la loi n° 689 du 24 novembre 1981.»

7. L’article 207 contient les dispositions particulières applicables aux véhicules immatriculés à l’étranger ou munis d’une plaque d’immatriculation EE:

«1. Lorsqu’une infraction à une disposition du présent code, passible d’une sanction administrative pécuniaire, est commise avec un véhicule immatriculé à l’étranger ou muni d’une plaque d’immatriculation EE, le contrevenant peut effectuer immédiatement, auprès de l’agent verbalisateur, le paiement réduit prévu à l’article 202. L’agent transmet à son commandement ou service le procès-verbal et la somme perçue et il donne une quittance de celle-ci au contrevenant, en mentionnant le paiement sur le double du procès-verbal qu’il remet audit contrevenant.

2. Si, pour une raison quelconque, le contrevenant n’use pas de la faculté d’effectuer un paiement réduit, il est tenu de verser à l’agent verbalisateur, à titre de caution, une somme égale à la moitié du maximum de la sanction pécuniaire prévue pour l’infraction commise. Au lieu du versement de ladite caution, le contrevenant peut fournir un document fidéjussoire approprié garantissant le paiement des sommes dues. Le versement de la caution ou la remise du document fidéjussoire est mentionné dans le procès-verbal constatant l’infraction. L’une et l’autre sont déposés au commandement ou au service dont dépend l’agent verbalisateur.

3. En l’absence de versement de la caution ou de présentation de la garantie visées au paragraphe 2, l’agent verbalisateur procède, à titre conservatoire, à la rétention immédiate du permis de conduire de l’intéressé. En l’absence de permis de conduire, le véhicule est retenu tant que l’une des obligations visées au paragraphe 2 n’est pas satisfaite et, en toute hypothèse, pour une durée n’excédant pas soixante jours.

4. Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux véhicules qui sont la propriété de ressortissants italiens habitant la commune de Campione d’Italia.»

8. Le système italien est caractérisé par le fait que le montant maximal d’une amende est fixé à chaque fois au quadruple du montant minimal. La moitié du montant maximal correspond donc toujours au double du montant minimal.

III – Procédure précontentieuse et procédure devant la Cour

9. Ayant estimé que certaines dispositions du code étaient contraires à l’article 12 CE, la Commission a entamé une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE.

10. Conformément à la procédure définie à l’article 226, paragraphe 1, CE, la Commission a d’abord mis la République italienne en mesure de présenter ses observations, avant de lui adresser, par lettre du 2 octobre 1998, un avis motivé à ce sujet, en la mettant en demeure, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis motivé, de prendre les mesures nécessaires pour satisfaire aux obligations que lui impose l’article 12 CE.

11. Ayant maintenu, à la lumière de plusieurs lettres en réponse à la République italienne, sa position selon laquelle la République italienne a manqué à ses obligations, la Commission a formé un recours devant la Cour de justice contre la République italienne, par requête inscrite au registre de la Cour le 31 mai 2000.

12. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour,

— constater qu’en maintenant (article 207 du code de la route italien) une législation qui établit un traitement différencié et non proportionné entre contrevenants sur la base du lieu d’immatriculation des véhicules, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE);

— condamner la République aux dépens.

IV – Résumé de l’argumentation des parties

13. Selon la Commission, l’article 207 du code dispose que, en cas d’infraction à une disposition de ce code avec un véhicule immatriculé à l’étranger, le contrevenant doit payer – directement à l’agent qui a établi ladite infraction et sans possibilité de recours devant le préfet compétent pour le lieu en question – une amende correspondant au minimum fixé pour chaque type d’infraction reproché ou doit verser une caution, ou présenter un document fidéjussoire, représentant une somme équivalente à la moitié du montant maximal de la sanction pécuniaire prévue pour l’infraction commise. En l’absence de versement de ladite caution ou de présentation de la garantie, la disposition prévoit le retrait du permis de conduire. La possibilité d’introduire un recours devant le préfet n’est pas explicitement prévue.

14. L’article 202 dudit code établit, en revanche, que, en ce qui concerne les infractions au code de la route commises avec un véhicule immatriculé en Italie, un délai de 60 jours à compter de la notification est consenti au contrevenant pour le paiement d’une somme égale au minimum fixé pour chaque type d’infraction reproché. Le contrevenant peut verser ladite somme auprès du bureau dont dépend l’agent qui a dressé le procès-verbal de contravention ou au moyen d’un virement sur un compte courant bancaire ou postal. Enfin, il a le droit d’introduire un recours devant le préfet dans les 60 jours qui suivent la date de notification de l’infraction.

15. La législation en question comporte, de l’avis de la Commission, une discrimination sur la base du lieu d’immatriculation du véhicule et aboutit de facto aux mêmes résultats qu’une discrimination fondée sur la nationalité. On pourrait certes déduire de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Pastoors et Trans-Cap , qu’une telle disparité de traitement entre les contrevenants pourrait être justifiée; toutefois, le régime en vigueur serait contraire au principe de proportionnalité, et donc contraire à l’article 12 CE.

16. Au reste, la Commission indique une solution qui, à son avis, servirait l’objectif poursuivi par la République italienne et serait, en même temps, conforme au droit communautaire. On pourrait, dans cette perspective, exiger le paiement immédiat d’une caution à hauteur du montant minimal, à savoir le montant nécessaire au paiement du montant réduit au sens de l’article 202 du code. Ainsi serait garanti le paiement sans que, pour autant, l’intéressé perde le droit au spatium deliberandi (délai de réflexion).

17. Le gouvernement italien admet que la législation italienne opère une discrimination indirecte en fonction de la nationalité. En se référant aux points 22 et 24 de l’arrêt Pastoors et Trans-Cap et à l’absence d’instrument communautaire ou de convention bilatérale entre États assurant l’exécution à l’étranger des sanctions concernées, le gouvernement italien soutient toutefois que cette discrimination est indispensable pour assurer le paiement des sanctions dues par les contrevenants non-résidents.

18. La solution à laquelle la Commission fait allusion ne serait pas satisfaisante parce qu’elle n’éliminerait pas l’aspect le plus grave de la discrimination, à savoir l’obligation du paiement immédiat. En outre, la proposition de la Commission créerait un avantage au profit du contrevenant non-résident souhaitant former un recours devant le juge, dans l’hypothèse où ce recours serait ultérieurement rejeté. En effet, dans un tel cas, le montant de la caution, égal au montant minimal, ne suffirait pas aux fins de la couverture de la sanction prévue par la législation, pouvant correspondre au double du minimum.

V – Appréciation

19. Dans un premier temps, il convient d’examiner si et sur quel point le code prévoit un traitement différencié et si ce régime est objectivement justifié. Dans un deuxième temps, il conviendra d’examiner si ce régime est «proportionné à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national» .

A – Traitement différencié

20. Il y a lieu d’indiquer d’emblée que le code distingue, en cas d’infraction sanctionnée d’une amende, deux régimes de sanction: l’un, applicable au contrevenant dont le véhicule est immatriculé dans le pays (ci-après: le premier groupe); l’autre pour le contrevenant dont le véhicule est immatriculé à l’étranger ou muni d’une immatriculation EE (ci-après: le deuxième groupe). Les deux régimes présentent entre eux des différences sous de nombreux aspects.

21. En outre, il convient d’observer que les dispositions en cause du code se distinguent sur plusieurs points de la réglementation en cause dans l’affaire Pastoors et Trans-Cap, évoquée par les deux parties.

22. La première différence réside dans le fait que l’affaire Pastoors et Trans-Cap avait pour objet une réglementation accordant aux deux groupes – à savoir les résidents et les non-résidents – de manière générale les mêmes possibilités: paiement immédiat de l’amende ou déclenchement d’une procédure pénale. Simplement, dans ce dernier cas, une modalité spéciale s’appliquait aux non-résidents, à savoir la constitution d’une caution d’un montant égal à une fois et demie le montant de l’amende.

23. Par rapport à cela, les dispositions du code présentement en cause comportent des divergences sur un nombre de points sensiblement plus élevé. C’est ainsi que le premier groupe a 60 jours pour payer un montant réduit, alors que le deuxième groupe ne peut recourir à cette possibilité que sur le champ, c’est-à-dire sans pouvoir disposer d’un temps de réflexion.

24. En outre, ainsi qu’il résulte d’un examen comparatif des dispositions pertinentes du code, le deuxième groupe n’a, à la différence du premier groupe, la possibilité de former un recours que moyennant le paiement d’une caution ou de la présentation d’un document fidéjussoire.

25. Enfin, au cas où il s’abstiendrait de payer immédiatement le montant réduit, de fournir une caution ou de présenter un document fidéjussoire, le deuxième groupe s’expose à une sanction qui ne peut pas être infligée au premier groupe: retrait du permis de conduire ou, subsidiairement, immobilisation du véhicule.

26. La deuxième différence par rapport à l’affaire Pastoors et Trans-Cap réside dans le fait que l’article 207 du code établit une distinction non en fonction du domicile ou d’une résidence fixe, mais en fonction du lieu d’immatriculation du véhicule.

27. Il y a lieu par conséquent d’examiner si, de la même manière qu’une réglementation fondée sur la résidence, une réglementation prenant comme critère le lieu d’immatriculation du véhicule constitue une forme dissimulée de discrimination en fonction de la nationalité.

28. Si l’on prend comme point de départ les considérations qui sous-tendent la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne les formes dissimulées de la discrimination, on admet qu’il y a une discrimination interdite (occulte) lorsqu’une réglementation nationale a pour effet de ne pas frapper – ou de n’affecter que très rarement – les ressortissants de l’État membre concerné.

29. L’article 207 du code est une réglementation de ce genre, puisqu’elle n’affecte en règle générale que les ressortissants d’autres États membres. Cela tient au fait qu’une minorité seulement de véhicules immatriculés à l’étranger sont conduits par des ressortissants italiens, ou qu’une minorité seulement de véhicules immatriculés en Italie sont conduits par des ressortissants d’autres nationalités.

30. Envisagé du point de vue de l’effet des règles, le code prévoit ainsi une réglementation qui opère une différence en fonction de la nationalité.

31. Selon la jurisprudence de la Cour, tout traitement différencié n’est cependant pas nécessairement contraire à l’article 12 CE. Des règles différenciées sont en effet admissibles si elles sont justifiées par des circonstances objectives .

32. Pour éventuellement justifier de manière objective les dispositions de l’article 207 du code, le gouvernement italien a, à juste titre, mis en avant les difficultés qui pourraient surgir en cas d’infractions au code commises avec des véhicules qui ne sont pas immatriculés sur le territoire national.

33. S’agissant de porter une appréciation sur des règles concernant la possibilité de poursuivre des infractions, et la possibilité de faire procéder à l’exécution des actes pris au nom de l’État, tels les jugements et actes administratifs, un point essentiel est de se demander si des accords internationaux ou des actes juridiques communautaires (ou de l’Union) garantissent la possibilité d’une exécution.

34. En cas d’existence de tels accords ou actes juridiques, on peut en effet déduire de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Mund & Fester que, en pareil cas, des dispositions spécifiques applicables aux ressortissants étrangers ou, comme en l’espèce, à des infractions commises avec des véhicules immatriculés à l’étranger ne sont pas nécessaires pour garantir la possibilité d’une exécution .

35. Du fait de l’absence de tels accords, il existe – comme l’a exposé la Cour dans l’affaire Pastoors et Trans-Cap – effectivement un «risque réel que l’exécution d’une condamnation prononcée à l’encontre d’un non-résident demeure impossible ou soit, au moins, considérablement plus difficile et plus onéreuse» . Un tel risque est particulièrement élevé, précisément en matière de circulation routière.

36. La poursuite des infractions commises avec des véhicules immatriculés à l’étranger implique des procédures sensiblement plus complexes qui engendrent une plus grande dépense en temps et en personnel, et donc des coûts plus élevés. Or, des difficultés en matière de for et des coûts supplémentaires sont des motifs que la Cour a implicitement admis comme justifiant un régime prévoyant un traitement objectivement différent.

37. En l’espèce, il s’agit d’une réglementation nationale prévoyant le versement d’un montant à titre de caution. Il s’agit par là même d’empêcher que des contrevenants se servant d’un véhicule immatriculé à l’étranger puissent «se soustraire à une sanction effective en déclarant simplement qu’ils ne souhaitent pas consentir à la perception immédiate de l’amende et qu’ils optent pour la poursuite de la procédure pénale normale» . Autrement dit – transposé dans la situation juridique découlant du code – dès lors qu’ils manifestent leur intention d’introduire un recours.

38. Le besoin d’une réglementation internationale apparaît au reste évident au vu d’une initiative toute récente lancée dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (titre VI UE), à savoir d’une décision-cadre concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires .

39. De l’ensemble des éléments qui précèdent, il résulte qu’une réglementation qui opère une distinction au regard de la poursuite des infractions selon que le véhicule est immatriculé dans le pays ou à l’étranger est en principe justifiée. Cela ne signifie pas encore, pour autant, que l’article 207 du code soit conforme aux exigences de l’article 12 CE.

B – Proportionnalité

40. Pour être compatible avec l’article 12 CE, une réglementation nationale ne doit pas seulement être justifiée objectivement mais doit, en outre, être conforme au principe de proportionnalité. Il y a lieu, dès lors, d’examiner l’article 207 du code sous les différents aspects de ce principe. On examinera sous cet angle, premièrement, l’obligation de payer une caution ainsi que son montant et, deuxièmement, les mesures pouvant être prises en cas de non-paiement de la caution ou de la présentation d’un document fidéjussoire.

41. Il y a lieu de procéder à cet examen non sur la base de cas concrets, mais de manière générale. Il y a en effet violation du principe de proportionnalité dès lors qu’il y a violation dans une série d’hypothèses types.

1. Caractère approprié

42. Pour ce qui est du caractère approprié des dispositions de l’article 207 du code, on doit constater qu’elles ont été adoptées dans le but – reconnu également par la jurisprudence – d’assurer la possibilité de poursuivre l’infraction .

43. Comme le soutient à juste titre le gouvernement italien, les mesures prévues sont en principe de nature à permettre la poursuite de cet objectif. Il en est ainsi tout particulièrement du versement de la caution, destinée à garantir le paiement effectif du droit correspondant .

2. Nécessité

44. Dans le cadre de la nécessité, il y a lieu d’examiner si les mesures édictées à l’article 207 du code constituent, notamment pour les justiciables, une moindre atteinte ou s’il existe, à l’inverse, d’autres mesures tout aussi efficaces et moins contraignantes.

45. Une comparaison avec les régimes correspondants des autres États membres montre non seulement qu’il existe en théorie des mesures moins contraignantes, mais également que de telles mesures sont même en vigueur dans certains États membres. C’est ainsi que quelques États membres renoncent même à opérer une différenciation entre infractions commises par des personnes domiciliées dans le pays ou avec des véhicules immatriculés dans le pays et infractions commises par des personnes domiciliées à l’étranger ou avec des véhicules immatriculés à l’étranger .

46. Mais même ceux des États membres qui connaissent une telle distinction prévoient des mesures bien moins restrictives que les mesures italiennes . Cela concerne en premier lieu le montant de la caution et les mesures susceptibles d’être prises. C’est ainsi par exemple que le montant de la caution est limité au montant de l’amende et, en partie, aux frais de procédure. Le montant réduit au sens de l’article 202 du code correspond, dans le système du code, à ce premier aspect.

47. En dépit de la mise en place de telles mesures – tout aussi efficaces et moins contraignantes -, le seul fait que de telles mesures existent dans d’autres États membres ne constitue pas à lui seul un argument – à en juger du moins par une certaine ligne jurisprudentielle – pour établir le caractère disproportionné d’une réglementation nationale.

48. On peut déduire de ce qui précède que les États membres ne sont pas tenus de choisir d’emblée le régime le moins protecteur.

49. Pour vérifier la conformité du régime institué par l’article 207 du code, il est donc nécessaire de procéder à un examen à la lumière du principe de proportionnalité au sens strict du terme.

3. Caractère d’adéquation, proportionnalité au sens strict du terme

50. Enfin, il convient encore d’examiner si les contraintes liées au régime défini par l’article 207 du code sont appropriées aux fins de la poursuite du but recherché par cette disposition.

51. Dans ce contexte, il convient tout d’abord d’examiner l’effet du régime institué par le code pour des contrevenants dont le véhicule est immatriculé à l’étranger.

52. De la même manière que les dispositions de droit national qui sous-tendaient l’affaire Pastoors et Trans-Cap, l’article 207 du code a un effet dissuasif, sous l’angle de la protection juridique, pour les contrevenants utilisant des véhicules immatriculés à l’étranger.

53. L’effet dissuasif résulte, d’une part, du montant de la caution. Celle-ci s’élève au double du montant réduit devant être versé en cas de paiement immédiat. S’y ajoutent les modalités de la perte de la caution. Celle-ci est acquise également lorsqu’aucun recours en justice n’est introduit. Le contrevenant ne récupère la caution que s’il obtient gain de cause.

54. D’autre part, les mesures prévues à titre subsidiaire, telles que le retrait du permis et la mise en fourrière du véhicule, exercent une certaine pression sur les contrevenants.

55. Le fait qu’en droit italien, à la différence des dispositions de droit national qui sous-tendaient l’immobilisation du véhicule dans l’affaire Pastoors et Trans-Cap , le défaut de paiement immédiat n’entraîne pas sur le champ l’immobilisation du véhicule – laquelle n’intervient que si le conducteur ne peut présenter un permis de conduire – est sans importance à cet égard. En effet, la réglementation en cause dans l’affaire Pastoors et Trans-Cap a carrément été qualifiée de «manifestement disproportionnée» par la Cour . Toutefois, même les réglementations qui ne sont pas manifestement disproportionnées sont également contraires à l’article 12 CE.

56. Du fait qu’il exerce une pression disproportionnée sur le contrevenant utilisant un véhicule immatriculé à l’étranger, dans le sens d’une renonciation aux voies de recours juridictionnelles et d’un paiement immédiat du montant réduit, le régime restreint l’accès de cette catégorie d’usagers à la protection juridictionnelle .

57. Or, le droit à une protection juridictionnelle effective constitue cependant un principe général de droit communautaire, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a trouvé sa consécration dans les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales .

58. Au reste, il convient encore d’appeler l’attention sur le droit ancré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – laquelle ne lie pas en droit – au regard d’une bonne administration, notamment le droit d’être entendu.

59. Le système institué par l’article 207 du code, notamment la circonstance que les contrevenants utilisant des véhicules immatriculés à l’étranger ne peuvent pas choisir de manière véritablement libre entre la possibilité de payer le montant réduit et l’introduction d’un recours devant le juge , constitue donc un obstacle aux droits de la défense des contrevenants se servant de véhicules immatriculés à l’étranger et finit donc par limiter les possibilités d’accès à la justice des citoyens non-résidents . Le caractère disproportionné de la réglementation est donc également avéré, même si l’on ne retient pas une thèse encore plus radicale, suivant laquelle la constitution même d’une caution, en tant que liquidation anticipée de la sanction pécuniaire maximale , est en tout état de cause illicite.

60. Pour être complet, nous nous proposons d’examiner la jurisprudence de la Cour ayant posé le principe suivant lequel le point déterminant serait de savoir si les mesures alternatives proposées par la Commission paraissent suffisamment efficaces pour atteindre l’objectif poursuivi . Même si l’on applique le principe développé dans cette jurisprudence, le système des sanctions créées par l’article 207 du code s’avère néanmoins contraire au principe de proportionnalité, c’est-à-dire que les sanctions sont sans commune mesure avec la gravité des faits . Étant donné que les sanctions édictées à l’article 207 du code ont trait à des peines infligées pour des contraventions en matière de circulation routière, on doit tenir ce régime pour trop rigoureux.

61. Le fait que la plupart des États membres qui connaissent une obligation de caution exigent des contrevenants des cautions sensiblement moins élevées fait clairement apparaître le caractère disproportionné de la réglementation instituée à l’article 207 du code .

62. Rien n’indique donc que les buts poursuivis par la République italienne ne pourraient pas être aussi bien protégés si la réglementation était moins contraignante.

63. Il résulte de ces considérations que la réglementation instituée à l’article 207 du code ne peut pas être considérée comme adaptée. Elle est donc contraire à l’interdiction de discrimination proclamée à l’article 12 CE.

VI – Conclusion

64. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de:

1. déclarer que, en maintenant une réglementation (article 207 du Codice della strada) qui établit un traitement différencié et non proportionné entre contrevenants sur la base du lieu d’immatriculation des véhicules, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12 CE;

2. condamner la République italienne aux dépens.

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